à l’oreille





Atlantis Lab AT31 - Ça alors !

Par LeBeauSon - Août 2021


Perception d’ensemble :

Pourquoi faut-il si gros pour obtenir si délicat ?

Voilà qui restera une éternelle question à chaque fois qu’on est face à des enceintes acoustiques qui élèvent la vocalité et la véracité concrètes à haute altitude sans foncièrement privilégier un spectacle factice et facile.

J’ai écouté des dizaines d’enceintes ô combien plus coûteuses ou prétentieuses - je parle du double, du triple, du quadruple -, et j’ai parfois honte d’un embarrassant paradoxe : essayer d’amener des amateurs de musique - ou d’art au sens large - à découvrir un univers de plaisirs qu’ils méconnaissent ou ignorent : la « haute-fidélité », en sachant pertinemment – en souffrant même - que ce monde est truffé d’abominations techniques et surtout musicales, me rendant complice malgré moi des dealers de banlieue du son.

Des engins comme l’Atlantis Lab AT31 sont une bouffée d’oxygène, validant notre démarche, notre quête d’une possible plausibilité d’âme, de cœur, de chair et de sang, dévolue à la restitution musicale à domicile.

L’AT31 n’est certainement pas un objet parfait, un objet ultime, un incontournable (quoi que !), mais elle redistribue les dés d’un Poker Menteur en ayant dans la manche un bon nombre d’atouts majeurs.

Si nous avions découvert ces enceintes en aveugle, on aurait dit : 30 ou 40 000 € la paire ? En étant bien contents que ce ne soit pas plus.

Mais on les a vues et on a dit : « mmhhh… Ça ne va pas plaire à tous… Dommage ».

Alors on a fermé les yeux.

En songeant au « Diamant sur Canapé » qu’elles méritent sans conteste.

DIAMs 61 rouges

 

NB : Code couleur pour ce banc d’essai : Rose (de 6 500 à 12 000 €), la paire d’Atlantis Lab AT31 étant proposé autour de 10 000 €

En préambule, la présentation de l’objet étant assez longue, je recommande aux impatients de descendre directement aux critères d’écoute.

AtlantisLab AT31 5

Atlantis Lab est un cas à part dans le monde de la haute-fidélité. Et ce pour diverses raisons.

Marque française assez récente sur le marché, elle est une « modernisation » d’une autre, ancrée depuis des décennies dans le paysage hexagonal, aux détours de diverses remises en question de l’approche technique : Atlantis Acoustique.

Atlantis Lab jalonne un renouvellement de pensée autour d’un principe de « charge » nouveau et à notre connaissance, innovant.

Mais pas seulement.

Il faut comprendre, et c’est un point important, que la première clientèle visée par Eric Buy, le concepteur, était/est le monde dit pro. Traduisez : celui des studios, musique ou cinéma, mais aussi sonorisations de salles de cinéma, de jeux vidéo.

Si les normes de résistances à moult épreuves sont drastiques dans le milieu pro, celles de la présentation le sont moins. Il faut par conséquent accepter, au moment de choisir une enceinte Atlantis Lab, qu’attendre une finition laquée aux petits oignons ou dix essences de bois, c’est pas possible !

Est-ce un problème pour vous ? Jugement indélicat tant la haute-fidélité est fière d’exhiber des horreurs ; souvent merveilleusement finies, d’où une fréquente méprise d’opinion.

L’AT31, c’est une esthétique façon Star Wars.

Mais en bois.

Chacun jugera ; nous avons constaté des avis si divergents sur tant de produits à travers les années qu’on s’abstiendra d’y ajouter notre point de vue. Il semble en tout cas que la présentation des Atlantis - grandement induite par les principes ou impératifs techniques -, trouve un large public.

Comme toutes les colonnes de la gamme, AT31, modèle phare actuel de la série, est une sorte de pyramide tronquée. Pas vraiment d’ailleurs, car si les flancs sont légèrement inclinés du bas vers le haut, avant et arrière sont parallèles.

La finition est simple : tranche en simili cuir noir, bien tendu, et flancs nervurés en chêne clair. Nervurés signifie : des rainures de longueurs différentes dont le but est double : donner de l’allure au flanc et éviter une résonance trop ponctuelle du matériau.

L’enceinte est fournie avec des pointes qui semblent avoir été conçues pour isoler une centrale nucléaire d’un séisme de magnitude Roland Emmerich.

A l’arrière, une plaque d’identification au bas de l’enceinte arbore fièrement deux fiches destinées au fil nu et aux bananes. Réalisées sur mesure par un fournisseur de l’EDF, leur diamètre colossal ne rend pas aisé - pas impossible, soit - l’utilisation de fourches. L’alliage utilisé est le meilleur envisageable hormis une quantité non négligeable d’or nous a expliqué le concepteur. J’avoue que j’ai oublié la nature de l’alliage.

On note, sur la plaque d’identification et au-dessous de la dénomination AT31PRO, le nom : l’Argentera. Il rappelle ce qui a été longtemps le modèle haut-de-gamme de la marque Atlantis Acoustique, une enceinte qui a frappé de nombreux esprits et dont divers mélomanes ou audiophiles parlent avec nostalgie. Du souvenir que j’en ai, je suis sûr qu’elle est loin d’être dépassée, mais je crois aussi me rappeler qu’il fallait savoir l’alimenter.

Un peu au-dessus, un haut-parleur issu de la sono (en ayant bien en tête que dans mon esprit ce n’est certainement pas péjoratif, d’autant moins que ceux-là proviennent d’une marque italienne à classer du côté des Rolls, où les innovations sont heureuses (par opposition à pure mercatique), parmi lesquelles le triple-spider…). Il s’agit d’un 26 cm dont fréquence de résonance et rendement sont plus bas que ceux du haut-parleur frontal de grave.

Lequel est un 31 cm de la même origine, à moteur Néodyme, plus « bas médium/grave » que grave mais de rendement et tenue en puissance colossaux.

Le couplage dans la même charge des deux transducteurs fait descendre la fréquence de coupure basse de l’ensemble charge (de type bass-reflex) / haut-parleurs en gardant toutes les qualités de rendement mais surtout de rapidité et nervosité du haut-parleur facial (le 31 cm) alors que celui placé à l’arrière émet peu et uniquement pour étendre (considérablement) la bande passante, en ayant aussi le rôle de nettoyer les ondes stationnaires internes.

Ça, c’est la théorie.

Maintenant, pour que le système fonctionne en pratique, il faut un paquet d’essais entre le choix des transducteurs, le couplage de volume induit, la distance séparant les deux transducteurs qui doivent impérativement être placées sur le même axe.

Bref : du savoir-faire et de la tronche, du boulot, de l’expérimentation, de l’audace et du pognon. Ou de la sueur.

En haut du baffle est placé un 165 mm dont le cône incurvé est dépourvu du classique dôme central cache-poussière, ce qui en fait un joli HP. Suspension à petits plis, équipage mobile léger et moteur Néodyme, issu du même catalogue.

Entre les deux et derrière son pavillon, une chambre de compression 1 pouce (question : pourquoi, dès lors qu’on passe à une chambre de compression, passe-t-on à une mesure en pouce ?

Je vais demander à un enfant : il aura surement une réponse plus plausible que celle d’un adulte. Encore que, des adultes dans la famille incestueuse de la hifi, il y a matière à débat. A commencer par votre serviteur).

Bref, une usine à gaz.

Que l’on ne peut que voir puisque, alors que j’ai demandé pourquoi on ne pourrait pas envisager un cache intégral pour dissimuler cette exposition de muscles digne d’un Zampano (une forme d’esthétique affirmée me rétorquerez-vous ! … C’est pas faux) qu’imposent les caches individuels disparates et le pavillon, brillant qui plus est, « on » m’a rétorqué que j’étais le seul à émettre une objection alors que même la clientèle féminine adorait le look.

Bon. *

Revenons à la technique, puisqu’il y en a que ça intéresse.

Au bas de l’enceinte, un évent de fort diamètre, non dissimulable (ggrrrr) offre la particularité d’être ajustable via une tige qui modifie la profondeur.

L’intérêt est de faciliter une idéale adaptation à la pièce ; évidemment ça fonctionne et il est largement recommandé d’y veiller ; c’est agaçant mais ça ne prend pas des heures non plus et on peut passer d’une relative déception dans le bas du spectre à un émerveillement total.

Quand je dis dans le bas du spectre, je dois préciser : pas seulement car si les haut-parleurs concernés par la charge bass-reflex sont coupés bas (300 Hz à 18 dB/octave), ils n’en restent pas moins « actifs » dans une partie du médium non négligeable et l’influence de l’ajustage des évents (qui doit être rigoureusement le même pour les deux enceintes, dixit le concepteur) n’intervient pas que sur l’extension, la linéarité du registre grave, mais aussi sur la richesse d’une part notable de fréquences plus élevées.

Rien d’étonnant à cela : nous ne cessons de souligner l’importance de la notion de rectitude de la colonne vertébrale comme celle de l’indispensable osmose du grave à l’aigu et inversement.

Le filtre, assez complexe côté schéma mais dépouillé pour le signal, outrepasse la théorie pour atteindre une compréhension des divers phénomènes induits qui suppose une grande maturité.

Je suis assez satisfait d’avoir écrit une phrase qui ne veut rien dire ! Que voulez-vous, quelques aspects de la conception étant du domaine de la chasse gardée, euh, ben, on ne dit rien.

Ah si : le filtre pèse 4, 5 kgs. De matos !

Deux interrupteurs à côté du bornier interpellent un moment ; mais au final, on a essentiellement (pas toujours, lisez ce qui suit) utilisé la position « 0 ». Eric Buy explique que, pour certains cas de figure extrêmes, il a prévu des atténuations sur des bandes de fréquence étroites, mais que, en gros, une fois le rodage effectué, ça ne sert pas souvent.

Quant aux composants, le concepteur n’est pas de ceux qui vénèrent telle ou telle marque chère au cœur des zozophiles, préférant, à l’instar de Living Voice, un savant dosage entre différentes valeurs picorées chez différents fournisseurs. Mais en favorisant (amplement : à 97%), l’origine européenne, et dès que possible française, tels les condensateurs SCR. La fabrication de l’enceinte est, à ce propos, intégralement réalisée en France. En Auvergne, pour être plus précis.

Que ce soit par son attitude face aux mises en phase mécanique des transducteurs, aux comportements des composants, aux théories du filtrage, aux choix des HP **, Eric Buy renvoie de très nombreuses convictions audiophiles dans le couloir d’une école maternelle, et c’est évidemment un nectar pour un sceptique honteusement (c’est vrai, un peu de respect pour les créateurs, nom de Hiraga, quoi…) goguenard tel que moi.

Je ne partage certainement pas la totalité des certitudes « humbles » défendues par Atlantis Lab et pense qu’avec un supplément minimum de curiosité (minimum car l’homme  derrière la marque – pourtant bardé de savoir - a déjà opéré de radicales mutations, le situant dans la marginalité des concepteurs les moins pétris de certitudes que je connaisse), il pourrait atteindre une forme de perfection que l’on cherche en vain dans la haute-fidélité, à quelques rares exceptions près obtenues à des prix terrifiants (rarement justifiés), et ce, même en intégrant les sorciers qui fabriquent de la verroterie dans leur cave en dénonçant le prix de la hifi - dès que ça les arrange -, après avoir ignoblement pompé dans les études menées ou financées par de vrais pionniers.

Atlantis non. Il sait que, en choisissant de présenter des engins pensés pour leurs performances de modeste reproducteur de la musique des musiciens, et seulement pour ça, nonobstant la gageure du look, des matériaux « mode », des obligations stratégiques du haut-de-gamme, son expansion commerciale est limitée.

Tant mieux pour ceux qui l’acceptent. Tant pis pour ceux (dont moi) qui le regrettent.

 

Tout en ayant en tête, comme leur créateur, que chaque coup de crayon ou exigence de finition représente au bas mot 1 000 € sur la balance, même en passant par la Chine (avant le Covid) et que par conséquent le prix de l’AT31 devrait plutôt être de l’ordre de 25 à 30 K€ si ce n’est plus.

 

Vous reste donc à déterminer ce que vous attendez de la haute-fidélité. Ou plus pragmatiquement ou sensiblement encore : de la musique !

En dehors de ces considérations, quoi que déjà de beaux bébés, les AT31 ne sont pas non plus des monstres avec une empreinte au sol de 410 x 410 (280 x 410 au sommet) pour une hauteur de 1205 mm et 55 kgs (moins drôle).

Rendement annoncé : 100 dB/1w/1m. Impressionnant ! Sous 4 ohms, soit, mais quand même !

Compte tenu de l’origine des haut-parleurs, on peut parier sur des puissances encaissables démesurées. En usage domestique, on s’en moque pas mal car les meilleurs résultats ont été obtenus avec respectivement un intégré classe A transistors de 37 W (Grandinote Supremo) et un autre en classe A/B à tubes de 20 W (Kondo Overture II) ; bien sûr, de tels « ténors » paraissent excessifs, mais ne vous trompez pas sur la vraie place de ces objets (les AT31 ! Ma syntaxe pouvant faire douter) : ils sont de féroces révélateurs de la juste place des électroniques qu’on leur associera sur le podium de l’expression ; et, de fait, adorent la plus haute marche.

Conditions d’essai : Lumin U1 + alim dopée, DAC Eera Majestuoso II, Accuphase DG68, Accuphase E380, Tsakiridis Hermes (association apparemment contre-nature et bluffante à l’arrivée), Aeolos Ultra et Ultima, Grandinote Supremo, Kondo Overture II, câblage Absolue Créations, Legato, Neodio, Kondo, Odeion,Van den Hul, Mudra.

 

Précision indispensable : on pourrait craindre qu’avec un haut-parleur, et de fort diamètre, placé à l’arrière de l’enceinte, il y ait nécessité impérative d’une grande distance au mur. Eh bien non, pas plus que pour toute autre enceinte de son gabarit. Probablement parce que, comme précisé plus haut, le haut-parleur arrière émet peu et dans des fréquences très basses.

AtlantisLab AT31 7

AtlantisLab AT31 4

Expressivité :

Une fois n’est pas coutume, je commence par la rubrique ultime : je serais bien incapable d’énumérer la longue liste des disques que nous avons eu la tentation d’écouter mes partenaires de test et moi, avides de retrouver « d’autres » sensations si intenses, vécues sur si peu d’enceintes en plusieurs décennies cependant que l’Atlantis Lab AT31 frôle des sommets !

Vous lisez nos réserves depuis un certain nombre de bancs d’essai maintenant pour cerner notre appétit en la matière.

Je vais essayer de me concentrer et commencer par la promesse d’une délectation à venir : la sortie prochaine (septembre ?) d’un nouvel album de Martina Topley-Bird après… 10 ans d’absence ? Album de double résurrection. Si vous ne savez pas pourquoi, allez chercher.

Pure Heart par l’entremise de AT31 est un parfait instant de grâce ! Où l’impératrice du Trip-Hop livre un bijou possiblement cathartique :

But my path's been mistaken

I'm a lost artist

Forever I'll wait and I'll die if I must

To be reborn again with the wings that don't rust


I'm not afraid

Une note ! Il suffit d’une seule note pour savoir qu’on a affaire à un moment de musique comme on les espère en vibrant d’impatience

Et à peine quelques mesures supplémentaires pour comprendre qu’on a affaire à une enceinte comme il n’y en a probablement pas 10 dans le monde ou en tout cas pas à ce prix.

Sur des arrangements idéalement sobres (en apparence parce que, en vérité, quel boulot, que d’éclosions d’idées diaphanes dans un marasme ambigu) voltige un oiseau porté par les vents oniriques : la voix sublime de Madame Topley-Bird, qui a – et c’est évident par la révélation de l’AT31 – reçu la bénédiction du Divin, mélange d’émotions et de total contrôle pour les refouler (les siennes, pas les nôtres) sous un phrasé si absolument magique, unique, ambivalence de sûreté, justesse et fragilité, où le vibrato sibyllin est pure musique.

AT31 nous impose le supplice supplémentaire de ne pas pouvoir échapper à l’envoûtement, à la sombre luminosité du flamboiement d’un diamant dont on ne sait plus très bien s’il est brut ou taillé tant sa munificence nous submerge.

Un peu en force, peut-être, mais c’est tellement plus vrai que la hifi jolie.

L’enchantement opère plus encore en profondeur sur le deuxième titre parmi les trois actuellement disponibles, « Hunt », également produit par Robert Del Naja, réseau de boucles ombreuses, nacrées de régulières interventions graphiques raffinées, où la voix ondoyante, consciemment chancelante, parfois si proche du murmure que, privée de l’acuité du réel dont l’AT31 est capable, inscrivant la chanteuse dans l’espace à l’aune de quelques rares enceintes délirantes à rendement élevé, elle pourrait disparaître, érodant hélas ce qui contribue à l’universelle force d’expression de la Bristolienne.

Que dire alors du cycle Die Schöne Müllerin, Opus 25 que ce cher Franz semble avoir écrit pour le baryton Andrè Schuen et son accompagnateur Daniel Heide ?

Essentiellement pour la musicalité, car parfois l’extrême onctuosité des phrasés et délicatesses des intonations pourraient faire oublier le texte, alors qu’il est paradoxalement porté par la verve d’une progression exquise des sentiments au gré de la narration animée du jeune Italien (oui, enfin, originaire de l’Alto Adige, c’est-à-dire la portion germanophone de l’Italie).

Si la voix chaude et malléable de l’artiste est incontestablement admirable, fleurie de Printemps, la liste des compétiteurs au disque est si longue que ce n’est pas sur ce seul point qu’il se hisse au niveau des meilleurs : son complice et lui excellent à procurer au cycle une vérité organique ; et l’évolution de la voix d’abord enjouée du jeune meunier amoureux qui se « métamorphose » - car c’est bien de cela qu’il s’agit avec Andrè Schuen – en mélancolie proche du désespoir, est saisissante d’émotions distillées patiemment telles les demi-teintes qui parent inexorablement la feuille juvénile, verte et triomphante, de la déchéance automnale encore somptueuse avant de déchoir. La poignante résignation qui marque les derniers vers justifient à eux seuls - ou contraignent ! - à acquérir le disque.

A une seule condition : l’écouter sur des AT31, artistiquement nourries par des électroniques et des câbles incorruptibles, qui parviennent comme peu d’autres à merveilleusement – outrageusement ? - matérialiser la sensibilité tout en finesse transitant de la joyeuse naïveté à la douleur werthérienne par la fluidité torturée d’un ruisseau de montagne.

L’AT31 assène, avec la minutie d’un cœur amoureux mais vigoureux, l’inouïe intelligence des deux musiciens pour sublimer la fâcheuse cruauté d’un conte triste ; Andrè Schuen, bien évidemment, dont la narration impliquante, le timbre moelleux, l’éloquente maestria débarrassée de toute mièvrerie romantique, les ondes de modulations ou modelés, comblées de velouté et grains, pilonnent le coeur jusque dans les espaces où les mots ne sont plus que sanglots ou bruissements d’un vent paresseux dans un feuillage mystérieux ; et Daniel Heide, prodigieusement habile pour jouer de subtiles variations de tempo, de sautes dynamiques, de glissements contrôlés pour accentuer, induire, ponctuer la diction du baryton.

Tout au plus regrettera-t-on le choix surprenant d’avoir retenu, lors de la captation, le déploiement harmonique du piano, choix fort heureusement compensé par l’autorité physique vitaminée que procure l’AT31, digne de systèmes colossaux, étayant un rare niveau de résolution sur la main gauche, jamais épaisse, jamais lente, jamais embourbée.

Certains opposeront qu’ils n’ont aucun besoin du niveau d’excellence d’une exemplaire installation pour comprendre le talent des deux musiciens ; ils auront tort : ils peuvent approcher, deviner, supputer, ressentir, soit : pas « éprouver », pénétrer, vivre de l’intérieur un tel épanouissement de l’intimité…

Allez chez votre revendeur et essayez. Mais pas n’importe où ! Car, à la mesure des rares vraies belles réalisations de l’acoustique, il est si facile de les banaliser par une mise en œuvre irrespectueuse.

Comparable à la trahison des artistes par la haute-fidélité majoritaire.

L’AT31, certes confiée à des électroniques de très haut vol, est si clairement une des rares enceintes passées dans nos colonnes - mais aussi à travers le filtre de recherches harassantes, quasi-désespérées, depuis des décennies - à savoir extérioriser et combler notre soif de « l’expressivité » , quitte à jouer des épaules, et bien au-delà des mots, que je ne peux pas éviter un passage par l’instigatrice d’un coup de cœur datant de 2019 dont nous ne nous remettons toujours pas : Billie Eilish ; cette fois avec la chanson du générique de la série Euphoria, Lo Vas A Olvidar, dont le texte espagnol et anglais n’est pas renversant en soi mais qui, porté par la grâce hors sol de Billie et Rosalía Vila Tobella, devient un accomplissement d’humanité bouleversée, une supplique tendue vers Le Créateur.

AT31, mieux que presque (presque !?) toute autre enceinte, sait souligner l’infinie suavité des intonations, respirations, lyrisme des deux jeunes stars – et au passage les distinguer l’une de l’autre (pas si facile) -, ou la pertinence de l’arrangement si dépouillé et habité jusque dans l’infra - à la Finneas - qui, même lorsqu’il semble céder à la mode d’un Vocoder, en cultive habilement une intonation vibrante ; le résultat est à la hauteur de l’incongruité de la décennie et, sur AT31, tout simplement bouleversant de sensualité blessée par la domination d’une assurance péremptoire !

Péremptoire ? Au sens d’excessive ?

J’en doute…

Face aux accès ou surcroits de mensonges, la personnalité aussi exemplaire de l’Atlantis ne peut que plaire à ceux qu’ennuie la léthargie somnolente du « beau codé » - à bien y réfléchir, la meilleure définition de la proportion dominante de la hifi.

DIAMs 61 rouges

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Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

Taylor Ho Bynum n’est pas du genre à envahir la planète musicale de disques en pagaille ; aussi je vous incite à profiter à fond de Enter the Plustet (2016) avant d’aller découvrir la plus récente parution et plus passionnante encore (2019) du Taylor Ho Bynum 9-tette : The Ambiguity Manifesto, tous deux significatifs de l’imprévisibilité du compositeur, trompettiste, cornettiste et joueur de bugle (je ne sais pas si ça a un nom), complice d’Anthony Braxton avant de s’engager comme leader.

Je ne vais pas énoncer la liste des musiciens du Plustet : ils sont 15 !

Le projet, grandiose et virtuose, est aussi, nonobstant le nombre d’intervenants, d’une totale légèreté sonore alors que la structure tient du puzzle dense et quintessencié, dans le désordre, qui pourrait évoquer du Picasso en musique.

J’ai un faible pour l’humour potache de la deuxième piste Three (for Me we & Them), où passée une courte conversation babillant de cuivres et bois, le développement oscillant installe un long solo musclé de la guitare de Mary Halvorson qui peut enchaîner l’inspiration irréelle à des doigts d’aciers martelant des accords improbables comme seul notre Marc Ducret national semblait pouvoir le faire. D’ailleurs, de nombreuses cellules harmoniques et rythmiques saxo, trombone (souverain), cor, trompette, ainsi que des canons de progressions, évoquent le morcellement sous contrôle parfait de Tower Vol. 1.

Le swing, élaboré, est permanent, épargné de toute démonstration technique, arc-bouté sur la contrebasse tournoyante – lyrisme et « carnations » - de Ken Filiano et les appuis timbrés de la batterie de Tomas Fujiwara (capable d’un toucher éhontément soft lors d’une longiligne phrase finale très décontractée, absolument pas showing off, époustouflante complication de cadences, où sa verve sinueuse pourrait en remontrer à un métronome question retour à l’alignement des planètes).

Musique explosée en segments intègres - des blocs d’entrelacs abondants ripant, via l’envolée mélodique d’un vibraphone, sur un rhythm & blues pénard quasi décadent -, superbement écrite, le swing est de toutes les notes des 15 musiciens, par des croisements d’ondes, des basculements et errances finaudes bordant la frontière ténue du tempo.

Performance d’autant célébrée par la capacité supérieure de groover que déroule l’AT31 qu’elle s’accompagne de la stature physique, des éclats naturels des matériaux des objets sonores au-delà du divers qui bâtissent ou déstructurent l’œuvre de l’américain doué.

Le ressenti est total car la prise en otage de la pièce par la gravure burinée en vigueur des instruments en direct est une expérience que l’on ne connait que sur très peu d’enceintes, souvent très grosses et très très coûteuses.

Bon, certes, nous avons fait joujou avec un Kondo et un Supremo qui ne sont pas à la portée de tous (notamment pas la mienne), mais tout simplement parce que les Atlantis non seulement suivent avec aisance leur foisonnement d’informations de toutes dimensions ou énergies, de l’Atome au Soleil, mais aussi leur permettent de délivrer tout leur potentiel !

Vu le prix des AT31, c’est une bénédiction !

Par conséquent, quand on atteint ce type de sommets, il faut impérativement passer par Prince.

A Seigneur (saigneur ?) tout honneur : Sign o’ the Time

… Revisité par Simple Minds.

Si si, ça existe !

Version hautement improbable produite par Trevor Horn dans la foulée de Street Fighting Years, peut-être le meilleur album du groupe lourdaud (excellents mélodistes, soit), essentiellement sauvé des pieds de plomb par la voix angélique de Jim Kerr ; voix céleste bourrée de testostérone, qui tendrait à prouver que les anges sont sexués.

Sur Sign o’ the Time via AT31, la partition Basse percutante / Batterie uppercutante exécute un martèlement permanent, une patate qui décoche sournoisement des châtaignes au bide à même de briser les cotes, posant les fondations d’une rythmique en acier trempé qui, sous la férule grandiloquente de Trevor Horn, satellise le chant de Jim Kerr tout autant que les échantillonnages ringards vers une immortalité inexplicable, à peine un cran en dessous du créateur de l’œuvre !

Pour info, je déconseille fortement (une autre fois n’est pas coutume) le fichier qu’on trouvera sur Qobuz au bénéfice de l’Amsterdam EP, un mini CD (qui ne passait pas forcément dans tous les lecteurs) initialement distribué à quelques privilégiés à l’occasion de la tournée Street Fighting Years.

Et, pendant que vous y êtes, essayez le nouveau Prince : Welcome 2 America ! (A paraître le 30 juillet 2021 !) où chaque cellule souche de l’Empereur de la Funk réclame la résurrection, spécialement via le sens du balancement lascif que nous assène AT31, un déhanché sensuel insidieusement provocateur pour nous rappeler la bête humaine qu’était le Grand Roger Prince Nelson !

On note au passage que la voix du Prince Roi connaît quelques impromptus zézaiements qui nous avaient aussi interpellés sur les vocalises de Jim Kerr, phénomène qui disparait totalement en s’installant à la place impériale, au centre, enceintes pincées devant la zone d’écoute et après un simple changement de câbles et un deuxième d’amplificateur.

Mais bon, faites gaffe quand même.

Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

DIAMs 61 rouges

 

 

Scène sonore :

Andris Nelsons poursuit son intégrale des symphonies de Chostakovitch avec le Boston Symphony Orchestra chez Deutsche Grammophon, nous offrant le plaisir d’une version hautement colorée de celle qui, vraisemblablement, est la moins enregistrée : la 14ème, Opus 135, pour orchestre à cordes et nombreuses percussions, soprano et basse…

Orgie de timbres dans une version mouvante et enflammée (en dépit du morbide thème général), pas très russe ; notez que les textes d’origine ne le sont pas non plus.

Superbe construction de la scène où pupitres de cordes saupoudrés des condiments fervents des percussions exécutent une parade militaire millimétrée…

Les deux solistes (Kristine Opolais et Alexander Tsymbalyuk) se montrent parfaitement à l’aise dans une œuvre difficile qui pourrait aussi bien être considérée comme un cycle de lieder.

J’ai hautement apprécié les Poèmes d’Apollinaire, Loreley, Le Suicidé, Les Attentives, A la Santé, Réponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople.

Pourquoi difficile ? Parce que le compositeur angoissé navigue au sein de vagues asynchrones harmoniquement très variées, notamment la série de poèmes français (en russe. Tout le monde suit ?), faisant même appel au dodécaphonisme créant quelques acrobaties vocales pas des plus aisées, tandis que, l’ouvrage étant une noire réflexion inquiète sur le thème de la mort, l’interprétation en est primordiale.

Très habitué (trop zhabitué ?) au jalon historique de Bernard Haitink (avec Julia Varády et Dietrich Fischer-Dieskau) et celui de Kirill Kondrashin (Eugenia Tselovalnik et Evgeny Nesterenko), deux versants contrastés de la même montagne, l’un tirant vers une poésie symphonique une œuvre dont l’effectif est pourtant réduit, l’autre osant l’âpreté (pas aidée par la captation un peu steack tartare), quel régal de découvrir une vision qui établit la beauté des timbres, leur fusion ou encore leurs oppositions, jouant des solistes comme des musiciens dialoguant avec les anges des pupitres, le tout ciselé par des instrumentistes de premier ordre, à preuve le violoncelle dans Le Suicidé, ou les percussionnistes dans les Attentives I qui nous engoncent dans la noirceur du mal.

Celui qui doit mourir ce soir dans les tranchées
C’est un petit soldat mon frère et mon amant

 

Et puisqu’il doit mourir je veux me faire belle
Je veux de mes seins nus allumer les flambeaux
Je veux de mes grands yeux fondre l’étang qui gèle
Et mes hanches je veux qu’elles soient des tombeaux
Car puisqu’il doit mourir je veux me faire belle
Dans l’inceste et la mort ces deux gestes si beaux

 

Les vaches du couchant meuglent toutes leurs roses
L’aile de l’oiseau bleu m’évente doucement
C’est l’heure de l’Amour aux ardentes névroses
C’est l’heure de la Mort et du dernier serment
Celui qui doit périr comme meurent les roses
C’est un petit soldat mon frère et mon amant

 

J’ai évité la traduction en cyrillique, c’est épuisant. ****

Quel régal, disais-je donc, surtout lorsque, comme avec les AT31, on bénéficie d’un des meilleurs sièges du merveilleux Symphony Hall de Boston, où la mise en place au cordeau d’un orchestre inspiré et enthousiaste, dans son rôle de porteur d’âme, est aussi strictement retranscrite et ce malgré le refus de l’enceinte de cacher l’excès de micros de la captation.

Violons incisifs ou moelleux à l’envi, claquements secs des percussions forgés en insertion physique par les incontestables consistances et résonances des matériaux, grains des cordes et rondeurs boisées des contrebasses, peaux, mailloches, métaux, baguettes…

Le tout dans la plénitude de l’acoustique idéalement mate du Symphony Hall.

Un théâtre animé, vivant, réaliste ou expressionniste, invité dans votre salon ! A moins que ce ne soit le contraire ?

Sur des enceintes comme celles-là, l’envie de réécouter bon nombre de nos chouchous est incontournable. Donc, passage obligé par Nine Inch Nails à travers deux longs passages extraits de deux disques :

Pour la scène sonore, je choisis dans The Slip la succession finale Corona Radiata, The Four Of Us Are Dying et Demon Seed.

Corona Radiata ouvre sur une atmosphère galactique après un bref accord de piano aérien, situant une nappe tortueuse, saturée, très en arrière des enceintes, bientôt agrippée par des arabesques plus modulées qui se baladent, toujours en arrière-plan, où quelques notes perlées de percussions ou piano électronique viennent déposer une mélopée. Mise en scène musicale parfaitement ordonnée, les placement ou mouvement latéraux et d’arrière en avant des évènements dans un univers sans limite, participent grandement à l’étrangeté hypnotique du concept ; ainsi l’arrivée d’une rythmique dont les armatures travaillées et consistantes en deviennent cinématographique et vertigineuses, notamment la plongée abyssale comme issue d’un générateur descendant depuis une fréquence haute pour s’effondrer vers le magma, saturant souvent les enceintes dans des bourdonnements de tonneau gras.

Certainement pas l’AT31.

Sur les deux morceaux suivants, c’est la micrométrie des « instruments réinventés » qui fascine, tout autant, fidèlement à la vocation du grand sorcier, que l’invention d’une multitude de textures ou matières ou coloris des sons, dont certains placés précisément à l’extérieur du cadre des enceintes : une percussion semble sortir du mur de gauche, à mi-chemin entre l’enceinte et vous, dans la salle de spectacle virtuelle du Grand Architecte ***** …

Vient alors la petite satisfaction de Demon Seed, miniature moins planante et franchement pêchue, ce qui n’empêche pas là encore la mise en place d’atteindre, sur les AT31, la perfection forgée par l’artiste. Gros boulot de Josh Freeze dont la batterie, située en fond de pièce, n’en est pas moins impressionnante, touché glissant et swing décalé, « énaurme » son par moment, d’autant plus saisissant à la sortie d’un passage de rupture en cours de piste, brouillard en décrochement murmuré ou même le flouisme est tenu et millimétrique …

DIAMs 61 rouges

 AtlantisLab AT31 3

Réalisme des détails et ressenti des matières :

… Et enchaînement sur les trois thèmes qui ferment Bad Witch, oasis créatives interrompant une première moitié d’album surexcitée, lacis de colère crade et gueularde, suite directe quasi-ininterrompue de Not The Actual Events, manifeste enragé bombant le thorax d’un super méchant de Marvel Comics (surtout avec AT31 que les pectoraux saillants n’effrayent pas !) qui a dû secouer les calomniateurs estimant que Papa Gâteau Reznor avait perdu la rage…

God Break Down the Door démarre sur une curieuse dérive de free jazz irrité (à commencer par les séquences de batterie), franchement flippante, synthés vintages ou poisseux et couches de saxophones ahanant ou grondant, portant la voix transfigurée d’un Trent quasi irréelle, où certains entendent l’écho de David Bowie, noyé dans le flux…

I’m Not From This World, instrumental angoissant spiralant sur un flot, tournant obsédant et claustrophobe, qui évoque le cinéma de Cronenberg, et enfin

Over and Out arqué sur une rythmique brisée, syncopée, totalement artificielle où son altesse Reznor ose une séduction de crooner dans l’incongruité de laquelle, à la rigueur, je sens davantage l’hommage à David THE Bowie… Avant la disparition vers l’Ether du morceau qui pourrait aussi bien être l’envolée de l’âme vers l’infinitude…

Un disque qui peut facilement tourner à la bouillasse car écrit et mixé Hard-Boiled, alors que les indénombrables signaux composites – on ne refait pas un Reznor qui mord -, pullulent dans des couches intriquées, arides ou élégantes et harmoniquement sinueuses là où l’AT31, par sa stabilité exemplaire et son sens apochromatique des matières, inscrit chaque ligne à sa place, dans son environnement, permet à l’esprit d’isoler, sans jamais l’extraire, la moindre parcelle d’idées dans le grand fouillis général.

Le tout instaurant une puissance de taureau à même de défoncer en 7 mn au lieu de 7 jours les murailles d’une lamentable Jéricho de la révérée hifi dès lors que le jalon est l’amour de la musique, incluant tous les doutes dialectiques pinaillant sur la relativité de l’art.

 

Ou une délicatesse de fée pour les esthètes qui adoptent une « grosse » enceinte pour sa courtoisie incarnée jusque dans les frottis picturaux.

Que ceux qui auraient des doutes sur la grandeur artistique de Bad Witch, album apparemment incompréhensible, aillent l’écouter sur une chaîne digne de ce nom incluant l’AT31 pour comprendre que le Patron de l’Indus dorénavant électro n’a ni perdu la main, ni renoncé à affirmer des punchs novateurs, déstabilisants, sidérants, dérangeants.

 

Autre genre de performance inattendue : Where is the Line. Björk.

Où on est sidéré, en savourant la plasticité de l’audace exploratrice avec la complicité de l’AT31, par l’extraordinaire lisibilité des chœurs, différenciation des particularités portraiturées ou corps humanoïdes aux corpulences sexuées, accentuée par beaucoup plus d’air que d’habitude, d’autant plus enrichissante qu’elle s’appuie sur l’intégrale compréhension du travail percussif, anguleux, impliquant dangereusement d’autres voix très premier degré, y compris à un niveau sonore déraisonnable, pilonnant l’implication physique indispensable où les crochets frappent autant l’estomac que l’intellect.

On s’aperçoit au passage que la restitution est si naturelle qu’on ne s’est pas même posé la question de la cohérence de rapidité (redoutable) et de transparence sur l’ensemble. Et pour cause : elles ne font pas question.

Quelques petites toniques (de charge ?) peuvent furtivement apparaître sur de puissants impacts dans le (très) bas du spectre. Des supports de style Franc Audio vont à la fois balayer le questionnement et aussi emmener l’AT31 plus loin, extension vers l’extrême grave plus limpide, sensation d’une quasi-totale disparition des enceintes, et poumons saturés d’oxygène…

Autre épreuve pour extraire à l’aide d’AT31 un fort sincère et joli segment authentique de la banalité d’une pauvre masterisation à la française : Tous les Cris, les SOS, Daniel Balavoine, 1985.

Chanson essentiellement réalisée au Fairlight où même les Taiko, idiophones et bruitages, ont été échantillonnés et plus ou moins désagrégés ; évocation de la solitude portée par le poignant lyrisme de la robuste tonalité montante du chanteur français, détenant probablement le record national de hauteur vocale, les strates et lignes superposées des pupitres de cordes réinventées sont décryptées comme rarement, illustrant une richesse d’arrangement qu’on n’avait fait que deviner jusqu’alors, infusant la magie de l’humain à l’artifice des échantillonnages, à commencer par le faux sifflement de train, le patinage de freins et l’assortiment de percussions, les frappes en « reverse » de la batterie, toutes polissonneries factices qui, lues de sorte que tous les sédiments ligneux particulièrement audibles prennent leur place dans l’entremêlement complexe d’un romantisme contemporain, revêtent l’artefact d’une force émotionnelle rare, portant la voix assurée d’un chanteur « politique », faisant oublier la relative vacuité d’un texte criblé de bonne idées inaptes à marginaliser l’art mineur de la variété (dixit Gainsbourg) vers la suprématie d’un grand poème.

Je suis décidément un champion fainéant de la ponctuation.

 

Réalisme des détails :

DIAMs 6 rouges

 

 

Ressenti des matières :

DIAMs 62 rouges

 

AtlantisLab AT31 1

Richesse des timbres et équilibre tonal :

Evidemment, à ce stade, vous vous dites : si ce filou a décidé de placer la rubrique « timbres » en bas de liste, c’est parce que les AT31 s’effondrent sur le critère.

Ben non. Pas vraiment.

A preuve, la performance du Goldmund Quartett sur les décapants quatuors de Fazil Say, Divorce Op 29, et n°4 de Wolfgang Rihm, œuvres basées sur l’arythmie et les divertissements colorimétriques en perpétuels déséquilibres, allant jusqu’à déformer la perception des instruments, singulièrement jouissive via AT31 car aucune enveloppe d’attaque ne subit la nocuité d’une troncation, apocope ou aphérèse, déclarant, outre l’intégrité des teintes, des éclats de pigments fascinants dans les alternances de coups de scie ou d’ongles sur un tableau d’école - jamais affectés de la moindre acidité - avec les arrondis d’autres passages plus en demi-teintes.

Scintillements aguicheurs prétendant illuminer les couleurs, brillances sournoises visant à simuler la résolution, ne sont absolument pas la came de l’AT31. Attention toutefois : ne pas négliger la mise en œuvre.

Couleurs plus concrètement idéalisées encore sur la rutilante version, tournée vers l’au-delà, d’une œuvre pourtant rabâchée : la Symphonie n°7 D759 (souvent considérée comme 8ème) de Schubert, (eh oui, il y a des cycles), dite inachevée, par Heinz Holliger dirigeant l’ensemble Kammerorchester Basel.

Le chef suisse n’hésite pas à préciser des dissimilitudes, créer des atmosphères en cellules divergentes, cependant wagons d’un même train dont le trajet est cartographié, entrecroisant à loisir des effets de timbres superlatifs dans une symbiose harmonique rarement aussi raffinée. Solennelle et pourtant d’une grande élévation, j’apprécie foncièrement l’immense fraicheur, néanmoins empreinte de spiritualité, de cette anté-anté-anté… pénultième et pourtant unique version.

Si AT31 illustre avec un plaisir fervent une foultitude de glissements de tons habités de textures nobles et surtout réalistes sur l’ensemble d’un spectre très étendu, créant, on l’a dit déjà, une incrustation sculptée de l’espace - phénomène physique hautement remarquable -, on s’interroge, dans l’équilibre tonal, sur de fugaces coquetteries entachant une étroite partie élevée du spectre (on dira haut-médium pour faire savant) et une zone indéfinissable du grave, irrégularités pointées qui seront plus ou moins marquées selon l’angle d’écoute et, bien évidemment, câbles et électroniques.

Singularités incertaines qui peuvent faire déborder quelques instants testostéronés de grave dans la musique actuelle ou faire bléser quelques chanteurs, ce que nous avons évoqué avec surprise et réserve en parlant de Simple Minds et Prince, passant vite totalement outre, accablés par la charge émotionnelle des artistes si majestueusement magnifiée par la complexion expressive des AT31.

Mais comme on est tatillons, on a voulu expérimenter plus avant :

Les effets de mixage de la jolie chanson All Mirrors (la version extraite de Songs of the Lark and Other Far Memories, produite par John Congleton), où la voix d’Angel Olsen - souple dans le contralto et tendue quand elle monte – navigue parfois derrière les nappes de cordes et synthés et une rythmique un peu pauvrette radicalement mise en avant, procurant de beaux frissons de béatitude mais ne masquant pas une tendance légère à la nasalité (sur les forte de chant), voire de désagréables sifflantes quand tout n’est pas impeccablement al dente.

Là aussi, la domination organique, physique et engageante de cette Grande Enceinte permet certes de passer outre…

… mais il y a aussi moyen de rectifier la dérive : la position « 1 » de l’interrupteur principal arrière !

 

Ou bien un peaufinage de fée de la combinaison complète. Oui, bon…

Et quand l’affinage arrive à terme, et ce en dépit d’un enregistrement pas vraiment en relief sur la Grande Sonate Opus 37 de Tchaïkovski, l’AT31 déploie posément la vaste palette chromatique du piano de Vadym Kholodenko, voulue ample et infiniment nuancée afin de contourner la gloriole musclée : le pianiste ukrainien privilégie les frémissements des filigranes dès que possible en lieu et place de la constante démonstration pianistique que suggère pourtant l’écriture.

On le répète : aucune brillance ou scintillance arrangeantes ne jailliront de l’enceinte française, mais matité et densité constante - y compris sur les pianissimi - préservent le poids de l’instrument tout autant que les variations de touché d’un pianiste dont je vais creuser la discographie.

Un pur bonheur pour les oreilles.

Dès lors qu’on a choisi entre moyennage sympa ou optimisation patiente.

 

Richesse des timbres :

DIAMs 6 rouges

 

 

Equilibre tonal :

DIAMs 5 Rouges

 

 

 

Plaisir subjectif :

Une enceinte acoustique qui cumule un sens aussi fort de l’homme derrière la musique et un si naturel entrain dynamique pouvant asséner jusqu’à un spectacle digne d’un concert dans un stade, qui plus est à un prix sans aucun rapport avec son potentiel, on ne voit pas bien ce que l’on pourrait bouder.

Enfin, si, je vois.

Personnellement, jamais cet engin ne pourrait trouver sa place chez moi (nous…) ; question d’encombrement visuel ; or, on est bel et bien dans la subjectivité.

Au point d’ailleurs que je ne me sens pas à l’aise face à la contradiction hautement suspecte de promouvoir avec autant d’ardeur engagée un objet que je me sais interdit.

Oui, parfois, l’apparence joue. Et c’est bien dommage.

DIAMs 62 rouges

AtlantisLab AT31 2

Rapport qualité/prix :

J’ai écouté des dizaines d’enceintes ô combien plus coûteuses ou prétentieuses - je parle du double, du triple, du quadruple -, et j’ai souvent honte d’un deuxième paradoxe : essayer d’amener des amateurs de musique, ou d’art au sens large, à découvrir un univers de plaisir qu’ils méconnaissent ou ignorent : la « haute-fidélité » ; en sachant pertinemment – en en souffrant même - que ce monde est truffé d’abominations techniques et surtout musicales, me rendant complice malgré moi des dealers de banlieue du son.

Des engins comme l’AT31, ou Living Voice à leur manière, ou Davis MV One Master décrites dans nos colonnes, ou ppfff AVA II, ou une poignée d’autres quand même, heureusement, sont une bouffée d’oxygène, validant notre démarche, notre quête d’une possible plausibilité d’âme, de cœur, de chair et de sang, de la restitution musicale à domicile.

Bilan pas forcément bénéficiaire d’une croisade remontant à 40 ans d’exploration, de fausses joies, de doutes…

L’AT31 n’est certainement pas un objet parfait, un objet ultime, un incontournable, mais elle redistribue les dés d’un Poker Menteur en ayant dans la manche un bon nombre d’atouts majeurs.

Et ce d’autant plus que par sa facilité à vivre, un Hermes de Tsakiridis étant un excellent moyen de découvrir des vertus musicales qu’on ne peut même pas soupçonner dans un équilibre monétaire on ne peut plus gagnant !

Pour l’engagement musical :

DIAMs 62 rouges


 

 

* pardon de le dire, alors que, objectivement, on traite ici le cas d’une des 10 meilleures enceintes au monde à ce prix (sachant que, après 30 ans de recherche, je n’ai pas trouvé les sept qui manquent) : il est évident que nous ne fréquentons pas tous les mêmes dames et qu’elles ne détiennent pas génériquement ni génétiquement l’apanage du bon goût.

Ce qui ne serait rien d’autre qu’un « sexisme positif ».

 

** n’oublions pas combien sont ceux qui vantent les technologies maltapropos des vertus du carbone, de l’aluminium, céramique, béryllium, « diamants » ou de composites aux noms qui font rire pour cacher qu’en vérité ledit matériau est utilisé pour fabriquer des couvertures de cahiers à l’ancienne… et j’en oublie tant la liste des fréquentes supercheries est longue.

 

**** mon amie (?) qui parle et lit le russe a éclaté de rire en découvrant la traduction “gogol”, alors, que pourtant, avec un nom pareil :

 ... Тот, кто должен умереть сегодня ночью в окопах
Он маленький солдат, мой брат и мой любовник И поскольку он должен умереть, я хочу сделать себя красивой.
Я хочу, чтобы мой топлесс зажигал факелы
Я хочу своими большими глазами растопить пруд, который замерзает
И мои бедра я хочу, чтобы они были могилами
Потому что, поскольку он должен умереть, я хочу сделать себя красивой.
В инцесте и смерти эти два жеста так прекрасны Коровы на закате перемалывают все свои розы
Крыло синей птицы мягко разрывает меня на части
Пришло время любви с огненными неврозами
Пришло время Смерти и последней клятвы
Тот, кто должен погибнуть, как умирают розы
Он маленький солдат, мой брат и мой любовник ...

 

***** non, je n’ai pas dit que Trent Reznor est franc-mac. C’est une image.

Banc ecoute