Interview de Patrick CESARATTO - concepteur des câbles Legato
par LeBeauSon - Mars 2022
LBS : Bonjour Monsieur Cesaratto et merci de nous accorder un entretien. Votre démarche est récente, me semble-t-il ? Quand avez-vous lancé la production des câbles LEGATO AUDIO ?
PATRICK CESARATTO - Câbles LEGATO : L’aventure est assez récente, elle démarre en 2012 avec la réalisation de deux câbles, c’est à dire un jeu de câbles de modulation et un jeu de câbles pour enceintes. J’ai commencé avec ces deux seules références. Il m’avait semblé alors que l’essentiel de la réponse s’orientait autour de ces câbles-là.
Je trouvais, et trouve encore, que ce sont les étapes prioritaires dans la conception de tout système de qualité. J’avais l’intuition que, «scientifiquement», c’est par là qu’il fallait commencer.
LBS : Il me semble que, avant de vous lancer dans cette aventure, vous étiez vous-même sceptique quant à la possibilité d'amélioration de la qualité du son par l’optimisation des câbles. Pouvez-vous s’il vous plaît nous raconter quels évènements ou constats furent déclencheurs, vous conduisant à concevoir des câbles ?
Effectivement, avant 2007, date du début de mes recherches, j’étais convaincu que les câbles n’apportaient rien. Lors d’écoutes partagées avec un de mes amis mélomanes, celui-ci m’apporte un câble renommé, d’une marque américaine...
... Et là, surprise, je constate une différence conséquente ; vers du bon ou du mauvais, là n’est pas la question pour moi à ce moment. Le simple fait de constater une différence suffit alors à me convaincre que l’apport peut être important.
Cette curiosité me pousse à me faire prêter toutes sortes de câbles, jusqu’à des prix stratosphériques. Sans idées reçues, je voulais écouter et évaluer à partir de ma propre expérience. Premier constat, il y a des différences de qualité. En ce sens, il n’y a pas tromperie : on entend objectivement plus de choses au fur et à mesure des niveaux ou paliers d’investissement. Pour autant, je ressors terriblement frustré de mes écoutes, car à mon sens aucun des câbles écoutés ne me satisfait totalement, aucun ne « faisant » véritablement de musique.
C’est à partir de ce constat (le câble agit comme un révélateur de détails et d’informations) et de cette frustration (aucun de ceux testés ne semblait respecter la cohérence du propos musical) que je décide de faire mes propres recherches et mes premières confections.
À ce stade, je dois expliquer que j’ai deux approches dans ma démarche :
- La première est celle du mélomane, amoureux de musique, qui cherche à satisfaire son insatiable envie de plaisir par l’accès à la richesse de l’écriture musicale et de son interprétation.
C’est d’ailleurs pour satisfaire cet appétit, que mon fils m’a convaincu de me lancer dans la production de câbles.
- Ensuite, il y a le scientifique que la curiosité et la soif de comprendre invitent à se lancer des défis.
Face au constat que les câbles apportent à un système de qualité plus ou moins d’informations, et souvent des colorations ou altérations, c’est ma part scientifique qui devient moteur.
Je ne parle pas de scène sonore, d’énergie mais de vraisemblance.
Pour proposer une analogie, si je vois un chat dans la rue, blanc, noir, marron… Je ne remets pas en question cette visualisation. En revanche, si le chat est rouge, ou vert, là, quelque chose ne cadre plus avec la perception que j’admets de l’animal. C’est la même chose en musique, certaines transpositions ne cadrent pas avec la vraisemblance des instruments écoutés en réalité.
Frustration mélomane et défi scientifique : voilà les deux motivations qui m’ont poussé à confectionner mes premiers câbles.
D’abord, et pour moi uniquement, j’ai réalisé deux premiers câbles : un HP et un câble de modulation pensés avec les critères de « lignes accordées ». Et dès mes premières écoutes j’ai été satisfait. Si j’avais parfois moins d’informations que sur certains câbles haut de gamme, la cohérence générale était bien meilleure et c’est exactement ce que je recherchais. C’est à partir de là, de mon avancée technique, que j’ai commencé à pousser mes recherches en testant quantité et quantité de tailles de brins, de matières, de géométries, de terminaisons, d’isolants… Tout ce qui compose un câble a fait l’objet d’études et de comparaisons patientes accompagnées sans cesse de mesures.
LBS : Vous avez un bagage scientifique. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ? Et par conséquent, en quoi vos connaissances scientifiques ont éclairé vos recherches dans le domaine des câbles ?
Au départ, j’ai une formation d’ingénieur en électronique. Ensuite, j’ai travaillé pour Thomson dans un laboratoire d’étude sur l’élaboration de radar. Donc la propagation est un sujet que je connais bien. Par passion en parallèle, j’ai obtenu une licence de physique des matières et ai poussé mes connaissances en mathématiques. Après la naissance de mes enfants, c’est devenu trop compliqué d’y consacrer du temps en plus de mon métier d’ingénieur.
Ma double casquette mélomane/scientifique me permet d’approfondir mes connaissances en électronique, dans le domaine très spécifique de la haute-fidélité. Ma compétence mélomane m’a amené à considérer plus finement certains paramètres électriques plus que d’autres. Sans cette compétence mélomane, je me serais cantonné uniquement aux contenus et principes de ma formation.
LBS : On lit beaucoup de choses sur les câbles. Notamment de la part de réfractaires virulents qui se réfugient derrière des arguments techniques, prétendus scientifiques, pour vociférer que les différences entre câbles sont imperceptibles, injustifiables, non mesurables et relèvent donc de l’escroquerie.
Que répondez-vous à ces arguments, parfois issus de professionnels, notamment de la prise de son ? Quels études ou travaux (références ou constats) sont les plus probants pour éclairer les sceptiques ?
Il y a plusieurs aspects, et je pense qu’il y a aussi divers sujets de fâcherie.
Je crois que ce qui fait d’abord bondir les gens, c’est le prix. Évidemment l’écart de prix entre un câble à 50 € et un autre à 10 000 € semble incompréhensible.
Ensuite, pour rester dans des prix plus mesurés et s’adresser aux personnes réfractaires, il est logique de différencier deux types d’interlocuteurs : ceux qui ont un bagage technique et ceux qui n’en ont pas.
Très souvent les personnes ayant une culture technique se limitent à des notions de bande passante et de paramètres linéiques (résistance, inductance, capacité). Au-delà, d’autres paramètres comme les temps de montée, les impédances d’entrée et de sortie des appareils, l’impédance caractéristique du câble, le temps de propagation de groupe deviennent plus compliqués, d’autant que les fabricants communiquent peu là-dessus.
C’est vrai qu’avec ces seuls paramètres on pourrait se demander quelle est l’importance d’un câble. On peut faire des mesures intrinsèques sur un câble, mais le plus significatif est de travailler sur la transmission incluant en plus du câble, l’étage amplificateur de sortie de l’appareil source et l’étage d’entrée de l’appareil destination.
Fort de mes constats, lorsque l’impédance caractéristique n’est pas adaptée aux étages des appareils, c’est le paramètre qui joue le plus sur la déformation du signal et donc sur la lisibilité et la cohérence du message musical.
Pour les non techniciens, ce sont d’autres hypothèses et une autre histoire. Ils se disent : «vu le matériau utilisé et les éléments qui composent un câble, comment est-il possible qu’on arrive à des prix pareils ? »
Ils oublient un élément essentiel : le coût de la recherche et du développement des câbles. Et c’est véritablement ce qui coûte le plus cher dans le résultat final. En effet, comment proposer une alternative sérieuse de qualité réelle, sans investir en R&D. Il est impératif de prendre ce point en compte. Or, compte tenu des productions de câblier en Hi-Fi, qui restent dans des proportions très mesurées, le coût de la R&D est fatalement conséquent. Inévitablement, le coût de R&D, rapporté à la longueur de câble produite par an, fait monter proportionnellement le prix de revient.
Ensuite, il y a l’écoute. Très souvent les gens sceptiques sont honnêtes. Ils placent un câble, puis un autre et ne constatent aucune différence. En réalité, c’est plus souvent le système qui n’est pas assez performant ou l’écart trop faible entre les deux câbles. Alors oui, pour beaucoup, c’est un constat cruel, parfois inacceptable !
Leurs constats sont donc à pondérer par la qualité de leur système.
Il y a aussi la musique que l’on écoute. Plus celle-ci est complexe, composée de nombreux instruments avec des sonorités riches et variées, plus la résolution du système prend de l’importance et l’apport des câbles devient essentiel. Et là, les écarts d’un câble à l’autre s’accentuent.
Une chanteuse accompagnée d’une guitare permettra de comparer moins d’informations qu’un orchestre symphonique par exemple. Les écarts entre deux câbles seront moins faciles à déceler. Pour comprendre des différences entre deux câbles avec une chanteuse et une guitare il faut être très entraîné… Je le suis, par l’expérience. Tout le monde ne peut pas se prévaloir de cette faculté, évidemment !
Premier constat, face à une masse orchestrale, on peut déceler si la perception devient brouillonne.
Évoquer la bande passante de l’oreille est un mauvais débat. La perception de la musique dépend peu de l’âge (sauf appareillage…). Il faut arrêter de spéculer sur ce sujet. Effectivement à 20 ans on entend plus de fréquences au-dessus de 10 kHz, à 60 ans on commence à descendre autour de 8 kHz. Mais si on regarde l’occupation spectrale d’un orchestre symphonique, 60 ans ou même 70 ans n’est pas un problème.
Mon approche mélomane est fondamentale.
Je ne pourrais pas travailler dans mon labo si je ne rencontrais pas beaucoup de gens qui m’enrichissent de disques, d’interprétations inconnues. Je suis très heureux d’abord de pouvoir assouvir ma passion pour la musique.
Ensuite, il y a l’expérience du « live » du concert acoustique. La culture musicale, est un aspect, mais comment juger de richesse de timbres sans aller au concert et cultiver des repères ? Un violoncelle ne fait pas la taille d’une contrebasse. Que dire d’un piano qui ne touche pas terre ? Même une batterie, une batterie… Certaines personnes pensent qu’une batterie fait preuve d’une énergie colossale, ça doit déménager ! Mais en fait, quand on est à côté d’une batterie, pas du tout, on n’est jamais soumis à une forte pression.
Donc des repères concrets sont essentiels dans la confection de tout élément en haute-fidélité.
Pour autant, il n’est pas concevable de vouloir reproduire la pression acoustique vécue dans un concert de rock sonorisé par des milliers de watts. C’est impossible. Et une contrebasse retranscrite par des enceintes bibliothèque ne ressemblera jamais à une vraie.
On accède avec un bon système à la richesse de l’interprétation du musicien, aux finesses de son jeu, à la beauté des timbres de l’instrument, à la richesse de l’écriture musicale et ce plaisir est incroyablement précieux.
LBS : En contradiction avec les questions précédentes, d’autres opposeront que dans la pléthore de « câbliers » dans le monde, un artisan inspiré ne peut pas faire mieux que des sociétés bardées d’ingénieurs. Nous ne partageons évidemment pas cette idée, mais vous, qu’y opposez-vous ? Que pensez-vous de cette appréciation de David contre Goliath ?
On n’a pas besoin d’avoir des moyens colossaux pour avoir des idées et des intuitions.
Ensuite, on ne peut pas gérer une usine de fabrication comme un atelier d’artisanat. Les logiques économiques sont presque contraires. Dans une entreprise conséquente, le calcul de rentabilité prédomine sur les partis-pris techniques. Ces mêmes choix techniques sont souvent l’addition d’arbitrages consensuels de plusieurs experts.
En revanche dans une entreprise plus artisanale, la démarche ne tient que si les qualités sont réelles et avérées. Sinon l’artisan ne survit pas longtemps. La dynamique de l’entreprise repose sur la vision, la direction technique ou artistique ou l’attention particulière d’un concepteur. Et en Hi-Fi, il n’est pas rare que les meilleures productions reposent sur la vision d’un talent, d’un individu, cheminant vers ses obsessions, fort de son savoir-faire particulier.
Pour autant, il n’y a pas de contre-indication à ce qu’une grande entreprise soit capable de réaliser de très bons produits. En revanche l’artisan n’a pas le choix, l’excellence est une obligation, une logique de survie.
LBS : Câbles de modulation, câbles d’enceintes, câbles USB … Sans révéler vos secrets de conception, la naissance d’un nouveau câble relève-t-elle du même processus quelle qu’en soit la fonction ? Suivez-vous une méthode constante ou au contraire une adaptabilité en fonction des cas et des constats inhérents ?
J’ai deux approches :
D’abord beaucoup de choses sont nées de ma première étude sur le câble de modulation, puisqu’il est un élément fondamental dans tout système Hi-Fi.
Je démarre toujours par une idée, un principe scientifique… À partir de là, je fais beaucoup de calculs et beaucoup de simulations informatiques sur l’analyse de la propagation d’un câble en fonction de sa géométrie. Le matériau utilisé, sa pureté, me semblent souvent secondaires. Ce qui compte vraiment, c’est la géométrie d’un câble et son isolant.
Pour les autres câbles je n’ai pas procédé à l’identique, parce que je ne pensais pas leur importance fondamentale.
Dernier câble créé, un RJ45. Pourtant le scientifique que je suis pensait peu crédible d’arriver à déceler des différences entre plusieurs sections de brins, par exemple.
Donc, je commence par écouter des produits concurrents, sans à priori… Et si j’entends une différence significative, je me penche sur la question.
Dans le cadre du RJ45, j’ai retenu 6 modèles différents à des prix très variables. Non pas dans l’idée de calquer une approche, mais pour vérifier si ce type de câble influe sur la reproduction sonore.
Je cherche ensuite des corrélations entre la structure du câble et ce que j’entends. Je dessine la géométrie du futur câble, effectue des séries de calculs pour vérifier si mon approche est bonne. Puis je confectionne et vérifie s’il y a correspondance entre ce que je calcule et ce que j’entends. Cet aller-retour entre calculs, mesures et écoutes est permanent.
Ils me permettent de vérifier la reproductibilité d’un processus de fabrication. J’attache une très grande importance à cet aspect d’autant que nos câbles sont confectionnés manuellement.
LBS : Vous n’ajoutez pas un câble dans votre catalogue pour répondre aux logiques de gammes concurrentes ?
Non, si je ne juge pas cela indispensable…
LBS : Beaucoup de contradicteurs soutiennent que ça ne se mesure pas.
Vous parliez à l’instant de vos aller-retours permanents entre écoutes et mesures. Quels sont les appareils avec lesquels vous mesurez ?
Mes outils de travail sont un analyseur de spectre très précis, un générateur extrêmement stable sans taux de distorsion. J’ai des instruments pour mesurer les capacités linéiques, les inductances linéiques… J’ai aussi des alimentations que j’ai modifiées moi-même. Car c’est un élément très, très important en Hi-Fi.
Sur les forums on lit beaucoup de choses. Certains comparent les capacités linéiques de leurs câbles : « le mien fait 100 picofarads, le tien fait 200 picofarads, donc c’est le mien le mieux ». Dans cette logique, les paramètres observés d’un câble sont la capacité linéique, l’inductance linéique et sa résistance linéique. Par exemple, il y a des gens qui pensent que si un câble fait 100 picofarads il va monter plus haut en fréquence qu’un autre faisant 160 picofarads. Or c’est faux, ce n’est pas comme cela que ça marche. Ces paramètres-là ne sont pas très intéressants en fait (rire).
Pour autant, je le fais, je mesure aussi ces paramètres mais dans l’objectif de reproductibilité évoqué précédemment.
Ce qui compte ce sont les paramètres de propagation dans le câble. D’abord, il faut mettre un câble en situation, reproduire l’étage de sortie d’un lecteur et l’étage d’entrée d’un ampli. Alors on inspecte la déformation des signaux produite par un câble dans ce contexte. La déformation des signaux est due à ce qu’on appelle des échos. Une mesure de bande passante ne sert strictement à rien.
Ensuite, il est important de rappeler qu’on est face à des « attaques en tension » non adaptées entre appareils. D’ailleurs, devant ce constat scientifique, on devrait s’arrêter un peu plus longuement. Pourquoi faire des câbles spécifiques, puisque les appareils ne sont pas adaptés les uns aux autres au niveau de leurs entrées et de leurs sorties ? Il faut faire avec …
Il est nécessaire de partir de cet état de fait : on doit résoudre des problèmes de liaisons non adaptées.
C’est pour répondre à cette contrainte que nous avons élaboré nos câbles de modulation assistés d’électronique pour, enfin, créer une liaison adaptée entre appareils.
Et il se trouve que ça s’entend, incontestablement !
LBS : Peut-on ou doit-on parler d’une esthétique sonore commune à tous les câbles LEGATO, ou une ligne de conduite ?
Je cherche quelque chose qui ressemble à ce que j’appellerai un confort d’écoute. J’entends beaucoup de mes clients venir m’expliquer que, au bout de quelques minutes, ils éprouvent une gêne, une raideur difficilement supportable, ou d’autres me dire : « ah ben, je n’écoute pas cet artiste (ou cette musique), ça ne passe pas ! » … Donc ils ressentent une légère agressivité lors de leurs écoutes.
L’inconfort d’écoute n’est que très rarement dû à la source d’un système (platine ou lecteur), encore moins à l’amplificateur. Les enceintes c’est autre chose. On a probablement encore des efforts à faire sur les enceintes. En réalité, fabriquer une enceinte est quelque chose de très complexe. Et puis il y a les câbles. Dans ce domaine aussi il y a matière à faire progresser le confort d’écoute. Pour autant, cette qualité : le confort d’écoute, n’est qu’un prérequis. Cela ne peut pas être l’unique avantage. Alors ensuite il y a notre nom, comme un emblème : Legato (le lien entre les notes).
Si je devais traduire ce qui se joue avec nos câbles, j’utiliserais cette métaphore : une phrase est composée de mots. On peut les lire de façon plate, sans effort de diction, ou au contraire permettre à l’interprétation d’en exprimer tout le sens, toute la dimension expressive. C’est la même chose en musique, les notes sans le lien narratif qui les unit, perdent en intention, en expressivité. Si on n’a pas de legato en musique on passe à côté de sa richesse et peut-être de l’essentiel. Que le système monte haut en fréquences ou pas, importe peu. On obtient le legato lorsqu’il y a une harmonie dans tous les critères de la reproduction et surtout quand il n’y a pas d’informations polluantes.
C’est souvent le problème de câbles inadaptés. Ils engendrent beaucoup d’échos venant perturber le legato de la musique.
LBS : C’est amusant, la qualité majeure recherchée fait écho à un de nos critères choyés : l’expressivité si difficile à obtenir.
Exactement, et le plaisir est décuplé quand elle est présente, quel que soit le style de musique, ou la qualité de l’enregistrement.
C’est un monde infini de plaisirs qui s’ouvre à nous. On accède à LA MUSIQUE.
LBS : Dans quel ordre sont nés les câbles LEGATO ?
Comme je l’expliquais, j’ai commencé par un modèle de câble de modulation, puis j’ai réalisé un modèle de câble d’enceinte. Cela étant, je me suis penché sur le câble secteur puisque mes concurrents le faisaient. Donc j’ai appliqué ma méthode habituelle : écouter différents modèles. J’ai constaté de grandes variations de qualité.
Le câble secteur informatique de base n’est pas si affreux. Il est limitant, indéniablement, mais n’empêche pas d’écouter de musique. En revanche, j’ai écouté des câbles secteurs audiophiles déplorables. La reproduction devenait agressive, ou il n’y avait plus de scène sonore…
Fort de ce constat, je me suis dit : allez, on va créer 1 ou 2 câbles secteurs. Mais pas plus, ça ne sert à rien d’en avoir 5 au catalogue (rire). Et donc on en a fait deux. Le premier est plus utile aux sources sonores, l’autre un peu standard pour amplis.
Il y a beaucoup d’idées reçues sur le câble secteur qu’on entend comme vérité absolue :
« il faut mettre un gros câble sur l’ampli » par exemple.
Eh bien non… pas forcément !
Et la source ?! C’est parfois plus utile.
Et puis, il y a des cas où un câble secteur n’apporte pas grand-chose. Là encore, il faut tester, sans à priori.
Donc en troisième, on a créé nos câbles secteur.
L’USB a suivi.
Là je suis tombé des nues quand j’ai fait l’expérience de câbles USB, malgré l’expertise que j’avais acquise durant mes 10 années de laboratoire à Thomson. J’avais une liaison à faire entre deux ordinateurs distants de 5 mètres. J’avais donc utilisé une ligne torsadée. Je ne me souviens plus de la fréquence utilisée, mais le résultat, c’est que l’ordinateur ne recevait pas l’information. Si bien qu’on avait l’impression que le câble était coupé. On s’est aperçu que notre liaison étant inadaptée, on déformait tellement le signal que le message devenait incompréhensible par l’ordinateur. Donc, quand je me suis attaqué au câble USB, je ne me suis pas dit : « ça ne sert à rien ». Je me souvenais de cette expérience.
Dans un câble USB il y a deux aspects techniques : la transmission des datas et l’alimentation.
J’ai travaillé séparément ces deux liaisons et fait des découvertes phénoménales, dont je préfère taire les secrets de fabrication.
Mais d’un câble USB à un autre, on fait des bons qualitatifs très importants. On se dit que ce ne sont que des zéros et des uns ! Mais quand on regarde la forme du signal ça ne ressemble pas vraiment à des carrés, et ensuite la qualité du décodage ou de synchronisation du récepteur peut vraiment être mise à mal par la forme des signaux entrants. Donc, c’est là que ça se joue et la différence est vraiment impressionnante.
Puis on a fait un S/PDIF. Un seul, pourquoi en faire plus ?
Et notre dernier est un RJ45. Le résultat me plait beaucoup. On a réussi à apporter suffisamment de finesse dans la transcription. Le cerveau comprend la différence et intègre ce supplément de naturel.
Et puis, il y a tous nos câbles assistés d’électronique, innovation technologique exclusivité LEGATO, pour générer enfin une liaison adaptée entre les appareils.
LBS : Vous m’avez reçu là où naissent les nouveaux câbles, dans votre atelier en région parisienne. La production est localisée en France, je crois ? En quoi le Made in France est-il important pour vous ?
Legato est une entreprise familiale. Il y a une vraie passion de fond qui nous pousse à vouloir tout maîtriser : tri des composants, soudures … Nous n’obtiendrions pas la qualité nécessaire si nous ne maîtrisions pas tous les aspects de notre production.
Nous n’avons pas à rougir en France de notre culture de la Hi-fi. Il y a de très grands artisans concepteurs de Hi-fi en France.
Ensuite, il y a une volonté de préserver un circuit court. Il faut arrêter de consommer des produits fabriqués à l’autre bout de la planète dans des conditions inconnues, pour une qualité très variable. C’est aussi une aventure et une transmission humaine.
Nous avons des objectifs « propres » à cette aventure qui ne sont pas soumis à une obsession de rentabilité.
C’est important d’être fier de ce que l’on fait. Ça compte pour moi !
LBS : J’avoue avoir été surpris par la richesse et surtout la finesse de reproduction qu’offrent vos câbles. Comment avez-vous fixé le prix de vos productions ? Avez-vous tenu compte de vos concurrents ?
C’est impossible de ne pas tenir compte du prix des produits concurrents. J’avais commencé en ne faisant qu’un calcul de rentabilité, mais le positionnement de mes produits devenait bancal, mal perçu par mes clients.
Chose importante, on ne souhaitait pas faire un catalogue avec pléthore de références. C’est une débauche de moyens que nous ne souhaitions pas engendrer, au risque de confusion de perception des produits.
On tenait à ce que la différence entre nos câbles de modulation, ou HP, entrée ou haut de gamme, soit clairement audible. Si on veut que l’écart soit sensible, il faut des efforts plus importants en matériaux, main d’œuvre et de ce fait le prix de revient devient plus conséquent.
Nos clients sont fidèles. Nous avons d’abord pensé notre haut de gamme dans une continuité pour leur offrir l’expérience d’un apport substantiel.
Quand j’écoute mon modulation Presenza, ou l’Anniversario, je les aime autant, malgré un écart de prix important entre les deux.
Afin d’être cohérent avec les systèmes Hi-Fi qui demandent des produits d’une certaine exigence, notre câble et son prix s’intègrent logiquement et apportent objectivement un bénéfice facilement appréciable.
Quitte à orienter un client sur un autre aspect de son équipement si nous pensons qu’un câble n’apporte rien, on veut préserver une honnêteté intellectuelle quoi qu’il arrive !
D’ailleurs on reçoit des messages de nos clients satisfaits. Ils nous apportent beaucoup et récompensent grandement nos efforts !
LBS : L’esthétique « typée industrielle » de vos productions, là aussi c’est un choix assumé ?
J’ai un combat contenant/contenu qui m’est propre, qui se heurte à une lutte intrafamiliale incessante. Mais je suis prêt à capituler (rire).
Je pense qu’il y a un juste milieu. La fonction d’usage prime sur l’esthétique. Cela restera notre priorité.
On a beaucoup de parti pris qui ne se voient pas. Par exemple, les interrupteurs utilisés pour nos câbles assistés d’électronique, sont excellents et parmi les plus chers du marché. Ils ont la durée de vie la plus longue et les meilleurs contacts… Cela ne se voit pas.
Le cuivre que nous utilisons est donné pour un taux d’oxygénation dans le temps faible et donc le taux de corrosion est infiniment bas pour ne pas dire inexistant… Cela ne se voit pas.
On prend les condensateurs qui ont la plus longue durée de vie… Cela ne se voit toujours pas.
Ensuite, on reconnait la nécessité d’affirmer une identité originale. Certes nos produits ne ressemblent pas à la Hi-Fi de luxe habituelle, mais bon… On n’a pas un chiffre d’affaires suffisant pour fabriquer des contenants qui n’influent pas négativement sur la qualité sonore. Notre prix de vente en pâtirait. Donc on estime raisonnable de poser le curseur à ce juste milieu de perception esthétique pour des produits qui restent le plus souvent cachés derrière les électroniques.
Mais j’ai évolué sur ce sujet. Notre répartition des tâches fait que je reste garant de la fonction d’usage.
LBS : Beaucoup de concepteurs (TOTALDAC, EERA, …) et de magasins (080, Enceintes et Musiques, Acoustic Gallery, Staccato, Casques-Headphones, Hôte Fidélité) vantent les qualités de vos câbles. Pourtant ça paraît peu. Pourquoi ? C’est à vous que revient le choix du mode de distribution et des personnes qui vous représentent auprès de l’acheteur final ?
C’est une discussion à plusieurs, mais on ne souhaite pas faire grossir l’entreprise de manière démesurée. On cherche un équilibre.
Ensuite, plus le réseau est grand, plus la concurrence devient délétère.
LBS : Toujours sans trahir vos recherches, vous avez d’autres projets, d’autres modèles, en gestation dans votre atelier ?
Il y a un câble pertinent à proposer entre notre câble Presenza (entrée de gamme) et notre Referenza Superiore (haut de gamme).
Il m’a pris beaucoup plus de temps à élaborer que mes deux précédents, (rire), mais voilà, il est prêt. En termes de qualité, c’était difficile d’être à mi-chemin entre les deux.
Étant habitué à écouter des pré-phono, des DAC et des serveurs. Je me suis rendu compte que l’alimentation était primordiale. Donc une alimentation est en gestation aussi.
De plus j’avance mes recherches sur les câbles de modulation assistés d’électronique. Je sens qu’il y a encore des choses à trouver avec cette technologie.
LBS : Si vous aviez quelques conseils à donner à une personne qui tâtonne avant de câbler son système, que lui diriez-vous ?
C’est un vrai parcours du combattant pour se constituer un système de qualité !
C’est devenu rare de « tomber » sur des magasins qui effectuent ce travail de constituer des systèmes harmonisés. On a vite fait de croire qu’en picorant des produits récompensés à droite à gauche on peut s’en sortir tout seul, mais c’est une erreur majeure et souvent très coûteuse ! L’erreur de l’audiophile est de rester dans une pensée de l’appareil au lieu d’avoir une vue d’ensemble. Je salue les revendeurs qui maintiennent cet effort, même si les échos que j’en ai montrent que la démarche est très difficile commercialement.
Écoutez longuement avant d’acheter ! Faites confiance aux vendeurs qui prennent le temps avec vous. Et acheter chez eux. Il faut payer leur investissement, leur travail, sinon un jour nous n’aurons plus que des pousseurs de cartons.
Ensuite, il me semble nécessaire de se faire confiance. Et pour cela, ne jamais acheter sans écouter. Face à une personne commerciale convaincante et souvent convaincue, il est nécessaire de préserver une distance pour garder son libre arbitre. Donc prendre le temps de l’écoute chez soi. Demander à se faire prêter les appareils, même si les magasins n’aiment pas. C’est tout de même très utile.
Ensuite, il faut se méfier de l’effet waouh souvent trompeur.
Et faire attention au confort d’écoute. S’il n’y a pas de confort d’écoute, c’est mauvais signe. Une sur-définition peut aussi faire perdre le sens général, l’intention de la musique.
Je préconise à tous les audiophiles mélomanes de persévérer dans la constitution de leur système car la musique est un élément essentiel de la vie !
LBS : Merci pour cet échange Monsieur Cesaratto. Et surtout, merci pour la qualité de vos câbles.
Consultez le site du fabricant : legato-audio.com