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par LeBeauSon - janvier 2020 


Protocoles de tests

Pas de technologie apparente, pas de musique possible ?

J’ai appris, récemment, qu’il y avait un nouveau rédacteur (chroniqueur) hifi dans le paysage de la presse française ; bonne nouvelle, non ?

Afin d’exposer sa vision, ce gentilhomme décide d’expliquer dès sa première rubrique un certain nombre de critères « techniques » indispensables pour une reproduction de qualité, ainsi que des descriptions succinctes de solutions employées par les uns et les autres pour « créer l’illusion » ; bon…

Outre que je souris en constatant que nous avons tous nos marottes, quoi qu’on s’en défende, et que tous nous avons du mal à ne pas les présenter comme vérité indiscutable, son exposé, exagérément simplificateur – le danger du formatage ? Vouloir trop en dire en peu d’espace… Il s’en excuse d’ailleurs – et donc un peu inexact, semble issu d’une pensée attirée par la « performance » technologique…

Pas de technologie apparente, pas de musique possible ? C’est un peu ce qui ressort de ses premiers bancs d’essai. Mais avec beaucoup de précautions verbales. Le ton n’est pas dictatorial.

J’ai un moment pensé me lancer dans une série de questions et nuances en profitant de la plus grande liberté d’espace dont je dispose, mais à quoi bon ; laissons ce chroniqueur développer sa pensée dans le temps ; or, somme toute, « nuancer » on essaye de le faire dans notre rubrique « Guide ».

Je m’inquiète simplement du pouvoir de nuisance des gens qui sont contraints - par les formats modernes - à la vulgarisation trop schématique (déjà que je me sens à l’étroit dans mon propre espace), mais plus encore, je me méfie de ceux qui « savent », qu’ils soient chroniqueurs, bloggeurs, professionnels ou audiophiles obsessionnels.

Parallèlement, pour revenir à ce nouveau venu, je me suis dit que je ne connaissais pas sa  méthodologie de test des appareils proposés à son oreille critique ; est-ce la même que celle de son prédécesseur ? Peut-être est-ce l’occasion de soumettre et comparer diverses procédures d’essais en haute-fidélité en songeant à ce que je sais de nombreux chroniqueurs à travers le monde.

Pour simplifier (moi aussi) je vais ramener le champ expérimental à deux aspects et préciser le mien au passage ; mes collègues de « lebeauson » compléteront dans le temps, je pense…

- l’environnement technique : lieu, matériel employé, conditions d’écoutes

- les disques utilisés

Commençons par l’environnement technique. Oui, parce que je l’ai indiqué en premier. Mais l’ordre n’a aucune importance. La méthodologie commence par le chaos. Pas mal, non ?

 

 

1 – la pièce

Je suppose qu’il est quand même plus sûr et surtout réconfortant de procéder aux essais dans un environnement familier, donc si possible toujours le ou les mêmes.

D’accord, mais…

… à condition de garder en mémoire les particularités ou roueries de l’acoustique du lieu afin d’éviter de favoriser des appareils qui, par un comportement « typé », viendrait en combler des lacunes.

Pourquoi ?

Sauf totale catastrophe, le cerveau « apprend » une pièce et en intègre les défauts, ne les perçoit plus comme tels et par conséquent ne les isole plus. Aussi risque-t-on d’apprécier particulièrement un appareil – faussaire, de fait – qui incidemment compenserait une faille de la pièce.

Ce qui amène certains à penser qu’une enceinte moins riche musicalement que leur choix de cœur pourrait donner un meilleur résultat du fait de l’acoustique de pièce : ben non, ce n’est pas comme ça que ça se passe. Comme le dit le monsieur évoqué en début d’article, si vous aimez la musique, changez un peu le placement dans la pièce, pour commencer… Mais avant tout, n’oubliez pas ce que j’ai expliqué à l’instant : votre cerveau compense grandement les défauts de la pièce, les particularités acoustiques créant les mêmes phénomènes quand vous recevez des amis, les enfants jouent et crient, vous regardez un film ou un match de foot. Ou de Rugby. Ou de ce que vous voulez ! Ne commencez pas à me faire perdre le fil, je le fais très bien tout seul !

Je sais que mon principal lieu d’écoute amaigrit passablement la restitution, ôte du corps et est énergivore ; aussi, si une combinaison comble cette tendance avérée, j’ai toutes les raisons de penser qu’elle triche, avec pour corollaire le danger qu’elle en fasse trop dans une pièce mieux équilibrée énergétiquement.

Dès lors, si un système emplit bienveillamment ma pièce un peu creuse, je vérifie dans une autre pièce. Moins parlante sur d’autres critères, puisque ma pièce principale est par ailleurs un révélateur de nombreuses qualités. Elle dorlote l’intimité propre à dévoiler énormément d’informations sensibles, laisser foisonner le pétillement et la sagacité de l’humain avec beaucoup de constance ; en outre, elle couvre une gamme de fréquences large sans erreurs tonales ou toniques marquées (ce qui n’est pas la même chose que le corps).

Parfois, je transpose l’écoute chez un ami dont je connais bien la pièce et les variantes possibles d’installation.

Je n’ai pas voulu faire de ma pièce un auditorium au sens propre, c’est-à-dire traité, linéarisé ; hormis quelques corrections par des petites astuces qui s’intègrent en déco, c’est une pièce de vie. Quelques essais d’interventions scientifiquement ciblées auraient certes corrigé cette légère perte de consistance, mais au détriment de la vie. Je n’ai donc pas adopté ces options.

Sachez toutefois qu’il y a quelques spécialistes qui peuvent apporter des solutions acoustiques n’altérant pas la déco et ne coûtant pas la moitié de la maison, que je conseille fortement en cas d’aberrations majeures. En revanche, méfiez-vous des acousticiens qui besognent dans le monde pro (prise de son, auditoriums etc…) : ils ont parfois la fâcheuse manie de rendre la pièce certes totalement linéaire (pensent-ils parce que la mesure le dit) mais aussi joyeuse qu’une momie. De même ne comptez pas sur la magie des traitements DSP. Dites-vous bien qu’ils dénaturent le signal avant tout. Plus ou moins, soit. Maintenant, si l’appareil que vous avez choisi pour des raisons qui vous appartiennent en inclut un, allez jusqu’au bout…

Parfois les circonstances peuvent m’amener à tester dans un lieu inconnu (objets trop gros, ou bien le distributeur ou fabricant préfère présenter dans un contexte maîtrisé). Pourquoi pas. Je prendrai dans ce cas la précaution de croiser les écoutes via divers instruments de reproduction, sans hésiter à apporter du matériel que je connais pour mieux « renifler » la pièce.

Pour relativiser la notion de pièce, j’ajoute que lorsque mes collègues et moi découvrons des appareils qui nous paraissent intéressants sur un salon ou dans un magasin, nous avons rarement été déçus en le réécoutant dans un contexte habituel. Autrement dit, avec un peu d’habitude, on ressent vite ce qui appartient à la pièce et ce qui appartient au système.

Il arrive même, lors de l’écoute d’un ensemble médiocre, de pouvoir isoler un élément intéressant…

Petite précision : en ce qui concerne ma participation aux essais (je ne parle donc pas au nom des divers rédacteurs actuels et à venir), je mélange « je » et « nous » car il est bien rare que je sois seul lors des essais. Nous échangeons donc des ressentis entre auditeurs du moment.

 

 

2 - les appareils employés

- Certains testeurs estiment que le meilleur moyen de juger tout appareil est de placer le candidat dans un environnement toujours identique.

Autrement dit : même source, même ampli, même paire d’enceintes, mêmes câbles et on n’intercale que l’appareil en test.

Je ne suis pas d’accord et pour des raisons évidentes :

- même en connaissant les limites de ses appareils de référence, ils n’entraînent pas moins une source d’erreur permanente, un rapport au plaisir induit plus qu’à la justesse, ou justice.

- un unique ampli n’aura pas toujours un comportement adapté à toutes les enceintes du marché, ou alors il est très moyen partout. Un ampli à même de driver des enceintes aussi différentes que des Magico, gourmandes ou des Supravox à rendement élevé ne donnera le meilleur sur aucune des deux. Exemples sans jugement de valeur.

- idem pour une source dont on ne mesure pas, subjectivement, la capacité à contrôler le signal en retour, le contrôle de l’espace. Je ne plaisante pas. L’expérience prouve que certains DAC, par exemple, maîtrisent mieux le signal global tout simplement parce que leur « tenue » empêche des retours incontrôlés de perturbations des appareils en aval. Contreréaction ? Non. Maestria de l’alimentation ? Oui. Or, ce savoir-faire s’est amplement perdu en Hifi via l’accumulation de gros transfos ou condensateurs. Ayez la curiosité d’interroger des spécialistes des radars, ou imagerie médicale ou que sais-je encore, pour comprendre que la haute-fidélité s’est égarée dans la théorie du « bigger si better ». C’est plus snob en anglais mais pas moins ringard.

- idem pour des enceintes de référence qui, selon qu’elles sont plus ou moins goinfres électriquement, ne permettront pas à tous les amplificateurs de s’exprimer dans leur zone de confort.

J’ai été stupéfait récemment, de constater qu’un intégré particulièrement remarquable, capable d’une expressivité supérieure, s’écroulait complètement sur une enceinte à priori faite pour lui mais d’une impédance anormalement élevée.

Cas exactement contraire d’un ampli à tubes dit OTL (c’est-à-dire où l’impédance de sortie est ramenée à la norme par l’addition des tubes et pas par un transformateur de sortie).

Ne vous inquiétez pas : on parle de cas d’espèce…

Tout ceci pour dire que, autant je déteste et conteste l’idée de compensation en hifi, autant je sais qu’il y a des incompatibilités physiques incontournables. On ne demande pas à un bronco de tirer une diligence. Si on le fait, on flingue la beauté sauvage du bronco, non ?

Ceci étant, ai-je envie d’écouter une diligence ? Non. Or, ça, c’est notre chapelle, chez « le Boxon » : on aime les broncos, pas les caravanes. Personnellement, j’ai une haine profonde des camping-cars. Aucun rapport ? Si si, faites un effort, cherchez.

Mais j’aime bien les escargots.

- La méthode que nous (moi en tout cas) privilégions (comme d’autres) consiste plutôt à varier les sources, les amplis, les enceintes, les câbles, et si possible de technologies différentes, pour mieux cerner les particularités de l’objet testé.

- De mon côté, je n’hésite pas à combiner le prétendant avec des appareils que je n’aime pas forcément (et donc que je ne citerai pas), comme ça pour voir s’il n’y a pas une surprise, si je ne serais pas passé à côté de quelque chose.

Les mots d’ordre sont : varier, multiplier !

Il n’y a pas si longtemps, j’ai failli émettre une réserve - minime certes - sur un appareil absolument remarquable (le meilleur intégré à ce jour) parce que je l’avais écouté avec une ligne assez idéale de câbles et qui ne ment pas sur la quasi-totalité des critères. Et puis quand même, je suis passé à une autre combinaison de câbles (mes actuels référents), et j’ai compris que la petite réticence ne tenait pas à l’ampli testé, mais révélait une fissure d’équilibre dans la logique de câbles précédente qui n’était jamais apparue jusqu’alors. Attention, ça ne métamorphosait pas ce splendide ampli, mais gommait le bémol.

Ne prenez pas ce bécarre au premier degré. Je l’ai déjà dit et je le répète : le câble ne crée par l’objet. Faites-confiance à vos conseillers. Mais choisissez-les bien, il y aussi une passable incompétence chez des pseudo-pros.

De même, j’ai récemment reçu un excellent lecteur réseau / DAC / Préampli dont je n’ai pas encore rédigé le BE. J’ai failli passer totalement à côté alors que je l’avais inséré au cœur d’une des plus belles combinaisons que je puisse installer. Or, en changeant d’amplificateur sans trop y croire, j’ai constaté que le challenger trouvait mieux sa place. J’ai évidemment cherché à comprendre et suppose qu’on est dans un de ces rares cas de figure d’incompatibilité d’impédances. Ce qui est évidemment un problème et une raison pour laquelle j’ai du mal à me lancer dans le BE. Vous pourriez m’opposer que c’est peut-être le premier ampli employé en référent qui génère cette incompatibilité. Non : d’une part c’est la première fois que le phénomène se produit avec lui, d’autre part j’ai multiplié les modes combinatoires autour du lecteur / DAC testé pour constater la mésentente avec un autre intégré…

Continuons :

- Pour ne pas rester figé dans des habitudes ou une « culture » sonore, nous essayons d’enrichir en permanence notre panel d’engins repères ou n’hésitons pas à croiser des appareils en test.

- Nous demandons systématiquement au distributeur ou fabricant de nous indiquer, voire nous prêter, les éléments techniques dans lesquels il aime faire évoluer tel ou tel produit, demandons comment il préconise le placement de ses enceintes par exemple. Certes pour constater le plus souvent qu’une géométrie ou les enceintes ne sont pas trop éloignées entre elles et très pincées est la plus juste. La logique de la stéréo face à la bêtise standard des assertions triomphantes sur la directivité (aïe : un article à prévoir ?). Mais on demande.

- Enfin nous n’hésitons pas (en tout cas moi) à mélanger les gammes. Je veux dire parfois créer un ensemble disproportionné en prix autour d’un appareil en test, essentiellement pour sonder ses limites. Expériences instructives car on découvre parfois des objets modestes qui trouvent leur place dans des systèmes ambitieux, voire s’y révèlent (je pense à des enceintes pas forcément coûteuses qu’on peut pousser très loin) et parfois on constate le contraire : des objets ambitieux qui accusent leurs failles et « n’encaissent » pas des compagnons trop performants ; ou proposent des thèmes intéressants dès qu’on contourne ceux qui nous sont chers : l’expressivité, ou une certaine approche du naturel.

 

 

3 - les disques :

Je me souviens d’une époque où, sur les salons ou dans les magasins, on nous bassinait de « We Get Request » d’Oscar Peterson pour s’extasier d’une contrebasse qui généralement finissait, sous la maltraitance de la hifi moyenne, surdimensionnée comme une créature de « Jurassic World », mais pire, où certains appréciaient la justesse et la douceur d’un piano limpide alors que, précisément, le sommier en était fêlé, ce dont s’était plaint ce cher Oscar !!! Mais que voulez-vous, si talentueux fût-il, c’était un black dans une économie de blancs.

Use your fucking head, bon sang !

On remarque en effet que, trop souvent, les essais sont menés autour d’une poignée de disques repères, sous prétexte qu’on les connaît.

 

Une anecdote ?

Deux copains poussent la porte d’un magasin pour écouter un appareil d’occasion d’une grande marque, « but you’ll never no my naim »…Modèle haut-de-gamme. Ils écoutent deux morceaux. Celui qui souhaite acheter est aux anges. L’autre, circonspect, dit : « vous n’auriez pas un autre lecteur, comme ça pour comparer ? Je n’ai pas vraiment de repères… »

Le vendeur pose l’un des deux disques dans un appareil de démo sous tension, moitié prix.

Le premier quidam exulte : « ah, quand même, ce n’est pas à la hauteur du NoName ! »

Le deuxième hausse les épaules : « peut-être, mais c’est la première fois que je remarque qu’il y a deux pianistes… »

Le premier étudie alors la jaquette de son disque et, stupéfait, s’exclame : « ah oui ! »

Ce jour-là, il n’a rien acheté. Un peu vexé sans doute.

 

Non : on croit connaître ses disques repères et si soudain un aspect sonore qu’on pensait déterminant est renvoyé au second plan, ou apparaît une vétille expressive dérangeante, on risque d’estimer que l’appareil écouté est moins juste.

Pas du tout.

Pas forcément.

Même si, statistiquement, on peut prétendre bien « savoir » un disque utilisé sur des dizaines de combinaisons, il faut rester vigilant. Car un outil particulièrement performant peut faire basculer vers une totale remise en question de « l’aperception » artistique d’une œuvre.

Désolé pour la succession de guillemets.

… En fait non, je ne suis pas désolé.

Alterner, changer, découvrir, oser, croiser les genres musicaux, les découvertes, ou d’anciens disques un peu oubliés et certes, çà et là, quelques perles auxquelles on est attaché, est le seul moyen d’éviter de larmoyer parce qu’on n’a pas trouvé ce qu’on cherche dans un disque sans avoir compris que c’était un mensonge, une déformation par l’habitude. L’habitude a rarement raison (faut que je la note, celle-là !)

Je ne sais plus qui disait : le génie n’est pas dans l’histoire que l’on attend, mais dans l’histoire que l’on découvre !

Pas impossible que ce soit moi dans un précédent billet, j’ai la faiblesse de me répéter. Pire : de me citer.

Je me souviens d’une démo dans un magasin où un visiteur s’était installé pour découvrir de bien belles enceintes - parmi les meilleures que j’ai écoutées à ce jour, or l’anecdote remonte à plusieurs années. Ce monsieur sort un CD (Patricia Barber, ça alors !) et demande à écouter à partir de 2 mn 08 de je ne sais plus quelle plage.

Et au bout de dix secondes se lève en clamant : « non, ça ne va pas du tout, ce n’est pas bon, ce n’est comme ça que doit être le tom basse ! »

Crétin…

 

Je n’hésite pas à écouter des nouveaux disques sur des appareils que je ne connais pas, pour voir ce que j’en ressens, l’histoire qu’ils me racontent, plus ou moins bien, envie d’être surpris, déstabilisé, ou pas, certes… et ensuite seulement je les écouterai sur un ensemble repère.

Toujours pour ne pas se laisser emprisonner par l’accoutumance, plus ou moins délétère : en comparant à rebours, on apprend beaucoup sur le produit que l’on teste.

J’ai souvent envie de rire (râler est le mot juste, mais je râle beaucoup. Peut-être que je me prépare pour le râle d’agonie ?) quand je vois, çà et là, des propositions de courtes listes de disques accompagnées de quelques commentaires visant à vous expliquer ce  qu’ils vous permettront d’entendre ou d’apprendre.

Quel gag…

La même blague que ces disques à répétition qu’on nous assène dans les salons depuis 20 ans.

Je me souviens à ce sujet d’une autre anecdote dans un magasin parisien (qui n’existe plus et c’est bien dommage) où l’animateur testait un appareil nouveau que le fabricant était venu lui présenter ; il y avait aussi ce jour-là un chroniqueur hifi qui n’exerce plus.

A un moment, le sympathique animateur choisit un disque de viole de gambe, pas passionnant soit dit en passant. Passées quelques mesures, il déclare au fabricant : « ah non, ça ne va pas, non il manque quelque chose sur ta machine… » (« ta petite cocotte », disait-il avec respect de l’homme)

                                                           

Un peu surpris, car personnellement je trouvais précisément cette machine (un lecteur CD) très intéressante, je demande : « peux-tu nous faire écouter le même disque sur un lecteur de référence pour toi ?

- Oui, bien sûr. »

Lecteur deux fois plus cher, soit dit en passant. Et à l’écoute du même disque, l’animateur sympa avec un immense sourire déclare : « vous voyez, là on entend clairement la respiration du musicien qui était beaucoup trop atténuée sur ta machine ! »

J’étais effaré… Oui, on n’entendait plus que ça, même ! L’asphyxie ahanante du gambiste probablement phtisique ! A contrario, plus le moindre grain sur les cordes, plus aucune nuance d’appui, plus aucune variation de jeu…

Je dis à notre hôte : « tu nous fais une blague, tu n’es pas sérieux ?

 

- Ben si pourquoi ?

 

- Pourquoi ? Mais parce qu’il n’y a plus de musique !!! Et tu crois vraiment que l’ingénieur du son (très réputé par ailleurs) serait assez con pour favoriser la tuberculose du musicien plutôt que son instrument ?

 

- mais si on l’entend, c’est que c’est sur le disque ! 

 

- oui, mais ça doit rester à sa place ! Là c’est simplement une extraction, une mise en avant d’une zone de fréquences, un coup de zoom dans la perspective, enfin quoi… »

Plus drôle encore : je m’aperçois qu’il a le même disque en vinyle et lui suggère qu’on l’écoute. Il ne l’avait jamais utilisé (dans son impressionnante discothèque) ni même ouvert. Evidemment, sur sa belle platine vinyle, la maladie avait reculé et le musicien retrouvé un peu de vigueur dans les doigts…

Je me tourne alors vers le chroniqueur hifi - qui s’était bien gardé d’intervenir alors qu’il avait accordé une patate d’or à l’infâme bécane – et lui demande : « sérieusement, vous avez aimé ce truc ?

                                                              

- non pas vraiment. Mais si je ne devais donner des récompenses qu’à des objets que j’aime et avec lesquelles je pourrais vivre, il n’y en aurait pas eu plus de deux ou trois en dix ans… Et ce n’est quand même pas le pire. »

Oui, c’était hélas vrai.

 

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