à l’oreille





Alef MKIII

La puissance des muscles au service du romantisme exalté

Par LeBeauSon - Janvier 2022


Perception d’ensemble

Colosse bienveillant et courtois, l’Alef MKIII réussit le tour de force d’associer la justesse des timbres et de l’équilibre tonal, le respect du jeu de chacun, la mise en scène, les couleurs, les houles onctueuses des modulations les plus subtiles, les effets, le swing, tout en assénant une sérénité, un appui, une réalité corporelle somptueuse à tout type de musique.

L’Alef MKII est par conséquent un amplificateur de puissance comme il en existe peu, proposé à un prix incroyablement raisonnable compte tenu du faisceau de qualités et de la technologie obsessionnelle employée. 

DIAMs 61 rouges

Code couleur pour ce banc d’essai : Rose (de 6 500 à 12 000 €), l’appareil étant affiché, semble-t-il, à 9 900 €.

 

ALEF Ampli Stéréo 9

C’est un drôle d’exercice de devoir réaliser l’essai d’un amplificateur de puissance.

Pour une raison bien simple : on est totalement tributaire de la qualité de l’appareil qui le précède, à savoir le préampli.

Or, les bons préamplis… Ben ça ne se trouve pas comme ça.

Amis néophytes (oui, encore vous), vous êtes déjà largués ? Préamplificateur, amplificateur de puissance ? Mmmhhhh ?

Bon, en gros : un amplificateur, dont le rôle est d’augmenter le signal entrant et en transformer l’impédance pour que la musique s’exprime dans les enceintes, peut exister sous deux formes :

- Un intégré, c’est à dire un appareil unique, muni des réglages de volume et parfois d’autres (grave, aigu, balance) et des étages d’entrée indispensables au raccordement avec les sources.

- Deux appareils séparés, à savoir un préamplificateur qui adapte l’impédance et le gain pour l’appareil qui le suit dans la chaîne : l’amplificateur de puissance.

Appellation qui pourrait induire en erreur, puisqu’un ampli de puissance n’est pas nécessairement puissant. Un ampli monotriode de 8 W est quand même un ampli de puissance simplement parce qu’il n’est pas autonome et se contente de la dernière étape de l’amplification.

Pour de nombreuses raisons (à commencer par la multiplication des boîtes et des câbles), j’aime autant, à titre personnel, privilégier le plus loin possible la notion d’ampli intégré mais, à de rares exceptions près, la plupart des concepteurs, passé un certain stade de gamme, choisissent de séparer les « fonctions ». Faut faire avec.

Donc, pour analyser le costaud du jour, il a fallu ajouter à la liste des sources habituellement nécessaires, des préamplis, et comme on n’en a pas des masses en réserve, on s’en est fait prêter. Et donc, il fallait d’abord apprendre à connaître et comprendre les préamplis. Voyez le genre ? Nous avons aussi utilisé (par chance) des convertisseurs préamplis que nous connaissons bien.

Bon, allez, concentration, concentration.

Commençons par présenter la marque Alef, qui n’en est pas à proprement parler une, mais un département au sein d’une curieuse entreprise, Delta Sigma Audio Products, elle-même sorte de système satellitaire puisqu’au lieu de tout vouloir regrouper en interne, Delta Sigma préfère faire appel à des compétences extérieures.

La marque Delta Sigma est née au milieu des années 90 lorsque Domenico Simonetti, journaliste spécialisé en techniques appliquées à l’audio, est sollicité pour mettre en relation différents concepteurs d’électroniques afin de réaliser une installation audio sur mesure et sans compromis. Le résultat, le meilleur qu’il avait jamais entendu, l’amena à fonder une entreprise artisanale spécialisée dans la réalisation d’installations électroniques destinées aux bateaux, voitures, ou maisons.

Au début des années 2000, Delta Sigma décide de proposer ses électroniques sur le marché de la Haute-Fidélité en restant fidèle aux principes fondateurs d’exclusivité et de qualité. Un nouveau secteur est alors créé.

L’« équipe » Delta Sigma/Alef est actuellement composée d’une dizaine de personnes, tous spécialistes indépendants, expérimentés et reconnus dans les différents domaines de l’audio.

Sous une direction commune, ils collaborent à des réalisations de rêve, à la satisfaction d’une clientèle exigeante qui ne se contente que de l’absolu.

La dernière génération Alef affine la mise au point par la division Haute-Fidélité de circuits extrêmement performants en demeurant simples, fiables, sans sacrifier aux influences de la mode ou d’une idée de gamme.

La construction ne souffre d’aucune faiblesse et embarque les meilleurs composants disponibles sur le marché afin de garantir les plus hautes performances sans défaillance au cours de leur longue vie.

Bon alors, qu’est-ce qu’il a de spécial ce machin pas super glamour qu’on teste aujourd’hui ? Outre qu’il est super beau.

Euh… Bon, planquez-le quand même. Façade alu décorative très fine (disponible en diverses finitions), et tôle d’aluminium martelée (c’est un descriptif succinct ; regardez les photos, on paye assez cher un photographe pour transformer le look de la hifi en objets de mode) pour châssis d’un objet qui va quand même déborder bon nombre de meubles hifi. Tant mieux, la plupart sont mauvais.

Ça commence bien, non ?

La vraie beauté est à l’intérieur. Pas esthétiquement, mais techniquement. Pour tous ceux qui savent que l’apparence clinique d’un circuit n’est pas gage de qualité incontestable dans ce domaine absurde qu’est la reproduction musicale.

En fait, un Alef est une sorte de fantasme technique : quel est le schéma le plus efficace lyriquement ? Facile : c’est parmi les plus simples. Et donc, paradoxalement le plus complexe à réaliser dès lors qu’on élimine tous les artefacts visant à gommer, redresser, lisser, masquer tel ou tel défaut inhérent au moindre laisser-aller.

Qui plus, un tel choix ressort d’une démarche commercialement indéfendable, voire suicidaire, puisqu’elle demande un savoir-faire, une intuition et un talent sans équivalent tout en ne pouvant être constamment déclinée.

L’Alef MKIII est un ampli à l’ancienne, asymétrique avec le négatif à la terre, un circuit ultra basique, sans contreréaction

Les composants sont tous appariés en dynamique. Voilà déjà qui va faire frémir plus d’un « je sais tout, moi, Môssieur ».

160W/180W par canal sur 8 Ohms, délivrés par 6 transistors capables de 200W chacun. 

Le système de polarisation des transistors, par diodes, est particulièrement originale, paraît-il, donnant une stabilité impossible à obtenir de façon classique.

Pour les accrocs au symétrique, la symétrisation se fait par transformateur (Hammond) pour l’entrée modulation. Elle n’est donc pas chaudement recommandée.

L’impédance minimale de charge (vers les enceintes) est de 0.2 Ohms !

La conception est totalement double mono.

L’alimentation est confiée à 2 transformateurs séparés, dont le secondaire est épais comme le petit doigt, encuvés dans la résine et posés sur un lit de sable, au sein d’une cage en mu-métal suspendue par des silent blocs. L’idée étant, vous l’aurez deviné, d’éliminer vibrations et rayonnement.

Dans le même but, les composants (un rêve de puriste) sont pour certains collés au circuit.

Le schéma de masse est un régal.

La résistance série est quasi nulle.

Autrement dit : plus cinglé audiophile, tu meurs. Et donc, parfois, ça marche !

La réserve en courant est obtenue par une double rangée de condensateurs à faible résistance, hautes vitesse et capacité, montés en parallèle, reliés par des barres de cuivre et situés en dessous des cartes amplificatrices.

L’appareil est en Classe A pour quelque watts (5-10W max).

La connectique vient de chez Mundorf, en pur cuivre, câblage interne de haute qualité, on s’en doute.

L’interrupteur principal est un disjoncteur de protection et la prise secteur un connecteur Neutrik HC (High Current 32A) pour garantir les meilleurs contact et fiabilité.

Le châssis est peint au four « Heavy Duty Unscratcheable ».

Les dimensions et poids ? J’ai oublié de les relever (pardon, pardon, Boss) mais je dirais 600 x 600 x 250 ? et un bon 40 kgs.

Son prix : 9 900 € TTC public. Ce qui, on le verra, relève de la plaisanterie puisque, ayant testé l’appareil sans information du prix, j’ai été estomaqué alors que l’estimant au triple.

Ecoutes menées sur Eera Majestuo, Atoll DAC300, Rockna Wavelight, B-Audio B.dpr, Angström Zenith, Mastersound Spettro, Cadence « ++ », Harmonie V3 et V3 « ++ », ppfff AVA II, Dyptique DP140, Atlantis Lab AT31, câbles Way, Nodal, Legato, Mudra.

ALEF Ampli Stéréo 4

ALEF Ampli Stéréo 3

Richesse des timbres et équilibre tonal :

Engagé par l’ampli italien, Manfred Honeck nous prend à la gorge d’emblée avec sa livrée d’une 9 e Symphonie de Bruckner (Gaston ?) aussi bien par une force expressive digne d’un Furtwängler que des jeux de couleurs fleurissant d’un Orchestre de Pittsburgh qui parvient à nous faire oublier Berlin !

Par l’intercession de l’Alef, la foliation harmonique - certainement proche de la perfection - nous délecte aussi bien des palettes de nuances, de la pertinence d’une agogique savamment dosée et ne minaudant jamais, que des évolutions permanentes d’atmosphères telle la lente progression d’un début qui pourrait paraître foncièrement sombre vers une étrange sérénité empreinte de mélancolie pour finir en magma cataclysmal, et ce rien que pour le premier mouvement qui suit un flux inexorable dépourvu de tout artifice !

Puisque je viens de prendre beaucoup d’avance sur toutes les rubriques, ayant déjà évoqué rythmes et expressivité, pourquoi me priver de souligner combien Honeck comme l’Alef MKIII (quel vilain nom) réussit à éviter toute répétition mécanique du scherzo là encore par un balancement rythmiquement impétueux et en picorant des pincées d’extractions inattendues d’instants tournants des pupitres, les cuivres par exemple qui prennent un relief sur quelques mesures suffisant à faire changer la perception de l’œuvre

Enfin, quelle respiration dans la majesté sans ostentation apportée au dernier mouvement.

Le Kuss Quartet nous propose un bien singulier programme dans Berlin FREIZeit, succession d’œuvres pour le moins éloquentes, parfois farfelues, dadaïstes ou expressionnistes de Enno Poppe (intrigante œuvre titre), Aribert Reinman, Manfred Troijahn, ou encore le frère de Nicolas * : John Cage ; et Johannes Julius Fischer. Une succession alternant humour et tension où les pièces chantées par Sarah Maria Sun ponctuent comme des pochades minutieuses une alternance d’œuvres alambiquées.

Dire que l’Alef junior nous gratifie d’un festival de couleurs est bien en dessous de la vérité. C’est franchement du Kodachrome !

Ajoutons à cela un raffinement ultime des cordes dont les inflexions sont éloquemment nuancées, jamais creuses ni acides, le jeu primesautier, les intervalles pleins, les demi-teintes habitées jusque dans les maintiens de notes les plus sur le fil.

Une si flexible grâce est l’apanage des plus grands amplis surtout lorsque cela est livré avec un tel naturel.

Ensuite - une fois n’est pas coutume -, nous nous sommes amusés à une intéressante comparaison entre un fichier HR et un vinyle sur Let It Be où dans les deux cas on ne cesse d’être émus par les pigmentations infinies sur les divers plans de jeu, des guitares acoustiques particulièrement soyeuses, tout en préservant une énergie redoutable donnant beaucoup d’autorité et de présence.

Chœurs et ambiance rappellent le génie des Fab Four et le touchant interprète qu’était Lennon sur Across the Universe.

Côté timbre et équilibre tonal, l’Alef est capable de faire carton plein.

Il ne monte pas inutilement (traduire : artificiellement) et préserve une énergie solide et une intégration qui font oublier le son transistor, tissant plutôt un aigu mat – uniquement par opposition à brillant -, d’une densité pleinement vraisemblable.

L’exemplaire tenue implique une remarquable capacité à articuler et à timbrer dans le bas du spectre où l’on devine une capacité à descendre du côté du centre de la Terre mais sans faux pli ; ce qu’attestera un bref moment passé en compagnie de Arca et la suite de l’aventure KicK avec l’opus iii et le « bass kick » d’Electra Rex ; si tout n’est pas novateur dans l’univers de la productrice vénézuélienne, il y a quand même un niveau créatif qui relativise beaucoup les efforts du mainstream. Ah, attention : le premier opus s’appelle KiCk i, le deuxième KICK ii, le troisième KicK iii, le quatrième kick iiii et le cinquième KiCK iiiii. Faut suivre.

Alef sait le faire.

En résumé : un ambitus large, des timbres délicats, d’une remarquable finesse, des matières incarnées avec sureté et autorité, des modulations sinueuses imbibées d’élégance : l’Alef MKIII (on dirait un album d’Arca) est l’ampli des paradoxes.

Attention à ne pas se tromper de préampli, bien sûr :

Timbres :

DIAMs 62 rouges

 

 

Équilibre tonal : 

Une petite réserve ? Peut-être une légère tendance à défavoriser le bas-médium grave si on le pousse beaucoup ? Nonobstant son gabarit, l’Alef n’est pas l’ampli le plus puissant de la planète.

DIAMs 6 ROUGEs

ALEF Ampli Stéréo 6
 

Réalisme des détails :

La peu banale 7 e de Beethoven par le Freiburger Barochorchester publiée par Harmonia Mundi dans le cadre d’une intégrale de la musique de ce cher Ludwig, confiée pour quasiment chaque œuvre à des musiciens ou formations différents, implique un Alef très à l’aise, rapide, où une sorte d’ample douceur incarnée et galbée souligne sans les caricaturer les teintes, couleurs et grain des matières propres aux instruments anciens tout autant que la difficulté de jeu sur de tels outils.

Peu banale car la volition affichée de coller à l’esprit de la partition plutôt qu’à lui donner un sens, une analyse de texte, souligne peut-être plus que jamais le génie du grand sourd : prairie de timbres, farandole rythmique, évocation intériorisée… C’est tout un univers idiosyncratique qui se déploie ici.

Mais l’Alef MKIII, tout en rendant hommage à la pureté d’instruments qui bannissent le vibrato, ne fait pas non plus dans la complaisance. Ainsi sur le 2 e mouvement devine-t-on que les musiciens peinent à tenir la note, ce qui entraîne la sensation d’une justesse parfois un peu limite, voire attrapant quelques faussetés.

Pourtant la restitution est particulièrement belle, nuancée, précise et soyeuse, ne masquant rien des intentions ; ainsi la scansion parfois baroque (impression de voir un chef qui tape du bâton sur le sol (méthode qui fût néfaste à Lully)), militaire, au début du mouvement, dérivant heureusement vers une somptueuse mise en scène des arrière-plans pas malmenés par le riff rythmique, contrairement à ce qui arrive trop souvent.

L’Alef, chaleureux sans nonchalance, ose profiler charnellement les ondulations de modulation de chaque instrumentiste, comme une robe fourreau de Christian Dior épousait lascivement la cartographie orographique de Sophia Loren **.

Peut-être cet appareil monumental ne procure-t-il pas la résolution d’une loupe de diamantaire mais c’est difficile d’en juger car tel ressenti pourrait sans doute être lié à une souplesse organique et une maturité sensuelle magiques qui lui permettent par exemple de buriner en relief une production un peu platouille, telle la dernière parution d’Abigoba, Six Miles Around, un hommage à Miles (Reynaud ? Non, Davis, huk huk) pour ceux qui auraient des doutes.

Nu jazz pas toujours inspiré mais à la fois joyeux et savoureux, manquant essentiellement d’audace et de noyau dur créatif, la proposition musicale est plus middle of the road que réellement passionnante ; au moins les mains sorcières de l’Alef façonnent-elles un éclatant cornet de Collignon, au cuivre luisant, matérialisé, jaillissant d’un environnement un peu « arrondi », globalisant ou lissé, rappelant des productions pop des années 70 où le filiforme triomphait.

Loin des atours voluptueux de Sophia Loren.

Ce manque de contraste de la production est un peu moins cruel dans Tales of the Witches Brew où batterie et contrebasse manifestent un peu plus de corps, que l’Alef s’empresse d’épauler de sa force contenue.

Il paraît que vouloir mesurer la capacité de contrôle de sa force par un gorille en reviendrait, pour nous tristes zumains, à réussir à tenir un cheveu à la verticale entre le pouce et l’index.

Bon courage.

Ben, l’Alef y parvient.

Et, preuve que la perception des détails et de la micro dynamique est difficile à estimer ici : le Quatuor Ebène nous livrant une version particulièrement aboutie, surtout dans la continuité des sept parties entrecoupées de « Parenthèses », de Ainsi la nuit de Dutilleux. Henri. Comme papa.

De cette ode à la poésie, le quatuor français (que j’ai connu à ses débuts !) tisse un délicieux labyrinthe de réminiscences où l’on pourrait paradoxalement extraire chaque strophe sans regret tant les cellules en sont minutieusement évocatrices, particulièrement par la lecture via l’Alef qui confirme sa finesse de timbre et de jeu, un moelleux boisé merveilleux, dans une contradiction permanente entre la détermination vivifiante sur les cordes et un velouté lyrique exquis créant une belle distinction (dans les deux sens du terme) des acteurs.

Le panorama est-il toujours aussi résolument parfait ? Peut-être pas.

Même en variant les préamplis, on peut – à condition de se concentrer minutieusement - détecter une sorte de fine pellicule identitaire, infinitésimale couche d’onguent déposée sur les matières, qui huile la restitution à la façon de certains amplificateurs à tubes (y compris parmi les meilleurs) ; ce qui pourrait donner l’impression d’une moindre transparence ennoblie de déliés ô combien flexibles.

C’est le cas sur l’historique Daphnis et Chloé (? Oui, de Ravel) (oui Maurice) (non ce n’est pas le prénom de mon père) gravée dans le marbre par Charles Munch en 57 et écoutée en DSD en sortie directe d’un DAC/Préampli.

Un constat à considérer avec prudence car dépendant de si nombreux facteurs. Et puis surtout, quand on se délecte des petits rebonds délicieux des cordes, d’une profondeur infinie, des modulations délicates et soyeuses, des timbres hallucinants de vérité harmonique et du ciselé de dentelle lors des passages sautillants, on oublie totalement ce qui est possiblement la seule réserve à ce chapitre.

Gros point fort en contrepoint : l’ampli italien sait préserver la probité des matières et la plénitude sur les passages subliminaux où jamais les silences ne deviennent des trous noirs pour au contraire rester pleinement habités.

DIAMs 6 ROUGEs

ALEF Ampli Stéréo 8

Scène sonore :

Pourquoi ne pas rester sur la même œuvre pour évoquer la scène sonore holographique ?

En effet, alors qu’on pourrait souhaiter une scène un peu plus libre en largeur, peut-être parce qu’elle n’est pas tout à fait idéalement respirante, comment ne pas être subjugués par le spectacle où les rangs de pupitres sont inscrits dans des espaces rigoureusement circonscrits par un champion du bas-relief : j’ai nommé l’Alef MKIII.

Quelle profondeur, quelle stabilité de dimensionnements internes et externes relatifs totalement plausibles.

Toutes vertus qui m’ont offert un plaisir que je n’attendais pas : sur un truc aussi éculé que The Wall, de Maurice Ravel, j’ai été épaté par le confort associé à une énergie somptueuse, et une précision non pas clinique mais organique d’un disque que je me suis surpris à écouter intégralement, beaucoup plus captivé que je n’aurais pu l’espérer.

Et quelle joie malicieuse de s’apercevoir via l’Alef et à l’encontre de l’avis des musiciens qui gaussaient Nick Mason lui reprochant de jouer mou, que non : certes ses frappes ne sont pas tranchantes mais qu’est-ce que ça pousse !

Car il y du poids sur chaque note et pas que de la batterie.

La foultitude de détails de la production ô combien léchée s’assemble dans la géométrie exacte voulue à la console, sans mise en avant de quelque détail que ce soit, dans une scénographie unique, et toujours ce noyau magmatique au cœur de chaque note, même les plus ténues, certes en haussant un peu le niveau.

Je ne pensais pas prendre autant de plaisir sur un album dont j’ai plus usé le pouvoir de séduction dans mon adolescence que celui de mes fonds de pantalons.

Sur les Harmonie V3 « ++ » pour ce grand moment.

Le premier album de Joy Crookes, jeune irlando-bangladaise, Skin et sa pochette joliment provocante, confirme les aptitudes de l’Alef à parfaitement scénographier les arrangements bichonnés entre pop et soul, les surprises rythmiques, le jeu, l’hommage à diverses musiques dans un même geste. La voix puissante et éraflée (paradoxalement nasale et dense) de la chanteuse est franchement sublime et fait pardonner que peut-être l’artiste totale n’a pas osé la complexité dont on la devine capable au profit d’une recherche d’efficacité prudente par une succession de hooks immédiats. Au moins a-t-elle l’intelligence de ne pas se contenter de surfer sur la vague des divas souls interchangeables.

Allez, un petit classique du jazz en vinyle puis en DSD maintenant : la lecture d’Oscar Peterson de West Side Story (je ne sais pas ce qu’en a pensé Bernstein) où de temps à autre, des claquements de doigts sur le manche de la contrebasse font sursauter par une présence aussi incarnée qu’un évènement réel qui interviendrait dans la pièce, un bruit du quotidien.

Scène sonore ?

 

Pour l’hologramme certifié conforme (cum figuris ? Formas autem ? N’importe quoidis ?) de Sophia Loren :

DIAMs 61 rouges

 

 

Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

 

Pas question de quitter Oscar Peterson au moment de parler de swing qui est tout à fait, excellent, endiablé quand nécessaire par l’intermédiaire du rital *** de service, dépendant une fois de plus bien évidemment, de la nature du préampli.

Mais quel enthousiasme sur ce très beau fichier DSD, plutôt meilleur que la gravure pourtant originelle que j’en ai en vinyle.

On retrouve cette même verve folle dans l’exercice très amusant que nous offrent Patricia Kopatschinskaja et Sol Gabetta (Sol & Pat) avec leur malice habituelle dans une œuvre déjantée de Jörg Widmann qui introduit des séries de mesure du thème de James Bond, amorcées au violoncelle pour dériver en total lâcher prise avant de se rematérialiser en pizzicati bondissants.

Piécette drôle et inventive, elle souligne un faisceau de qualités de l’ampli transalpin, à commencer par une propension idéale aux rebonds, une finesse de timbres et d’attaques classant la vitalité enjouée de l’appareil du côté des raretés qui par ailleurs campe les deux artistes dans leurs justes dimensions, des réverbérations plausibles qui les placent littéralement dans la pièce, face à vous, dans la superbe de leur charme espiègle.

On vérifie sur un truc qui martèle l’acier (Houdini, Melvins en 93) que notre bel (euh) italien sait se faire aussi rageur que les 620 CV du V8 Turbo Engine of the Year de Ferrari installé dans l’extraordinaire Roma (plutôt que celui qui équipe la F8. Question de classe, d’élégance, de raffinement. J’attends la mienne dans les mois à venir).

Il n’en faut pas moins pour suivre le groupe de doom métal (en est-ce vraiment ? Ils pourraient aussi bien être à l’origine du mouvement grunge. En outre le côté constamment expérimental glissant vers des mondes autonomes gonflées d’humour tordu les rend définitivement inclassables), la guitare lourde, épaisse voire graveleuse de Buzz Osborne, comme la batterie de Dale Crover qui en met de partout, constamment inventive sous la légèreté d’un rhinocéros exaspéré par la robe fourreau Dior de Sophian Loren.

DIAMs 61 rouges

 

 

Quand même variable selon les enceintes. Oui, bon, ma certo.

Je veux dire que l’Alef MKIII est possiblement moins à son aise sur des enceintes faciles.

Est-ce un symbole ? Non non.

ALEF Ampli Stéréo 5

Expressivité :

Elle a été de tous les instants !

Particulièrement sur des enceintes un peu complexes à alimenter. On y revient sans cesse.

La sensibilité et l’humanité triomphent sans aucun doute dans la difficile œuvre (et pas magnifiquement captée) d’Ernest Chausson Poème de l’Amour et la Mer par l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo sous la direction d’Armin Jordan et magnifiquement chantée par la superlative Jessye Norman. Un moment singulier, me semble-t-il, dans les créations du Français, par une douceur tendue des mélodies, des élans passionnés et intriqués de l’orchestre, une sublimation des timbres entremêlés qu’on pourrait facilement confondre avec du Richard Strauss (Ah oui, les dates ne correspondent pas ? Richard aurait copié ? Mais non…)

L’Alef MKIII réussit le tour de force d’associer la justesse des timbres et de l’équilibre tonal, le respect du jeu de chacun, la mise en scène, les couleurs, les houles onctueuses des modulations les plus subtiles, les effets, le swing, tout en assénant une sérénité, un appui, une réalité corporelle somptueuse à tout type de musique, réunissant ce que beaucoup aiment dans le tube au prix de colorations impardonnables et ce que beaucoup attendent du transistor : la puissance qui ici n’est pas gueularde mais coupleuse, un beau V8 bourré de ressources sous le capot.

Et, pour finir, un autre passage de grande poésie (le gros nampli italien y incite) : Natacha Atlas orientalise « mon amie la rose » dans une reprise où le français est parfois barbouillé mais l’appropriation d’une orchestration exotique assurément réussie.

Je ne peux plus relire mes notes sur papier délayées de larmes. Mais j’ai une vague idée de ce qu’elles disaient : grâce à notre ami Alef, Natacha Atlas nous mène incontestablement au « tarab ».

DIAMs 6 ROUGEs

 

 

 

Plaisir subjectif :

Colosse bienveillant et courtois, l’Alef MKII est un ampli de puissance comme il en existe peu, disponible et capable de douceur, à un prix incroyablement raisonnable compte tenu du faisceau de qualités et de la technologie obsessionnelle employée.

En revanche, sur le chapitre de la subjectivité, il est possible que certains soient ébranlés par le délié exceptionnel qu’on trouvera plus souvent grâce aux amplis à tubes quand ils ne sont pas caricaturaux, un moelleux assez rare qui pourtant n’est pas timidité mais sereine autorité, extrême rapidité qui sait parcourir l’intégralité du trajet entre le point A et le point B, sans tricher par ces raccourcis fréquents qui, par réduction, donnent l’impression de vitesse des transitoires.

Voluptueux, parfois capiteux, l’Alef est pourtant un des amplis les plus justes qu’on ait connus au point que je me demande si je ne le préfère pas à ses grands frères, en dehors bien sûr de la réserve de puissance.

Et j’ai bien conscience également qu’il ne conviendra pas à tout type d’enceintes.

Donc, je botte en touche : pas de note.

 

Rapport qualité/Prix :

Côté musique, tout a été dit, non ?

A ce prix, l’Alef MKIII est presque suspect : comment réussir à donner autant pour un prix si contenu ?

On fait rarement ça, mais on a voulu l’ouvrir pour voir si une telle merveille cachait une mauvaise surprise. Non, l’implantation est un vrai bonheur, les composants incontestablement audiophiles, et à défaut de cartes aussi irréprochables que des figures de mode « spéciales photo », ne serait-ce que du fait de composants englués dans la colle, le câblage est en effet un manifeste de la qualité.

DIAMs 62 rouges

 

 

* C’est une blague. Je le précise, on ne sait jamais. Le Boss pourrait prendre ça au premier degré.

** Oups… Pas politiquent correct ? Pardon Boss

*** ohhhhh ! Pas bien !

 

Note du distributeur :

Pour ceux qui ne se satisfont que de l’absolu.

La Zonda F de Pagani est considérée par beaucoup comme la plus belle voiture au monde ($1million !). Aucune photographie ne parvient à restituer la beauté à couper le souffle de sa carrosserie en fibre de carbone et même des plus petits détails. Seul un nombre restreint d’exemplaires, construits à la main et sur mesure, sont vendus chaque année aux quelques clients qui ne veulent que le meilleur. Après avoir entendu le système audio Delta Sigma, Horacio Pagani en quête de la meilleure sonorisation pour sa voiture, demanda à Domenico Simonetti de réaliser la sonorisation officielle de Pagani. C’est ainsi qu’est né le meilleur système audio du monde pour la plus belle voiture du monde.

 

 

 

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