à l’oreille





Aurorasound HFSA-01 : effervescence volubile !

Par LeBeauSon - juin 2024


 

Perception d’ensemble :

Diamant sur Canapé ?

Sans hésitation pour un ampli intégré qui, plus qu’une surprise, relève du miracle par la bonne santé joyeuse et enjôleuse qu’il manifeste en toutes circonstances, son amour inconditionnel de toute musique et sa bienveillance généreuse à l’égard de l’expression artistique.

Certes, sa puissance limitée nuit à une totale universalité mais, honnêtement, la félicité ne passe-t-elle pas par quelques contraintes et des choix forts ?

Un appareil hors du temps et des modes. Un classique moderne.

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NB : Code couleur pour ce banc d’essai : Orange  (catégorie de 3 200 à 6 500 €)

Le HFSA-01 est proposé à 4 450 €

 

Autant la logique de la lignée des désormais fameux pour ne pas dire incontournables préamplis phono d’Aurorasound - du Vida Prima au Suprême - fait sens, autant le reste de la gamme, un ampli casque par-ci, un ampli 300B par-là, semble plus… aléatoire ?

Situer le « petit » amplificateur intégré HFSA-01 ailleurs que dans la corbeille à plaisirs est donc impossible.

Petit par les dimensions, petit par la puissance annoncée (2 x 14 Watts, pas énorme, n’est-ce pas ?). Grand par les performances musicales, on le verra ci-dessous.

Cette boite très compacte arbore un look vintage pas désagréable, de ces objets qui ont une bonne bouille tout simplement.

La fine façade en aluminium – encadrée de deux tasseaux en acajou - est copieusement garnie : interrupteur on/off (couronne illuminée en rouge quand l’appareil est sous tension), deux potentiomètres pour ajuster grave et aigu, un commutateur pour les contourner, le bouton de volume et le sélecteur d’entrée, un commutateur stéréo / mono (ne cherchez pas, c’est pour les amateurs de vinyles) et même une sortie casque.

Puisque c’est un Aurorasound, il est évidemment pourvu d’une (très) bonne entrée phono ; pour cellules à aimants mobiles, il ne faut pas exagérer non plus. On peut - nonobstant - utiliser des cellules MC en ajoutant un transformateur (les professionnels de la profession disent « Step Up »). Le fabricant nippon en propose deux, dont l’un permet d’atteindre les performances du Vida, le sénior de la gamme, si j’ai bien compris. Pas mal…

L’entrée phono explique aussi la présence des réglages de grave et aigu : ils ont pour fonction, dans l’esprit de M. Shinobu Karaki, d’ajuster les courbes d’égalisation des différents labels de disques avant l’apparition de la norme RIAA (votée en 1954, réellement universalisée en 1958). J’ai dû écrire un article dans cette revue à ce propos… Il fournit pour cela un « abaque » que vous pouvez installer sur la façade autour des boutons, qui indique les réglages selon les labels.

On constate à l’arrière une double sortie, 4 ohms ou 8 ohms, bien utile compte tenu de la puissance pas délirante du joujou. Même sur les Living Voice R25, nous avons hésité, perdant certes un soupçon de raffinement en 4 ohms mais gagnant en prestance lors de passages dynamiquement extravagants. Dont nous n’avons pas l’intention de nous priver.

Non mais, oh !

Techniquement, ce petit machin est un montage hybride. On entend par là (où ?) le plus souvent : étages d’entrée à tubes (pour la souplesse) et étage de sortie à transistors (pour la puissance et la tenue).

Ici, c’est le contraire : l’étage d’entrée utilise des AOP (Ampli Opérationnel) parmi les plus usités dans l’univers technique au sens large (faible risque de pénurie !) et fiables, tandis que l’étage de sortie est un push/pull d’EL84, un tube qu’on apprécie souvent pour sa rapidité mais qui ne développe pas un déluge de watts. Cette configuration pourra décontenancer, mais, connaissant le talent de M. Karaki, on n’est pas plus surpris que ça.

L’appareil n’est probablement pas dépourvu de contre-réaction, considérant sa capacité à bien maitriser un large éventail d’enceintes. Et un silence de fonctionnement irréprochable.

Alimentations soignées (séparées évidemment pour entrée et sortie), des composants réputés sans faire tomber à la renverse – autrement dit des choix rationnels et mesurés (Nichikon ou Rohm entre autres) - des petits transformateurs de sortie sur cahier des charges, des ajustages subtils et un assemblage soigneux…

C’est donc un appareil fait pour durer et qui, par sa simplicité même, sera réparable dans 20 ans. En outre, les EL84 sont des tubes peu coûteux.

Ecoute menée en compagnie de : Lumin U2 et Eversolo DMP-A6, Eera Andante et Rockna Wavelight, EAT B-Sharp + Ortofon 2M black, Dual CS618Q + 2M Blue, Kuzma Stabi S + Stogi S + Hana Umami Blue + Transfo Kondo SFz, Living Voice R25, Revival Atalante 5, hORNS FP10 et FP15, câbles Neodio Fractal et Wing 1.1.

Petite précaution préliminaire : on lit çà et là que, avec ses muscles affutés de poids léger, le HFSA-01 (quel vilain nom. Nous allons le surnommer : le Petit Bolide !) peut affronter des enceintes poids lourds.

Oui, mais non.

Quand bien même on peut être surpris par la disponibilité dépassant les dimensions minuscules (oh là, j’ai failli oublier : 360 x 320 x 145, 10 kgs) et performances annoncées du Petit Bolide, il ne faut pas rêver quand même : veillez à la compatibilité car certaines des qualités inouïes de ce faiseur de joie sont soudainement limitées voire s’effondrent sur des enceintes trop exigeantes en termes de tenue, de rendement etc.

La liste énoncée des enceintes utilisées pendant le test n’inclut pas celles que nous n’avons pas estimées franchement compatibles.

 

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Richesse des timbres et équilibre tonal :

 

Arthur Grumiaux et Claudio Arrau ont gravé en 1976, chez Philips, une version de la Sonate Op.24 Frühling de Beethoven d’une absolue beauté formelle, certes sans vraie surprise en la considérant 50 ans plus tard.

Ecoute en vinyle, vous l’aurez deviné, pressage original… Le microsillon craquette un peu. Qu’importe : nous sommes directement immergés dans une décennie où les musiciens « classiques » n’avaient pas besoin d’ornementer leur interprétation pour exister. Ils lisaient la partition avec déférence, tact et volonté du « Beau », sans souci de briller (en tout cas pas ces deux-là) ni d’adhérer à la libération alors contemporaine de l’art plastique, du jazz ou du rock, ou encore des mœurs. Et pour cause : à cette époque tout restait encore à faire dans l’exploration du catalogue « classique », bien que Ferras et Barbizet ou de nombreux autres fussent déjà passés par là …

Le HFSA-01 navigue au fil de la rivière majestueuse d’une œuvre épanouie par deux immenses musiciens sereins et méticuleux, fleurissant leur sureté harmonique par une déférence totale aux déliés – bien sûr -, aux diaprures, ainsi, mieux encore, qu’au grain très marqué du violon de Grumiaux et au corps très matérialisé (sur les FP10 hORNS à ce moment-là), très plein, du piano, exposant un courtois dimensionnement relatif des instruments, hélas trop rare dans de nombreuses captations.

On ressent la masse de l’instrument, ses proportions, tout en soulignant le lustre sonore qui a toujours caractérisé Claudio Arrau, faisant oublier les déformations mécaniques pourtant fréquentes des Steinway au profit d’une onctuosité savoureuse ; peut-être embellie par un équilibre tonal légèrement arrangeant voulu par le Petit Bolide ?

Nous n’avons jamais réussi à en être sûrs. Un changement de câble secteur, et hop, la sensation s’estompe ou disparaît.

 

Belle démonstration d’une palette nuancée dans la réjouissante Symphonie KV 385 « Haffner » de Mozart par la Deutsche Kammerphilharmonie Bremen dirigée par Tarmo Peltokoski.

J’avoue que, si je supporte de plus en plus difficilement de m’infliger encore ce genre de scie du Top 50, je peux éprouver la tentation d’y jeter une oreille quand apparaît une énième franchise par une phalange que j’apprécie.

En l’occurrence pour goûter, cette fois, la texture de cordes joyeuses et moelleuses, les matières galbées des bois et cuivres, la délicatesse des peaux des timbales dont le Petit Bolide décortique fidèlement la frappe et la « langueur d’enveloppe ».

Je me laisse prendre à l’élégance des teintes, pastellisées mais fidèles, et le souple lien d’une fluidité sans faille s’écoulant du système alors installé (Andante EERA et Living Voice R25), constante et envoûtante.

Le petit Aurorasound enjolive peut-être un rien la restitution (je le répète : nous ne sommes pas sûrs !), sans jamais, toutefois, altérer la perception volubile, l’intention liminaire des artistes ; ainsi ne cache-t-il pas que l’inflexion de Tarmo Peltokoski favorise un peu trop l’allégresse au détriment des sous-couches de spleen, voire d’inquiétude inférées par quelques grandes interprétations…

Dans le genre « cool » qu’affectionne le boss (je faillotte ? Euh, oui, on dirait), j’ai apprécié (mon co-auditeur nettement moins) les balades du dernier album de King Hannah Big Swimmer. La charpente grave, sensuelle et mélancolique de l’organe d’Hannah Merrick, son phrasé irréprochable dans un mélange de chant et de Sprechgesang à la Elysian Field et les timbres comme les différentes saturations et résonances des caisses des guitares ou des fûts de batterie (batteur non crédité ne débordant pas d’imagination mais excellant en nuances), d’une grande variété subtile, emplissent l’espace avec autant de présence que d’élégance.

Elégance devient le maître mot de ce test.

Oh pas méprise : sans doute le HFSA-01 est-il un charmeur ; cependant, si coquetterie il y a, jamais elle ne bascule vers la paresse élogieuse et émolliente de la plupart des amplis à tubes, et au contraire profère un égard proche de l’idéal aux enveloppes de notes.

Autrement dit, comme on le verra en rubrique résolution, cet intègre intégré se positionne dans la catégorie rapide, en dépit d’une fine couche de gainage des matières – conséquence d’un aigu qui préfère la densité mate à une brillance artificielle ? – que l’on oublie très vite compte tenu du facteur plaisir d’un niveau magistral. Un Petit Bolide, on vous l’avait dit.

Pour vérifier un point qui pourrait poser question au regard de la carrure modeste du Dandy Nippon, nous lui avons soumis un ouvrage chargé dans le bas comme il en existe beaucoup en ce moment, dans l’électro par exemple, mode que certains ingénieurs du son appellent le mixage Smiley (tout en haut et en bas, pas grand-chose au milieu), option spectaculaire destinée à blinder la pauvreté des mini-enceintes connectées qui peut vite devenir fatigante sur la majorité des systèmes audio gavés de testostérones grassouillettes :

Mercedes de Malvina

Soit, ce premier album (sous le nom "métamorphose" de Malvina) de la compositrice arrangeuse interprète productrice française (Malvina Meinier de son nom complet, également claviériste et cheffe d'orchestre. Je vous recommande aussi "Home" précédent opus - très différent - commis avant le "pseudo". Ah oui, elle est aussi experte en Pole Dance !) publié par le label Pop Noire n’est peut-être pas le chef-d’œuvre du siècle, cependant il tient solidement la route, impliquant moult passages franchement costauds, effrontément inventifs et même foncièrement barrés.

La volonté de déambuler en électron libre au long-cours de genres chamarrés, punk rock, électro, pop, métal, techno et hyperpop, lui fait frôler épisodiquement les codes rythmiques branchouillés dont, opportunément, la gamine s’éloigne systématiquement - viscéralement - avec beaucoup d’intelligence et de fantaisies, osant des ruptures ou virages stylistiques et rythmiques (l'écriture est d'ailleurs essentiellement rythmique !) aussi soudains qu’avisés, au service d’un propos gonflé et engagé, parfois enragé sans jamais donner l'impression de se prendre au sérieux, ce que sa capacité aux élucubrations vocales dignes de Nina Hagen en plus malicieusement dosées, perfuse inlassablement ; et si se devinent des influences telles que St. Vincent, K-Flay, Liesa van der AaJehnny Beth ou Gazelle Twin (on frôle le pompage pur et simple dans Click Click ou plus factuel encore : Incel) il faut reconnaître à la jeune et ô combien talentueuse dame qu’elle ne choisit pas les pires références et surtout les exalte pleinement par un sens avéré de la Musique. Et une vaste culture et insatiable curiosité ! Un album gonflé, cossu et rare, consistant, percutant et déstabilisant à découvrir minutieusement, en en choyant les méandres stylistiques surmontant la trompeuse première piste.

D’un point de vue sonore, ça envoie, ça pousse et c’est typiquement le style de musique sur lequel le vaillant HFSA-01 pourrait - associé à des enceintes pas assez réactives - accuser ses limites, malgré le choix finaud du concepteur de privilégier un grave rapide au lieu d’une possible expansion vers l’infra.

Bref le HFSA-01 peut cravacher sans problème et sans frustration, mais ne vous trompez pas d’enceintes. Soyez rassurés : le choix autorisé est vaste.

Sur les autres, le résultat ne sera pas laid, mais se traduira par un grave confus ou par la sensation d’un tassement dynamique.

En revanche, quand l’association est bonne, le petit joujou balance joyeusement des uppercuts rapides, où, certes, face à de vrais (et rares) cogneurs, on est mieux protégés par les gants de boxe.

 

Équilibre tonal : 

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Richesse des timbres :

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Scène sonore :

 

Mercedes de Malvina nous a fourni à ce propos une foule d'informations : chaque piste ressemble à un court métrage foutraque (terme admiratif dans mon esprit) au sein d'une mini-série d'une cohérence artistique fondatrice où la mise en scène - dont le travail sur les positions et couleurs des voix dans leur expansion humoristique, dramatique, colérique ou celles de boucles ondulantes, mouvements, puissance, angoisse parfois - est drastique... que le bouillant HFSA-01 observe et dispose dans une idéale neutralité.

 

En fouinant dans la discothèque vinyle, mon doigt s’arrête sur un disque que je n’ai pas écouté depuis un bail : Carmina Burana par Herbert Kegel, pressage hollandais Philips 1975, Rundfunk Sinfonie-Orchester Leipzig, Celestina Casapietra, Horst Hiestermann, Karlheinz Stryczek.

Pas une œuvre grandiose que celle-ci, distrayante, parfois hollywoodienne dans de si nombreuses approches, et d’une certaine manière impérissable puisque devenue un tube comme Carmen ou Le Boléro. D’Hector Berlioz*.

Bon, d’accord… de Ravel.

* Faut suivre… C’est dans Benvenuto Cellini.

 

Belle démonstration de la part des techniciens de la VEB (je présume) et du bouillant Petit Bolide qui déploie une scène irréprochable de plausibilité, certes en ayant changé de braquet côté platine vinyle (Kuzma Stabi + Umami Blue + transfo Kondo) pour être sûr.

Je nous ai surpris à écouter ce standard usé de bout en bout.

Il faut dire que, outre l’étagement impeccable et particulièrement stable des plans sonores, en dépit d’une dynamique pas époustouflante, les focalisations relatives qui semblent structurer une irréfragable organisation scénique lors des échanges respirants entres chœurs et solistes, les jeux d’orchestre poussant à fond un travail harmonique pourtant faiblard sur la partition, la magnificence des solistes qu’on croirait à l’opéra sublimés par le filtre magique de l’Aurorasound HFSA-01, l’interprétation revêt une dimension théâtrale dramatisante, loin des fariboles fréquentes qu’autorisent les 24 chants goliardiques du manuscrit, nous précipitant dans une sorte d’urgence qui mélange habilement la somptuosité à la tension et porte l’interprétation à hauteur de la révérée version Jochum. Pas du tout Hollywood !

Inutile de dire que lorsque j’atteindrai la rubrique expressivité, je n’aurai plus grand-chose à ajouter.

Très scénographié aussi le spectacle orchestré par Laurie Anderson : Home of the Brave (1986, un pressage italien, ne me demandez pas pourquoi), et particulièrement Language is a Virus où les divers choristes se répondent comme bondissant à travers la scène, les effets sont impeccablement promenés au gré d’un directeur artistique très actif et très créatif… Les jeux de réverb dans Radar sont tout aussi surprenants, via des mouvements ou placement d’une totale netteté.

On vérifiera à la longue que si l’étagement en perspectives et largeur est très rigoureux, on pourrait souhaiter une profondeur un peu plus épanouie, phénomène qu’accentuera le raccordement à des enceintes plus gourmandes. Mais franchement… On s’en fout.

Scène sonore :

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Ou

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Réalisme des détails :

 

La résolution précise et constante sur une ample plage dynamique ne posera aucun problème à l’intrépide bijou, à preuve deux albums radicalement différents.

Le dépressif Cat Stevens dans l’éculé Tea for the Tillerman, pressage anglais de 1970, où la sensualité des accords de guitare au boisé délectable, les effets sur le re-re des voix, les sections de cordes lointaines, peaux de la batterie et contrebasse solides sur Hard Headed Woman évitent la bouillie qu’on a connue quelques jours auparavant avec un autre ampli trop cher en test, ce qui m’a poussé à poser à nouveau ce disque sur la même platine ; je me suis nettement moins ennuyé et ai même pris un certain plaisir au balancement décontracté d’un poète illuminé que je n’ai jamais particulièrement adulé. J’adule peu.

Et dans le genre qui demande un microscope électronique pour tout dépatouiller, nous nous sommes amusés à une comparaison entre the construKction of light en HR et The ReconstruKtion of Light en vinyle, de King Crimson.

Théoriquement, c’est le même album. Mais c’est pas le même.

Le second, pas disponible en fichier je crois, utilise la base du premier sur laquelle Pat Mastelotto, le batteur, a revu les parties batteries et le mixage avec la bénédiction du patron Robert Fripp.

Il faut dire que, sur le premier, et particulièrement la piste Lark’s Tongue in Aspic IV, Mastelotto est en mode mitraillage lourd débordant de furie un assaut d’escadron de Huey au Vietnam, exigeant une capacité de résolution d’un haut niveau pour ne pas, soit transformer le morceau en pâtée pour chien (j’ai évité de prolonger l’image des Huey dans Apocalypse Now) soit en séquençage d’IRM.

Le Petit Bolide nous procure le double bonheur de laisser vivre la sauvagerie dans la version 1 sans que nous soyons écœurés par le déluge délirant d’une formation surnaturelle en lâcher prise et de profiter de la grande finesse de la version 2 qui d’ailleurs réussit à civiliser le morceau sans le polir pour autant, dégageant plus de place au grandiose solo d’Adrian Belew à son meilleur et aux riffs énergiques de Robert Fripp ou au raffinement de jeu de Trey Gunn. Extravagante performance artistique et, euh, artistique aussi de la part de ce cher Karaki !

Oh, bien sûr, vous pourriez désigner des amplificateurs plus précis, mais le HFSA-01, optant pour le soyeux, sait éviter une résolution analytique souvent redevable à une incision répétitive des attaques de note, donnant certes l’impression d’une grande transparence, pourtant aussi artificielle que l’analyse de sa future maison visionnée sur une projection CAO 3D.

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Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

 

JR Monterose, Ira Sullivan (trompette), Horace Silver (piano), Wilbur Ware (contrebasse), Philly Joe Jones, excusez du peu… la dénomination de l’album ? Blue Note 1536 (1957). Tout simplement. Remasterisé par Bernie Grundman, pressage vinyle Classic Records de 2009.

Un disque que j’avais oublié dans ma discothèque. Décidemment.

Du très bon hard bop livré par un sax ténor dont je ne crois rien connaître d’autre… Eh ben ça chante, ça pulse, ça croustille avec une gourmandise sans égal, le Petit Bolide semblant prendre un malin plaisir à faire gémir par un swing fringant les articulations usées des vieux gamins comme moi. On atteint ici une consistance rare qui empiète sur la rubrique suivante : la sensation d’un flot naturel, enjoué, vif et réactif

Un petit conseil : évitez la Rudy Van Gelder Edition de 2008, plus artificielle.

Semblable constat d’enthousiasme démoniaque dans la même veine, Echos of an Era. On peut supposer qu’avec Stanley Clarke, Chick Corea, Chaka Kahn, Freddie Hubbard, John Anderson et Lenny White, il n’y a guère de risque. Pressage allemand 1982. Frétillant, frais, animé et spontané comme un live ! Le HFSA-01 (Atchoum !) est aux anges et nous conduits au paradis d’un bonheur partagé entre et avec des artistes vraiment pas stressés...

Ah, je vous vois venir : vous allez dire que ce type de disque swingue naturellement sur n’importe quel système.

Eh bien non, certainement pas ! C’est un de nos « chevaux de bataille » (je me demande si l’expression nécessite l’accord) ! L’absence de swing généralisée !

Déjà sa qualité varie selon les enceintes que nous avons utilisées. Et pour étayer la démonstration, nous revenons du High End où le moins qu’on puisse craindre est que même des artistes idéaux d'un tel gabarit auraient été éreintés par la momification dans les sarcophages acoustiques majoritairement présentés dans ce show froid.

Retour au Jeux Olympiques (hum ! ...) de la critique : que donne notre sympathique HFSA-01 côté dynamique ?

Elle peut laisser pantois quand on songe à la puissance annoncée !

Je n’ai pas choisi du subtil pour en vérifier la substance et la robustesse : Symphonie n°2 de Gustav Mahler par Iván Fischer et le Budapest Festival Orchestra en DSD.

Pas l’interprétation la plus bouleversante qui soit, en partie parce que la mécanique de l’orchestre n’est pas parfaitement huilée ; toutefois j’en apprécie particulièrement le 3ème mouvement In ruhig fließender Bewegung, très dansant, valsant même, dans un vaste maelstrom orchestral de gravures bariolées.

La distension énergétique explosive vient facilement à bout de nombreux systèmes prétentieux, pas tant par la capacité ou non d’en respecter l’éclat, mais plutôt de ne pas maintenir la densité organique des matières lors des passages ténus ou les petits rebonds rythmiques particulièrement exquis des couches intriquées dans la grande vague en perpétuelle ondulation, et bien sûr de projeter le forte particulièrement inouï en fragments tonals désordonnés. Aucun souci pour notre petit soldat, certes en compagnie des hORNS FP10 pour telle épreuve.

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Expressivité :

 

Andrè Schuen poursuit sa patiente exploration forgée de lyrisme, virilité et réceptivité des cycles de lieder de Schubert en se confrontant cette fois au monument ultime : Der Winterreise.

Alors qu’il entame le cycle avec une forme de précipitation, le baryton italien, toujours aussi habilement accompagné par Daniel Heide – qui parfois patine un peu, et d'autres fois, forge l'armature du message -, sait extraire sans faillir une inouïe floraison de pigmentations, d’accents dynamiques, de contrastes et camaïeux de sentiments, ne confondant pas cette lente confrontation à la solitude et à la si romantique « difficulté d’être » avec une lamentation pleurnicheuse. Je continue d’adorer le refus de la mièvrerie ou de l’excès de pathos dans les choix du Tyrolien.

Les complices - nous rappelant si nécessaire que ce chef-d’œuvre est un duo - excellent à jouer, selon l’instant, de l’urgence quand elle est nécessaire, du désespoir viscéral s’il le faut, d’approfondissements sur mout lignes ou de filigranes sur d’autres, de crescendos ahurissants ; et si sur certaines pistes (Die Post ?) où nonobstant la perfection de Heide pour imager le trot du cheval, on pourra préférer vocalement la fierté robuste de Matthias Goerne, la toile de fond à la fois lyrique et inquiétante sur laquelle Schuen et Heide brodent une palette d’ouvrages verbaux et volubiles, toujours dosés, picorant depuis la mélancolie lourde en dérivant vers le malaise croissant jusqu’à la fureur, efface vite ces petits instants d’égarement, rappelant - sans jamais le parodier - le patron Fischer Dieskau ou même contrefaire l’un des rares dignes jeunots : Jan Martinik.

Pour souligner la maestria d’acrobate du jeune baryton, on remarque que, passée l’omission d’une des notes de l’intervalle dans l’ouverture de Der Leiermann (honnêtement : un spécialiste me l'a soufflé à l'oreille), le bohème avisé compense ce faux pas par une solennité frémissante mais tangible ; sa force contenue - pas paisible pour autant - dépeint une finalité qui contraint à réfléchir, narration conclusive parfaitement appropriée aux tempêtueuses ou intérieures péripéties et vicissitudes du voyageur de l’hiver.

Quand le romantique Schubert s’implique dans Games of Throne

- Si, par romantique, vous voulez dire solitaire et introspectif, je pense que les romantiques sont les meilleurs classiques...

- Vous vous trompez : les grand romantiques sont souvent des classiques ratés.

Pas Schubert.

On devine aisément que ce panel artistique déployé par les deux messagers – embaumant autant l’atmosphère de l’étouffement de la bruine et la terre détrempée que de la fraîcheur incarnée des senteurs de bergamote, du thé noir de Chine ou l’odeur plus sombre du kāfūr -, exige du système de reproduction la capacité au même essor d’arômes émotionnels, révélant en quoi ce petit amplificateur intégré surpasse une infinie concurrence, sans même réfléchir au coût.

Car, au tribunal du seul critère de l’éloquence artistique, son rapport qualité / prix explose d’évidence !

 

Kim Gordon. Grande et belle dame, cofondatrice de Sonic Youth qui, à 66 ans (ça ne s’entend pas) en 2019, nous harcèle le bide d’un grand moment de pure défi artistique : No Home Record.

J’aurais pu aussi bien choisir son plus récent album : The Collective.

Art Rock burinant des psalmodies marmoréennes nous engonçant dans un univers bruitiste grinçant de distorsions calibrées, aussi pesant qu’envoutant, inventif, ardu, expérimental et labyrinthique entre Trap et Indus, canardées de massives boucles sophistiquées et lancinantes d’une solidité de rocher qui ne s’effrite surtout pas dans les circuits minimalistes du HFSA-01 ; au contraire le petit machin fortifie avec un aplomb de combattant la monumentale œuvre d’une femme que l’on sent détachée de toute contrainte, toute concession, martelant un discours de colosse, troublant et même émouvant sans céder à la complaisance des innombrables chianteuses dont la liste soporifique est plus longue encore que le copieux CV de l’impérissable icône américaine qui aurait su remettre à sa place le pompeux Satan Andy Warhol ! Puisque leur art relève d’une même culture, dans un cas avec indolence et arrogance enturbannée de Shalimar, dans l’autre par un bras d’honneur au consumérisme. Où l’honneur domine.

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Plaisir subjectif :

 

Une chose est certaine : je n’ai pas débranché cet appareil depuis des jours et je ne m’en lasse pas, en ratissant large dans tout type de musique.

Le choix d’un engin de ce genre doit rentrer dans une logique globale, source et enceintes capables de respecter autant le raffinement que la colère non feinte, simplement humaine.

De toute façon, la délicatesse et l’élégance pour lesquelles on choisit ce type d’appareil très atypique – comme certains aiment le petit Leben (plus coloré, moins rapide) - ne sont pas compatibles avec des enceintes lentes ou quelconques.

Choisissez votre camp !

 

Rapport Qualité/Prix :

 

Bien sûr, il faut savoir relativiser.

Cependant l’impression d’avoir affaire ici à un mini chef-d’œuvre ne peut que nous enthousiasmer, nous réjouir, rendre le rêve accessible, certes à condition d’inclure la conséquence de ce qui, selon nous, induit les conditions minimales de la sensibilité artistique : une logique globale.

Vous cherchez le mensonge d’un volcan grandeur nature dans votre salon, sans vous rendre compte que son magma n’est qu’un effet 3D d’une singerie de Roland Emmerich, passez votre chemin.

Vous espérez le contact intime avec l’humain, ses qualités et ses défauts ? Vous avez trouvé.

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