à l’oreille





Kondo 1

 

Amplificateur intégré à lampes KONDO - Overture II

Par LeBeauSon - octobre 2019


Le Kondo « Overture II » ne ment jamais
et c’est la vibration de l’humanité qui triomphe…

 

Ongaku… S’il est un nom qui retentit dans l’esprit de certains audiophiles puristes, c’est quand même bien celui-là.

Ongaku – pour les profanes – c’est le nom d’un amplificateur intégré créé il y plus de trente ans par la société Audio Note au Japon.

Audio Note, autre nom mythique (vraiment). Même si, dans la confusion de la création d’une société Audio Note grande bretonne et de conflits qui, après quelques années de bonne entente, allaient s’installer entre les deux structures, le mythe s’est un peu pris un coup dans l’aile, la souche japonaise continue d’être vénérée par de nombreux idolâtres

Audio Note japon, et son créateur Hiroyasu Kondo (en 1976), considérant que les productions anglaises ne respectaient plus les normes d’exigence de la marque, décidèrent d’ajouter Kondo au nom d’Audio Note japon, Peter Qvortrup ayant déposé le nom originel en Angleterre.

 

Kondo (pour faire simple) a un catalogue réduit, axé sur l’analogique et le tube. Kondo a aussi la particularité de privilégier l’utilisation d’argent propriétaire (recuit et enduit d’un vernis en interne) comme conducteur le plus souvent possible et même, à l’extrême sur certaines réalisations, intégralement pour la modulation, bobines de la cellule, câblages (interne et externe), condensateurs de liaisons, transformateurs inter-étages ou de sorties…

Les prix du catalogue Kondo font frémir, aussi la proposition d’un « petit intégré » appelé Overture est la bienvenue puisqu’elle permet théoriquement de glisser un pied dans le monde d’une marque référente sans avoir à revendre son yacht. Les bijoux de madame, oui, quand même : 36 000 € le bébé, on ne va pas non plus prétendre que c’est démocratique.

Surtout qu’à ce prix on découvre un objet compact, pas bien gros pour tout dire (bon, 26 kgs quand même), qui peut sembler un banal push-pull d’EL34 de 32W pas même en classe A (Mmhh ? Classe A ? Pas clair ? Pas grave…). Très bien fini soit mais pas bouleversant d’audace esthétique, alors que les proportions sont jolies, l’objet est franchement élégant à défaut de paraître luxueux.

La fabrication perçue est exemplaire, soit ; les deux fentes en façade qui engendrent systématiquement la même remarque pénible «c’est pour mettre un CD ? ggghhhh» sont un moyen simple d’alléger le look. Les deux boutons sont très agréables à manipuler, dont le volume au toucher huilé. Heureusement car l’appareil est dépourvu de télécommande. A ce prix, c’est bien compréhensible…

Le premier réflexe pourra être de penser qu’un intégré « abordable » à base d’EL34, c’est aussi un Kondo au rabais. Ça a été le mien. Je vous rassure tout de suite : ce n’est pas le cas.

Construction d’abord : l’arrière, réalisé dans une superbe plaque de cuivre vernis, surprend. 4 paires de prises RCA de qualité, des sorties HP maison qui donnent confiance (4 et 8 ohms). Et surtout on s’aperçoit en mettant le nez dans les fentes d’aération que le châssis interne est lui aussi réalisé dans la même plaque de cuivre vernis, hélas dissimulé, ce qui est un véritable luxe ! Le cuivre, pas la dissimulation qu’on pourra quand même regretter. Ensuite, un certain nombre des composants utilisés sont sélectionnés parmi les atouts nobles de la marque, condensateurs argent, transformateurs maison, potentiomètre de volume etc… En outre, l’appareil est livré avec un câble secteur de la marque vendu séparément 2 000 €.

 

 

Kondo 4

 

Mais surtout l’écoute prouve que non seulement on n’a pas affaire à un produit par défaut mais bel et bien à un des meilleurs intégrés du marché !

Pour info, nous avons pu amener plus loin encore l’intégré Overture en passant par des câbles secteur parmi nos repères, certes plus coûteux. Mais quand on aime…

 

Ecoutes menées sur : Living Voice IBX R-3 et RW, Mulidine Harmonie V3, ppfff Ada & Ava, TAD E1-TXAvantgarde Duo. Câbles Absolue Créations Tim-Réf, Tim-Signature, Fontainebleau, Nodal Harmonie et Rhapsodie, ensemble Wing Audio.

Lisez la suite en espérant vous convaincre comme nous l’avons été :

 


RICHESSE DES TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL

Parfois nous rencontrons des trésors qui donnent illico l’impression de sonner juste, et peu importe que le résultat soit confortable ou non.

L’Overture Kondo est de ces appareils immédiats. Il timbre juste, point final. Avec un aplomb incontestable qui plus est.

Qu’est-ce qui procure ce sentiment d’évidence ? Probablement l’absence de toute impureté ou toute errance, une forme d’affirmation de soi totalement débarrassée du moindre accroc de tonalité, de résolution, de cohérence des notes, c’est difficile à dire.

La sureté des teintes est accompagnée, dans le cas présent, par une rigueur permanente, une implacable tenue, une draconienne structuration physique des matières à la limite du jansénisme, et une rapidité qui ne cesse d’émerveiller. La bonne rapidité, la vraie rapidité : celle qui définit les fronts d’onde, soit, mais qui parallèlement délinée des pleins et déliés patriciens, impulse des ascensions à la verticale aussi résolument que des atténuations flexibles, peuple les silences de chair, de sang ou d’épiphénomènes sonores, chassant les fantômes décharnés ou le mutisme creux.

Ainsi, sur la grandiloquente version de Zarathustra (du grand Richard) par Chailly (le grand Riccardo) dirigeant l’Orchestre du Festival de Lucerne (Decca), le « petit » Kondo burine et cisèle notes, amortis et ondes sinueuses selon les croisements des textures et couleurs dans un équilibre de sensibilité et compacité proprement sidérant. Jamais il ne se perd dans le dédale pourtant piégeant d’un opus confinant par instant à l’hystérie.

Sans minimiser jamais un premier violon digne d’un concerto, voler d’un pupitre à l’autre (quelles inflexions des violoncelles et contrebasses (Der Genesende)) est d’autant plus facile que la sensation des substances, du grain sont, au milieu de ce fatras, parfaitement perceptibles, matériellement, sans que jamais la complexité méandreuse de l’orchestration intriquée de Strauss ne soit embrouillée, projetée, amalgamée. Les élans pompeux assènent une densité et un corps constants rejetant le moindre laisser aller, dans un aplomb tonal irréprochable et sans l’ébauche d’une confusion ou resserrement des nuances et ossatures, ou distorsion.

En un mot, l’alchimie est fastueuse et somptueuse.

Ça fait six mots ?… Ah oui !

 

A condition que l’enceinte suive toutefois, car sur certaines pourtant parmi nos chouchou(e)s, l’énergie ajoutée à la transparence (nous y reviendrons) peuvent submerger la capacité à encaisser le flot. Ce qui ne retire rien à la beauté de l’ensemble, mais donne un corps global impressionnant mais simplificateur.

Sur des enceintes qui digèrent la richesse expressive du Kondo, la consistance est permanente, quel que soit le volume d’utilisation, et tension comme nervosité s’établissent en référents : possiblement l’amplificateur le plus rapide qu’on ait connu, toutes technologies comparées.

La délicatesse de jeu et les harmoniques virevoltantes du piano de Giovanni Guidi dans le très bel album « this is the day », pétillent d’enluminures au raffinement d’ukiyo-e. La contrebasse (deThomas Morgan, oui…) d’une dimension idéale, au boisé et intelligibilité parfaites dans une légèreté de courant d’air, un batteur (João Lobo, lui, je ne le connais pas…) aux frappes et glissements ou balayages qui sont autant de caresses, composant habilement un univers de cymbales aériennes, forment une parfaite symbiose avec le patron, portée en état de grâce par le Kondo qui suit sans la moindre perte de lisibilité et de « poids » jusque dans les instant aux frontières de l’audible. Le résultat est magnifique tout en nous laissant connectés directement au trio, car la beauté ne souffre d’aucun artifice, aucun filtre, aucune déformation plus jolie que nature !

Parallèlement, sur Ava qui est quand même une enceinte un peu exigeante (2 x 38 cm), l’équilibre tonal est souverain, pouvant à la rigueur mincir insensiblement sur des passages très chargés écoutés à niveau déraisonnable. Point sur lequel ma pièce n’aide pas non plus et à relativiser en fonction des câbles d’enceinte.

Par exemple si on pousse vraiment le volume sur l’album surproduit Ancestor Boy de Lafawndah (j’espère que j’ai tout écrit dans l’ordre. Il faut avouer que Yasmine Dubois, c’est moins glamour) on peut avoir la sensation avec certains câbles HP qu’une zone basse passe légèrement en creux.

Pour autant l’extrême grave module comme rarement et surtout timbre comme rarement. En usage fondé sur la dynamique plus que sur le volume sonore, Kondo expose des champs harmoniques incroyablement épurés dans les effets de superposition des voix, et les couleurs des percussions ou autres lignes synthétiques ou échantillonnées respirent dans un espace très très ouvert, aéré comme une vaste plaine céréalière alors que paradoxalement on a l’impression qu’il (l’Overture, restez concentrés s’il vous plaît) empêche tout débordement d’image et de scène. Scène parfaitement structurée, soit dit en passant, stupéfiante de « solidité » et de perspective en profondeur, dont le Kondo évite l’aspect souvent fatigant à la longue par manque de rigueur dans l’ébullition scénographique.

 

Les impacts des percussions cognent vigoureusement mais toujours suivis de la texture propre des fûts ou baguettes dans un développement temporel réaliste de la matière, un miracle au sein d’une telle multitude d’effets.

Le travail soigné dans l’extrême grave prend un sens particulièrement intéressant grâce au bouillant japonais (ça fait drôle d’accoler « bouillant » à japonais, non ?) qui retranscrit sans trembler le soubassement cossu mais en remontant jusqu’à l’origine du son, un peu comme si on pouvait en identifier le générateur. C’est à la fois impressionnant et passionnant ! Si le Kondo peint impartialement les paysages exotiques et chamarrés de ce faux monument, hélas il n’en cache pas non plus la relative vacuité artistique et dénonce rapidement l’acte empreint de préciosité et prétention qui ne tient pas la longueur dès qu’on a compris que la partition de percussions très en avant n’est pas magistralement écrite et que la chanteuse, finalement, sous un masque trompeur de figure world music, est une chanteuse R&B de plus… C’est cependant lui (oui, le Kondo) qui, à ce jour, repousse le plus loin la frontière des limites artistiques.

Le violon d’Henryk Szering (en compagnie de Charles Reiner en 63. Vinyle) dans un programme de mignardises de Kreisler nous plonge dans la double délectation de profiter à fond d’un univers sonore délicieusement daté mais aussi d’arômes envoûtants de crin et bois honorant la matité de la très belle captation qui nous place au plus près du superbe instrument. Je dirais même que ce lien intime tressaillant d’humanité ajoute de l’intérêt à des œuvres qui, somme toute, sont des « bis », des tubes pas du plus grand intérêt en eux-mêmes si dépourvus d’un talent supérieur de l’interprète.

Foisonnement aussi sur un bref passage de Universal Being de Makaya McCraven dont la copieuse instrumentation (guitare, saxo, violoncelle, harpe, basse, batterie, Rhodes…) permet de vérifier notre ressenti sur la capacité miraculeuse du Kondo à « recréer » le naturel. Bref passage parce le disque n’est pas franchement passionnant ; nous avons voulu vérifier si le Kondo révélerait des idées ou sensibilités qui en auraient enrichi notre perception. Non. Pas de miracle, le Kondo n’enjolive pas les artistes peu inspirés.

DIAMs 6 OR

 

 

 


 

SCÈNE SONORE

La composition originale de Gabriel Prokofiev (petit fils de l’autre), Concerto pour Grosse Caisse et Orchestre proposée par Joby Burgess (grosse caisse) et l’Orchestre Philharmonique de l’Oural dirigé par Alexey Bogorad évite tout effet racoleur par l’intercession du Mini Kondo décidément d’un sérieux de Pape.

Les variations d’écriture, établissant des possibilités inattendues et fécondes d’une grosse caisse, des plus fragiles aux plus spectaculaires, passent ici avec une capacité de nuances proprement étourdissante. Mais surtout, la disposition de l’orchestre est parfaitement étagée dans toutes les dimensions, d’une verticalité de statue incrustant plus profondément dans l’espace les éclats des cuivres, les morphologies des bois et des percussions. Alors que la vitalité ébouriffante entraînant certains passages joyeux et narquoisement mécaniques évoquant John Adams (je pense à celui de The Chairman Dances) est évidemment habitée de bonheur par le Kondo et les chuchotements intériorisés de passages plus angoissants sont énigmatiquement chargés de sens, on retrouve irrévocablement, sous la poigne du Kondo, un des aspects sympathiques de la musique contemporaine, à savoir l’exploitation approfondie de ce qui fait la matière, texture ou corpuscules, l’identité physique et expressive de chaque instrument. Ajoutons que Gabriel Prokofiev, via une écriture transversale dévorant les genres, courants et époques, nous épargne une nième resucée de codes fatigants d’une vision de la musique contemporaine faite de clusters venant de rien et n’exprimant pas grand chose, façon Aaron Jay Kernis d’une époque (sa deuxième symphonie par exemple). Ne serait-ce pas un « ggrrr » ?

Identique précision de géomètre du placement de la clique bonhomme de Bert Kaempfert dans Afrikaan Beat, même sur les cordes toujours un peu artificiellement plaquées alors que basse, cuivres (nombreux), batterie, guitare ressortent d’une totale plausibilité de la lecture vinyle d’époque (1962, Decca). Ce fantasque interlude de joie de vivre au premier degré qui ne mange pas de pain (?) insiste sur la rigueur sans faille du Kondo puisque là encore, on sent que lui n’est pas là pour plaisanter, ni pour se mêler de ce qui ne le regarde pas, voire peut-être qu’il observe d’un œil désapprobateur une musique aussi superficielle. Cependant, l’enthousiasme des musiciens est non seulement intact mais totalement à cru !

Précision au passage destinée à celui qui désirerait équilibrer son budget : profiter du vinyle via le Kondo en utilisant un préampli pas cinglé tel l’Aurorasound Prima est loin d’être une hérésie ; on a essayé, et c’est très chouette.

Raw, du rappeur / poète Saul Williams (et toutes les pistes de l’album sans équivalent qui sont autant de diamants taillés) confirment la rapidité inouïe du « premier » Kondo, son énergie sans faille en dépit d’une faible puissance. La séparation des « re-re » de la voix du griot (ce n’en est pas un mais il pourrait, àmha) imprègne d’une humanité foncière une déclamation éminemment contestataire.

D’entrée on est saisi par l’autorité de molosse ouvrant la séquence de percussions accompagnées de relief des matières qu’on a peu l’habitude de ressentir. Ensuite les superpositions de voix du poète se détachent les unes des autres avec une acuité marquant la ponctualité temporelle autant que chromatique et spatiale, installant un interstice inhabituel, placement et tempo conjugués pour concocter un climat émotionnellement intense ; l’estoc sonore - magistralement « designé » par le décidément génial Trent Reznor – qui ponctue certaines rimes de l’archange, implose d’une noire profondeur, tranche plus fort et plus sournoisement l’entendement et surtout répand un sang harmonique qu’on ne soupçonnait pas. La solidité d’un mur de briques révèle l’angélique poésie d’un animal arpentant les abysses des fins fonds du vide sidéral. C’est un moment qui secoue tout le monde dans l’auditorium, sur les Ava au moment de cette étrange expérience quasi spirite. Le reste de l’album vagabonde à la même altitude artistique stratosphérique, cette précision au cordeau dans des espaces artificiels qui relatent autant d’univers construits comme des citadelles de Metropolis. Alors qu’il s’agit d’un CD rippé !

Je ne peux m’empêcher de sourire à l’idée que nous atteignons le gag d’une chaîne à 100 k€ pour écouter du rap ! Ben oui, l’association Williams / Reznor le mérite allègrement et le Kondo révèle des sous-couches insoupçonnées jusqu’ici procréant autant de vecteurs au bouleversement émotionnel aussi bien qu’intellectuel.

L’art est sans frontière, Kondo le sait.

 

Le Kondo « Overture » fait partie de ces objets référent qui confirment le constat que vouloir séparer notre évaluation en critères n’a guère de sens quand la justesse triomphe.

 

Ecoutons par exemple un extrait du Winterreise Opus 89, D.911 (quelle frime…) dans l’arrangement de Hans Zender et la version de mon point de vue la plus saupoudrée de magie (celle de Zender avec Peter Blochwitz est surpassée et celle du fils Prégardien trop contenue), à savoir Sylvain Cambreling avec le Klangforum Wien et Christoph Prégardien : der Leiermann

Comment dissocier les frémissements de l’incroyable diversité des émanations harmoniques obtenues aussi bien par l’instrumentation que par les variations de techniques de jeu, de la scène sonore étagée comme à la parade et de l’expressivité infiniment vibrante de Christoph Prégardien pour conter la détresse insondable du vieux joueur de vielle houspillé par les chiens, image d’aliénation, abandon et indifférence de l’artiste méprisé…

Que louer, dans l’humilité du Kondo à délivrer la vérité tirée du néant, des touches de lumières sur des timbres dénudés dans la froideur de l’hiver, de la ponctualité exacte des instruments dans l’interstice étroit d’une orchestration qui tient de la réinterprétation, ou de l’angoisse sans exutoire qui nous étreint, à l’écoute d’exégètes en état de féconde introspection, de voir le Roi des Aulnes surgir de la brume hiémale pour nous emporter vers les enfers de la mort en solitaire ?

DIAMs 6 OR

 

 

 


 

RÉALISME DES DÉTAILS

L’approche de la 7ème Symphonie de Mahler (je n’ai pas d’opus mais un intitulé : Chant de la Nuit. J’ai bon ?) par Ivan Fischer étonne d’une part par le lyrisme oxygéné visant sans doute à alléger un édifice compliqué mais aussi par une captation qui place l’orchestre en retrait des enceintes, lointain mais soyeux, pour accompagner un équilibre voulu chambriste et une trame contrapuntiste où beaucoup choisissent le corps et la puissance d’un abord trop facilement vespéral. La distinction des timbres d’un orchestre que je ne considère pourtant pas comme le meilleur de la planète, se développe dans une minutie de jeu et d’intentions qui pour autant ne dénature en rien les matières de cuivre puissantes et champlevées, notamment lors d’un superbe échange Cors / Tuba / Saxhorn. La Fée Délicatesse (si j’avais dit « Clochette », c’eût été confusant (néologisme)) nue une poussière de magie pour enluminer la grâce de l’ensemble. Quel beau moment en apesanteur !

Détail amusant : sur la même charge musicale, la transparence et l’énergie sont telles qu’on peut arriver à saturer certaines enceintes, les submerger. Ainsi, si jamais les Living Voice IBX-R3 n’ont révélé une telle corpulence, on comprend que c’est parce qu’elles peinent parfois à faire le tri dans l’afflux qui les déborde. Pour avoir pu écouter aussi le Kondo sur des IBX-RW, on repousse la limite du trop-plein. Les Harmonie de Mulidine peuvent également sembler se désunir passablement à fort niveau dynamique, mais dans un cas comme dans l’autre, le résultat est si beau qu’on accepte la gageure. Sans doute des Harmonie « ++ » seront mieux adaptées.

La séparation des chœurs dans le composite ouvrage « The Mountain » de Premiata Forneria Marconi dénoue une transparence possiblement jamais entendue sur un intégré à tubes (ou des éléments séparés de gamme au moins égale) : on pourrait compter les chanteurs alors que le mixage pas vraiment incisif s’inscrit plutôt dans la veine soft / psychédélique d’une large époque du rock progressif. La musique, c’est le contraire : festival d’aquarelles cadrées, de saynètes bigarrées et de magnificence graphique, la création évolutive du morceau entrecoupée de ruptures rythmiques et harmoniques rutile dans un schéma touffu mais intelligent, magnifié par la rapidité du Kondo ; le vaillant intégré met en lumière les étendues chromatiques des italiens très en verve, mélangeant allègrement des figures baroques à des accès de haut rock, via guitares, violon, flûtes, et autres synthés aux timbres finement intégrés. Un disque élégant, vision libre et originale des univers de King Crimson ou Yes, en transmutation constante dont le Kondo affine la grâce lyrique.

Sur un moment plus bordélique, le mixage crade de Horehound par The Dead Weather, antépénultième concept de Jack White en compagnie de la talentueuse et rigolote (euh ?) Alison Mossheart (The Kills (très bien également)) recèle des pépites cachées : engoncées dans le blues âpre coagulé de sonorités opprimées dans un étau criard, de grincements rugueux, de suie sur la gueule des mineurs, de timbres nasillards et salaces, apparaissent sous le regard morgue du Kondo ironie, humanité, énergie qui libèrent des instants de grâce du fioul gluant.

Une approche radicalement nouvelle de la musique décidément, surtout sur des enceintes de type Ada acceptant avec délice la volonté du Kondo de remonter les fibres de quelque étoffe musicale vers l’humain sous les assauts les plus violents de la beauté comme de la crasse…

DIAMs 6 OR

 

 

 


 

QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE

Derrick Hodge Live Today délivre un gros son où l’image, pardon : la scène, un peu plate n’altère pas un emballement rythmique en surchauffe ; le groove aussi bien de la section basse / batterie que des cuivres aux reflets miroitants, impulsifs et enragés, ramène aux meilleures heures de la Motown. Ca pulse, ça vibre, ça envoie du bois ! Enfin, du métal ! Un sans-faute avivé par le plaisir du Kondo à faire reluire les surfaces ou corps des instruments quels qu’ils soient !

 

Ellington, Piano in the Background (en vinyle) plus que souvent injecte dans le sang la délectation particulière de se sentir meilleur danseur qu’on ne l’est en vérité ! Glissements suaves sur le parquet en savourant des cuivres mieux astiqués, rigolards, fringants encore que ceux de Hodge, le swing est ici diamant brut luisant sous des lumières bariolées qui balaye le banal réflexe de claquer des doigts pour impliquer en notre moi tribal le cœur intrépide du pur jazz. Dynamitages du cœur à doses homéopathiques, bonheur de se laisser bercer ou emporter dans un tourbillon de fête, le peu souriant Kondo est un sincère transmetteur d’âmes.

 

Le Concerto pour Violon Op 33, FS 61 de Nielsen n’est à la réflexion pas aussi souvent proposé que les éternels Beethoven, Sibelius, Mendelssohn, Tchaïkovski ou autre Bruch. Alors quand on en découvre une version aussi radieuse qu’innovante via l’archet inspiré de la jeune Jiyoon Lee (accompagnée par le Odense Symphony Orchestra sous la baguette de Kristiina Poska), on ne peut qu’être curieux. Et conquis par l’intermédiaire du Kondo.

Une première découverte m’avait en effet laissé un peu distant : admettant que ce Concerto passait par une sorte de rugosité obligatoire - expliquant possiblement qu’il soit un peu boudé du public comme des musiciens -, le jeu apprêté de la jeune coréenne (27 ans) ne m’avait pas vraiment emballé, jusqu’à ce que je le réécoute sur une combinaison Kondo / Ada et comprenne qu’en vérité le phrasé délectable de la jeune violoniste – ourlé de particules boisées et sculpté de fragrances -, sachant devenir nerveux voire incisif, véhicule une noblesse qui sait transcender une vision romantique – dénuée de toute afféterie - au largo initial et au troisième mouvement (ici deuxième) sans chercher à contourner la masculinité affirmée des deux autres parties, esquisses de jets rythmiques nerveux surplombant des dissonances que la dame imprime expressives et accortes. L’orchestre, réactif, ductile et ponctuellement herculéen sur quelques éclats dynamiques remarquables de tenue, ne se sent pas obligé de servir d’écrin pour au contraire escorter les évolutions de la soliste dans une impeccable fermeté ne lésinant pas sur les rebonds légers et malléables, ou contorsionnés et saillants, en évitant aussi fort intelligemment de vouloir sonner nordique à tout prix… Comme quoi le Kondo « Overture » fait partie de ces objets trop rares qui tiennent le rôle exact de la haute-fidélité : révéler l’intégralité, l’intégrité de l’histoire racontée par les musiciens.

TORRES maintenant : l’humeur parfois crépusculaire comme torturée par un bourreau aux mains lentes alternant avec des instants énervés et rageurs de l’album « Three Futures » conduisent, par l’intermédiaire du Kondo, à une expérience sensorielle qui dépasse la perception auditive ou épidermique pour s’inoculer dans le corps en frissons organiques intenses ; sensualité contradictoire cramponnée aux fluctuations oblongues à travers un univers construit, homogène autour d’une thématique évoquant le corps conçu comme un mécanisme de joie où compte avant tout l’épanouissement de chacun, ce qui, dans la jungle sombre de la musique de la new-yorkaise, semble circonvenir d’austères antinomies…

Or, cette musique pourrait paraître répétitive dans le dédale mental, fractionné par la guitare de la « barde », si le Kondo ne permettait d’en explorer sereinement, scrupuleusement, les nonchalantes évolutions, les variations élaborées, sensibles et discrètes, sonores, colorimétriques, tonales etc.

La voix de Mackenzie Scott, qu’elle se répande voluptueuse comme si elle se déversait sur une pile de crêpes chaudes ou styptique dans ses réquisitoires vénères (Helen in the Woods), habite le swing asynchrone mouvant au sein des couches abstraites d’arrangements aux ampleurs occultes qui insufflent le sentiment d’une ivresse paresseuse, sous le coup du va-et-vient imperceptible du pont d’un lourd vaisseau ondoyant mollement !

 

Du grand art, celui de l’américaine comme celui de l’intégré japonais. Celà dit, ce même passage, j’aurais pu le réserver à la rubrique suivante…

 

DIAMs 6 OR

 

 

 


 

EXPRESSIVITÉ

On l’aura deviné à la lecture des critères précédents : si on devait trouver la représentation de l’intégré haute-fidélité illustrant notre quête obsessionnelle de l’expressivité, le Kondo « Overture » en serait une figure majeure !

Le long développement que j’éprouve le besoin de faire à propos de chaque disque choisi en est la meilleure démonstration…

Mais creusons encore un peu le sillon de la certitude :

Feste Romane (1928), le tableau le moins représenté du triptyque romain d’Ottorino Respighi, porte dans la version de mon point de vue sans égale de Lorin Maazel en 1977 une aura de chef d’œuvre.

Maazel fourbit à Cleveland des chatoiements plus méditerranéens que La Vecchia à l’Orchestra Sinfonica di Roma. Mais, outre les flamboyantes bourrasques de la bacchanale, parfaitement transparentes, tendues, lisibles via le Kondo, on vibre aussi d’une ébriété suprême (La Befana) incubant l’angoisse, sensation d’une caméra, non, d’un esprit !… survolant les ruelles congestionnées et placettes étreintes d’autant de fêtes, puis nous plongeant dans l’épanchement grisé de la multitude en liesse qui progressivement nous chamboule, nous bouscule, nous charrie, jusqu’aux acmés de la frénésie finale, quasi-expressionniste, vrillant au plus profond de notre angoisse primitive l’anxiété d’être submergé, étouffé ; et, alors qu’apparaît un petit air guilleret au loin dans une rue transversale, un quartier plus doux et moins fou, l’ondulation vorace de la foule - tels des courants sous-marins profonds et sournois - nous interdit le pas de côté, l’air libérateur, nous engloutit, flot humain aux appétits d’ogre rappelant la folie dévorante des monstres grimaçants et sataniques du Carnaval de Rio dans le touffu et baroque Orfeu Negro de Marcel Camus

Un moment d’une exceptionnelle intensité, certes en lecture vinyle sur une gravure magnifique.

Sylvan Esso est particulièrement touchante quand elle (et les multiplications d’elles) entonne la très dépouillée chanson Come Down, qui pourrait être un spiritual ou du blues en tout cas. Avais-je deviné une si jolie intonation, une capacité aussi subtile à moduler l’air de rien avec une telle finesse de swing dans la voix ? Non, car je ne l’ai pas reconnue quand un autre auditeur a déclenché le morceau en piochant au hasard dans une ribambelle d’inconnus…

La résurrection au disque d’Ivo Pogorelich, Opus 54 et 78 de Beethoven, Opus 36 de Rachmaninov, marque un fort jalon de la discographie pianistique que, à contrario, les afficionados d’un Beethoven romantique n’apprécieront pas forcément : ouragans exaltés assénés dans un despotisme assumé et prégnant, les pulsations de nerfs sous la poigne surnaturelle du Croate peuvent s’immobiliser en une fraction d’euphorie sur une scène de tendresse où le toucher devient angélique caresse révélant une surhumaine domination du clavier …

Lecture hallucinée ou affectionnée, le superlatif artiste ne cherche jamais l’effet, sa concentration sur chaque note exprimant une maturation profonde aussi engagée que sa propre vie ; sous la férule du Kondo, cette prise de possession des lieux et du temps, où chaque résonnance de la mécanique parfois torturée, souffle des marteaux, appui des doigts malmenant ou cajolant l’ivoire, soulignent scrupuleusement la plus subliminale intention comme le plus violent assaut ou des amortis prodigieux agrippés au fil permanent d’une pensée infaillible, circonscrit une bouleversante intimité à un homme pétri de contradictions…

Enfin, parce qu’hélas il faut bien s’arrêter et rendre le bijou à son propriétaire, passons par un de nos repères incontournables depuis quelques temps : l’exquise Billie Eilish. L’Overture ajoute une dimension supplémentaire au cocktail déjà perturbant de sensualité boudeuse, intelligence distanciée, contrôle de maestro et ironie de farfadet, sublimé par une production maîtrisée jusque dans les fluctuations inaudibles : une touche inattendue d’inquiétude, de crainte même, sentiment imminent que tel niveau de génie à 17 ans pourrait aussi bien ressortir d’un trouble mental, faisant espérer le meilleur pour la révélation de la décennie mais craindre le pire sur son évolution en tant que femme, qu’être humain, si le génie confine à la folie…

Définitivement, par l’entremise d’une rigueur effleurant l’ascèse, d’une justesse tonale et chromatique proche de l’absolu, d’une transparence naturelle, le Kondo Overture II envoie valdinguer toute tentation de la hifi de duper par omission ou excès, et révèle absolument toutes les fragilités, intentions, idées, hésitations, folie et furie ou vacuité des artistes totalement mis à nu, sans refuge possible autre que d’afféterie, trucage ou mystification pour dissimuler l’humanité.

Le Kondo « Overture II » ne ment jamais et c’est la vibration de l’humanité qui triomphe…

DIAMs 6 OR

 

 

 


 

PLAISIR SUBJECTIF

Bah… Hors sujet. La seule vraie question est : que donnent les modèles supérieurs ?

 


 

PERCEPTION D’ENSEMBLE

S’offrir un Kondo est une sorte de prérogative. On pourrait craindre, en acquérant le premier modèle de la gamme, avoir affaire à un Kondo symbolique. Eh bien non ! Et ça, c’est non seulement un plaisir mais aussi la preuve d’un respect des autres et de soi-même par Kondo.

Qualité du châssis, même interne en cuivre vernis (je le répète, quel dommage de ne pas le montrer), des composants maisons, du câblage interne et même du câble secteur fourni, mais surtout musicalité hors norme, sont des éléments qui en font un repère majeur dans sa catégorie de prix.

Et surtout, à titre personnel moi qui rédige l’article, - moi je -, je m’aperçois d’une étrange boucle qui des décennies plus tard me ramène à Kondo.

J’ai en effet eu le privilège d’écouter l’Ongaku alors que j’étais encore jeune et beau...

... Non, on ne va pas me croire ; déjà, que j’aie été jeune va en faire douter plus d’un ; alors beau…

Bref : plus jeune,

... j’ai écouté un Ongaku dans un cadre idéal. La rencontre avec cet appareil a sans aucun doute contribué au cheminement qui me conduira en marge de la hifi consensuelle. Mais je ne pouvais pas le comprendre alors, persuadé qu’il existait forcément ailleurs un appareil qui apporterait la même richesse de ce qu’à la longue j’allais apprendre à nommer « expressivité » pour beaucoup moins cher et à travers une technologie (apparente) moins archaïque. J’ai écouté des milliers d’appareils de tous les prix ou techniques depuis lors, dévoré plus de musique encore, j’ai appris beaucoup sur les deux sujets, avec un détachement croissant pour la hifi et un attachement quasi-viscéral, addictif en tout cas, à la musique, devant souvent supporter l’incompatibilité entre l’une et l’autre.

Ecouter cet intégré Kondo replace l’église au milieu du village, et me fait craindre que, trente ans plus tard, la vérité soit toujours du côté de cette marque japonaise - et ses affidés car quand même il y a quelques disciples inspirés - ancrée dans une tradition qui par ailleurs ne crée pas que des merveilles. Ce que la rencontre annuelle à Munich d’un gros ensemble Kondo sur des enceintes qui me correspondent moins, confirme continuellement.

Kondo ou comment faire du neuf avec des dieux…

DIAMs 6 OR


 


RAPPORT QUALITÉ/PRIX

Cet ampli intégré vaut amplement ce qu’il coûte et la concurrence peut rarement en dire autant.

DIAMs 6 OR

 

 

 

Kondo 2

Kondo 3

 


 

Petit rappel nécessaire :

Nos bancs d’essai sont engagés et assumés : nous affirmons qu’un certain nombre decritères « sonores » doivent impérativement êtrerespectés pour exalter la musique,cause fondatrice de notre serment. C’est notre point de vue, notre attente, notremotivation. Une fois ce préalable énoncé, il n’y a pas de place pour la « subjectivité »dansnos BE mais une évaluation précise autour de ces critères définis parailleurs.

La perfection n’existant pas, notre devoir est de décrire le plus précisément possible lespaysages qui vous seront proposés par l’appareil que vous choisirez comme véhiculeémotionnel pour un long voyage. De fait, nos bancs d’essais n’hésitent pas à pointerdes petites et moins petites imperfections, limites ou réserves qui, au milieu de qualitésque nous mettrons prioritairement en avant, émaillent le comportement de chaqueappareil.

Cela paraîtra sévère parfois mais jamais malévole car c’est le refus d’une consensuellehypocrisie qui nous anime, pas la volonté de nuire. Ayez conscience que seul un défautrédhibitoire sera cruel et définitif, pas d’infimes errances de comportement au sein d’unocéan de bienfaits. Attention donc à bien mesurer que le pointage d’un accroc mineurpeut malencontreusement prendre plus de relief qu’un flot de compliments.

En outre, un peu contraints par les limites du vocabulaire, nous vous rappelons d’avoiren tête qu’on ne devrait pas tester une Renault Clio comme une Audi RS6. On ne peutet ne doit en espérer les mêmes performances mais on a le droit de savoir, dans lecadre d’un choix dicté par un budget, ce qu’on peut en attendre.
Par chance, en haute-fidélité, on trouve parfois des appareils très raisonnables qui sontde belles berlines ou sportives.

Outre que, bien sûr, nous ne sommes pas infaillibles, nous comprenons que d’autresfavorisent des aspects différents de la reproduction musicale ; nous nous efforceronsdonc d’exposer en toute impartialité la vocation ou orientation esthétique (sonore) desappareils testés.

Et afin de respecter les avis divergents (parfois même entre nous, pourquoi pas) 
nousouvrons d’une part la possibilité à nos collaborateurs d’intervenir en coursd’article mais surtout au fabricant ou distributeur du matériel testé
 - ou unreprésentant désigné par ceux-ci - de compléter notre test par un commentaire, un droitde réponse.

Enfin, autant nous avons des notions précises de technique, autant nousconsidérons que nous ne devons pas nous laisser influencer par des a priori,estimant en outre que ce genre de considérations n’intéresse pas la plupart desamateurs de musique non audiophiles. Par conséquent nous survolerons volontairement ces aspects.

Banc ecoute