à l’oreille





Danseuse de corde

par LeBeauSon - Juin 2020

PERCEPTION D’ENSEMBLE

Joli petit objet, moins élancé que sa grande sœur, la Courbet 4 parvient aisément à faire oublier ses dimensions. Ajoutons qu’elle n’est pas gourmande et pourra s’associer pour le meilleur avec des petites perles de l’électronique qui ne coûtent pas forcément une fortune, voir des amplis à tubes de qualité.

En effet, par la libre respiration des timbres, affirmant des couleurs pures, rieuses, Courbet 4 disparait au profit d’une aération remarquable de la musique et d’un placement précis des artistes dans une cour tridimensionnelle justement proportionnée.

Courbet 4 est une vraie petite boule de nerf quand il le faut, ce qui n’entache pas sa douceur générale ; elle flaire parfaitement les méandres de swing, groove ou dynamiques les plus alambiqués

Toutes qualités qui participent d’un franc engagement humain propulsant l’intrépide petit joujou en vecteur émotionnel direct entre la vérité expressive et le plaisir d’une séduction plus directe, la facilité d’un bon gros son associée à la capacité aux nuances et frissons délicats.

DIAMs 6 Bleu

DAVIS Courbet4 1

Dans précédent article consacré à une enceinte Davis, la Nikita, je posais la question :

 - doit-on encore présenter DAVIS ? Cette célèbre marque française ?

Oui ?

Ben non : faites-un effort… disais-je.

Alors bon, je vous en prie, faites un effort et allez voir du côté de l’autre banc d’essai…


Mais bon, OK, Davis est un fabricant français qui a plus de trente ans.

Ça suffit.

Non, en fait non. C’est curieux, mais « plus de trente ans » est un paradoxe. Pour une femme ou un homme, c’est jeune, n’est-ce pas ? Pas forcément totalement mature, soit. Pour une marque, ce devrait être un gage de qualité… Or, croyez-moi, des marques plus que trentenaires qui fabriquent des produits pas terribles, on peut aussi en citer. Tous les trentenaires ne se valent pas.

Ça y’est, vont soupirer les habitués, il commence à peine son article qu’il commence à râler ce vieux débris (vieux ? Moi ???) (et débris n’est pas le premier mot qui m’est venu à l’esprit. Gravats ?)

Non, je ne râle pas : j’expose un fait. Et honnêtement, il y a quelques années encore, j’aurais pu fourguer Davis dans le sac du « un peu n’importe quoi », parce que, au milieu de haut-parleurs de référence et de quelques enceintes réussies, il y avait quand même un flottement de gamme et surtout des lignes d’enceintes… Comment dire ? Discutables ?

Or, depuis quelques années, on constate une unification des performances - musicalement à la hausse - des modèles et des gammes, tout en gardant un esprit poétiquement fantasque afin de ne pas s’enfermer non plus dans une pensée verticale ; créer par exemple une gamme Dream où il y a un seul modèle pour le moment, ou une gamme Héritage, est une excellente démonstration d’une liberté carpolapinesque.

D’où la tentation, suite à la rencontre un peu par hasard de la Courbet 4, de me lancer dans un article alors que, quand même, je n’ai pas que ça à faire.

J’apprécie beaucoup les Courbet 3 & 5, moins la version finale de la 7 ; or, sans vraie raison (rationnelle, rationnelle), j’ai eu envie de raconter avant tout ma rencontre avec le modèle n°4. Pas du Chanel, mais presque.

Le dessin de la Courbet 4 est sympa, reprenant l’inclinaison de la gamme (courbée ? Non, inclinée) posée sur un socle plaqué chêne clair et légèrement en retrait de celui-ci. Si les proportions sont un peu moins réussies que sur le modèle 5, l’enceinte est jolie, moderne et s’intégrera facilement dans des univers variés. Le corps est disponible en blanc ou noir satinés, et peut-être d’autres finitions à venir mais je n’y comprends rien. Demandez à votre magasin.

Ah oui : les considérations qui m’ennuient : 160 x 825 x 220, hauteur, largeur, profondeur. Cherchez l’erreur…

C’est une enceinte deux voies avec des haut-parleurs dedans. Et alors ? Ben pas grand-chose de plus. Le haut-parleur principal est un 13 cm en Kevlar tressé, une technologie que Davis maîtrise depuis longtemps et le tweeter à dôme est commun à tout la gamme Courbet.

90 dB de rendement au compteur. La mesure semble cohérente avec le ressenti. Autant de mesures, autant d’approximation, cf notre article à ce propos (le rendement. Si on devait écrire un article sur l’approximation, il faudrait s’appeler euh… Choisissez votre philosophe).

Ah oui : le prix. 2 200 € la paire, prix public indicatif.

Les tests ont été effectués avec diverses combinaisons, comme d'habitude, la majeure partie avec des amplificateurs intégrés Atoll IN200 Signature & IN300, Tsakiridis Aeolos Ultra, Audio Analogue Puccini Anniversary. Divers câbles, là encore comme d'habitude.

 

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RICHESSE DES TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL

Première bonne surprise : les timbres sont plutôt fins, voire raffinés.

Pourquoi bonne surprise ? Parce que, à défaut d’être plus riches harmoniquement que sur la Courbet 5 par exemple, ils procurent l’impression d’une plus libre respiration, semblent affirmer des couleurs plus pures, plus rieuses ou chatoyantes…

Ainsi, à la découverte de la 4ème symphonie de Mahler pas Osmo Vänskä dirigeant le Minnesota Orchestra, qui n’est pourtant pas la phalange la plus dotée de teintes ou de talent du monde, on est vite immergés dans des jeux de pastels et lumières nantissant une lisibilité tout à fait recommandable à cette interprétation désaltérante qui, toutefois, ne réussit pas idéalement le long « Ruhevoll » où on peut s’égarer dans un soupçon de relâchement…

La Courbet (n°4 s’il vous plaît), alors alimentée par un ensemble Atoll DAC300 et Tsakiridis Aeolos Ultra, se faufile habilement dans les pupitres, immortalise des lignes mélodiques subtiles, se fossilisant, insensiblement, dans le dédale des forte, sans pour autant défigurer le timbre ni le suivi mélodique, mais peut-être quand même un rien la définition au sein du marasme.

On constate alors un choix très habile de l’équilibre tonal, qui implique un choix possiblement idéal entre la volonté de donner du confort (comprenez la sensation d’un spectacle grandeur nature, graves profonds bodybuildant l’enceinte et haut du spectre un rien plus expansif) et de la justesse aussi bien rythmique que tonale.

Je dis bravo. Et là probablement réside le coup de cœur, face par exemple à sa grande sœur Courbet 5, plus juste, plus rigoureuse, mais aussi plus exigeante, tout simplement moins joyeuse, moins allègre.

La Courbet 4 « truque », mais avec un charme imparable qui fait qu’on ne s’ennuie jamais, qu’on garde un sourire permanent… Car jamais la musique n’est trahie !

Et puis, cet équilibre, associé à la capacité à jouer de la colorimétrie, sied idéalement à des plages de calme expressif tel le EP de Låpsley « These Elements ». Un court moment (4 pistes, grosse fainéante) qui pose une atmosphère épanouie où la très belle voix de Holly Fletcher trouve un appui organique dans les arrangements vaporeux grâce à la belle présence de la petite Courbet… Dès qu’entrent les sections rythmiques basses, on sent davantage le côté adroitement loudness du réglage qui se caractérise par un côté parfois répétitif de la couleur, du fait évident d’une limite naturelle dans l’extrême grave, sans jamais nuire à l’élégance globale, ni au suivi du tempo.

C’est très beau, tout simplement. Or, il faut bien ça pour sortir l’artiste d’une gentille léthargie.

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SCÈNE SONORE

Quelle ampleur… On est dans ces cas de figure très agréables où l’enceinte se fait totalement oublier : pas de sensation de boite ou de charge, au profit d’une aération remarquable et d’un placement précis des musiciens dans une cour tridimensionnelle proportionnée.

Une liberté qui rappelle certains « panneaux » électrostatiques sans les aberrations.

Ainsi, sur le très intéressant hommage rendu à Mathilde (Schoenberg, sœur de Zemlinsky) par le Quatuor Arod que je ne connaissais pas (mais je vais creuser), le positionnement des musiciens est à la fois plausible et précis. Non, ce n’est pas la même chose : précis parce qu’on sent qui est où sans hésitation et plausible parce que l’échelle de réduction des instruments est cohérente.

Tout au plus pourra-t-on parfois être gêné par une image un peu basse ; mais en se concentrant, pas lorsqu’on se laisse prendre par la musique, ce qui est très facile avec la Courbet 4.

Dans l’envie d’enchaîner la version piano de « la Valse » (Ravel) (oui, Maurice, évidemment !) par Béatrice Rana à la version pour orchestre par Boulez (Jacques ?) (New York Philharmonic 1975) on appréciera la capacité des petites Courbet à animer des scènes radicalement différentes mais toujours très aérées. Au piano très régulier dans sa dynamique, d’un gabarit vraisemblable et invariant, succède l’orchestre luisant sous la baguette sérieuse de Boulez qui pourtant ne craint pas de jouer à fond la rythmique comme hésitante de l’œuvre, délicieusement boiteuse, délivrant au passage des couleurs d’orchestre digne des grandes phalanges européennes… On notera à la rigueur, sur les forte, des petits resserrements réduisant « l’air » entre les musiciens, mais ne se traduisant pas pour autant par la moindre projection.

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RÉALISME DES DÉTAILS

 

La transparence de Courbet 4 n’atteint pas les sommets et est en dessous, par exemple, de sa grande sœur Courbet 5 (ou d’une Nikita, une des meilleures élèves du marché). La définition repose sur une sorte de douceur générale qui pour autant ne gomme pas les attaques mais intègre l’enveloppe dans une globalisation très agréable. On ne s’en rend compte que par comparaison immédiate avec quelques références.

Aucune frustration donc, ne serait-ce que parce que la capacité à épanouir les fines bulles de pétillement sensible reflète une grande cohérence sur tout le spectre ; sauf parfois (est-ce bien sûr ?), sur des musiques artificiellement chargées dans le bas où on craindra un côté un rien répétitif. Je pense par exemple au dernier FKA Twigs (Magdalene) où les arrangements subtils dans toute une frange haute, faisant miroiter par autant de petits éclats inventifs les foisonnantes possibilités vocales de la belle Tahliah Debrett Barnett, évitent les écueils d’une production soul à la chaîne, pour y retomber hélas dans les boucles ou blocs de plomb à moitié fondu des lignes basses qui renvoient le grave généreux du disque dans la boîte des enceintes habilement truquées.

Pour autant, cet équilibre enjôleur lié à une notable ouverture aide sur des opus comme Yield (Pearl Jam) où l’ascension nerveuse de « Faithfull » prend aux tripes comme il faut, contournant la production maigre qui récupère ainsi du poids. Les entrées successives de guitares, la nervosité croissante et le chant puissant, engagé et dérivant d’Eddie Vedder sont impeccablement compréhensibles, ainsi hélas que le manque d’idées du batteur et le flottement de la mise en place globale par des musiciens dont la technique ne suit pas l’engagement. Rendez-vous à la coda… Quel titre néanmoins, tout comme le formidable « Given to Fly »

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QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE

 

Petite précaution toutefois : n’attendez pas de Courbet 4 qu’elle sonorise un stade sur ce genre de musique. Je parle de Pearl Jam ; d’autant que la production n’est pas idéale : poussée dans ses retranchements, la petite Davis pourrait s’étrangler. Mais ce n’est pas la vocation d’une enceinte de salon de petite taille, n’est-ce pas ?

Allez, enchainons avec « Happy Child », extrait de l’album The Attraction to all Things Uncertain de Tweaker, derrière lequel se cache Chris Vrenna, batteur entre autres de Nine Inch Nail ou de Marylin Manson. Sur ce morceau, c’est l’étrange voix de Will Oldham qui porte la mélodie.

Courbet 4 suit à la trace les oscillations en balancement de l’organe cassé, toujours sur le fil de la fausseté, comme sous le coup de l’ivresse ; poétique celle-ci… Le tout posé sur les arrangements costauds de Vrenna, où la rythmique élaborée de « séquences synthétiques légères », petite guitare soul, basculent vers la densité de Fender épaisses et distordues soutenues par une batterie colossale. Le swing bancal, la tournerie décalée et la grosse charge dynamique dans le large spectre sont impressionnants sur la petite Courbet 4.

Un petit tour du côté de « I’ve Got you under my Skin » par Neneh Cherry (1990 ?) est une démonstration que certains savent faire swinguer les boucles, une basse inspirée et évidemment le flux naturellement lyrique de la Noble Dame donne une reprise hip hop d’une rare intensité de la chanson (quasiment méconnaissable) composée par Cole Porter en 1936.

On le comprend : Courbet 4 est une vraie petite boule de nerf quand il le faut, ce qui n’entache pas sa douceur générale ; elle flaire parfaitement les méandres de swing, groove ou dynamiques les plus alambiqués.

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EXPRESSIVITÉ

 

La surprise du chef : le côté joyeux, spontané, immédiat de la Petite Courbet 4 traduit une réelle expressivité, un engagement humain qui en font un vecteur émotionnel direct.

Aussi à défaut de la plus grande justesse tonale ou de la capacité d‘exploration d’un Synchrotron, on ressentira facilement l’homme derrière l’instrument ou derrière la création.

Django, le dernier délire des frères Ceccaldi en est la meilleure preuve, alors que la production n’est pas idéale. Les deux frangins (Théo, violon, Valentin, violoncelle) accompagnés de Guillaume Aknine à la guitare laissent libre cours à une imagination pétulante pour réinventer un paroxystique jazz manouche qui nous envoie tourbillonner dans des univers extravagants, drôles, sombres ou sublimement sous perfusion d’opium bien loin des codes du genre. D’un opus difficile à suivre, dans le mystère comme dans la folie, la Courbet 4 nous offre un moment de bonheur intense, aucune de ses négligeables faiblesses ne pouvant rompre l’enchantement d’une implication humaine totale.

Toute la malice des « Elles » dans le très imagé « Vase Chinois » est parfaitement mise en scène par la petite Courbet avec une vitalité remarquable, un sens de l’humour et de l’absurde si finement perceptible au-dessus de la rythmique compliquée à coups de toms, violoncelle, et un univers de panique de bande dessinée sous hallucinogène.

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PLAISIR SUBJECTIF

La Courbet 4 rentre dans la petite liste de ces enceintes qui savent parfaitement jouer les danseurs de corde sur la frontière infranchissable parfois, si ténue ici, entre vérité expressive et plaisir d’une séduction plus directe, la facilité d’un bon gros son associé à la capacité aux nuances et frissons délicats…

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RAPPORT QUALITÉ/PRIX

Quand on apprécie autant un objet dans la foire à l’empoigne générale, ce critère perd tout sens. Oui, Courbet 4 mérite son prix et nous ne serions pas choqués de la savoir plus coûteuse. Profitez-en !

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