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par LeBeauSon - Août 2020


 Chapitre 2 : L’AMPLIFICATION :

En introduction de ce chapitre, je souligne un point que je crois important, en tout cas pour les novices : le haut-de-gamme d’avant (loin avant) reposait beaucoup sur la notion d’éléments séparés préampli + amplificateur(s) de puissance.

Et ça pouvait se comprendre, car ces machines étaient équipés d’une partie pré-phono obligatoire puisque la majorité des chaînes utilisait le vinyle comme première source. A ce sujet, vous pouvez consulter l’article intitulé « Pré-phono, Késkecé ? » dans la même rubrique. Or, on savait moins bien que maintenant isoler les petits signaux, écranter ou blinder les circuits et les câblages qui faisaient plus amplement appel à la « filasse ». La disparition quasi systématique des entrées phono dans une époque intermédiaire (arrivée fracassante du miraculeux CD) et un meilleur contrôle des perturbations des micro-signaux rend moins probante la nécessité de séparer préampli et ampli ; d’autant moins que c’est souvent la section phono qui est proposée séparément en haut-de-gamme. Alors avant de considérer simplement – parce que la doxa le clame - que les éléments séparés sont meilleurs, pensez bien à repositionner vos choix dans la gamme et la philosophie générale du fabricant. C’est loin d’être une vérité technique absolue.

Alors, vieux amplis contre tout neufs ?

Curieusement, de mon point de vue, la question ne se pose pas du tout de la même façon que pour les enceintes.

Il y a très peu de jalons anciens qui méritent qu’on hésite entre un ampli du passé et un p’tit nouveau, sauf, là encore, à s’être attaché à des colorations particulières. Pourquoi ? Parce que si les amplificateurs anciens étaient typés (comme les enceintes), ça ne correspondait pas à une philosophie mais à la résultante d’une orientation de technologie et la vocation d’une plus ou moins grande universalité. Pour affronter des enceintes dont le rendement chutait plus rapidement que la bourse lors du krach de 1929, il fallait des watts. Pas de la qualité. Et la tendance a perduré !

Les amoureux d’une époque sonore regrettent un « grain », une chaleur, une volupté. Peu importent les termes choisis : ces ressentis sont souvent la conséquence d’une simplification du signal, d’un détournement du vrai qu’on a certes le droit d’aimer. Les amplis d’autrefois sont globalement moins transparents, moins équilibrés et moins justes harmoniquement.

On constatera d’ailleurs, dans les soupirs moroses, qu’est mise entre-parenthèses une longue ère et à juste titre : celle des deux premières décennies qui ont suivi l’apparition du CD - ou plus largement du numérique - qui honnêtement a fait du tort à la reproduction musicale.

Pendant longtemps en effet, une immense majorité des lecteurs CD manquaient si cruellement de chair, de lien, et de toute sorte de choses finalement, ou créait une fausse onctuosité par le flou, qu’en sont issues deux regrettables cheminements de la « pensée hifi » : ceux qui sont allés dans le même sens, défendant l’exactitude (?) analytique, ce qui pouvait fonctionner puisque la proportion majoritaire d’enceintes empotées était dopée par cette systématisation des fronts d’onde, et ceux qui ont surcompensé ce que beaucoup appellent la « froideur » du numérique, avec pour résultat, dans les deux cas, l’addition d’erreur sur de l’erreur.

Ça ne signifie pas, évidemment, que n’importe quel appareil contemporain est prépondérant face à un ancien, assertion qui n’aurait pas de sens compte tenu des approches « musicales » (très peu dans certains cas) si radicalement différentes entre un Devialet et un Zanden par exemple, celui qui a raison n’étant certainement pas le prétendant que la puissance de feu mercatique clame haut et fort.

Mais un YBA ou NAD up-to-date (et bien choisis) offrent plus de justesse et précision (voyez le genre) qu’un vieux Marantz même haut de gamme.

Certaines marques ont régressé, soit, mais elles ne représentent pas la norme.

J’ai le souvenir ému d’une écoute chez un copain à Bordeaux il y a quelques années d’un petit intégré Sansui de 20 W récupéré des stocks de Radio France (ORTF donc au moment du stockage de l’appareil) jamais déballé, équipé de transistors au Germanium. C’est dire qu’il datait…

Ecoute sur des Mulidine Bagatelle et des LS3/5 Stirling.

Emu parce qu’il y avait une onctuosité touchante dans la restitution offerte par ce petit bonhomme, qui faisait penser que l’on avait perdu grandement le sens de la flatterie intelligente pour la remplacer par une ennuyeuse normalité plus ou moins jolie. Il se trouve que ce jour, on l’avait comparé à un best-seller Prima Luna grandement surestimé, alors évidemment, c’était d’autant plus troublant.

Mais aurais-je voulu vivre avec cet intégré d’un autre âge ? Non, sauf là encore, dans le petit musée des perles mémorables. 

Etait-il plus juste d’un point de vue de l’inspiration musicale qu’un Atoll de milieu de gamme ou qu’un Jolida ? Non, bien évidemment. Qu’un Line Magnetics ? Oui, peut-être.

Bien sûr, en opposant des échelles de gammes radicalement différentes, on pourra imaginer qu’un ancien très haut de gamme Threshold ou Krell sera bien supérieur à un actuel Hegel ou Sugden de gamme intermédiaire.

Ouais, ben vérifiez bien quand même.

 De même, un actuel Ongaku (pour utiliser un jalon qui a porté le même nom et est un symbole de tradition sur plusieurs générations, et je parle évidemment d’Audionote japon) n’est pas le même qu’un ancien et la marque a su copieusement réviser circuits et composants avec le temps.

J’ai réécouté récemment un ensemble McIntosh qui m’avait fait rêver il y a quelques années… Je vais éviter tout commentaire. Je sais d’ailleurs qu’à ce moment déjà, c’est autant le look et le « rêve » américain qui m’avaient égaré, d’autant que je l’avais alors comparé à un ensemble Harman Kardon haut-de-gamme pas même passable.

J’ai eu entre les mains il y a quelques années un énorme fétiche Cello Audio préampli dont j’ai oublié le nom (oui, oh, ça va hein…) + euh, égaliseur ? Oui, c’est le mot : Palette + amplis Performance (4 blocs monstrueux si mal finis qu’on se tranchait les doigts en les soulevant).

Là encore, je préfère éviter tout commentaire pour ne pas faire de peine aux admirateurs. Car, Mark Levinson / Cello / Red Rose est un héraut du haut-de-gamme dont le seul nom fait frémir des thuriféraires en larmes. Pas en écoutant de la musique apparemment. Pardon pardon pardon pardon… Boss.

Ecoutez un Quad 405 et osez dire que ça « fait » de la musique. Oui, bon, vous l’oserez sans doute. Et alors ?

Et on va laisser de côté ceux qui évoquent avec fierté leur Mark Levinson (encore ??? C’est sa faute aussi : il a fabriqué son image, non ? Mais je pourrais aussi citer Tom Colangelo, ou Dan D’Agostino (ex Krell) qui de nos jours fabrique les amplis les plus « remarquables esthétiquement ? » du moment (je ne parle pas forcément de musique, je n’en sais rien, j’ai trop peu écouté)) ML1 + blocs ML2 dont les transistors de puissance sont complètement rincés et difficilement remplaçables.

Idem pour un vieux Sugden ou Musical Fidelity.

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Petite parenthèse : je m’aperçois tout à coup, à bien y regarder, que je ne cite pas la Chine dans la parabole hifiste. En miroir à cette stupéfaction, la Chine a enfanté Gong Li. La 8ème merveille du Monde. Qui place l’Empire du Milieu à un degré peu accessible de la perfection, non ?... Euh pardon Carla chérie, je te l’accorde : Gong Li est la 9ème merveille du monde. Je ne connais pas le « passé » de la haute-fidélité chinoise, ainsi que d’autres pays sans doute peu préoccupés par ce genre de pensée de luxe.

Mais rien qu’à parcourir la production des pays historiques de la hifi, la liste d’exemples ne sera jamais exhaustive, il me faudrait 50 pages pour énumérer les appareils surestimés par la mémoire, qui, comme chacun sait, est imaginative. Sans parler de la beauté des femmes. Et des hommes (parité oblige). Et 200 pages supplémentaires pour alimenter ma thèse (moyen indirect de répondre à ceux qui contestent la longueur de mes articles).

Vous adorez l’une ou l’autre de ces références, comme tant d’autres d’ailleurs ? C’est incontestablement votre droit le plus absolu ; de là à estimer qu’on n’a jamais fait mieux… Sauf à comparer des bons appareils d’antan à de médiocres appareils actuels, ça va de soi. Ce qui renvoie à la difficulté exprimée en introduction de se lancer dans un tel article.

Et quand certains se ruent sur des vieux Audio Research sous prétexte que c’est pareil et moins cher qu’un neuf, la réponse est formellement : non !

En ayant en tête que « meilleur » ne part pas du postulat que la base est saine. Mais simplement qu’on a amélioré le comportement. Je vais revenir à une comparaison automobile puisque c’est généralement parlant : une Renault Talisman est-elle une meilleure auto qu’une Safrane ? Oui. Est-ce une bagnole excitante ? Non. Pragmatique, oui.

Or, le rôle de la hifi doit dépasser le pragmatisme pour glorifier l’expression artistique. Tout comme une photocopie ne remplace pas un tirage original peaufiné en labo d’un immense photographe ; ou pire, le travail d’un peintre : le delta devient inestimable.

Ce n’est pas tant le talent que la technologie qui a évolué. Les composants sont améliorés, éventuellement plus fiables ou tout simplement préférables (condensateurs, résistances et tutti quanti), les techniques d’implantation aussi, les qualités des circuits imprimés idem…

Au prix de moins d’astuces, de trouvailles, de bidouillages rigolos, c’est possible ; on voit d’ailleurs que la science des alimentations se concentre trop souvent autour des mêmes bonnes vieilles recettes, des gros transfos et des gros condos. Mais par chance, les gros condos et les gros transfos sont dans l’ensemble plus performants et moins chers. Ce qui ne fait pas pour autant des bonnes alimentations. Si c’était si simple.

Honnêtement, il y a même des appareils à alimentation à découpage qui se débrouillent très honorablement et peuvent trouver leur place dans le grand fatras de la banalité générale.

Car je le répète, la haute-fidélité n’étant le plus souvent qu’une comparaison de médiocre face à du médiocre, on peut certes trouver des contre-exemples à toute forme de démonstration ; mais ne rêvez pas, c’était déjà le cas avant, au détail près qu’on acceptait plus volontiers que maintenant des colorations appuyées ou des faussetés agréables.

Par conséquent, ma conclusion est : si vous choisissez bien un appareil moderne, je doute que vous lui trouviez un challenger vintage, sauf à comparer ce qui n’est pas comparable. Et si la fenêtre ouverte sur la musique par les amplificateurs n’a globalement pas beaucoup et pas assez grandi, et reste trop souvent déformante depuis 40 ans, elle est quand même nettement plus propre.

 

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