à l’oreille





Living Voice 2

Living Voice IBX-R3

Par LeBeauSon - octobre 2019


Lauréate des timbres et de l’expressivité,
que demander de plus ?

Si la marque britannique Living Voice ne réussit pas vraiment à percer en France face à l’armada de ses compatriotes très médiatisées, ce n’est ni faute de qualités musicales, ni d’audace de la part du concepteur qui a mis au point un des systèmes les plus extravagants et prestigieux du monde, à savoir Vox Olympian : « enceinte » à pavillons avant, d’un encombrement hippopotamesque, d’une présentation superbe et ostentatoire et d’une qualité de finition absolument unique, elle est avant tout musicalement extrêmement aboutie comme on a pu s’en rendre compte lors de divers salons.

Non, ce n’est pas ce modèle qu’on teste aujourd’hui : un demi-million d’euros, ça calme.

Le mois prochain peut-être ?

VOX

 

Nous allons vous raconter un modèle nettement plus modeste, à savoir l’IBX-R3 positionné à partir de 8400 € selon les finitions.

En préambule, je tiens, cher ami passionné de musique, à préciser que vous serez peut-être surpris par quelques réserves « pratiques » que je vais émettre dans mon descriptif. Que les choses soient claires d’entrée de jeu : Je suis suffisamment sensible aux qualités musicales et expressives rares des IBX-R3, sans considération de prix, pour avoir le droit d’être sévère sur un ou deux points pas problématiques à l’arrivée. J’apprécie l’éloquence de ces objets incongrus au point de proposer au « chef » de les intégrer dans ce que j’appelle : « les choix de la rédaction »*, à savoir ces produits variés qui nous aident à tester et à comprendre les appareils qu’on confie à nos oreilles pour expertise.

Voilà, c’est dit.

Living Voice 1

J’ai donc commencé par la conclusion.

Reprenons : si la monumentale Vox Olympian s’impose par sa structure architecturale complexe, la gamme démocratique est à contrario esthétiquement très dépouillée.

Un parallélépipède, en l’occurrence deux superposés : la charge - premier parallélépipède – prend place sur le second qui mesure en gros un 10ème de la hauteur : son socle. De faible encombrement (1030 x 215 x 270), les proportions de l’ensemble sont bien équilibrées, la finition possible en diverses essences de placage dans une bonne norme qualitative dont quelques-unes originales et même une exceptionnelle, à savoir un ébène vernis brillant ; le socle, noir satiné, reçoit le sobre logo. Pas de finition peinture ou laque pour le corps principal. Un cache bien dessiné vient masquer les haut-parleurs et c’est heureux parce qu’à une époque où on expose glorieusement des techniques de cônes souvent vaines (céramique, aluminium, fibre de verre, composites à base de carbone et j’en oublie), les deux 166 mm papier traité qui équipent la série des Living Voice paraissent un peu désuets.

Or, ces transducteurs qui ne payent pas de mine, fabriqués par Scan-Speak sur cahier des charges Living Voice (eh oui, tout de même !), sont à la source d’un faisceau de performances musicales peu fréquentes.

Question de talent pour aller à l’essentiel en se moquant des modes et de la frime ? Oui, mais ça n’aide pas forcément à vendre : tout le monde n’a pas la maturité nécessaire ou les bonnes informations pour tourner le dos à une débauche technologique surexposée, voire à une cosmétique qui peut représenter jusqu’à 70% du prix…

 

Trois haut-parleurs par enceinte donc, pour un montage dit d’Appolito ; à savoir (c’est très simplifié) deux grave/médium qui encadrent un tweeter « maison » (dôme et « collage » du dôme) relayant bas en fréquence et avec une pente assez raide pour préserver une bonne cohérence de phase. Voilà pour la théorie.

Les deux 166 mm sont montés dans une charge bass-reflex dont l’évent, un simple tube - là encore pas de chichi -, débouche à l’arrière. Le bass-reflex n’est pas ce qu’on préfère statistiquement, loin de là, mais on verra qu’ici la charge respecte un alignement théorique droit (en gros le coefficient de surtension déterminant la forme de la courbe de réponse et le volume, puis la fréquence de résonnance de l’enceinte et les caractéristiques de l’évent, visent la linéarité…hhmmmppffff), ce qui n’est pas si coutumier car les fabricants d’enceintes utilisent souvent le bass-reflex pour « gonfler » l’énergie dans une vague zone de confort, fréquemment confondue avec le grave. Eh oui, m’sieurs (dames), contrairement à ce que vous pensez, rares sont les enceintes qui descendent vraiment bas en fréquence ; ou alors sans énergie, sans «nerf»…


Mr Kevin Scott (il y a donc des Kevin en Angleterre ? Ce n’est pas un prénom purement français ???), le concepteur, a également soigné les choix des matériaux et des assemblages qui, là aussi, dépassent la simplicité apparente.

A l’arrière, sur la plaque qui accueille le filtre très sophistiqué, émergent deux paires de borniers, ce qui va nous amener au premier « ggrrr » du test : M. Scott… Pardon Mr Scott (il est anglais, ne l’oublions pas) considère comme tout naturel de passer directement au bi-câblage, ce qui coûte quand même une blinde si on choisit du câble de qualité.

Il n’est pas le seul, sauf que lui, dans cette logique absolutiste, ne fournit pas le moindre strap pour relier les borniers à l’arrière des IBX. L’excuse, outre le bi-câblage recommandé, est évidemment qu’il vaut mieux éviter les bouts de laiton généralement livrés en bouche-trou ; soit, mais acheter en complément des straps de qualité augmente aussi l’addition… Et si vous les oubliez : pas de musique.

D’autant que, pour avoir procédé à de nombreux essais de cette notion de bi-câblage sur un paquet d’enceintes, on a généralement constaté que le gain éventuel est discutable ; en effet si, bi-câblée, l’enceinte gagne en aération ou ampleur, un peu de concentration permet de détecter le plus souvent une moindre cohérence. En outre, il vaut mieux une seule paire de câbles de qualité que deux paires de câbles moyens. Là encore, pensons budget. Si à l’arrivée on a plus cher de câble que d’enceintes, pas sûr qu’on ait fait le bon choix.

 

Bon, ceci dit, je suppose que votre revendeur préféré a pensé à une bonne solution raisonnable pour commencer.

Deuxième « ggrrr » (je rappelle que le « ggrrr » est une mesure étalon validée par le directeur de rédaction), poser l’enceinte sur le socle via les quatre boulettes de BlueTak (pas sûr que ça s’écrive comme ça) fait un peu bricolage. Toutefois, n’oubliez pas le Blu-Tak (c’est mieux comme ça) pour ne pas ruiner le son. Et surtout, n’allez pas jouer les apprentis sorciers en négligeant purement et simplement le socle : il fait partie de l’étude et sa contribution est indispensable.

Troisième « ggrrr » (ah oui, tout de même !), vérifiez le serrage des HP et du filtre : Mr Scott considère que ce n’est pas bon de les bloquer comme un bourrin, il n’a pas tort, mais la conséquence est que les HP prennent du jeu, notamment pendant le voyage. Du frein filet, ça existe aussi.

Quatrième « ggrrr » mais c’est un tout petit « ggrrr » : profitez d’avoir retiré les caches (afin de vérifier le serrage) pour repérer l’enceinte gauche et l’enceinte droite : les Living Voice sont en effet des enceintes « symétriques » ou « miroirs », les tweeters étant désaxés. Mieux vaut les placer (sauf cas exceptionnel) à l’intérieur. Pourquoi « ggrrr » ? Parce que rajouter sur la plaque de filtre une petite indication droite/gauche, c’est quand même pas bien compliqué.

Je vous avais prévenu : qui aime bien, charrie bien…
Proverbe approximatif.

 

Entre l’apparence classique (mais pas vilaine du tout), l’empilage des sous-éléments à faire soi-même et les HP vintage, on pourrait avoir l’impression d’avoir acquis un gros kit, mais non, une Living Voice, c’est bien plus que ça, notamment celle qu’on a testée, à savoir l’IBX-R3, première de la gamme IBX, dont la musicalité fait souffrir durement la concurrence. D’ailleurs, quelle concurrence ?

Pourquoi « la gamme » ? Parce que dans ce même parallélépipède basique, Mr Scott propose plusieurs modèles, via des évolutions de composants et/ou configurations, qui commencent par l’Auditorium R25 (pour 25 ans comme quoi de très nombreux amateurs éclairés ont adhéré au concept), passe par l’Avatar II, évolue vers IBX-R3 et IBX-RW et enfin OBX-R3 et OBX-RW soit un éventail s’étendant de 6 000 à près de 20 000 €. IBX signifie que le filtre est à l’intérieur de l’enceinte, OBX qu’il est dans un boitier extérieur ; je suppose qu’on peut discuter de l’option : certes le procédé améliore les performances du filtre à composants identiques puisqu’on peut séparer et orienter lesdits composants plus efficacement ; cependant il faut accepter que l’exercice demande deux paires de câbles supplémentaires pour relier le filtre aux enceintes. Conséquence : l’addition grimpe furieusement. On reconnaîtra à Mr Scott que la démarche n’est pas mercantile puisqu’il n’est pas fabricant de câbles. Disons que la pensée est un tantinet audiophile. Mais le résultat est incontestable, soit.

 

Revenons à nos moutons. Les IBX-R3.

Les essais comme d’habitude, ont été menés avec diverses configurations, particulièrement amplificateurs et câbles. Ici nous avons par exemple expérimenté sur de l’Atoll (IN400, combinaison très réussie), de l’AVM (le CS 5.2, bon choix aussi), un Tsakiridis Aeolos Ultra (rapport qualité/prix et qualité/qualité très recommandable), un Grandinote Shinai d’un budget qui commence à compter, ainsi qu’un push-pull d’EL34 sans la moindre contreréaction globale, combinaison diabolique avec les Living Voice, à la limite de les « saturer » : le Kondo « Overture » fraîchement débarqué dans l’auditorium ; et enfin un Grandinote Supremo, mais comme avec le Kondo, le déséquilibre financier est sans doute outrancier. Ceci étant on a été bluffés.

Câbles Absolue Créations, Nodal, Kondo et Wing (on vous reparle très bientôt de cette nouvelle marque française).

 Living Voice 5

 

C’est parti :

 

RICHESSE DES TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL

Un des points forts de la famille Living Voice est l’aptitude à laisser éclore une multitude de gemmes, de saveurs, de parfums.

La légèreté et la luminosité avec lesquelles les coloris s’émancipent ne nuisent jamais à une densité stable des matières étant donné que la limpidité ne tient pas à un déséquilibre tonal favorisant le haut du spectre ; l’aigu peut au contraire, selon les électroniques en amont, composer une très belle matité et même une densité concrète.

On pourrait à la rigueur souhaiter un peu plus de corps, de soutien fondamental, sans pour autant regretter un manque ou un déficit de vigueur, puisqu’à défaut d’être une cogneuse poids lourd (c’est somme toute une petite colonne), la R3 est très agile et pousse une définition énergique dans le bas du spectre particulièrement réjouissante. D’autant plus qu’on n’est jamais gêné sur la R3 par l’insistance de la charge bass-reflex - reconnaissable sur 90% des enceintes l’utilisant : zone de boursouflure ou à tout le moins de sonorité répétitive.

La contrebasse ludique qui accompagne Madeleine Peyroux dans « tango till they’re sore… » badine en affichant un magnifique boisé dans une dimension crédible au lieu de s’embourber comme on l’entend trop souvent. La guitare coquine et les clins d’œil de Madeleine s’épanouissent dans une joie de vivre radieuse totalement respectée par la R3.

Le Quatuor de Grieg par le David Oistrakh Quartet brille de mille feux, aussi bien par l’enthousiasme effréné des musiciens que par la généreuse gamme de coloriages dont ils agrémentent l’œuvre. La vitalité n’est jamais entachée de la moindre bouffissure ou aberration par la R3 et on distingue comme rarement (très) les particularités harmoniques des divers instruments.

On notera éventuellement que sur une musique plus trapue, telles les fantaisies délirantes d’un rap bourré d’idées (est-ce réellement du rap d’ailleurs) de Die Antwood (à ne pas mettre entre toutes les oreilles), l’assise accuse un léger retrait ; ce qui, en ce qui nous concerne, n’est pas un problème et est même grandement préférable au « gras » car au moins profite-t-on de l’intégralité des astuces de production, effets sonores, gammes de percus, idées en pagaille au fur et à mesure des élucubrations du groupe de fêlés ! Etant entendu que l’énergie et les impacts ne sont pas en berne. Et poussées par un machin comme le Supremo Grandinote, on sera même surpris de la pression des « basses » qui donne l’impression que l’enceinte va danser !

On ne nous en voudra d’ailleurs pas d’évoquer l’équilibre général svelte de la R3 dès lors qu’en passant au modèle RW-3, même charge, même équipement haut-parleurs mais composants de filtre différents, le « corps » prend de l’ampleur. Ajoutons aussitôt que ce n’est pas le seul apport de RW face à R3.

La Symphonie n° 5 de Pettersson par Christian Linberg dirigeant le Norrköpings Symfonieorkester, œuvre difficile (pas la plus torturée du compositeur ceci dit) met en scène des bifurcations de timbres quelquefois alambiquées dont la R3 tire la substance avec agilité. Et pourtant l’instrumentation est complexe et prolixe, et l’orchestre pas le meilleur du monde. Jamais l’enceinte ne se perd dans les dédales du tourmenté compositeur (suédois) et si peuvent apparaître, çà et là sur un amplificateur qui ne la tiendrait pas idéalement, une ou deux petites toniques (pas de charge, c’est certain ; de coffret peut-être ?), le jeu de couleurs dans les méandres est parfaitement transcrit.

A propos d’amplificateur, les Living Voice s’inscrivent dans la courte liste des enceintes envisageables avec des amplificateurs de faible puissance et affranchis de toute contreréaction. Ce serait quand même dommage de s’en priver sous prétexte d’une petite tonique de caisse, une éventuelle résonnance de boiboite ; ceci étant, le meilleur résultat obtenu l’a été en compagnie du Kondo « Overture » de 30 watts qui les sublime carrément en structurant corps, densité et une énergie vitale inouïe sans la moindre coquetterie détectable. Comme quoi !

En aparté, l’expérience du Kondo nous a persuadés de rebrancher un ensemble Audio Note M6 + Quest Silver, comme ça, pour voir (mon pauvre monsieur, ça ne nous rajeunit pas)… Une belle association aussi, pas du tout dans l’esprit rigoureux du Kondo cependant, plus dans un flegmatique laisser-aller…
Passons…

 

La bande passante de la R3 est sans limite en haut, un peu plus courte en bas, mais pas plus que la moyenne, sauf que sur la R3, il n’y a pas de bosse arrangeante dans le grave qui pourrait faire illusion quand on n’aime pas vraiment la musique. Oui, j’insiste. C’est pour vous débarrasser des mauvaises habitudes.

De quoi je me mêle ? Euh… Bah enfin, c’est quand même un peu mon boulot, non ?

Amateurs de voix, Magdalena Kozena ou Charlotte Gainsbourg… Oui, c’est un 180°, et alors ? Vous préférez un autre exemple ? D’accord : Lou Doillon ?...

Lucciano Pavarotti ou Etienne Daho (quoi ? Qu’est-ce qu’il y a encore ??!! Vous n’êtes jamais contents !!!!)… Amateurs de voix, disais-je donc, la (les) Living Voice est sur son terrain de jeu favori : frissons garantis par une proximité et une probité très très rares dans la hifi, une fois de plus rendues possibles sans aucun doute par la vivacité de réaction des enceintes, dans un bain de couleurs jamais forcées, mais jamais affadies non plus !

Allez, une petite note, puisque c’est le principe établi. Histoire d’embrouiller tout le monde (y compris le directeur de rédaction, si si), la note sera un bémol : j’en mets deux.


TIMBRES

DIAMs 3 ORs3 Rouges

 

 

EQUILIBRE TONAL

DIAMs 5 Rouges

 

Ça ne paraît pas logique ? Si : le déploiement harmonique est magnifique, mais les fondations avouent un soupçon d’« allégement ». Pas d’incohérence. Je rappelle que les couleurs des étoiles sont théoriquement liées à la gamme et donc devraient être rouges (milieu/haut de gamme) pour les R3.

Jaune, c’est pour le très haut-de-gamme. Le mélange tient au fait que les IBX-R3 peuvent revendiquer une place dans une gamme supérieure.

 

 

SCÈNE SONORE

Comme expliqué dans l’introduction (c’est ce qui précède le reste. Ah, non, j’ai commencé par la conclusion. Oui, c’est vrai, ce n’est pas clair), on veillera à respecter la symétrie « miroir » des Living Voice, soit le tweeter à l’intérieur.

De même que pour la plupart des enceintes, nous préconisons un fort pincement vers (et même devant) la zone d’écoute de façon à créer une phase stable en avant du point focal. Messieurs les professionnels, bossez un peu, repoussez la tentation du spectaculaire outré en plaçant systématiquement les enceintes très écartées et parallèles. Mes excuses à ceux qui ont déjà expérimenté la méthode.

Auquel cas, mesdames et messieurs, n’ayons pas peur de le dire, la scène sonore est euh… bien.

Immuable, harmonieuse, un bon étagement des plans si le disque est correctement fait, donc le contraire de systématique.

D’emblée, on s’affranchit d’une perspective collée aux boites. Pas si mal. Sans obtenir la plus large ou profonde du monde, on bénéficie d’une scène respirant ouvertement, l’air circule autour des musiciens en évitant néanmoins de les isoler pour au contraire les installer dans un louable unisson.

Etonnamment, on peut pousser considérablement le volume sans que rien de la stabilité, largeur, profondeur, hauteur ne décroche, même si évidemment, du fait de son équilibre tonal « dégraissé », la LV R3 préfère les musiques explosant de dynamique à celles coincées dans un étau et qu’on écoute à fort niveau pour créer des sensations « stomacales ». Ce point est cependant lié aussi à l’amplification.

Une symphonie dilatée s’épanouira plus volontiers qu’un mauvais disque de variété trop compressé écouté fort. Pour parler simple. Mais écouter fort n’est pas nécessaire tant la capacité de la R3 à décrypter le jeu des musicos ou effets est supérieure.

Profitez pleinement d’un Sacre du Printemps jouissif (Solti dans la belle réédition Analogue Years de Decca ? Chailly dans la récente version accompagnée de l’inédit et fort intéressant « Chant funèbre », toujours chez Decca ? Pourquoi tant de Decca moi qui aime le vrai café ?… Oui c’est nul, mais elle me démangeait depuis longtemps !)

Ou encore la vision marmoréenne de la symphonie n°5 de Prokofiev par Celibidache chez EMI où la perspective s’étend dans une profondeur remarquable de justesse, accompagnée d’une sensation de « la salle dans la salle »  vraiment impressionnante sur une combinaison incluant le Kondo « Overture » qui laisse pantois (densité des timbres et matières, amorti parfait des modulations…)

Mais en se faisant un petit plaisir coupable via la version dépouillée de « all apologies » de Sinead O’Connor (Shuhada' Davitt désormais) on comprend que cette même combinaison, et donc les IBX-R3 (cqfd), s’impliquent pareillement dans une intimité bouleversante sur une proposition minimaliste débordant de sensibilité et d’humanité.

La Living Voice honorera pleinement son nom, en vous restituant toute la saveur des couleurs chatoyantes de l’œuvre, ainsi que sa dynamique effrénée et une compréhension juste de la salle de concert.

DIAMs 5 Rouges

 

 RÉALISME DES DÉTAILS

Les Living Voice sont, comme suggéré ci-dessus, de belles machines à décrypter. Parfum d’Angleterre, le pays du génial Alan Turing que ses compatriotes - qui peuvent se montrer aussi crétins que brillants - ont anéanti pour sa « différence » ? Qu’importe, pour les Living Voice l’ombre n’existe qu’en référence à la lumière (par opposition à une grotte, voyez ?… Quel rapport avec Enigma et Turing ?… Oui, c’est pathétique). En effet, même les passages musicaux qui ailleurs deviennent des gouffres, des trous noirs, continuent d’être modelés, habités, intelligibles à l’aide des LV

Ainsi l’opus un peu sombre de Juana Molina « Halo » laisse apparaître des lignes distinctes dans des nappes basses approchant quelquefois la bouillie ; ce déchiffrage profite évidemment à la subtilité de l’écriture des arrangements qui prennent au corps, en approfondissant concomitamment le mystère troublant de quelques passages d’anthologie.

La rapidité, la nervosité, la sensibilité dont fait preuve l’enceinte à tout moment…

… Oui, mais non : il faut aussi que le reste de la chaîne le fasse, j’ai failli oublier ce truisme… Donc, si les conditions sont réunies, l’enceinte égrène les informations les plus subtiles avec une justesse mais aussi une aristocratie (l’Angleterre, que voulez-vous…) du meilleur aloi.

Je retire ce que je viens de dire, car d’une part l’Angleterre produit aussi des enceintes franchement pourries, et en pagaille, et chères, d’autre part je ne sais pas qui est cet aloi.

Je m’égare, non ? Il faut dire qu’au moment où je rédige ses lignes en compulsant mes notes, je suis en Italie du Nord, parangon de culture et beauté. Ca détraque un peu la distinction des îles sous la brume.

Côté musique, que ce soit la surprenante édition de Sergent Poivre, remixée par le fils machin (ou Martin plus précisément) ou l’extraordinaire « Scènes de Faust » de Schumann, absolument pas anglais, mais dans la version sans équivalent dirigée par Benjamin Britten (qui, curieusement, n’a pas été jeté en prison pour les mêmes raisons que Turing et a même été anobli (voyez, il y a une logique dans mes errances !)) pas la plus minuscule poussière d’idée, de création, de nuance d’inflexion ou de couleur ne passe à la trappe, évidemment sans l’artifice du  moindre coup de zoom ou de flash arrangeant !

Une telle homogénéité de transparence est quand même un must et si les esprits malins se gausseront en ergotant que c’est dû à l’équilibre tonal dégraissé, je dirai : que nenni ! C’est le résultat d’une étude poussée, de choix osés qui ridiculisent une quantité monstrueuse de préceptes audiophiles à deux centimes d’euro. Haut-parleurs à équipages légers, petites bobines mobiles, petits moteurs, charge calculée pour un alignement idéal, quelques astuces de structures, et hop, en avant la musique ! Halte à la vanité technologique…

Ce n’est pas parce que les instructions de la rédaction sont : pas de technique pour ne pas faire fuir le néophyte que je n’ai pas d’avis. Non mais…

DIAMs 5 Rouges

 

QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE

Living Voice, soit Voix Vivante (ça le fait moins en français…) (je suppose que le nom est tiré des haut-parleurs que semble particulièrement apprécier Kevin Scott : Vitavox) (il y a beaucoup de parenthèses dans ce texte, non ? (Et parfois même des doubles)), l’enceinte est bien nommée : IBX-R3. Qu’est-ce que je raconte… Living Voice : vivante, oui, sans aucun doute. En tout cas sa proposition musicale l’est. Quelle verve, quelle sympathique ardeur communicative, quel plaisir à gazouiller.

C’est vraiment un point fort de la marque, une liberté d’expression qui passe par un swing réjouissant.

Je citais précédemment Madeleine Peyroux, qui peut paraître un peu agaçante dans ses minauderies (quel dommage, quand on pense au petit chef d’œuvre qu’était son tout premier album : Dreamland). On lui pardonne beaucoup avec le très détendu Secular Hymns où la mise en scène par les Living Voice exprime toute la joie de vivre, la bonne humeur, la nostalgie parfois, l’humour souvent. Tous les musiciens s’en donnent à cœur joie, et rien dans la vélocité des Living Voice ne vient freiner ou alourdir ce louable esprit, ce swing dandinant.

Un bref passage par God at the Casino du très débridé Sylvain Darrifourcq confirme le panache éloquent des LV, en démêlant adroitement les élucubrations du batteur et de ses potes (Manuel Hermia et Valentin Ceccaldi) et en transmettant sans le moindre rabotage le curieux mélange de complicité et aridité technique au service d’une musique d’une inventivité époustouflante. Et encore, Darrifourq ira plus loin dans Coïtus Interruptus avec les frères Ceccaldi cette fois.

Le célébrissime Concerto pour piano de Grieg dans la version fulgurante de Clifford Curzon et Øivin Fjeldstad (avec le LSO en 62) - faut-il qu’elle le soit pour que je m’évertue à écrire des noms pareils -, dispense toute sa saveur via le formidable transmetteur de tournures artistiques que sont les IBX-R3. Jeu flamboyant dans une cadence enlevée, couleurs d’orchestre luisant de mille flammes, c’est du bonheur à l’état pur. Le deuxième mouvement, dégoulinant de pathos, est ici une épreuve pour la virilité par la combinaison des musiciens inspirés et de l’enceinte complice…

L’ostinato de la rythmique accompagnant Baxter Dury qui chante « Whispered » prouve grâce à IBX-R3 que la simplicité n’est pas facile, car la frappe de caisse claire porte un mouvement entraînant et fascinant qui tient la chanson de bout en bout, posant à nouveau une intimité touchante avec ce musicien dont la voix semble toujours un peu hésiter, peut-être sous le fardeau de l’héritage. Formidable. En revanche IBX-R3 ne fait pas de cadeau à l’indigence de la production révélant l’entrée des compresseurs lorsque la musique devrait dynamiquement s’envoler.

Très bonne élève côté swing donc :

DIAMs 5 Rouges

 

EXPRESSIVITÉ

Voilà : nous y sommes : le paragraphe où la prétention hifi s’effondre…
Et où la Living Voice IBX-R3 excelle…

Son point fort, sans conteste, est celui de l’expressivité : elle dépasse le swing, le rythme, la reproduction vivante pour entrer dans le Panthéon des enceintes qui offre ce petit plus indicible. Panthéon au sens premier donc. Et encore, l’image est discutable. Je devrais en changer. Mais on m’aura compris : le club exclusif, quoi…

On sent clairement une connexion directe avec l’esprit des musiciens, le supplément d’esprit gravant le sens de l’œuvre, l’engagement des artistes et c’est un régal qu’il ne faut pas goûter sous peine de jeter la grande majorité de la hifi à la poubelle. Ce qu’on a… pardon : ce que j’ai un peu tendance à faire, il faut l’avouer.

Bien sûr ce lyrisme organique n’existe que si le reste de la composition de la chaîne le respecte aussi. Ben oui, hein : ce n’est pas la Living Voice qui invente cette intimité avec les musiciens. Ben non, hein…

Mais en prenant bien soin d’honorer ce qu’elle sait faire, le mélomane pourra vivre de belles années de musique riches en émotions en sa compagnie. Mélomane de toutes musiques…

DIAMs 4 ORS 2 Rouges

 

 

 


PLAISIR SUBJECTIF

Lorsqu’un appareil obtient son pompon d’or en rubrique expressivité, on se heurte inévitablement dans la présente (rubrique) à une contradiction : si l’expressivité est là, les timbres, la résolution, le sens des matières idem, etc… le plaisir subjectif est de fait au taquet.

Cependant, il faut toujours tenir compte de ceux qui ont d’autres critères, plus subjectifs précisément. Recherche de confort plus que de précision, d’une scène plus extravagante que plausible, d’une douceur permanente un peu ronron voire lénifiante, par exemple, ou encore du spectacle plus grand que nature et tant pis pour la sensibilité, le recueillement, l’imagination, le culot ou l’individualité des musiciens qui nous obsèdent.

La Living Voice IBX-R3 respire, vit, s’exprime avec spontanéité, n’est jamais fatigante précisément parce qu’elle approche du naturel…
Alors, qu’en est-il du « grand spectacle » ? Essayez, vous serez peut-être surpris !

DIAMS 4Rouges

 

 

 

 

PERCEPTION D’ENSEMBLE
Résumons :

Je trouve la Living Voice IBX-R3, à défaut d’une modernité plastique confondante, joliment proportionnée, discrète, pas trop encombrante, d’une finition dans la bonne norme.

La Living Voice IBX-R3 n’est pas gourmande et peut s’accommoder d’amplificateurs par ailleurs difficiles à employer, peu puissants, sans contreréaction, parfois sublimes, riches et éloquents.

La Living Voice IBX-R3 peut aller exactement dans ce sens-là et pour tout dire ne demande même que ça pour s’exprimer, ou plus exactement pour laisser s’exprimer les musiciens.

- timbres : la légèreté et la luminosité avec lesquelles les coloris s’émancipent ne nuisent jamais à une densité équilibrée des matières… On pourrait à la rigueur souhaiter un peu plus de corps, de soutien fondamental, sans pour autant regretter un manque ou un déficit de vigueur

- scène sonore : la Living Voice honorera pleinement son nom, en vous restituant toute la saveur des couleurs chatoyantes de l’œuvre, ainsi que sa dynamique effrénée et une vision très juste de la salle de concert

- réalisme des détails : si les conditions sont réunies, l’enceinte égrène les informations les plus subtiles avec une justesse mais aussi une aristocratie du meilleur aloi

- swing : c’est vraiment un point fort de la marque, une liberté d’expression qui passe par un swing réjouissant

- expressivité : le mélomane pourra vivre de belles années de musique en sa compagnie. Mélomane de toutes musiques


Qu’est-ce qu’il vous faut de plus ? Des IBX-RW 3? Allez-y, vous ne serez pas déçus.

Pour nous, elles se situent dans le peloton de tête des enceintes de cette gamme inférieure à 10 K€.

DIAMs 4OR1Rouge1Nul

 

 

 

 

RAPPORT QUALITÉ/PRIX

Il y a si peu de propositions dans cette gamme qui fasse tant honneur à la musique que nous ne pouvons hésiter.

Amis mélomanes, l’IBX-R3 est un must.

DIAMs 4 ORS 2 Rouges

 

 

 

 

*appellation non validée par le Big Boss. Lui préfère « Coup de Cœur ». On se cherche encore un peu…


Petit rappel nécessaire :

Nos bancs d’essai sont engagés et assumés : nous affirmons qu’un certain nombre decritères « sonores » doivent impérativement êtrerespectés pour exalter la musique,cause fondatrice de notre serment. C’est notre point de vue, notre attente, notremotivation. Une fois ce préalable énoncé, il n’y a pas de place pour la « subjectivité »dansnos BE mais une évaluation précise autour de ces critères définis parailleurs.

La perfection n’existant pas, notre devoir est de décrire le plus précisément possible lespaysages qui vous seront proposés par l’appareil que vous choisirez comme véhiculeémotionnel pour un long voyage. De fait, nos bancs d’essais n’hésitent pas à pointerdes petites et moins petites imperfections, limites ou réserves qui, au milieu de qualitésque nous mettrons prioritairement en avant, émaillent le comportement de chaqueappareil.

Cela paraîtra sévère parfois mais jamais malévole car c’est le refus d’une consensuellehypocrisie qui nous anime, pas la volonté de nuire. Ayez conscience que seul un défautrédhibitoire sera cruel et définitif, pas d’infimes errances de comportement au sein d’unocéan de bienfaits. Attention donc à bien mesurer que le pointage d’un accroc mineurpeut malencontreusement prendre plus de relief qu’un flot de compliments.

En outre, un peu contraints par les limites du vocabulaire, nous vous rappelons d’avoiren tête qu’on ne devrait pas tester une Renault Clio comme une Audi RS6. On ne peutet ne doit en espérer les mêmes performances mais on a le droit de savoir, dans lecadre d’un choix dicté par un budget, ce qu’on peut en attendre.
Par chance, en haute-fidélité, on trouve parfois des appareils très raisonnables qui sontde belles berlines ou sportives.

Outre que, bien sûr, nous ne sommes pas infaillibles, nous comprenons que d’autresfavorisent des aspects différents de la reproduction musicale ; nous nous efforceronsdonc d’exposer en toute impartialité la vocation ou orientation esthétique (sonore) desappareils testés.

Et afin de respecter les avis divergents (parfois même entre nous, pourquoi pas) 
nousouvrons d’une part la possibilité à nos collaborateurs d’intervenir en coursd’article mais surtout au fabricant ou distributeur du matériel testé
 - ou unreprésentant désigné par ceux-ci - de compléter notre test par un commentaire, un droitde réponse.

Enfin, autant nous avons des notions précises de technique, autant nousconsidérons que nous ne devons pas nous laisser influencer par des a priori,estimant en outre que ce genre de considérations n’intéresse pas la plupart desamateurs de musique non audiophiles. Par conséquent nous survolerons volontairement ces aspects.


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