à l’oreille





Davis Acoustics Courbet 8 - La grâce de l’apesanteur

par LeBeauSon - juillet 2021


PERCEPTION D’ENSEMBLE

Une fois de plus, Davis Acoustics confirme sa capacité à donner une orientation précise à ses enceintes et la ligne qui mène de la Courbet 3 à la Courbet 8 est parfaitement ordonnée : même vivacité, même joie de vivre, augmentées d’une bande passante nettement plus étendue, un équilibre tonal plus strict, une capacité énergétique phénoménale qui repousse les murs, une transparence nettement accrue et toujours aussi cohérente, des timbres muris… et je pourrais poursuivre longtemps l’énumération…

Une fois avisé de la personnalité clairement revendiquée de l’enceinte, sa neutralité tonale et sa beauté de timbres, sa transparence de cristal comme la dilatation de ses poumons, la note est forcément maximale.

 DIAMs 6 ORANGEs

 

NB : Code couleur pour ce banc d’essai : Orange (entre 3 200 € et 6 500 €) puisque la Courbet 8 est proposée à 5 700 € la paire.

Courbet 8 1

Il va falloir demander à l’équipe Davis de se calmer, parce que, à ce rythme-là de nouveautés, on ne va pas suivre…

Mais bon, quand la découverte d’un nouveau modèle est si gentiment proposée, on ne peut pas refuser. Enfin si, on aurait pu, mais le problème est simple : on a aimé d’emblée. La question se pose d’autant moins que le modèle en question, Courbet 8, vient coiffer une collection bien étoffée dont nous avons pu apprécier (même si on n’a pas écrit sur toutes, non mais ho, hé), les modèle 3, 4 et 5.

J’espère que vous ne nous en voudrez pas de ne pas recommencer l’historique, il suffit de lire les articles précédents, à commencer par :

https://lebeauson.fr/a-l-oreille/162-davis-courbet-4

Sur le papier, le modèle Courbet 8 ressemble à une Courbet 7 qui aurait forci par l’emploi d’un haut-parleur dédié aux basses fréquences d’un plus grand diamètre.

Mais en pratique, ça ne signifie rien, car souvent, en hifi comme dans la vie, grossir, c’est pas forcément bon pour la santé. Ce n’est pas toujours du muscle. Ni de l’intellect. Voyez ?

Nous pouvions légitimement être méfiants, n’est-ce pas ?

Reprenant la ligne générale Courbet (quand même, Davis est le champion des surprises, mais pas à ce point !), le dessin général, s’il reste élégant, perd un peu de sa légèreté, pour des raisons incontournables :

- la Courbet 8 rentre dans la catégorie « grand gabarit »

- la proportion entre les dimensions du socle et celles de l’enceinte devient donc plus difficile à équilibrer…

- … le cache un peu envahissant banalise le dessin. Pour une fois, je ne suis pas loin de préférer la présentation sans cache puisque, par bonheur, la version qui m’a été proposée est équipée de haut-parleurs tous noirs. Aheum… Aucune connotation dans mon propos : je veux dire par là que la coloration jaune du Kevlar dans un océan de bleu nuit « nuirait » (jeu de mots parfaitement discret) à la discrétion.

En effet, le modèle testé arbore une profonde couleur dite « bleu sidéral », que l’on peut facilement confondre avec du noir laqué, mais non : un pas de côté qui confère une touche de noblesse particulièrement réussie.

Sinon, Courbet 8 est aussi disponible en laque noire, gris industriel ou blanc satinés et noyer.

Elle est livrée avec des pointes à la pointe, rangées dans un bel écrin tel que le supposent les nécessités du milieu/haut-de-gamme.

1250 x 23.5 x 31 et 28 kgs font vite comprendre qu’on ne placera pas les nouvelles championnes de Davis Acoustics sur une étagère.

Cela-dit, ne renoncez pas d’emblée à les installer dans une petite pièce : leur comportement général, homogène et délicat, autorise sans peine à les utiliser sans pousser le niveau et sans non plus que le grave n’envahisse la plaine comme un fleuve en crue.

Passons à la description sans intérêt mais obligatoire de la technique :

Courbet 8 est une enceinte acoustique dite trois voies, nantie de transducteurs qui sont des variations autour des thèmes chers à la marque depuis sa création et peaufinés par l’héritier (oui, bon, depuis 2012 quand même), Olivier Visan :

- 1 x 21 cm fibre de Carbone

- 1 x 13 cm fibre de Kevlar,

Tous deux développés pour le besoin de l’étude, incluant des moteurs puissants et des mises au point « savantes » (un mot qui m’évite de rentrer dans des détails ou chacun édicte une vérité contre une autre) entre la puissance magnétique, le champ centré par les plaques de champ, la longueur de bobines et la possibilité de débattement des spiders. Bon, ce n’est pas une information majeure, qui signifie modestement que, côté conception de ô-parleurs, Davis n’a pas de leçon à recevoir.

Et :

- 1 x tweeter à dôme à double chambre commun à la gamme Courbet.

 

Ensuite ?

Une charge Bass-Reflex visiblement réglée sans chercher la frime ou la démesure d’un grave démonstratif. Bref : une mise au point au cordeau.

Une structure mécaniquement renforcée par un ceinturage sur les parois visant (euh ?) à la rigidifier.

Un filtre câblé en l’air (comment, qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire câbles et soudures viriles entre composants au lieu de pistes maigrelettes sur un vulgaire circuit imprimé).

Amis novices : vous êtes contents ? Apprenez que les « je sais tout qui n’achètent jamais rien mais vomissent le fiel sur les réseaux sociaux » se délectent de telles informations aussi utiles qu’un tuto sur "You Tube" pour comprendre le fonctionnement d’un annuaire.

Mais bon, je suis aux ordres du plus petit dénominateur commun et par conséquent je continue de continuer :

- le rendement annoncé de l’enceinte est : 92.5 dB, ce qui est relativement élevé et en théorie induit la possibilité d’utiliser des amplificateurs pas très puissants.

Théorie vérifiée en ce qui concerne notre nouvelle amie Courbet 8

- puissance nominale ? Aucun intérêt !

Ça suffit maintenant.

Courbet 8 2

Conditions de test ?

De bonnes conditions.

Mmmmhhh. J’admets que là, pour le compte, c’est court.

Sources : Lector CDP-603, Lumin U-1, Atoll DAC300, Emm Labs Dac2X V2 (quelle poésie. Dans le nom), Eera Andante II, Accuphase E380, AVM 3.2, Tsakiridis Aeolos Ultra et Ultima, Mastersound Box, Audia-Flight FLS 9, a-câble ment Absolue Créations, Neodio, Nodal, Legato, Van den Hul, Esprit (es-tu là), Nordost (ça alors, quelles… m…) Mudra.

Allez zou, c’est partou.

Courbet 8 4

RICHESSE DES TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL :

Début calme avec le planant Arctic Dreams de John Lutter Adams par l’ensemble Synergie Vocals : deux voix de soprano, un alto et une basse dont les tonalités patiemment infusées se déversent en nappes longilignes, à peine modulées, mêlées aux cordes mystérieuses d’un quatuor composé de deux violons (dont un en totale liberté), un violoncelle et une contrebasse, telles les strates oblongues d’un très lent couché de soleil. Un disque de sons de la nuit ou d’aurores boréales, hypnotisant.

La séparation des timbres dans un tel enchevêtrement voisé est extrêmement complexe du fait de la structure harmonique même de l’œuvre et aussi de la façon de, parfois, hisser violons et sopranos vers le divin, à la limite des ambitus.

 

Courbet 8 (sur l’Aeolos Ultima à cet instant) franchit sereinement l’épreuve, où couleurs et textures distillent des variantes de pigments très délicates. Lors des passages plus destinés aux cordes (« The Circle of Winds »), on se réjouit des « teintes » des boisés, quand bien même eût-on souhaité plus de grain, de crin.

Une parenthèse contemplative dans laquelle (et ce sera vrai pour tous les disques lors du test) on apprécie grandement les amples ondulations et modelés des courbes lyriques tout en souplesse…

Toujours curieux de petites facéties musicales, j’ai découvert une nouvelle version du Carnaval des Animaux par l’Orchestre National de Lille dirigé par Lucie Leguay. Très jolie jaquette soit dit en passant. Ce petit joyau conforte la facilité de la Courbet 8 à colorier paysages bariolés et animaux animés.

Les matières sont moins perceptibles par le grain – un rien lissé -, ou le pétrissage des textures que par la patine des teintes ; qui subissent d’ailleurs un petit effet de gangue, sensation que les instruments sont gainés de paraffine, désagrément qui recule très nettement, voire disparait en retirant le cache de protection, tout en gardant une manière d’uniformité.

On note, à niveau soutenu - obtenu sans la moindre fatigue ou distorsion, ni la moindre perte d’intelligibilité -, une petite zone « blanche » dans le haut-medium, qui pourrait expliquer le sentiment de « matières schématisées » … D’un autre côté, le déferlement sonore, singulièrement propre, lumineux, chantant, varié est tout simplement si beau, sans nuire en rien à l’élan musical, qu’on s’en moque rapidement…

Par ailleurs, l’équilibre tonal, sur ce genre de musique, est irréprochable ; la contrebasse sur l’éléphant est parfaitement proportionnée, avec une perception du gabarit et de la vibration de la caisse des plus justes !

On détecte à la rigueur, sur un ampli qui ne tient pas parfaitement l’enceinte, une petite tonique de boîte ; ou de charge sur un ampli à poigne plus ferme !

On pourrait aussi envisager un soupçon d’autorité mieux râblée, d’une manière générale, mais je préfère nettement cette sublimation en apesanteur à un excès d’embonpoint. D’autant que le « corps » des instruments est harmonieusement accordé.

Clairement, la voie choisie est celle de la grâce, l’équilibre et la distinction, ce qui, on le verra plus tard, ne signifie pas que les enceintes ne soient pas capables d’envoyer du lourd quand c’est nécessaire.

Un tout petit bémol toutefois peut apparaître sur des œuvres où le grave est d’emblée profond, par exemple sur « Der 1.Weltkrieg » extrait de Lament (Einstürzende Neubauten. Ouais, on a nos petites obsessions), œuvre de commande dans le cadre des commémorations de la guerre 14/18.

Idée assez géniale du groupe agitateur pour évoquer l’abomination sur ce morceau sinistre : un de leurs instruments à percussion maison, telle une insatiable horloge, décompte rigoureusement le nombre de jours de l’ignoble conflit mondial, sur l’inéluctabilité de laquelle des voix inventorient tour à tour, chronologiquement, froidement, les années, les batailles, les nations entrant dans le chaos, d’autres percussions assènent l’intensité et le désordre des combats ; douloureuse épreuve que ce long compactage d’années d’abomination (13’14) qui réussit à renvoyer vers l’horreur des tranchées, des bombes et des gaz, en soignant cependant un swing dérangeant.

Au bout de deux minutes intervient le glas régulier d’une note d’infra-grave venant ponctuer la froide énumération en suivant une accélération inéluctable de la cadence ; cette note pleine et touffue peut paraître plus ou moins timbrée ou caoutchouteuse selon les amplis, un syndrome que l’on retrouvera aussi sur quelques musiques électro vraiment plombées, ou des réverbérations basses comme sur la guitare électrique de Julian Lage (« Etude », extrait de Squint) ; flagornerie assez récurrente sur les bass-reflex, elle est très anecdotique sur la Courbet 8, mais l’honnêteté intellectuelle m’oblige à le signaler.

Comme pour toute enceinte de haut-de-gamme - car, quitte à prendre de l’avance, la Courbet 8 en donne beaucoup pour son prix ! -, il faudra veiller à la mettre impeccablement en œuvre.

Équilibre tonal : 

DIAMs 6 ORANGEs

 

 

Richesse des timbres :

DIAMs 6 ORANGEs


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SCÈNE SONORE :

Natalie Prass, album de Natalie Prass (bel effort côté choix du titre), produit par le poilu cintré Matthew E White en 2015, est une curieuse « création » où la voix au phrasé émouvant de la chanteuse compositrice est paradoxalement transcendée par un arrangement riche et ardu de cordes et cuivres… et banalisée par une rythmique de variété. Il manque donc, hélas un petit quelque chose pour que le disque décolle vraiment…

La scène proposée par Courbet 8 surprend au début ; agréable sans aucun doute ; tandis qu’un peu haute et pas réellement profonde, elle se place parfois en avant du plan des enceintes avec diverses électroniques, remplissant vraiment l’espace de la pièce, ce qui impose une présence atypique puisqu’elle n’est pas obtenue par la sculpture des matériaux mais plutôt par un placement de l’auditeur plus proche d’un grand écran au cinéma. Parallèlement, le spectateur identifiera facilement l’emplacement des nombreux interprètes sur ce panorama artificiel : stabilité et focalisation sont indiscutables.

Constat identique dans l’œuvre de Dutilleux (Henry ? Henri !) totalement non identifiable : Le Loup, par le Sinfonia of London sous la direction du décidément touche-à-tout John Wilson (Chandos). Délicieux bonbon orchestral, acidulé et pétillant, où on croise le Stravinsky de Petrouchka ou de l’Histoire du Soldat, des pincées de Proko et des zestes de Roussel dans un ballet dont il semble que le compositeur ait fait interdire l’exécution en concert. Indubitablement, ce n’est pas le Dutilleux mystique et extatique qui a marqué l’histoire de la Musique ; cependant, l’œuvre, en tout cas présentée par Wilson et la Davis Courbet 8, n’est vraiment pas honteuse.

La capacité de l’enceinte à coller à l’entrain, la nervosité, l’alacrité des passages de dessins animés comme à la suavité pateline des anses de mystères, fait facilement oublier l’éventuel manque de rapidité, de relief interne et de densité, d’autant que, là encore, le positionnement des pupitres et mieux encore : de chaque musicien, est impeccable.

Un feu d’artifice par un orchestre que Courbet 8 ne dispose pas dans une salle de spectacle dont on percevrait formellement l’acoustique, mais chez vous et devant vous.

Et pourquoi pas ?

Scène sonore :

DIAMs 6 ORANGEs

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RÉALISME DES DÉTAILS :

Pour vérifier le pouvoir de résolution d’un système, je recommande le sommet d’empilages d’alluvions, d’embranchements de courants contraires, de jets bouillants, jalonnant la balade dans une pelote de laine  d’une araignée bourrée à la bière de bacchanale Trash Metal : l’album Frances the Mute de The Mars Volta en 2004 et plus précisément « Cassandra Gemini », une longue suite qui donne l’impression qu’elle ne finira jamais (est-ce un compliment, à la réflexion ?), pinacle du principe « rock progressif » incluant des développements imprévisibles qui prennent leur temps, succession de montées en puissance incroyablement distendues, d’autant plus ébouriffantes qu’elles partent de haut et que le chanteur crie tout le temps avec une voix un peu fatigante façon Muse, et de brèves relaxations alambiquées ; sauf que, côté arrangement ou pure folie et démesure, Muse est largué au premier virage. Soit après 3 secondes et 6/10ème.

On atteint l’acmé de la dinguerie quand un grand orchestre de cordes et cuivres vient se jeter dans le brasier d’une totale confusion à un groupe déjà composé - outre les classiques guitare, basse, batterie, claviers - de flûte, trombone, violoncelle, trompette, violon, tuba, bref tout quoi… Batteur en constante évolution (et pour tout dire plutôt virtuose), bassiste vraiment lyrique un peu noyé dans la fournaise, le disque est en embrouillamini surréaliste, ultraléché malgré un son plus proche du potage poisseux que de la maniaquerie d’un cordon-bleu ; et même là on est pas au bout des surprises, car après une plage où s’installe un relatif calme - basse / batterie en divagation paresseuse - on repart vers un crescendo longiligne, sorte de canon de progression où toutefois une grande partie des intervenants semble improviser dans l’attente de l’entrée en jeu soudaine, saisissante et barje d’un saxo en chute libre.

Sachez-le : c’est typique d’une audace musicale qui s’apparente, sur la plupart des chaînes hifi du marché, à une disruption de bruit blanc brouillé par les assauts gores d’envahisseurs venus de l’espace. Notez que le groupe s’appelle : The Mars Volta.

Or, rien dans cette mixture hallucinatoire n’affole le moins du monde la Courbet 8 qui, à défaut de réussir à donner du relief interne à ce mixage platouille et bruyant, décrypte patiemment les lignes individuelles et éclaire, énonce, dissèque avec suffisamment de précision, sans extraction, sans froideur désintéressée, sans rien oublier, sans rien négliger dans l’épais brouillon, ni zapper la pression des décibels en pagaille.

Tel pouvoir de résolution est d’autant plus réjouissant qu’on n’est pas saisis par une hyper rapidité sur les attaques, ni par les plus justes enveloppes qu’on lui connaisse, du piano de Vadym Kholodenko ; autre type de colosse qui octroie à la « Grande Sonate Op37 » de Tchaïkovski des raffinements de coloriste et rythmes ingénieux, explorant une œuvre moins jouée que les sonates de tant d’autres grands compositeurs, en ayant le bon ton d’essayer d’en dissimuler la simple démonstration pianistique par des finesses de toucher, des légatos improbables, et un phasé continuel idéalement tenu.

Si les notes de piano ne sont pas totalement percussives (quand c’est indispensable), elles ne roulent pas pour autant (on subit si souvent ce cruel symptôme de la médiocrité en hifi-fi) ; et le jeu perlé, coloré, subtil de l’artiste russe s’écoule avec clarté et minutie, faisant taire le côté toujours un rien factice des textures sous le privilège de la beauté.

On finit par comprendre (difficilement puisque, à aucun moment on ne s’ennuie ou on n’est frustrés) le phénomène caractérisant notre héroïne du jour : tout est là, tout est en place, vivant, riche, présent, mais éthéré… 

Non ! Ce n’est pas ça… Disons plutôt : pas fondamentalement incarné. Les matières ne sont pas ancrées pas dans le sol ; l’édifice est superbe, mais, comme dans un fantasme poétique japonais, il n’a pas de fondation et garde une relative liberté d’envol, à peine haubané au sol. Ce style de restitution est possiblement un rien inauthentique mais si parfaitement maîtrisé, si totalement cohérent, si incroyablement riche qu’on se surprend à en adorer la proposition.

Comme quoi on apprend tous les jours.

Et comme quoi Davis est fidèle à certains préceptes : des choix affirmés, parfaitement maîtrisés, offrant une « autre » plausibilité.

Mon coéquipier, présent lors de la plupart des écoutes, a dit : « une enceinte amie ». Oui, par opposition à une petite amie ; il a raison !

Le parallèle positif est que la vitre que place la haute-fidélité entre la musique réelle et l’auditeur a rarement été aussi propre.

Bon, d’accord, il manque un tout petit quelque chose de l’ordre de la pure expressivité (qui existe chez Davis et s’appelle MV One Master), mais bon sang que c’est net, épuré et délié, vivant, prenant.

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QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE :

Courbet 8 nous adjure sans timidité à vérifier que le gros son impeccablement produit mais toujours parfaitement détouré, en dépit d’un grave peut-être pas tout à fait assez tendu, fracasse l’entendement sur « Bad Memory » (rebaptisé « Good Girl » sur le nouvel EP Inside Voices) de K.Flay, monstrueusement énergique, où l’américaine délurée batifole (dans le sens du morceau) à figurer la sale gosse, couettes tressautantes et jupe courte, nerveuse, bordélique rock & funk super-efficace ! Un moment de joie de vivre très dansant, hyper entraînant où rien ne fait défaut avec notre très tolérante Courbet 8.

Dans un genre radicalement contraire : swing calme évoquant Norma Winstone, Karin Krog dans le girond Where You Hat (avec Steve Khun, David Finck, Bill Drummond) fait merveille. Bien sûr on ne parlera pas d’une musique éminemment novatrice.

Mais, d’une part la dame a 65 ans quand elle enregistre ce disque et d’autre part, elle s’adonne à un exercice pas fréquent et pas toujours réussi - et tant pis si la justesse subit quelques laisser-aller -, à savoir improviser un texte sur la mélodie d’une chanson, à la manière de Billie Holiday ; or, de ce point de vue, le résultat est plus que remarquable. Il faut vraiment savoir que la diva est norvégienne parce que, franchement, les subtilités de ses intonations, de ses accents toniques en anglais ne le laissent pas deviner. Tout aussi aérien, Steve Khun est son partenaire idéal…

Passage tout en douceur et bienveillance sur la Courbet 8, dont la transparence ne transmet peut-être pas un swing parfait, mais qu’importe puisque la majesté de la reine du nord coule dans un grand naturel.

L’amusant et iconoclaste album de Birgit Minichmayr, As an Unperfect Actor, mélodies sur des sonnets de Shakespeare, dont le premier, par exemple, prend la structure d’un tango au sein d’un arrangement des plus cocasses, lien entortillé de saxo, bandonéon, basse, guitare piano et j’en oublie, dénoue un swing sans grande contorsion du groupe comme de la chanteuse, très attachante par un humour snob qui peut évoquer la grande époque d’Ute Lemper ; détachement railleur qui convient parfaitement à la Courbet 8 là où une nouvelle chanson annonçant un futur album de Prince (oui, c’est possible), Welcome to America, est sans doute moins groovante qu’on aurait aimé, à l’aune du potentiel très élevé de la nouvelle création du Troyen.

A l’impossible, nul n’est tenu…

Retour à Lament où, contradictoirement, pendant l’énoncé de la « 1.Weltkrieg », l’usage de diverses percussions rythmant les évènements évoqués un paquet de lignes plus haut balance sur Courbet 8 au gré du swing qui est la seconde, ou même première nature du groupe rebelle allemand.

Enfin pour clore le chapitre, la dynamique, ou plutôt les dynamiques, sont parfaitement respectées, sans effort ni palier, même en grimpant le niveau sur l’éclatant ballet de Dutilleux lui aussi précédemment cité, où les sautes d’humeur, la complexité rythmique, les forts éclats et les murmures composent une architecture active de premier ordre, dénuée certes de la sensibilité qu’on pourrait espérer sur quelques vibratos, prises de souffle, touchers divers, mais si rarement accessibles en hifi qu’on finit, de guerre las, par admettre que c’est du domaine de l’exception !

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EXPRESSIVITÉ OU PLAISIR SUBJECTIF :

 

Courbet 8 est réellement une grande enceinte et à de nombreux titres.

Si ses dimensions ne sont pas inutiles lors des passages épiques, cette enceinte à le bon ton de nous éviter le désagrément de sonner gros, lourd, éléphantesque ou caricatural !

Parallèlement, elle respire, capable de remplir un grand volume sans jamais forcer, elle est de toutes les musiques, toutes les fêtes, toutes les énergies, avec la sensation d’une propreté, d’une absence de distorsion qu’on n’a guère connues que sur des objets coûtant le triple.

Une fois de plus, Davis Acoustics confirme sa capacité à donner une orientation précise à ses enceintes et la ligne qui mène de la Courbet 3 à la Courbet 8 est parfaitement ordonnée : même vivacité, même joie de vivre, augmentées d’une bande passante nettement plus étendue, un équilibre tonal plus strict, une capacité énergétique phénoménale qui repousse les murs, une transparence nettement accrue et toujours aussi cohérente, des timbres muris et je pourrais sans doute poursuivre longtemps l’énumération…

Ne cherchant pas un lien organique aux musiciens, mais plutôt une lisibilité parfaitement nette de leur travail - quasiment un monitoring idéal qui serait débarrassé de la manie froidement analytique de ramener les détails au même plan que l’info principale -, l’expressivité telle qu’on l’obtient sur la MV One Master du même concepteur, cette potion magique qui lie les amoureux au-delà des mots, n’est pas idéalement au rendez-vous ; ce qui en aurait fait l’enceinte parfaite, au-delà même de son niveau de gamme. Pépite qu’on cherche encore. Surtout à ce prix.

Au moment de donner des notes (quand je pense combien j’ai pu détester mes profs au lycée qui s’octroyaient de droit de juger !), j’avoue que la gageure me dépasse et pour deux raisons :

- notre critère concernant la capacité à nourrir la chair, le sang et l’âme, est souvent objet de vide

- quant au plaisir subjectif, c’est hors de propos sur une enceinte aussi perfectionniste et aboutie dans sa philosophie que la Courbet 8, dont la justesse dépasse de loin des bouses honteuses et honteusement plus coûteuses qu’on a préféré éviter de commenter.

Autrement dit, la note portera sur le plaisir totalement objectif qu’une telle enceinte apportera à beaucoup sans devoir négocier avec une pièce supplémentaire dans un appartement.

Expressivité :

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PLAISIR SUBJECTIF / OBJECTIF :

DIAMs 6 ORANGEs

 

 

 

RAPPORT QUALITÉ/PRIX :

Ben je crois que j’ai tout dit ci-dessus.

Une fois avisé de la personnalité clairement revendiquée de l’enceinte, sa neutralité tonale et sa beauté de timbres, sa transparence de cristal comme la dilatation de ses poumons, la note est forcément maximale.

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