TAGA Harmony - HTA-700B V3
par LeBeauSon - Décembre 2020
Perception générale
C’est sûr, le polonais n’est pas marketing. Mais qu’est-ce qu’il est joyeux, parfois !
C’est le cas du petit intégré hybride / DAC HTA-700B V3.
Après quelques minutes d’écoute, on l’apprécie pour sa générosité et ce qu’il déclenche de plaisir en nous immergeant dans une scène sonore en 3D.
Ses autres talents apparaîtront progressivement.
Vous l’achèterez pour entrer dans le monde de la Hifi, mais il n’est pas impossible que dans quelques années, au moment de monter en gamme, vous décidiez de le garder.
Parce que, franchement, il marche bien ce petit TAGA !
NB : code couleur de nos Diamants pour ce modèle : Vert (100 à 1600 €)
Le moins qu’on puisse dire est qu’on n’est pas surchargés d’informations sur la marque TAGA Harmony. TAGA est l’acronyme de « To Achieve Glorious Acoustics » Rien que ça ! Belle profession de foi. L’importante structure polonaise propose un catalogue aussi gros qu’un annuaire, qui inclut à peu près tout ce qu’il faut pour la hifi, le Home Cinéma, amplis, processeurs, enceintes, intégration, filtres, câbles…
Mais toujours à des prix incroyablement tenus !
Le petit Dalton est une vieille connaissance, puisque j’avais goûté la seconde mouture de cette bestiole sympathique il y a deux ans.
A première vue, le HTA-700B V3 n’a pas beaucoup changé. A première vue seulement.
Rappelons le pedigree de junior HTA-700B troisième du nom : c’est un amplificateur intégré dit « hybride » (conjuguant des tubes de préamplification à une amplification à transistors), dans un format « mini » (14 x 20 x 27 cm). L’ensemble de l’objet est en aluminium brossé d’aspect verni argenté.
Il dispose de deux entrées ligne RCA.
La récente version du HTA-700B intègre un nouveau DAC doté d’une puce AKM AK4430 travaillant jusqu’en 24 bits à 192 kHz. Est-ce ce qui légitime la variable V3 associée à son petit nom ? Peut-être.
Pour profiter du DAC, on a le choix entre une entrée USB, une entrée optique ou une connexion Bluetooth.
On retrouve en façade un bouton sélecteur qui, par pressions successives, fait défiler les différentes entrées.
Egalement en façade, une sortie casque d’une impédance allant de 32 à 300 Ohms, pour une puissance 300 mW à 300 ohms.
Enfin deux petits potentiomètres proposent de doser l’aigu et le grave, tandis que le troisième plus gros au centre est logiquement dévolu au réglage du volume.
Précisons que les entrées ainsi que la gestion du volume sont accessibles par une toute mignonne télécommande d’environ 3 cm de large par 12 cm de haut également en aluminium brossé, mais noir cette fois. Les réglages de tonalité sont uniquement ajustables en façade.
Sur le dessus on retrouve les deux excroissances lumineuses des tubes enfoncées dans leur logement, surmontées du transfo, qui lui donnent un look vintage et rigolo.
L’appareil délivre 2 x 25 watts sous 8 ohms, ou 2 x 45 watts sous 4 ohms. Il s’avère étonnement vaillant pour tenir une paire de Fyne Audio F303 ou de Mulidine Cadence ++, sera un peu plus à la peine sur des ATC SCM-19, bien sûr.
Quelle que soit la justification technique d’une Version 3, le petit polonais fait preuve dès les premières écoutes de subtilités que je ne me souviens pas avoir vécues dans sa version précédente déjà joueuse.
N’oublions pas quand même le point essentiel qu’il faudra toujours avoir en tête au fil de notre essai : le prix. Soit 600 € !!!!!!!
Conditions d’écoute :
Enceintes :
Fyne Audio 500,
Fyne Audio 303,
ATC SCM 19,
Mulidine Cadence ++,
Sources :
CD-Dac Eera Tentation
Streamer Bluesound Node 2
Platine vinyle Pro-ject 2Xperience SB DC
Cellule MC Hana SL
Préampli phono Jolida JD9
Câblage :
Câbles Absolue Création : InTim - UlTim
Câbles secteur : Neodio P70
SCENE SONORE
Remarquablement bien construite tant en largeur que pour les dimensions des acteurs, l’impression de relief est simplement bluffante surtout rapportée au prix de l’objet. Oubliez ses dimensions, ainsi que son prix très attractif, et profitez du cadeau !
Les musiciens sont non seulement raisonnablement espacés les uns des autres, mais aussi installés fermement dans la pièce d’écoute.
Le Ballet Mécanique de George Antheil dirigé par Daniel Spalding est tout simplement grandiose, surtout délivré par un si petit machin ! Les impacts sur les percussions sont remarquables de présence. L’œuvre, dadaïste, compliquée et chargée, est vivante et réaliste, où les instruments s’entrechoquent, se répondent, s’entrecroisent sans perdre l’attention de l’auditeur enjoué (en l’occurrence moi). J’effleure déjà un autre critère, celui du suivi rythmique qui surprend ici également, plutôt accaparant.
El sombrero de tres picos de Manuel de Falla, interprété par le Mahler Chamber Orchestra dirigé par Casado occupe un spacieux espace en trois dimensions semblant émaner d’un système beaucoup plus coûteux : caractérisation des plans sonores éminemment plausibles, des fortes qui ne s’enlisent pas et des jeux de plans et d’arrière-plans joliment retranscrits.
On change de registre : sur l’opus disco-ambiant Feeling du compositeur « Schiffrinien » de musiques de films Stefano Torossi, la batterie revêt une taille réaliste, toms, et cymbales, comme l’ensemble des instruments, s’étalent sur une scène fictive, très espacés les uns des autres, sans perte d’intelligibilité ou chevauchement.
QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE :
Côté suivi rythmique, le TAGA est un sacré candidat, très plaisant à écouter par son ardeur vivifiante.
Sur le « Since I've Been Loving You » du tandem Page - Plant (album No Quarter), l’oreille perçoit une approche de groove qui confère au titre une allégresse, une aisance ondulante surmontant la rythmique lestée des fondations blues.
Jamais en retard, jamais monotone, l’intégré polonais est toujours de bonne compagnie.
Ne lui demandez pas de sonoriser une Rave Party ou de bousculer des enceintes endormies comme il y en a pléthore. Au risque de nous répéter souvent, on n’accroche pas une caravane derrière un karting.
Une fois les précautions oratoires énoncées, sur les critères de swing (on y reviendra, j’ai un peu joué dans le désordre aujourd’hui), dynamique etc., le HTA-700B V3 mérite à nouveau une bonne note.
C’est un peu court me direz-vous ? Oui : pas besoin de développer puisque, avec le HTA-700B, on écoute la musique, tout simplement. Par opposition à un joli instrument isolé ça et là, un silence lourd de sens ou d’absence de sens, une coquetterie plus ou moins enjôleuse. On est porté par le thème dans sa globalité, entrainé par les notes et gagné par l’essentiel : le plaisir.
Dans l’absolu. Parce que, rapporté au prix, ça mériterait un diamant supplémentaire.
ÉQUILIBRE TONAL et RICHESSE DES TIMBRES
Equilibre tonal :
Harmonieux, sur cet aspect HTA-700B V3 fait mieux que V2. Il va fouiller plus loin dans le haut et le bas du spectre. Il lisse le péché mignon de son prédécesseur : une légère rondeur dans les graves qui colorait les écoutes. La proposition s’avère plutôt mate - retenant légèrement l’expressivité du médium ? -, un dosage fin et respectable entre la justesse et la petite friandise. Avec pour corollaire de présenter possiblement les musiciens un peu en retrait mais en évitant le côté désagréable des coups de zoom par extraction de tel ou tel aspect du signal. C’est moins spectaculaire, mais aussi moins agaçant à long terme.
Sur le volet instrumental Monochrome to Color d’Ed Harcourt, le titre « Ascension » s’ouvre lentement vers l’apogée orchestrale sans agacer l’oreille, s’embourber, nous noyer dans les multiples détours de l’arrangement pourtant pompier.
Que Bom de Stefano Bollani est une invitation à la légèreté, un dessert sucré Jazzy. Les percussions qui accompagnent de part et d’autre le piano sur les titres « Galapagos » ou « Habarossa » respectent leur place dans l’environnement sonore du leader, ne prennent jamais le dessus harmoniquement. L’ensemble est très cohérent, jamais insistant ni agressif.
Le même opus montre que la richesse de timbres du Mini TAGA échappe aux penchants de nombreux intégrés hybrides, à savoir une coloration flatteuse (la chaleur du tube, la chaleur, tu parles) dont certains abusent. Le grave, bien plus défini et mieux maitrisé que dans la précédente version, apporte suffisamment d’allant, à défaut de vigueur, pour engager l’auditeur sans l’endormir.
Tout aussi entrainantes, les variations de timbres retranscrites par l’intégré sépare très correctement les différences d’accord entre alto et violons sur All shall not die (traduction de l’épitaphe gravée sur la tombe de Joseph Haydn - Non Omnis Moriar (Horace ?) -, par le Quatuor Hanson. Le violoncelle est très vivant, magnifiquement campé sur la droite de la scène. On savoure avec plaisir les superbes interactions complices entre musiciens sur l’ensemble du disque, on accède à tout un ensemble de couleurs et de nuances qui enluminent l’œuvre ; aussi, même si on sait que la palette harmonique pourrait être plus libre, plus déployée, le résultat est tout simplement harmonieux, visant une lecture suffisamment explicite pour caractériser les particularités instrumentales, matérialiser très convenablement leur tessiture.
Sans exceller sur ce chapitre - attention au prix, toutefois -, le TAGA offre de belles écoutes, ni répétitives, ni grises.
RÉALISME DES DÉTAILS :
« It's Your Thing » sur l’album Conversations with Christian : dans le face à face sulfureux entre Dee Dee Bridgewater et Christian McBride, le HTA-700B V3 laisse s’exprimer les complexités des timbres et modulations de la voix, le chant chaloupé et maitrisé de la Diva, ainsi que le jeu sensuel de la majestueuse contrebasse sous les doigts du virtuose.
Titre que j’aurais pu (dû ?) accrocher à la rubrique swing. Un instrument, une voix (et demi : Christian jacte et chantonne par instant). Et ce rire de Dee Dee… une poussée de fièvre, un incendie.
Si le TAGA n’est pas de ces loupes qui fouillent le plus petit effet dans les tréfonds, jamais il ne passe à côté de l’essentiel, ne se montre opaque au moindre signe de légèreté ou de finesse : c’est bien dans les nuances de vie que certaines délicatesses appuient la beauté des timbres, la perception fine des instruments, ou le grain des voix comme celle de Dee Dee.
Pas le plus révélateur du monde, soit – le prix, le prix - mais pas le moins parlant non plus, loin de là, le HTA-700B V3 se situe dans une moyenne haute voire, pour peu que la source soit de qualité, un ou plusieurs crans au-dessus ; il tient vraiment la route et témoigne d’une grande forme honnêteté, sans miracle, soit, mais sans esbroufe.
dans l’absolu, cette fois encore, mais un diamant supplémentaire rapporté au prix ? Exercice toujours aussi difficile que celui des notes.
EXPRESSIVITÉ :
Sur ce terrain, essentiel pour nous, le TAGA HTA-700B V3 tire son épingle du jeu grâce à une scène sonore très en relief, la communion au rythme des musiciens et un équilibre tonal intelligemment concocté. Avec de telles armes, il réussit à nous convier aux voyages oniriques comme aux concerts pour des moments d’expressivité plutôt étonnants.
Alors HTA-700B V3 réussi-t-il à émouvoir ? Oui : il sait faire.
J’ai écouté à peu près de tout, musiques, bien sûr, mais aussi des combinaisons surréalistes.
Plusieurs sources, numériques, analogique, plusieurs enceintes…
J’ai même osé lui brancher à un vrai câble secteur, ainsi que des câbles de liaison dignes d’un système haut de gamme, puis des enceintes valant 10 fois son prix… N’importe quoi ?
Pas forcément : ce petit malin est un moyen de se faire plaisir en privilégiant d’abord l’enceinte en attendant d’avoir le budget pour un ampli conséquent, par exemple. Mais c’est plus qu’une solution d’attente pour certains car je ne me suis pas ennuyé, jamais.
Un vieux rock ? La poussière et l’odeur du bar n’est pas loin du grain de la saturation et des riffs gras de Michael Monarch de Steppenwolf sur un classique du genre : the Pusher…
Le rap de Clipping, le trio de LA ? Sur leur dernier album Visions of Bodies Being Burned, on se régale encore du travail exceptionnel sur les sons de William Hutson et Jonathan Snipes privilégiant la richesse des jeux de plans sonores et de boucles lentes ou plombées. Accompagnant la diction sur-vitaminée du tchatcheur Daveed Diggs, le trio livre un opus inquiétant et grisant à la fois… Impossible d’imaginer savourer ce travail puissant et subtil à la fois sans un minimum d’acuité sonore.
Soyons honnêtes : sur une enceinte un peu goinfre ou tordue, on va manquer de jus si on veut écouter ce type de production à des niveaux de fête à cinquante potes. Mais bon, d’une part c’est interdit à cette date, et d’autre part, ce n’est pas la vocation d’une bonne petite chaîne stéréo : l’intimité, c’est bien aussi.
Le Concerto in D major, Op. 35 d’Erich Wolfgang Korngold publié chez Orchid Classics, interprété par l’éblouissante Jiyoon Lee envoûte dès le premier mouvement jusqu’à devoir se pincer pour s’en extraire. Le TAGA met en évidence l’intensité de la virtuosité d’archet prégnante que l’artiste réussit à maintenir et varier sur la longueur de l’opus, qui n’est pourtant pas un chef d’œuvre.
Le TAGA laisse la part belle à la poésie. Ne joue que la musique laissant place aux réels enjeux narratifs. Il n’a pas l’outrecuidance de sur-jouer ou d’altérer l’instant. Il se fait discret comme le font les meilleurs éléments d’un système Hi-Fi.
PLAISIR SUBJECTIF et conclusion :
Il marche bien ce petit TAGA quand même !
Paradoxalement, le principal reproche que l’on peut faire au HTA-700B V3 c’est d’être « exagérément sympa » pour sa taille et son prix et de fait … atypique.
Pas universel parce qu’il n’est pas un démon de muscles, on aurait tort toutefois de ne le pas prendre au sérieux et ne le considérer que comme un joujou original.
On hésite parfois entre un achat en ligne, ou au sein d’une grande surface générique vendant des livres et depuis quelques années des aspirateurs pas loin des smartphones. Le choix d’un ampli intégré pas cher se fait au milieu de bon nombre de concurrents célèbres, anglais, japonais et même français. Forcément, on pense : « grande marque égal fiabilité »… On pense : « aucun risque à vouloir se réfugier derrière quelque renommée abordable ».
Ben voyons… Aucun risque ?
Mmmhh… Et l’ennui ? La pauvreté du spectacle ? Les timbres viciés ? Vous y pensez ?
Voilà déjà quelques risques que ne prendrez pas avec cet « hybride ».
Et puis parlons-en de fiabilité : c’est souvent sur des grosse chaines de montage que les mauvaises séries apparaissent ou que l’obsolescence se programme.
Quant aux qualités musicales des produits proposés en mass market, on en parle plus dans la presse qu’on ne les constate chez soi.
Aussi, alors que presque tous ses concurrents proposent une approche standard pour des revendications parfois prétentieuses, le TAGA HTA-700B V3 fait son original avec une proposition simple, pratique et ô combien joyeuse et musicale. Ici pas de brevet superlatif, pas de connectiques à profusion, pas d’appli dans l’App Store, pas la signature d’un designer en 5 lettres…
Après quelques minutes d’écoute, on apprécie l’appareil pour sa générosité ou ce qu’il déclenche de plaisir en goûtant la vision 3D de la scène sonore.
Ses autres talents apparaîtront progressivement.
Vous l’achèterez pour une entrée dans le monde de la Hifi, mais il n’est pas impossible que dans quelques années, au moment de monter en gamme, vous décidiez de le garder.
Commencez par lui fournir un vrai câble d’alimentation… Ce n’est pas que nous défendions telle démarche, mais si vous en avez l’occasion, essayez le bout de fil qui va possiblement vous coûter plus cher que le petit monstre de musicalité. Vous serez surpris. L’intégré gagne encore en vérité : des matières plus riches mieux décrites et une maitrise totale de la scène sonore.
Alors quand vous voudrez monter en gamme, songez à votre source, vos enceintes, vos câbles de liaison… Et quand l’ensemble sera deux crans au-dessus du TAGA, il sera temps de lui trouver un remplaçant
Pas crédible ? Faites le test.
Un Polonais dirait « Nic posa TAGA » (en gros ; rien d’autre qu’un TAGA).