Mulidine Cadence optimisation « Ul-Tim » dite Cadence « ++ »
par LeBeauSon - janvier 2020
Conçue et fabriquée en France, la Mulidine Cadence « ++ » se met très respectueusement au service des artistes, incarne la musique…
Perception d’ensemble
Aux pétillements de lumières ou ombres modelées, s’ajoute le plaisir d’une affirmation physique dopée à l’adrénaline…
La disposition parfaitement compréhensible des évènements musicaux dans l’espace, affirme un aplomb corporel, une respiration outrepassant glorieusement les dimensions de l’enceinte.
La transparence globale est de très haut niveau, liée à une rapidité exemplaire, tissant un liant imperturbable, pourtant bigarré, sublimant chaque ouvrage musical, dans un groove qui atteint un grade d’anthologie.
La Cadence « ++ » désigne sans hésiter le nord magnétique de la reproduction musicale, accompagne tous les élans créatifs d’un amour infini de l’humanité.
Dès lors, son rapport qualité/prix est imbattable !
Il y a, dans quelque domaine d’activité que ce soit, des marques, des enseignes ou labels, souvent artisanaux, qui représentent une sorte de phare sur l’océan d’offres plus ou moins sérieuses, réussies, abouties.
Des jalons qu’on aime ou pas, peu importe : ils font partie du paysage, quasiment de la culture inconsciente (je ne vais pas dire populaire) des individus concernés par le sujet.
Dans le domaine incohérent de la haute-fidélité, Mulidine est un de ces rares points de repère à travers les décennies. Une marque française, fabriquée en France. Si le créateur n’est plus aux commandes depuis 15 ans, son successeur a fait le choix, sage, de perpétuer la tradition. En poussant concept et exigences plus loin encore et surtout en rationnalisant quelques points aléatoires de la fabrication, des réglages, des évolutions permettant à la marque de revendiquer une reproduction parfaite du cahier des charges. Le « Made in France » n’est pas « que » affaire d’obstination, mais de logique technique prenant en compte la complication de la réalisation.
La marque Mulidine produit peu, ne brille pas par une communication invasive ni par une ambition démesurée, sort peu de nouveautés ; des choix qui sont autant de gages à l’immuabilité : les nouveautés technologiques révolutionnant l’acoustique, certes nombreuses sur le marché, n’apportent le plus souvent pas grand-chose à l’expression musicale. Quand elles ne retranchent pas beaucoup, à contrario.
Petite parenthèse : on a beau vouloir s’adresser à Vous, Profane de la haute-fidélité, Amoureux de musique, ou d’art, ou de culture, je tombe souvent dans le piège des explications techniques un tant soit peu obscures, intéressant essentiellement les initiés, et je m’en excuse. Vous pouvez donc aller directement au paragraphe : Richesse des timbres et équilibre tonal.
On ne vous en voudra pas, promis.
une multitude de détails
font toute la différence
à l’arrivée
On a lu et entendu beaucoup de bêtises ou de malentendus concernant les évolutions des Mulidine, comme par exemple que le filtre acoustique originel serait désormais en bois. Eh non…
Le filtre mécano-acoustique. Parlons-en tiens… Ou plutôt évoquons-le simplement : est-il la seule explication du secret de l’expressivité « à part » des Mulidine ? Pas en lui-même, non ; parce qu’il permet l’utilisation de haut-parleurs principaux légers et vifs, en conservant leur rapidité primitive, évitant d’entacher leur comportement et réactivité par corrections à coup de matériaux absorbants, oui. Il représente la base d’une charge acoustique complexe, unique, qui évite les défauts de la plupart des classiques : bass-reflex, closes, lignes de transmission…
Le modèle Cadence (et ses optimisations) utilise, outre un haut-parleur principal très spécifique à la marque, en apparence désuet, un tweeter de technologie « ruban », saluée pour la rapidité des transitoires. Et souvent mal exploitée au point qu’on n’entend plus guère qu’elle. Pas sur une Mulidine.
Ça et une multitude de détails pas revendiqués qui font toute la différence à l’arrivée. Parmi lesquels, pour la Cadence dite « ++ » - dont le vrai nom au catalogue est « Optimisation Ul-Tim » -, l’adoption d’un câblage interne préparé par Absolue Créations. Autre sujet de gnagnagna(s) (déjà entendus) un peu simplets au regard du prix final : « quoi, tout ça pour un bout de fil ? »
Il se trouve que Marc Fontaine (the Big Boss of Mulidine) ne sait pas tricher : il applique un calcul mathématique et ne se réfugie pas derrière des mensonges pour justifier ce que d’autres appellent des versions Evolution ou Signature copieusement plus coûteuses que les versions primitives alors que le changement est possiblement de l’ordre d’un condensateur…
Et puis, les persiflages ne viennent-ils pas le plus souvent d’individus n’ayant aucune conscience de ce que représente leur salaire dans l’organisation et la comptabilité d’une société ?
De notre côté, chez « lebeauson », on ne cache pas combien on apprécie les créations de ce « petit » fabricant, rigoureux et digne, parmi les derniers représentants de la noblesse d’un certain artisanat rivalisant, sinon terrassant, d’ambitieuses productions industrielles.
Pour être plusieurs à la rédaction à avoir adoubé (entre autres) la Mulidine Cadence « ++ » afin d’évaluer sources, amplificateurs ou câbles, inutile de dire qu’elle a connu le meilleur comme le pire en affichant inlassablement un caractère facile à vivre, démontrant qu’elle n’est pas du genre, nonobstant une impédance annoncée un peu basse, à épuiser les amplificateurs. Electriquement. Parce que musicalement, elle étrille la médiocrité, refusant courageusement d’arrondir les angles.
Sont-elles parfaites, sans faille, sans erreur ? Non, bien sûr. Mais pour ce qu’elles font le mieux, à savoir respecter en toute intégrité l’expression supérieure des musiciens, elles sont un peu seules dans leur catégorie de prix. Voire bien au-delà. Un peu seules, ça veut dire qu’il y en a d’autres, présentant plus ou moins de ceci ou cela. Pour l’instant et après des années de recherche et d’écoute, nous n’en avons pas croisées qui donnent envie de les remplacer.
Alors la Cadence « plusse-plusse », à quoi ça ressemble ?
Colonne classique aux bords s’arrondissant sur le dernier tiers, très logeable (92 x 20 x 28 mais 20 kgs !), étroite et pensée pour s’insérer sous une fenêtre standard, la Cadence ne brille pas par sa plasticité, et personnellement je ne suis pas fan du socle. La finition, que ce soient les bois (4 essences, ou plus avec supplément) ou les laques (toute couleur RAL avec délai et supplément. Et une version Carbon Touch qui modernise efficacement l’apparence de l’objet) est d’un niveau qualitatif élevé.
A l’arrière, elle est munie d’un double bornier (faut avouer que les borniers sont rarement en façade) qui est un leurre : seul le bornier du bas est relié ; pas de bi-câblage donc : un choix que nous soutenons.
Son rendement est élevé : 92 dB (2,83V/1m) ; si elle est championne de l’écoute confidentielle à 4 h du matin, elle ne craint pas pour autant de redoutables assauts de puissance et peut remplir une pièce de grandes dimensions sans faiblir.
Un prix ? 5 500 € la paire en finition standard. Environ.
La partie « essai » en elle-même a été effectuée avec des amplis à tubes Jolida, Ayon, Tsakiridis et Kondo, amplis à transistor Atoll, Accuphase, Grandinote, Micromega, YBA, AVM ou Sugden.
RICHESSE DES TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL
Excellent point de départ pour décrire la facilité des Cadence « ++ » à honorer la musique.
Avec l’amplification idoine, la Cadence « ++ » concrétise le rêve d’un peintre : huiles, pastels, fusains, tout est à disposition pour illuminer les crêtes arides ou boisées sous le soleil des Alpilles façon Baltus (oui, sans H), ou imaginer un retour à la ténébreuse « Ronde de Sabbat » de Louis Boulanger… Le tout en relief, car Cadence « ++ » aime aussi sculpter, pétrir… Ciseaux, burins, gradines, gouges, tout ça…
Je n’y connais rien en sculpture de toute façon. Visiblement, les Cadence « A+-B+ » si !
De fait, si le modèle Cadence base fait déjà la part belle aux couleurs des musiques en tout genre, sa « grande » sœur ajoute une respiration apochromatique, variantes pétillantes de lumières ou ombres modelées, affine des ténuités de traits éclatants ou guillerets ou grelottants conduisant vers le double plaisir d’une affirmation physique dopée à l’adrénaline accompagnée d’une idéale sobriété…
Quel meilleur exemple que la récente suite donnée par Daniil Trifonov et Yannick Nézet-Séguin - dirigeant le Philadelphia Orchestra - à leur programme Rachmaninov : Arrival.
Le piano lumineux tout d’abord dans l’arrangement par Trifonov lui-même en personne (parfaitement, M’sieur) du premier mouvement des Cloches où la sensibilité active de l’artiste et une imagination fertile en concoction de couleurs et miroitements semblent animer son instrument sublimé.
Ensuite le Concerto n°1 où le piano toujours fervent de Trifonov surfe sur un orchestre magnifiquement contrôlé par Nézet-Séguin qui sait aussi bien balancer des déflagrations rugissantes que prodiguer des cajoleries langoureuses pour convoyer le jeu perlé du jeune russe ; contrastes d’évolutions chorégraphiées et de frénésie perspicace, d’énervements et d’intériorité, vagues romantiques confinant à une sorte d’échappée folle qui jamais ne bascule vers la moindre facilité racoleuse pour au contraire analyser un Rachmaninov complexe échappant à la gratuite démonstration virtuose ; sauf opportunément dans le final, où l’enchainement des séquences fusantes et rythmes anachroniques swingue drôlement sous les doigts endiablés du jeune virtuose et par l’intelligence de l’escorte orchestrale crépitant d’allégresse. Je ne suis pas un grand adepte des épanchements fanatiques ou exubérants des concertos du géant Sergey (il semble qu’il approchait les 2 mètres ! Si ses mains étaient proportionnées, ça doit être coton à jouer), mais là je suis preneur sans aucune hésitation, me régalant sur les Cadence « ++ » de ces assortiments de feux, irradiés d’oriflammes polychromes, moulés de textures palpables au service d’un moment aussi intense qu’amoureusement nostalgique.
Il faut vraiment des objets comme la Cadence « ++ » pour que je supporte un long moment en compagnie de Mariana Florès (elle n’y est pour rien. Je ne la connais même pas. Or, paraît-il, elle ne me connait pas non plus !!! Vous y croyez ?) et Hopkinson Smith déroulant les hiératiques mélodies de John Dowland (fichier hachère sur Cobuse). Il m’est si fréquent de m’ennuyer copieusement à ce genre de sombres déclamations, possiblement parce que la hifi moyenne les destitue des frémissements nécessaires. Avec Cadence « pilou-pilou », on apprécie pleinement la délicatesse requise sur les passages les plus douloureux chantés par le luth contrastant heureusement avec des déploiements de couleurs inouïs qu’on respire à fond. L’humilité de la soprano argentine n’est que délice et distinction, son suivi rythmique et ses légers effets d’éloquence posent une quiétude sans faille grâce à la vaillante petite française (pourtant enceinte) qui nous épargne toute troncation, criminelle sur ce genre de musique. Sur toutes les musiques en fait.
la fusion des registres
est excellente
Si la bande passante est incroyablement étendue, surtout rapportée au petit volume, si l’aigu, plein et organique, parfaitement intégré, délivre des diamants de subtilité, on peut constater ça et là, selon les acoustiques des pièces et bien sûr les caractéristiques des amplificateurs, une incertaine redondance d’une zone grave, qui néanmoins cependant pour autant n’entache jamais la lisibilité. Redondance, voyez ?
Il ne s’agit donc pas d’une « bosse de complaisance » de bass-reflex, mais d’une particularité de l’équilibre tonal qui requiert la prudence au moment d’installer les enceintes dans la pièce pour ne pas arrondir la restitution dans une gamme de fréquence très basse. Ce laconique engourdissement demande aussi à être attentif avec certains amplis à tubes, notamment, que le rendement élevé et la facilité à driver de la Mulidine permet par ailleurs d’utiliser sans hésitation.
Cela signifie-t-il une perte de rapidité ou de précision dans cette étroite portion du spectre ? Non, absolument pas : la fusion des registres est excellente ; ça montre simplement qu’elle descend très bas (c’en est même étonnant) et qu’il faudra donc veiller à ne pas graisser le grave en lui interdisant de respirer, s’épandre, ou plus simplement encore parce qu’il serait mal tenu par l’ampli.
Ficateur. Exemple de troncation. Amis profanes, demandez conseil à votre revendeur. A ce propos, si la présentation par celui-ci ne corrobore pas tout ce que je suis en train d’écrire, changez non pas d’idée, mais de magasin.
Zut à la fin. Pas envie de m’échiner dans le vide. « ggrrr ».
Ne faites pas attention, je suis un peu agacé au souvenir de stupidités que j’ai entendues…
On constate cette particularité du comportement dans le bas à l’écoute du contradictoire nouvel album d’Izia, désorientée entre son habituel appétit de vie et la disparition de papa… Joli disque, pas génial, mais délivrant une touchante sensibilité sous le regard bienveillant des Cadence « Olé Olé » qui savent faire oublier les tics de la jeune Izia en les apaisant par une élocution plus touchante, notamment les tendres moments tels que « Dragon de Métal » (allusion à « le Dragon le tigre et la Geisha » de papa ?) ou « Calvi », alors que les chansons plus énervées… ben euh… m’énervent.
Je m’aperçois que j’en suis déjà à la rubrique « expressivité ».
Sur des déclinaisons sourdes dans le bas grave, une aléatoire irrégularité – jamais bourdonnante ! - brouille parfois la netteté globale, mais avec d’un autre côté une telle capacité aux timbres et à l’aération dans ce secteur pourtant chargé qu’on pardonne l’éventuelle inconstance.
On appréciera aussi particulièrement l’incarnation de la chanteuse et ses copains de jeux…
La réédition ECM en « Hot » Résolution de l’album réunissant les phénomènes que sont Werner Pirchner, Harry Pepl et Jack DeJohnette précise une autre facette du génie des couleurs de la vaillante petite française : ici on se promène entre les pastels de la guitare Ovation de Pepl, offrant une douceur boisée et un raffinement des touchers exceptionnels, les densités moirées sur les vibraphone, plein, ample, et marimba aux sonorités et résonnances d’une exquise matité, et les teintes vives de la batterie de DeJohnette ; les frappes reconnaissables entre mille dévoilent via Miss « Plum-Plum » des effets de peaux et de fûts qui laissent songeurs quant aux infinies variations possibles du complexe kit (de batterie), sans parler des cymbales capables de psalmodier des mélodies…
La cohérence de la Cadence « ++ » est un modèle du genre, en densité, équilibre relatif, corps et sens des matières.
Allez, pour agacer tout le monde, deux notes :
TIMBRES
Alors pour ceux qu’auraient pas compris (ah, les lourds…), le mélange de deux couleurs signifie : dans leur catégorie (diamants orange), les Cadence « + que + » sont au taquet (6 diamants avec les carats correspondants) et dans une catégorie de prix nettement au-dessus, elles vaudraient quand même quatre diamants roses avec encore plus de carats…
Vous n’avez pas lu l’article qui décrit nos critères ? Alors pourquoi on s’échine à vous instruire ??? Hum…
…Oui bon, pardon. Il se trouve que, en même temps que je rédige cet hommage à des enceintes rares, je suis en train d’en subir d’autres franchement pourries, très très chères, très très adorées de la presse.
Un indice ? Ça commence par censuré par la direction et ça se termine par censuré par la direction… On est d’accord ?
EQUILIBRE TONAL
?
SCÈNE SONORE
Je reviens brièvement sur la précision du déploiement en perspective parfaitement agencé dans le super Arrival de Trifonov déjà amplement commenté… Voilà, c’est fait.
Suite à une discussion avec mes hôtes, sans lien aucun avec le banc d’essai, j’ai décidé de lancer la BOF (BOF ? Un indice ? Ça commence par Bande Original et ça se termine par Film. Tiens, pas de censure ?) de La Planète des Singes, version rococo de Tim Burton, au scénario faiblard mais adossé à une bande-son puissante et très réussie de Dany Elfman.
Quel festival !
Utiliser un disque dont la scénographie est totalement artificielle pour évoquer la scène sonore ? Oui, car précisément l’agencement spatial des évènements musicaux est parfaitement compréhensible et compose, sur Cadence « XXL », une dissertation en trois dimensions particulièrement évocatrice.
Sans beaucoup dépasser du cadre des enceintes, l’image s’ouvre profusément en largeur comme en profondeur et surtout incruste solidement les instruments dans un vaste cubage recréé très stable et spectaculaire.
Alors qu’on peut avoir l’impression sur la Cadence base que le son sort un peu d’une boîte, on est au contraire totalement libéré de toute contrainte sur la « ++ » qui, au passage, affirme un aplomb corporel, une portée, une respiration outrepassant glorieusement ses mensurations réelles.
Le positionnement très martial de chaque source sonore dans le déluge musical de Elfman est fixé dans l’espace par une installation militaire, torses bombés, des anatomies et substances, matériaux et grain. Cuivres rutilants, grasseyants et rugueux, percussions runiques dont les boisés pourvoient des harmonies d’une vérité surprenante, et les grattements crochus des grondants synthétiseurs (priez pour nous !) sertissant des mouvements dramatiques ressemblent à des velcros vigoureux que l’on décroche en vibrant sous la raclure.
Deux extraits de Tracy Bonham, « Mother, Mother », et « Navy Bean », outre la nervosité énergique de la jeune femme et ses musiciens empressés, symbolisent un exercice captivant en terme de scène sonore, particulièrement la batterie assez folle mais pour une fois d’une dimension et positionnement tiers gauche en arrière très plausibles. Idem pour les autres musiciens sur ces mélodies excitées (en tout cas les deux uppercuts de rock pur et dur particulièrement bien envoyés qui débutent l’album !)
Autre style d’exercice significatif, la récente édition du Quatuor de Debussy (oui, un de plus) par le Quatuor Tana chez Megadisc : indépendamment de l’interprétation en verve, jouant aussi bien du mystère que de l’exaltation, de perles poétiques que d’autorité, on notera la particularité de la prise de son, pas vraiment incisive et même un peu ouatée et très douce, offrant un placement on ne peut plus vraisemblable du quatuor, spécialement remarquable par les proportions largeur, hauteur, profondeur, distances relatives… J’irai même plus loin en constatant, merci Cadence « Pouic-Pouic », la rarissime sensation d’une distance de l’archet à la corde (je parle des variations d’appui) particulièrement expressive.
Ah, zut, ce n’est pas la bonne rubrique. M’énervent ces rubriques. Tout m’énerve aujourd’hui. Faut dire que l’idée de chroniquer ces foutues enceintes dont le nom commence par censuré par la direction et se termine par censuré par la direction, très chères et américaines m’exaspère.
RÉALISME DES DÉTAILS
Encore un point où la Cadence « Oui-Oui » excelle et renvoie la concurrence moyenne du côté des Ostrogoths (ou moi) découvrant « Kritik der reinen Vernunft» de Kant.
Dans le mixage un peu épais du fort ouvrage de Shannon Wright In film Sound (ouais, j’avoue que passer de « Critique de la Raison pure » à Shannon Wright, c’est lâche) incluant le très chouette (chouette ? Non sombre !) « who’s sorry now ? » (moi !), le roulement du tom et la frappe franche sur la caisse claire font apparaître des tensions de peau qui enfoncent encore la gravité de la ténébreuse ballade, au swing lent, mixée dans une exhalaison poisseuse que la Cadence « flash-flash » perce sans que ce soit jamais au détriment de l’opacité nécessaire à une production pour le moins mélancolique. Des réverbérations sur les guitares racleuses, étirées et tournoyantes, d’une sagacité imbibant plus encore l’œuvre d’un sentiment de noire colère retenue - marque de l’opus - aux appuis lourds du batteur pied de plomb dont les cymbales engourdies éclaboussent du métal en fusion, Cadence « More-More » sait jouer de l’ombre et la lumière, fureter sous les volutes ventrues de l’atmosphère enfumée d’un garage aux murs enduits de suie ou de gras. Les glissements décalés de la guitare rageuse sur « Mire » en disent long sur l’énervement viscéral qui nous prend aux tripes par la justesse inquisitrice des Mulidine…
On l’aura compris à la découverte du Trifonov exposé en rubrique « Timbres » : la transparence globale est de très haut niveau, liée à une rapidité exemplaire pour cette catégorie d’objets qui embrase aussi bien les pétales coloriés du piano que les assauts soudains d’un orchestre aux mille segments. Les notes du piano voltigent par des variétés d’attaque jamais étouffées, endormies, ni écourtées par la moindre aphérèse, tissant un liant imperturbable, même si bigarré, sublimant l’ouvrage d’une Pénélope de légende, comptant…
« …sur les dons qu’Athéna lui a prodigués,
L’art des très beaux ouvrages, la noblesse des pensées
Et cette astuce dont on ne pourra trouver l’égale
Chez aucune des femmes aux belles boucles de jadis,
Ni Tyro, ni Alcmène, ni Myscènes endiadamée,
Car aucune d’entre elles n’eut jamais l’intelligence
De Pénélope »
Emmanuel Kant.
Ou Homère ?...
C’est pareil.
Sur plein d’appareils de haute-fidélité, Kant ou Homère, c’est pareil.
Personnellement, je m’en moque : je ne sais pas lire.
Ça m’évite d’avoir honte de ce que j’écris.
Moment de bonheur fort en redécouvrant - via un bien beau fichier HR - le légendaire The Will to Live de Ben Harper où la Cadence « Ploum-Ploum », gambadant dans la prolixité du secteur grave, va chercher dans ce mixage délibérément charnu et grenu des croisements d’intentions, de textures et de couleurs qui subliment la magie des guitares, les pleins et déliés des slides (ou bends ?) sur la Weissenborn. Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas écouté Jah Work et évidemment jamais dans des conditions si révélatrices…
QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE
… notamment du balancement rythmique (c’est la suite de la phrase), déhanchement coulé sur les adaptations si personnelles du poète Ben Harper croisant, dans une ingurgitation plénière, soul, blues et reggae qui tient du miracle. La Cadence « Pouet-Pouet » (oh !!!! c’est pas gentil !) matérialise physiquement les instruments ou amplis de guitares et basses, avec une vigueur qui balaye la petite taille des colonnes.
J’ai évoqué Izia en rubrique « timbres » ; ça m’a donné envie d’écouter Illicite de papa, album enregistré dans la période de la naissance d’Izia qui se manifeste par de rigolos vagissements dans « ce qui est dit doit être fait ».
Album mésestimé du clown triste Jacques, il contient pourtant quelques bijoux dont l’extraordinaire « Homme Oiseau » et son final en toute liberté laissé aux divagations d’immenses musiciens qui illustrent à merveille le thème du miracle, celui de la naissance en l’occurrence, pour voguer bien au-delà dans ce titre halluciné…
Le groove atteint un niveau d’anthologie qu’on trouve peu dans la production française, et la longue impro défouraille des fulgurances de stars, un bassiste on ne peut plus éloquent, un saxo qui en effet s’envole de la cage dorée d’un ascenseur en panne, et un batteur dont les appuis sont un hymne à la Création, tous penchants que la Cadence « ++++ » accompagne d’un amour de l’humanité en refusant la moindre concession flatteuse à une production par ailleurs pas hyper léchée mais efficace…
Groove détendu de Bilal dans l’album déjà ancien (mais qu’est-ce qu’il attend pour nous sortir un truc bien à lui ?) In Another Life, où la Cadence, on ne peut mieux nommée, cite idéalement les roulis soul (Nu Soul ?) d’un chanteur exceptionnel, et illustre non moins idéalement la patine de vieux meuble qui signe la production néo-vintage d’Adrian Younge, batterie lente, cuivres polis dans un climat paisible de ouate brumeuse… Il y a chez Bilal - aux accents se baladant de Billy Paul à Prince et pourtant à nul autre comparable -, une sorte d’état de grâce.
Autre forme de swing : le nouveau trésor proposé par Ahmad Jamal, Ballades, présente un jeune homme quasiment méconnaissable tant il favorise un phrasé ductile faisant totalement abstraction des difficultés techniques dont son jeu est paré, au service de mélodies apaisées, voluptueuses, bien loin de ces moments où son style percussif couvrant l’intégralité du clavier débordait d’une hardiesse triomphante. Un grand et poignant moment, porté par des variations rythmiques douces. Une leçon de piano dépositaire d’un art abouti et serein de la musicalité. Un côté « je peux tout faire, tout jouer, mais je me contente de jouer « beau » ».
Sur la Symphonie n° 1 de Lutosławsky par Hannu Lintu (et ses potes : le Finnish Radio Symphony Orchestra), étrange fantaisie dont l’orchestration est splendide, picorant des influences à droite à gauche, Cadence « Encore-Encore » déroule une leçon d’orfèvrerie ciselant la dynamique, tout autant que les enjeux rythmiques, timbres pigmentés, substances et dialogues capricants dans un univers respirant mais contenu ; enfin bref, tout ! Les bondissements de vitalité fusent avec une nervosité et une énergie qui sidèrent sauf à oublier la petite taille de l’enceinte, en ne rompant jamais le lien entre les notes, les élans, ou la substance de l’orchestre.
On vérifiera facilement la capacité à emplir une pièce de bonne taille sur un passage musclé, Coward de Black Light Burns, où le gros son bien viril du deuxième groupe de Wes Borland, aux accents gothiques étrangement accablés, frappe sans vergogne si l’amplificateur n’est pas timide, sans besoin d’une puissance de centrale nucléaire non plus…
EXPRESSIVITÉ
Nous y sommes : ce qui fait la différence entre une Mulidine et tant d’autres. Et incrémente la famille Mulidine
La Cadence « ++ » est un symbole ardent dans le trop petit clan des sextants de la hifi : elle désigne sans hésiter le nord magnétique de la reproduction musicale, révèle l’âme et le cœur, la diversité et l’imagination, le doute et la générosité, le lien charnel si indispensable aux mélomanes qui, plus qu’une artificielle beauté, n’espèrent qu’une seule chose : un contact émotionnel à la musique. Celui que les musiciens en chair et en os procurent et que l’enceinte, la chaîne, n’ont pas le droit de maquiller, déshumaniser, amoindrir, transformer.
La seule forme de vérité possible en reproduction musicale : l’expressivité !
La Cadence « pluche-pluche » permet ainsi de se lancer avec joie et sureté dans l’exercice très enrichissant de la comparaison du 4ème mouvement (Feierlich) de la 3ème symphonie de Schumann où Nézet-Seguin, Heinz Holliger et Mehta (Vienne, 83) prennent aisément le dessus sur Thielemann, Gardiner, Zinman et même Sawallisch, l’un par une lecture rythmée et en contraste, soulignant de fines couleurs d’orchestre et ne craignant pas d’aller au-delà de la pensée maçonnique pour exacerber la solennité funèbre de ce magnifique mouvement, l’autre par un sens des nuances plus subtil dans des modulations arythmiques, le troisième par une « vision » d’une hauteur olympienne tenue du début à la fin de la symphonie… Mais toutes sont oubliées dès lors qu’on passe Karajan (Berlin, 72) : berçant notre frêle esquif dans un mouvement ininterrompu rajoutant 2 mn 30 à la moyenne (1 mn comparé à Mehta), porté par un flux et reflux paisible en apparence mais, au final, de plus en plus angoissant. Seule une des plus nobles phalanges du monde, sans doute, tel le Berliner Philharmoniker, peut décliner ce flot en lentes oscillations, grandissant brucknériennes pour revenir à une intimité bouleversante, au point d’en devenir insidieusement oppressantes. De loin la version la plus puissamment émouvante sous le regard attentif des Cadence « ++ » assidues à révéler les intentions si mystérieuses d’une projection majestueuse au-delà de Schumann…
Ben Harper, Ahmad Jamal, Daniil Trifonov, ou encore un petit tour du côté de Molly Johnson si souriante dans « if I were a bell ? », illuminant la pièce où le dandinement coquin de la polissonne canadienne guide ses musiciens dans les pas enivrants de sa comète de gracieuse coquetterie… Ou Yebba qui assène avec une audace soul du meilleur goût le très prometteur Evergreen… La liste est sans fin des musiciens révélés, magnifiés, fragilisés parfois, encensés ou dénoncés pour leur aptitude créative par ces objets si rares qui, assurément, savent ce qu’est l’humanité.
La Cadence « ++ » n’est plus enceinte mais parturiente* : elle donne la vie éternelle à ce petit supplément d’âme, décidément…
La Cadence « ++ » incarne les musiciens derrière les instruments… Croyez-moi, c’est rare…
PLAISIR SUBJECTIF
Pas facile d’aborder le sujet ; le diamant d’or (homfffpprrr) décerné pour l’expressivité et sur des critères plus précis comme timbres, équilibre, acuité, lyrisme, panache, amène toujours à la même difficulté : plus de subjectivité possible… Mais bon.
La Mulidine Cadence « Plus que Plus » semble plus grande que ses dimensions réelles, à tout point de vue, espace sonore développé, dynamique, souplesse générale, emphase du grave (impressionnant mais encore juste), nervosité et autorité. Qu’est-ce qui manque ?
Ah oui, les concessions…
RAPPORT QUALITÉ/PRIX
Imbattable. Même s’il vous prend l’idée de choisir la finition Carbon Touch qui, je le rappelle, ne change rien à la restitution musicale.
Les esprits chagrins ne comprendront pas l’écart de prix avec la version de base dans une même charge et avec les mêmes haut-parleurs. Soit : allez les écouter dans un magasin où la largeur d’esprit dépasse la vénalité, et vous comprendrez que le débat est vain. C’est une autre enceinte, tout simplement
* j’ai déjà eu l’occasion de le prouver : je suis un modèle de bon goût.
PERCEPTION D’ENSEMBLE
La Cadence « ++ » de Mulidine est une enceinte discrète, conçue et fabriquée en France, qui se met humblement mais très respectueusement au service des musiciens.
La musique incarnée dans un volume réduit…
TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL : … Cadence « ++ » ajoute une respiration apochromatique, pétillements de lumières ou ombres modelées, affine des ténuités de traits éclatants ou guillerets ou grelottants conduisant vers le double plaisir d’une affirmation physique dopée à l’adrénaline épurée par une idéale sobriété…
SCÈNE SONORE : la disposition des évènements musicaux est parfaitement compréhensible et compose une dissertation dans l’espace particulièrement évocatrice.…
… on est totalement libéré de toute contrainte sur la « ++ » qui, au passage, affirme un aplomb corporel, une portée, une respiration outrepassant glorieusement ses dimensions réelles.
RÉALISME DES DÉTAILS : … la transparence globale est de très haut niveau, liée à une rapidité exemplaire qui embrase aussi bien les pétales coloriés du piano que les assauts soudains d’un orchestre aux mille segments. Les notes du piano voltigent par des variétés d’attaque jamais étouffées, endormies, ni écourtées par la moindre aphérèse, tissant un liant imperturbable, pourtant bigarré, sublimant l’ouvrage d’une Pénélope de légende.
QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE : … le groove atteint un niveau d’anthologie et la longue impro défouraille des fulgurances de stars, un bassiste on ne peut plus éloquent, un saxo qui en effet s’envole de la cage dorée d’un ascenseur en panne, et un batteur dont les appuis sont un hymne à la Création, tous penchants que la Cadence « ++++ » accompagne d’un amour de l’humanité …
EXPRESSIVITÉ : la Cadence « ++ » est un symbole ardent dans le trop petit clan des sextants de la hifi : elle désigne sans hésiter le nord magnétique de la reproduction musicale, révèle l’âme et le cœur…
RAPPORT QUALITÉ/PRIX : imbattable !
PERCEPTION D’ENSEMBLE :