à l’oreille





Audia Flight Three S
Exubérance latine

par LeBeauSon - Septembre 2021


Perception d’ensemble

Exactement comme son grand frère FLS9 mais en plus pondéré, le FL3S est d’un tempérament réjouissant, incitant à partager le sourire permanent qui éclaire sa façade.

Franc, éblouissant, vif et ouvert, l’intégré Audia Flight FL3S expose de sympathiques aspects du caractère latin…

… et donc ne plaira pas à tous.

Favorisez des enceintes pas trop extraverties et évitez les câbles brillants (de toute façon, évitez les câbles brillants) et vous pourrez partager de longues heures avec un appareil stable, lumineux, imperturbable et joyeux.

DIAMs 5 ORANGEs

A rapporter à son prix qui est au bas de la catégorie de diamant concernée

NB : code couleur de nos Diamants pour ce banc d’essai : Orange (3 200 à 6 500 €)

Prix : 3 290 €

Avec carte USB : 3 760 €

Avec carte phono MM/MC : 3 670 €

Avec les deux cartes : 4 140 €

 

Audia Flight n’est pas à proprement parler une marque émergeante puisque, créée en 1996 à Civitavecchia (pas loin de Rome, en Italie, vous voyez ?), elle accumule quelques beaux succès à son palmarès.

Nous avions testé et apprécié l’imposant – à tous points de vue – intégré FLS9, dernière étape avant de passer à la gamme Strumento dont les prix font réfléchir.

https://lebeauson.fr/a-l-oreille/202-audia-flight-fls-9-integre-pas-totalement-integre-mais-unique-en-son-genre-un-vrai-choix

C’est aujourd’hui un intégré d’entrée de gamme (3 300 €, ce n’est pas non plus un objet de supermarché) qui est soumis à notre curiosité.

Rappelons que la logique globale de la marque repose sur une conception semble-t-il inhabituelle de la contreréaction, à savoir le « current feedback » supposé fournir un courant plus important sur une très large bande-passante sans agir sur les étages de sortie.

Les avantages revendiqués sont nombreux, parmi lesquels un comportement inconditionnel sur n’importe quel type de charge, et donc permettant d’exploiter quasiment tout type d’enceinte.

Autrement dit une vocation à l’universalité.

AudiaFlight FL3S 1

Le FL3S est d’une architecture double mono, autour du circuit Audia Flight (propriétaire) de contre-réaction en courant, suivant une section préamplificatrice sophistiquée ; il développe 100 W de puissance par canal sous 8 ohms (160 sous 4 ohms) qui puisent leur énergie à la source d’un transformateur toroïdal de 500 VA…

8 alimentations prennent en charge depuis l’étage driver jusqu’aux étages de puissance, caractérisées par :

- une capacité totale de 13 200 µF dédiée aux alimentations stabilisées pour les transistors de la section driver

- 4 alimentations avec une capacité de 72 000 µF dédiés aux seuls étages de sortie

Par sécurité, les entrées sont gérées par des relais sous atmosphère inerte et à terminaisons en or ; et pour ne pas déroger aux principes de la marque, la section de logique de contrôle est alimentée par son propre transformateur toroïdal et connectée à l’étage analogique par l’intermédiaire de coupleurs optiques.

J’avoue ne pas bien comprendre ce dernier point.

450 x 110 x 430 et 16,5 kgs font du « petit » transalpin un objet pas exactement discret, d’autant moins qu’il reprend en façade le large afficheur évoquant sans doute des ailes mais qui ressemble tout autant à un sourire un peu niais. Cette entaille a plus de mal à trouver sa place sur le FL3S que sur son grand frère dont le volume est plus haut.

Le reste de cette façade atypique est occupée par un généreux bouton multifonction et des petits sélecteurs incrustés en bas dans d’élégantes cuvettes... 

Une télécommande très cossue faite d’un bloc d’aluminium accompagne l’objet. Elle est plutôt lisible, ce qui n’est pas si fréquent.

L’appareil peut recevoir en option deux cartes additionnelles, à savoir une carte de conversion numérique/analogique (DAC) 24/192 via USB et une carte phono MM + MC.

Sinon, on dispose de :

- 4 entrées asymétriques sur RCA

- 1 entrée symétrique sur XLR

- 1 entrée Monitor

- 1 entrée asymétrique configurable en entrée « directe »

- 1 entrée numérique sur USB optionnelle

- 1 sortie préamplifiée asymétrique sur RCA

- 1 sortie asymétrique « enregistrement »

- 1 sortie casque sur jack 6,35 mm

Nous avons procédé aux essais en utilisant : sources Lumin, Atoll, Eera, enceintes Mulidine Cadence « ++ » et Harmonie V3, EgglestonWorks Emma Evo. Câbles Van Den Hul, Legato, Mudra, Neodio et Nodal.

 

NB : Petite précision utile : la carte DAC sur USB optionnelle ne dénature pas la personnalité de l’intégré.

On pourra évidemment vouloir compenser tel ou tel trait de caractère de l’amplificateur ou avant tout, bien sûr, vouloir l’emmener plus loin à l’aide d’une source plus performante, mais on n’en changera pas la personnalité.

Considérant que la carte effectue un travail plus qu’honorable pour son prix, nous ne nous étendons pas sur son fonctionnement et avons préféré pousser l’observation de la partie amplification de l’Audia Flight 3S.

AudiaFlight FL3S 6
 

 

Réalisme des détails :

Pour ne pas s’enfermer dans des habitudes, je commence par du Hip Hop.

Du bon !

Run The Jewels, avec RTJ4 en 2020 ; album ratissant largement des sujets d’époque dans une pensée certes parfois un peu simplificatrice mais arc-boutée sur des textes assumés, des figures rythmiques et mélodiques vraiment bien écrites et des invités parfois surprenants (surtout associés sur un même morceau : Mavis Staples et Josh Homme (« Pulling the Pin)), il révèle l’excellent pouvoir de résolution de l’intégré Audia Flight 3S sur l’ensemble du spectre même si on perçoit une différence de « corps » autour d’une frontière franche séparant le grave du reste du spectre.

La rythmique sinueuse du duo américain (New York et Atlanta), aussi bien que le flow lyrique de Killer Mike bénéficient allègrement de la transparence pour le moins harmonieuse à défaut de soyeuse du FL3S - suréclairée ? en tout cas faisant peu de cas des ombres -, et de la pression dans le bas du spectre, dodu et puissant quant à lui, qui impose une autorité spectaculaire sur ce genre de production.

Un ciselé à vif confirmé sur Contemporary Voices par le Quatuor Pacifica, où on comprend (notamment sur le Quintet avec Saxophone d’Ellen Taaffe Zwilich) que ce piqué étincelant résulte d’une impression de rapidité surprenante.

En se concentrant, on observe que telle précision n’est pas parfaitement satisfaisante puisqu’elle s’accompagne (ou résulte ?) d’un manque - partiel - de consistance qui suit des attaques vives libérant des instruments pétillants et enjoués mais résonant un peu « en creux ».

L’enthousiasme de la formation américaine profite bien sûr d’une si jolie et supérieure marque sonore, cependant qu’on pourrait préférer des matières plus boisées ou cuivrées, tout comme on n’aurait pas détesté plus de chair sur Run The Jewels.

Quelques notes bien charnues mais très tenues du violoncelle confortent le ressenti que le grave est paradoxalement bien plein et qu’il y a une rupture de corps autour d’une fréquence clef du médium ou la plénitude des matières s’étiole, créant subjectivement un équilibre montant par déficit de relief organique.

La netteté de la lecture polit quantité de scories sur un disque un peu étrange tel celui de Brandt Brauer Frick (Mr. Machine) où le premier morceau éponyme rappelle quelques compos de Francesco Tristano alors que Teufelsleiter rappelle… Euh, ne rappelle rien…

La quantité d’informations éparses redevable à un arrangement hétéroclite dans une bizarroïde électro minimaliste où interviennent divers instruments acoustiques est bel et bien pointée par la légèreté des substances pourtant riches et denses sur ce disque, soulignant une définition de surface, une surexposition façon plateau de télé d’une large partie du spectre, pas forcément désagréable, loin de là. A condition de ne pas se tromper d’association.

Les mêmes passages sur une paire d’enceintes dont le médium est plus réservé (nous étions jusqu’alors sur les Cadence ++, nous passons à des EgglestonWorks Emma Evo… Ah ? Il ne faut pas le dire ?) comme il en existe tant, pas déplaisantes mais introverties et pas vraiment expressives prennent un tout autre sens en dégageant le brouillard vaporeux pour procurer une forme incisive de nervosité bienvenue, exhibant les vertus d’un appareil généreux et minutieux, pareillement à un expert en art disséquant les particularités techniques d’une œuvre…

Ainsi cette zone de relais précise entre un grave qui pousse somptueusement et le reste du spectre plus éthéré s’amalgame soudain plus justement. Ça relève certes de la compensation, mais, bah, après tout, quelquefois ça marche.

Je ne vais pas trop faire la fine bouche, admettant la contrepartie que l’intégré du jour est capable de driver très correctement les Harmonie V3, enceintes déjà de belle taille et pas si faciles que ça à alimenter.

DIAMs 5 ORANGEs

 AudiaFlight FL3S 3

Richesse des timbres et équilibre tonal :

La particularité dans la transcription des matières longuement évoquée ci-dessus lèse-t-elle la richesse des timbres ?

Non : la palette de couleurs, ou plus précisément des fondamentales, est abondamment nantie, diversifiée, rutilante ; on s’en était rendu compte avec le Pacifica Quartet où il n’y aucune confusion dans les teintes des quatre instruments (cinq même), clairement (c’est le mot) différentiés pour le plaisir de pouvoir relever des partitions pourtant pas toujours aisées à suivre dans cet enchaînement d’œuvres contemporaines.

Dans la liste des musiciens un peu à part, souvent boudées par les puristes, l’Italien Ottorino Respighi est, en ce qui me concerne un grand pourvoyeur de plaisir et de questionnement.

Son triptyque romain en tête, bien sûr. Questionnement parce que de telles œuvres, simples en apparence, peuvent prendre tant de directions (même si toutes mènent à Rome) qu’elles seront, selon la griffe du chef, entachées d’une banale vulgarité ou ennoblies d’un exceptionnel panache les projetant au pinacle des poèmes symphoniques.

Karajan a déclaré que les œuvres les plus difficiles à jouer étaient les opéras de Mozart ou… une Valse de Strauss… Le message était clair.

J’ai donc choisi une version de Karajan des Fontane di Roma enregistrée à la Philharmonie en 1978 dans laquelle ses musiciens ultimes tissent une dentelle de teintes tout en délicatesse…

Exercice qui convient parfaitement à la finesse de dissection de l’intégré italien coté fluidité mais où les timbres un peu aiguisés, aux premiers forte - surgissant toujours brutalement, sans transition ou évolution – subissent des petites duretés sur quelques pics d’une flûte ou d’une clarinette, qui cependant ne nuisent jamais à la discrimination tonale, tandis que l’on constate un tamisage et une standardisation par contraction, certes élégants, des harmoniques.

Sur la musique orchestrale dont les prises de son – telle celle des Fontaines Romaines par Karajan - ne sont pas caractérisées par un poids excessif du bas du spectre, la personnalité à part du registre grave de l’amplificateur apparaît moins clairement que sur des musiques plus modernes, aux cuisses plus musclées.

Et de fait, l’écart de corpulence entre haut est bas est moins flagrante que, par exemple, sur « love out of lust » Likke Li (Timotej Svensson Zachrisson), extrait de Wounded Rhymes (2011), où la Suédoise clame un hommage à la musique des fifties et sixties, dont l’atmosphère « mange-disque » peut tourner gueulard par une mise en avant pas tant de la scène que de « l’image » et de la transparence, posant la bande-son de la nostalgie sur le grill, exposée à la braise sans grande nuance, surlignant des timbres un peu métalliques, décidément comme si la colonne vertébrale reliant grave et aigu appartenait à deux statures différentes.

Brefs, certaines harmoniques sont affûtées alors que le grave, s’il perd l’équilibre à bas niveau, pousse copieusement et avec souplesse dès qu’on le sollicite un tant soit peu.

Certains auditeurs de passage dans nos murs ont décrit une écoute neutre.

Neutre.

Il est amusant de constater combien les termes empilés dans le lexique « hifi » ne signifient pas grand-chose : pour eux, la sensation de percevoir beaucoup de couleurs sur une large étendue du spectre sublimées par une définition incisive a créé ce ressenti.

Est-ce vraiment cela la neutralité ?

Équilibre tonal : 

DIAMs 4 ORANGE.2

 

 

Richesse des timbres :

DIAMs 5 ORANGEs

 AudiaFlight FL3S 4

Scène sonore :

Exhibition of a Dream (écrit et réalisé par FM Einheit) est la baroque illustration d’une exposition commanditée par la Fondation Calouste Sarkis Gulbenkian, milliardaire arménien qui est possiblement l’homme (héros pourtant moralement ambigu, sauvé par une totale sincérité de prédateur) qui a créé les fondements du commerce mondial du pétrole ; s’étant entiché de Lisbonne, il a décidé de léguer à la ville (sous certaines conditions) sa collection d’art absolument unique (en partie issue de l’Ermitage et négociée en sous mains avec les Soviétiques qui avaient un criant besoin de liquidité, elle est très orientée vers le classicisme figuratif en référence à « la Beauté ». Duchamp ? Très peu pour Calouste Gulbenkian).

L’extrait The Seven-Year Dream pourrait aussi bien l’être de Drums between the Bells de Brian Eno ; fourbissant un grave très profond - un des points particulièrement attrayant de l’intégré transalpin -, et une propreté générale des timbres lumineux et riches (superbe couleur de voix de la conteuse) le FL3S déploie surtout une incroyable notion d’espace et de respiration (les chœurs !), débordant nettement du cadre des enceintes.

Le mixage, pouvant jusqu’à pulser des sons venant taquiner les lobes de votre oreille gauche, associé à la tenue de l’ampli, déposent la musique si près qu’on peut vivre sur quelques séquences la perception d’instruments sortant de ses genoux. La remarquable production est très correctement servie par l’Audia Flight 3S coté scène sonore atmosphérique, ample et aérée, par ailleurs pas franchement organique ni sculptée ou matérialisée.

Ce souffle évoquant de vastes panoramas de montagne nous a incités à nous éloigner de notre analyse de « texte » pour nous laisser aller à comparer de longs passages du troisième mouvement de diverses versions de la Symphonie n° 4 d’Anton Bruckner.

Trois versions au départ de l’exercice, l’écoute de la première nous obligeant à réviser nos classiques : Nézet-Séguin avec l’Orchestre Métropolitain (Montréal) a guidé vers Eliahu Inbal avec un autre Metropolitan (Tokyo), version plus rapide où le Scherzo : Ziemlich schnell, évoque une chasse aux cerfs, et enfin l’illustre Bernard Haitink dans son antépénultième version (c’est un Brucknérien dans l’âme) issue du programme LSO live, opposant à l’héroïsme wagnérien une somptuosité apparemment académique, en réalité si intensément riche d’énigmes en évolution.

Et puis nous avons glissé vers Karl Böhm (sublime majesté avec Vienne) et Karajan avec Berlin où, malgré une réverbération artificielle, la noblesse imaginative permanente comble quelques creux de composition (je veux dire ses répétitions apparentes) avec une verve hallucinante. Ce qui me rappelle une autre citation de Karajan : « si je dis aux Berlinois de s’avancer, ils le font. Si je dis aux Viennois de s’avancer, ils le font, mais ils demandent pourquoi »

Et enfin Inbal (autre temps…) dans la version d’origine (1873) avec Frankfurt dans deux éditions : chez Apex où le son est dur mais les longueurs de notes mieux respectées et plus articulées et chez Teldec, l’éditeur original dont le son est plus beau mais simplificateur. Ne me demandez pas pourquoi puisque la « bande » d’origine est la même.

L’audace de cette version (marquée par une série de mesures supplémentaires dans le premier mouvement ???) et de l’interprétation en font une référence à part car le chef israélien parvient à en dévider les fils thématiques avec une habileté prodigieuse. Même si on pourra avoir l’impression qu’il est très sûr de lui et passe un peu à côté de la puissance dramatique du monument « romantique » …

Puis Celibache, finalement décevant dans son épanchement languide systématique qui n’atteint pas toujours la métaphysique ; curieusement, et contrairement à mes souvenirs, nous avons mieux apprécié la version DG avec le Radio-Sinfonieorchester Stuttgart que les fameuses bandes-radio avec le Müncher Philharmoniker publiées par EMI, toutes deux dans l’édition Nowak (révision de 1889).

L’exercice s’est révélé très intéressant car jamais on n’a été frustrés par des timbres simplifiés qui auraient retiré une partie du sens de la comparaison, en ne cachant certes pas que, quand même, le Metropolitan de Tokyo ne sonne pas comme Berlin.

Des notions d’espace, d’aération, de variétés des dimensions relatives, ainsi que la permanence d’un manque d’ancrage ferme des musiciens permettent d’évaluer les vertus de l’ampli en test dans ce long exercice qui prouve quand même qu’on fait un métier difficile. Mal payé mais difficile !

Le live d’Amatorski, Impatience, 2013 - curieux titre quand on écoute la pop douce aux développements downtempo paresseux du groupe belge, vraisemblablement inspirée par Tangerine Dream, idéalise la scène sonore atmosphérique et pourtant différenciante et agréable, belle et un peu diffuse, qui fait illusion par une sensation d’air pas si fréquente.

 

 

Scène sonore :

DIAMs 6 ORANGEs

 

 

Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

Je profite de cette rubrique pour évoquer un aspect assez désagréable à l’usage : le moteur du potentiomètre sous l’action de la télécommande tourne beaucoup trop vite, rendant quasi impossible son utilisation avec des enceintes de rendement relativement élevé (les Atlantis lors de notre essai, mais déjà avec des Mulidine Cadence « ++ », c’est limite).

Le piano de Giorgio Koukl nous livrant une intégrale de la musique pour piano de Tibor Harsányi (ici le volume 3) recèle un bel élan rythmique, dansant, en dépit d’une sonorité un rien clinquante pas aidée par la captation.

On constate cette fois aussi un court déficit de poids sur un espace notable du clavier, tandis que la richesse mélodique des compositions s’écoule en état de grâce déliée, pas idéalement ductile toutefois, possiblement contrariée par l’érosion de quelques nuances dans les glissements de cadence, que l’on ne remarquait pas sur le grand frère, l’intégré FLS9.

Pourquoi décidé-je maintenant de parler du grand frère ? Parce que le cadet colle de très près au caractère de son aîné. Mais n’en suit pas tout à fait l’excellence.

Pour vérifier cette dernière impression, nous effectuons un 180° en passant à l’album post-grunge de tous les records, Creed, Weathered (2001) ; recordman, soit, mais honnêtement hyper codé : Scott Stapp chante presqu’exactement comme Eddie Vedder, en plus propre mais moins inspiré, dégoisant des mélodies à la Nirvana, mais dans des arrangements limite rock FM et, franchement, Scott Philips a nettement moins d’idée et de niaque que Dave Grohl.

Un disque formaté qui oublie que Soundgarden est passé par là pour baliser la route.

Le grave ample et contradictoire de l’intégré du Sud propulse à la fois l’impression de pureté et de pression sans attaquer franchement, préférant enrober en ayant le bon ton de ne jamais dégouliner ni baver, remplissant donc son contrat.

En termes de vitalité, l’Audia Flight 3S pourra sembler trop éthéré, manquer de pêche ; la batterie par exemple, et plus précisément la rythmique lourde, épaisse, du groupe est ramenée à un artefact dénué de consistance, cependant que l’ampli aime ce genre d’énergie constante. Autrement dit, on peut regretter l’opiniâtreté vitale que nécessite ce genre de rock viril alors que le ciselé révèle des sonorités, certes un peu floues, ou des idées de phrases que l’on ne soupçonne pas sur la plupart des rivaux de l’intégré né dans le Latium.

C’est bien plaisant, quand bien même est-ce une proposition typée qui conviendra bien mieux à des enceintes pas naturellement expansives ou difficiles à alimenter, avec lesquelles notre petit héros bouillonnant donne le meilleur de lui-même !

D’autant que les élans dynamiques tendent à devenir trop fort, brutalement, émergeant par étages, sur les extraits par exemple de Songs of Praise (Bullyrag 1998), deux plages aussi divergentes que The Plague et le surprenant « Untitled » caché en fin de disque… disque unique, musclé, de Funk Rock où l’on suppose les influences de Living Colour ou CXT (Crazytown) dans le trapu « B-Boy 2000 » à même cependant de revendiquer une place unique dans le genre. Mais pourquoi Bullyrag n’a-t-il rien produit après un tel monument ?

Les effets de dynamique ne changent pas en poussant le niveau sur ce type de musique, et tout au plus à fort niveau détecte-t-on un blanchiment des couleurs et la fusion de la définition mais au moins le côté faussement précis (brillant) ne prend-il pas le dessus au risque de devenir désagréable…

… Ce que nous avions remarqué lors des comparaisons entre les diverses interprétations de Bruckner, sans que ce soit à aucun moment rédhibitoire sauf à aimer écouter très fort. On note également sur des grandes envolées symphoniques que la dynamique n’est pas tout à fait fluide, préférant, lors d’élans complexes, bondir de strate en strate. Cela étant, c’est spectaculaire.

Le swing pur maintenant ? Il patine passablement sur le pas absolument génial album de Flying Lotus, BO de l’anime Yasuke tiré d’un célèbre Manga. On est certes loin de la foison d’idées qui habitaient - au point d’en devenir enivrante - le génial You’re Dead !, shaker agité de free jazz, électro, rock azimuté, rap / hip hop psychédélique, soul décalée, ou même le moins génial mais quand même solide Flamagra ; mais il est au moins un point sur lequel le producteur expérimentateur californien ne concède rien : l’engouement des swings glitch-hop (et les lignes de basse sur Black Gold) et groove cosmique tournoyant somptueusement. Un soupçon mécanisés lors de nos écoutes de test via le FL3S, sur quelque enceinte que ce soit.

DIAMs 4 ORANGE.2

AudiaFlight FL3S 2

Expressivité et plaisir subjectif :

Boulez/Ravel, Daphnis et Chloé, Berlin, DG : c’est quasiment l’appareil en test qui incite à écouter la musique vaporeuse, stellaire de Ravel par un de ses meilleurs interprètes, tissant la toile pastorale, arachnéenne et cristalline au sens de diaphane ; or, pour ce qui concerne ces divers points, le mini hercule en test ne démérite jamais !

Les instruments pétillent dans un climat printanier, foisonnant de bulles d’air, de fragments évanescents, de flèches d’ange, illuminant d’un printemps de Toscane les ondulations de brume sur les collines moutonnantes.

Toutefois, les timbres ne se matérialisent jamais au plus profond du magma organique, ni ne prennent place dans les grains de modelés qui définissent l’expressivité, ni ne frémissent lors de fines ondulations filigranées signées d’une plume légère par des musiciens d’exception ; car si la dynamique est spectaculaire, elle banalise les nuances par lissage des modulations, affouille la sensualité de la danse de Chloé captive et séductrice, comme les supplications des Nymphes.

Pourtant, semblablement à son grand frère FLS9, le FL3S, assumant un éclairage de scène fixe, est d’un naturel réjouissant, incitant à partager le sourire permanent collé sur la façade.

Franc, éblouissant, vif et ouvert, l’intégré Audia Flight FL3S expose divers aspects du meilleur du caractère latin…

… et donc ne plaira pas à tous.

Préférez des enceintes pas trop extraverties et évitez les câbles brillants (de toute façon, évitez les câbles brillants) et vous pourrez vivre longtemps avec un appareil imperturbable et joyeux.

Afin de le rappeler sans ambages, une telle orientation sonore sert avantageusement des enceintes moins flamboyantes que nos repères, leur procurent une énergie et une luminosité qui pourraient, sans précaution, s’avérer fatigantes sur des enceintes libres.

Or, n’oublions pas que la majorité des enceintes sont « lisses », prudentes, pondérées, dans l’idée de dorloter l’auditeur.

Le vaillant Audia Flight FL3S est à même de desserrer les cravates, déboutonner les boutons du haut, jeter la veste sur le canapé

 

Plaisir subjectif :

de

DIAMs 4 ORANGE.2 

à 

DIAMs 6 ORANGEs, selon les enceintes 

 

Rapport Qualité/Prix :

Il est forcément positif, car quelques mois après avoir écouté le grand frère de la marque (6 000 € sans option), on a peine à se souvenir de différences flagrantes, les frangins dispensant un même sens de la précision, de l’analyse d’une large partie de la bande passante par ailleurs très étendue, avec moins de tenue, d’étoffe ou de chatoiement pour le petit frère, soit, mais sans frustration particulière non plus.

« L’Audia Flight ne cherche pas à faire joli mais à faire juste. Sur divers critères il y réussit, mais implique de fait une meilleure analyse des plans de l’architecte que la perception du bâtiment dans son environnement final.

C’est évidemment une option forte et assumée qui exige qu’on ne se trompe pas au moment de l’associer et qu’on soit sûr de son attente, car en aucun cas il ne s’agit d’un amplificateur comme il y en a trop : ceux qui, pour ne pas prendre de risque, se contentent d’être tièdes. » - écrivions-nous à propos du FLS9

Ben voilà : l’esprit de la marque est bien là et le très vif FL3S, c’est la même chose que le FLS9 en un peu moins, moins costaud, moins incarné, moins minutieux…

Mais il faut les placer l’un à côté de l’autre pour le savoir

DIAMs 6 ORANGEs

 

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