à l’oreille





PMC Twenty5 24i
Enceinte de studio… Ou pour grand appartement ?

par LeBeauSon - Septembre 2021


Perception d’ensemble

PMC. Une valeur sûre dans le monde des studios.

So what ?

La Twenty5 24i est un objet à part dans le monde hifi, ne cédant ni aux codes techniques ni à la plupart des normes esthétiques, affirmant une personnalité forte, axée sur un sens de l’analyse digne d’un « Profileur », ce qui ne retire pas le droit à l’erreur, toutefois.

A condition de ne pas se tromper dans les associations lors de la composition de sa chaîne - car la belle PMC est tout sauf universelle -, on peut se placer aux antipodes de la morne norme, flatteuse et banale, d’une idée enchristée du haut-de-gamme (en réalité milieu de gamme, mais 7 000 €, quand même, ce n’est pas à la portée de tous).

Le pouvoir de résolution général est d’un très haut niveau, les timbres rutilent lors d’instants primordiaux de la musique, la scène respire en panoramiques dignes des vastes plaines du far West…

Alors oui, il y a des réserves, des objections, évidemment… A vous de voir.

C’est pour essayer de vous guider que l’on décrit le plus sincèrement possible notre analyse, comme la Twenty5 24i voudrait disséquer les composantes de la partition, des arrangements…

… De l’art ?

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Code couleur de nos Diamants pour ce modèle : Rose (de 6 500 à 12 000 €). Mais j’ajoute quelques nuances d’Orange, car à 7 040 € la paire, la PMC est sur la frontière.

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On finit par se demander s’il existe une seule marque d’enceintes anglaise qui n’a pas fréquenté le monde des studios. En tout cas la liste est longue.

C’est d’autant plus amusant que, de mon point de vue, ce n’est la preuve d’aucune vérité autre que l’obstination insulaire à refuser l’invasion. J’ai suffisamment traîné mes guêtres dans des studios d’enregistrement ou de mastering pour savoir (zut à la fin) que la fierté d’être issu du monde pro relève de la pataphysique.

Cela dit, pour en revenir à notre sujet, des moniteurs PMC j’en ai effectivement rencontrés dans divers studios, pas en France de mémoire, et ce ne sont pas les cabines dans lesquelles j’ai été le plus mal à l’aise lors des séances de travail.

Ayant - par ailleurs - eu l’occasion d’écouter des enceintes PMC (plutôt des petits modèles) grand public avec un certain plaisir (à l’exception du look), mon opinion face à la marque était plutôt favorable.

D’autant plus que, il y une dizaine d’années, sont sortis les modèles anniversaires, dits Twenty, singulièrement élégants !

Que ce soient les bibliothèques ou compactes comme les colonnes, un corps fin incliné, soit posées sur des barres aluminium pas ostentatoires, soit sur un pied lui aussi incliné plutôt réussi.

La série Twenty a été revue pour devenir, avec 5 ans de plus, la série Twenty5 puis un peu plus tard Twenty5 i et s’est étoffée puisqu’en plus des 21, 22, 23, 24, 25 il y a aussi la 26 et une Ci, enceinte centrale pour système audio-vidéo.

J’avais en son temps un petit faible pour le modèle compact 22, un peu moins pour les 21 et 23.

Aujourd’hui on s’occupe des 24i.

Soit.

L’historique de PMC, vous le trouverez par vous-même. Je ne vais pas m’y attarder, un long passé n’étant la preuve d’aucune vertu. La haute-fidélité pullule d’exemples.

La société PMC a été fondée en 1990 et s’est d’emblée appliquée à utiliser un principe de charge appelé ATL (Advance Transmission Line) reprenant les travaux de John Wright et ses enceintes TDL, dont je développerai le principe un peu plus bas.

La qualité perçue commence par l’emballage, bien fait, rassurant, complet avec les « accessoires » séparés et soigneusement rangés, incluant la petite touche sympathique d’un chiffon doux en sus.

La colonne Twenty5 24i est déjà d’une belle taille, (1015 (hors pointes ajustables) x 192 (hors supports) x 419 (du fait de l’inclinaison, 330 en vérité) hors grille pour 23 kgs (hors… euh ? Moi ?)) ; on note immédiatement une différence importante par rapport aux premières versions : deux évents laminaires très particuliers en bas de l’enceinte, structurés d’une série de courbes qui évite un effet tuyau. Ils sont les échappements non pas d’une charge bass-reflex (statistiquement majoritaire), mais d’une ligne de transmission, spécialité appréciable de la marque mais pas si facile à mettre en œuvre.

Le principe, très intéressant, contient l’énergie arrière du HP dans un petit volume qui ensuite est prolongé par une « ligne » de même section (chez PMC en tout cas) sur une certaine longueur - selon l’accord passe-haut cherché - développée ici par des replis successifs pour déboucher en face avant par une embouchure en principe de même surface, mais parfois adaptée à d’autres contingences. Les ondes internes ne sont donc pas contraintes comme dans une charge close et non plus décompressées de façon ciblée comme sur un bass-reflex, mais intégralement transmises dans la ligne. En disposant des matériaux absorbants idoines le long de la ligne ou à des points « stratégiques », le fabricant filtre au fur et à mesure les fréquences qu’il ne souhaite pas laisser ressortir de la ligne, opération d’autant plus importante que ce qui sort de la ligne est « hors phase ». En théorie, il n’y a donc pas de contraintes et de perturbations ni d’ondes stationnaires pour altérer le fonctionnement du haut-parleur concerné.

Bon, magnifique.

On se doute que ce n’est pas si simple en pratique.

En effet, une telle charge demande un ou des haut-parleurs graves un peu inhabituels avec l’avantage qu’ils peuvent avoir des équipages mobiles légers (et donc résonner un peu haut) car la courbe dans le bas du spectre est directement liée à la longueur de la ligne. Une ligne courte ne descend pas (en tout cas moins) mais peut être particulièrement linéaire ; une ligne trop longue descend évidemment plus bas, mais avec deux risques : creuser le bas-médium au profit du grave et commencer à désamortir le haut-parleur. Il s’agit donc d’un dosage savant entre divers critères incluant bien sûr les performances du haut-parleur concerné. Ainsi par exemple, chez PMC, le même haut-parleur de 17 cm à membrane composite (incluant de la fibre de verre) équipe deux modèles (au moins) de la gamme, à savoir la 22 et 24, dont les lignes sont de longueurs très différentes puisque, sur la 24, elle mesure pas loin de 3 mètres et est supposée descendre à 27 Hz (mouais… Avec un 17 cm ?) là où pour 2 mètres sur le modèle 22, elle coupe à 39 Hz. Ce qui en soi surprend un peu.

Le haut-parleur principal est relayé par un tweeter à dôme souple de 19 mm de technologie « Sonoflex » SEAS caché derrière une fine grille à la fois protectrice et diffusante. Ce petit dôme est coupé plutôt bas (1900 Hz). Les composants du filtre ont été optimisés par rapport aux versions précédentes de la 24.

Ça y est : nous sommes tombés dans le panneau : on écrit des bancs d’essai hifi !!!!

Qu’est-ce que j’ai oublié ? Voyons voyons… Ah oui : rendement 89 dB, impédance 8 ohms, un bornier simple, autrement dit pas de bi-câblage : très bien.

La gamme Twenty5 est disponible en Noyer, Chêne clair, Laque blanche ou noire diamant.

Conditions d’écoutes pour le moins variées afin de bien cerner quelques particularités de fonctionnement, car contrairement à ce qui est écrit à droite à gauche, la PMC Twenty5 24i n’est pas si simple que ça à mettre en œuvre. Enfin, je veux dire si on ne veut pas passer à côté.

Ben oui, hein…

Le prix ? Ah oui, le prix : 7 040 € la paire

Lumin U1 avec alimentation spéciale, convertisseurs Eera Majestuoso, Accuphase DP430, B.audio, vinyle Well-Tempered + cellule Hana SL, Aurorasound Vida, amplification Accuphase E380, Tsakiridis Aeolos Ultra et Ultima, Kondo Overture II, B.audio, câbles Absolue Créations, Neodio, Wing, Nodal, Mudra.

Ajoutons combien il est agaçant de recevoir des objets totalement neufs, et ce pour deux raisons : la responsabilité de risquer d’érafler un objet neuf est crispante mais surtout on est obligés de les faire tourner nous-mêmes assez longtemps au moins pour les décoincer. Dans ce cas précis, ça a failli être particulièrement critique, parce que franchement, neuves, c’était minable.

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Réalisme des détails :

Bon. Pas simple. Passés quelques jours de fonctionnement, on a pu heureusement constater que les couleurs s’épanouissaient enfin, le teint de la peau prenait vie après une inquiétante pâleur, mais, curieusement, il a aussi fallu revoir nos associations pour arriver à des constats enthousiasmants.

Dans la culture de notre revue (et surtout de votre serviteur), l’idée de devoir réfléchir mariage dérange : ne pas pouvoir associer des bons éléments dès lors que sur le papier il n’y a pas contre-indication est un constat énervant. Or, à première vue, la PMC Twenty5 24i est une deux voies avec un petit haut-parleur censément rapide, au rendement pas génial mais dans une bonne norme, soutenu par une charge supposée libérer son fonctionnement.

Eh bien non, les Twenty5 24i n’aiment pas au moins deux choses : les appareils dénués de contre-réaction d’une part, et d’autre part les appareils qui « fournissent trop » d’énergie et d’informations. Dans nos essais, la combinaison B.audio où l’utilisation d’un Kondo (vous me direz que, côté budget, on n’est pas dans les mêmes eaux) sont à bannir ; par exemple. Et, pour une fois, nous avons été un peu déçus par l’Aeolos Ultra du fait d’un bas-grave baladeur. Mais l’Ultima pourquoi pas ? Un excellent compagnon pour les colonnes britanniques.

Bon, allez, ne faisons pas notre mauvaise tête (mais ne me demandez pas l’impossible non plus) et concentrons nos commentaires dès que tout est correctement en place pour tirer le meilleur de ces enceintes que j’ai obstinément tenu à mettre en œuvre, parce que, subjectivement cette fois, j’apprécie une bonne partie des solutions employées.

Commençons par un point particulièrement positif : le ciselé est assurément exceptionnel ; ce que nous avons constaté d’emblée sur deux œuvres requérant un orchestre fastueux, à savoir l’Oiseau de Feu par Andrew Litton et le disque consacré par Ondine à la musique pour orchestre de Ravel, Robert Treviño (il est américain, non ? Si) dirigeant le Basque National Orchestra (ne riez pas, c’est écrit comme ça sur la chopette), dont le nom est aussi Euskadiko Orkestra.

On sent clairement la volonté de Treviño de revenir aux origines basques de Maurice Ravel, accentuant le côté sombre, douloureux, des divers morceaux de bravoure gravés ici (je reconnais que je n’ai pas écouté le Bolero), à commencer par une de mes œuvres préférées du compositeur : La Valse.

Oui, pourquoi pas une telle approche, en effet. Mais à mon avis, c’est aussi négliger un aspect important de notre Maurice national, à savoir un dandysme un tantinet hautain et cependant imprégné d’une habileté d’esprit affutée qui procurent à son art une si grande puissance délicieuse. Manquent donc dans cette version de La Valse le déséquilibre chaloupant, les syncopes sorcières qui nourrissent la magie de l’œuvre rapprochant curieusement Ravel de Sibelius. L’ambiance générale est ici plus sépulcrale, voire funèbre, que fouinant dans l’ambivalence.

A moins que ce ne soit l’enceinte ???

On constate – via la retranscription de ce difficile édifice par la Twenty5 24i - une rare finesse d’analyse, une exigence de précision, un parfum léger et exquis embaumant une vaste gamme du haut-médium d’une limpidité printanière, illuminée d’infinies distinctions de modulations (avec des câbles Wing, soit, qui coûtent (mais valent) plus que le prix des enceintes), un pouvoir de résolution pointé d’une légère brillance qui pourrait faire craindre le pire, à savoir l’acrimonie ou le mordant. Mais non, absolument pas : l’aptitude des PMC à la description des messages est inhabituelle, sans jamais s’abaisser à une lecture au scalpel ou un décapage à l’acide. On peut au contraire parler de « soyeux », dénotant une rapidité sur tout le spectre et incluant un haut-grave tendu et timbré.

En revanche, il est surprenant de constater que cette même précision des attaques n’est pas suivie d’un parfait prolongement des notes, d’un amorti totalement naturel, ni du grain des matières, qui auraient d’emblée placé l’objet du jour sur une marche inaccessible du podium virtuel de l’Olympie mélomane face à la norme audiophile.

Afin d’éviter toute confusion : le lien au sein des modulations croisées n’est pas dénaturé par cette réserve ; il s’agit plutôt d’un imperceptible tassement du pallier qui suit l’attaque de la note dans son enveloppe. Ce qui contribue évidemment au piqué remarquable, par un subtil jeu d’extraction.

Autre constat, qui nous amène au questionnement de l’équilibre tonal : si les enceintes descendent aussi bas que l’affirment les chiffres (nombre, en vérité), à savoir 27 Hz (?????), elles ne le font pas sans conséquence puisqu’on constate parfois un bas-grave empoté, pas exactement raccord en tension avec le reste du spectre, un des points qui incitent à ne surtout pas se tromper dans le choix de l’ampli pour ne pas tourner à la caricature, certes élogieuse, mais tout autant extravagante.

Sur le fascinant Quatuor n°4 de Sofia Gubaïdulina par le Quatuor (eh oui, le même mot pour désigner la forme et la formation musicales ! Voyez comme la confusion est facile en sémantique comme en haute-fidélité !) canadien Molinari, l’introduction qui, en terme de dynamique fine, est de l’ordre de l’infraliminaire, piquetée de fugaces impulsions évoquant un brouillard d’insectes grouillants, est malencontreusement quasiment absente alors que la chitine devrait en être distincte et que, contradictoirement, la minutie de la colonne PMC à suivre le développement de la suite de l’œuvre majeure de la musique contemporaine en confirme la capacité à défendre la sensation d’un travail de dentelière, unissant art et artisanat.

Est-ce dû au fait que les « matériaux » des instruments sont plus filigranés que physiquement inscrits dans l’espace ?

Qu’importe : la sensation d’une résolution supérieure des montées de notes est particulièrement attractive, d’autant que le respect des « tonalités » (au sens de couleur) respectives des complices du Quatuor ne révèle d’autre faille que le flottement tonal du violoncelle sur quelques suivis de lignes, lisibilité qui évite toute confusion entre les partitions de chacun. Beaucoup de vie dans cette œuvre ; j’ajoute que les réverbérations naturelles de l’acoustique sont scrutées avec un indéniable sens de l’observation.

Le ciselé est indiscutable et puisque le règlement interne m’y contraint, le verdict tombe :

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Richesse des timbres et équilibre tonal :

Je me suis soumis à un pensum pour cette rubrique, à savoir l’adaptation par David Chevallier de poèmes musicaux (comme quoi c’est un adjectif fourre-tout) de John Dowland, A Game or Mirrors, Anne Magouët soprano, Bruno Helstroffer, théorbe.

En gros, cette musique me fait c… euh, me casse les pieds… Mais la finesse de toucher de David Chevallier, la trame soyeuse de sa guitare et la sensibilité du chant de Madame la Soprano, tournent à la fascination.

Toutefois, on note sur Twenty5 24i que, si la foison harmonique du haut du spectre est méritoire et l’aigu superbe - disons même le haut-médium aigu (ben oui, c’est technique, qu’y puis-je) - il y a un petit quelque chose – très différent d’un grand rien - d’artificiel dans ce soyeux fascinant accompagné là encore d’une coquetterie de luminance enchanteresse. Confirmant que l’équilibre tonal est dirigé vers une recherche d’un mélange, improbable et fragile, entre précision et délicatesse.

Pari tenu, soit, mais au détriment de la justesse tonale si on ne veille pas à une mise en œuvre affinée.

On vérifie cette perception en écoutant la Symphonie n° 6 de Gustav Mahler par Kirill Petrenko et le Philharmonique de Berlin ; une version de plus pourra-t-on penser ; sans doute un peu inégale, elle s’inscrit hardiment dans la durée : on attend une proposition par le même chef dans quelques années pour apprécier son évolution personnelle dans une œuvre qui ouvre un des plus larges éventails entre l’entendement intime et le chaos nombriliste. L’interprétation de Petrenko et son extraordinaire « mécanique huilée berlinoise » est à la fois un mélange de rudesse (peu de vibrato sur les cordes) et de souplesse coloriste, notamment dans les espaces interstitiels rendus passionnants par la courtoisie d’éclairages inattendus sur le phrasé de tel ou tel musicien éclairé comme un soliste.

Le travail inouï sur les timbres comme les textures est parfois détourné par l’équilibre tonal de la Twenty5 24i, évidant - plus ou moins sensiblement selon le placement des enceintes et l’amplification - une zone entre un registre grave qui peut alors facilement basculer vers la proéminence et une section de haut-médium très aérienne, amincissant les fondements d’une partie des timbres. La frange (difficile à définir pour beaucoup) du bas-médium légèrement en retrait étant néanmoins d’une grande transparence et franchise, aussi incisive et détaillée que le haut, le plaisir musical est au rendez-vous d’une présentation pas tout à fait naturelle mais au moins affirmée, nette, distincte. Pas si mal quand on sait combien d’enceintes sont voilées ou brouillonnes.

Typiquement, l’essai avec un B.audio B.DAC EX et un Kondo Ouverture sature les possibilités de décryptage de l’enceinte et accentuent ses travers, là où un Accuphase E380 ou un Aeolos Ultima l’équilibrent mieux et procurent beaucoup de satisfaction.

Par ailleurs, est-ce le système ou est-ce l’interprétation de Petrenko ? La symphonie pourtant nommée « Tragique » ne l’est guère ici. Les deux en sont la cause : l’enceinte, par un grain lissé, nous dépose - prudemment ? - en lisière de la forêt mystérieuse, mais Petrenko, passé un début énergique, semble refuser l’hyper dramatisation qui plombe de nombreuses versions, au profit d’une lumière plus crépusculaire, lutte titanesque éperdue d’un lourd soleil rouge crevant les sombres nuages juste avant l’apocalypse.

Un rapide passage par Prince (Seven), comme ça, pour voir, confirme le libertinage tonal, en dévergondant (le mot est fort) la voix de l’immense artiste à facettes vers une parodie « efféminée » …

 

Timbres

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Equilibre tonal

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Scène sonore :

… Alors que sur le même passage, la scène figure une apparence de précision au sens où les évènements sonores sont positionnés sur une large estrade et y tiennent une place stable.

Pourtant… comment dire ?…

La compréhension des proportions est questionnante.

Une interrogation qui continue avec « the Wedding » et « You’ve been around » extraits de Black Tie White Noise (1993) (qui ? ben David Bowie !) où tous les musiciens, sans doute un peu sur-proportionnés, implantent une présence très affirmée qui immerge la pièce avec aisance comme en pays conquis : l’enceinte PMC est dans son domaine de confort, relativisant alors le côté un peu pincé (les cuivres) ou nasal (la voix de Sir David) dans les arrangements abondants : toujours l’image (je n’ai pas dit la scène) sonore qui demande à être attentif au placement.

Pour info, nous avons longuement hésité entre un positionnement des enceintes que nous avons tendance à privilégier (pas trop éloignées et très pincées pour une mise en phase optimisée), et des placements plus bêtement standards et objectivement totalement ineptes.

Quelle audacieuse prise de possession de l’espace et qu’importe si elle manque de constance (les proportions) … On constate sur Prince ou Bowie, en montant un peu le volume (pas trop quand même !), une formidable énergie, jamais fatigante, jamais projetée, au détriment, c’est possible, d’une naturelle vitalité.

Sur de grandes formations classiques, tels le Ravel de Treviño, le Stravinsky de Litton ou encore le Mahler de Petrenko, on est plus dans le grand spectacle que dans la rigueur.

Délectable, spacieuse et séductrice où l’orchestre déborde amplement le cadre des enceintes, en largeur en tout cas, la scène du théâtre symphonique est haute, sensation probablement liée à l’agilité de l’image tonale…

Un petit regret ?

La Twenty5 24i ne pourvoie pas à l’esprit la liberté de se promener à la recherche de quelque pupitre à quelque moment que ce soit, l’isoler à volonté, le plongeant plutôt dans une sorte de munificence somptueuse, jamais aberrante, mais qui n’implique pas le cœur de la même façon. On est spectateur privilégié, sans aucun doute, alors que la balade intime, l’exploration de l’en-soi est moins facilitée. Sans doute parce que relief intérieur, intensité organique, noyau dans les matières des instruments, préfèrent l’esquive au conflit direct mano a mano dans l’arène de la volubilité.

Jean-Efflam Bavouzet a réalisé, pour Chandos en 2012, une intégrale de la musique pour piano de Debussy qui inscrit une forme de référence dans les annales, par l’intelligence du discours, la profusion maîtrisée, et un équilibre exceptionnel entre les sentiments divers et donc contradictoires qui immergent la musique de Debussy.

J’ai choisi la sublissime Cathédrale Engloutie aux harmonies si personnelles, ouvertes, dans la plus pure veine de l’impressionnisme, mais aussi, histoire de manifester la lassitude du politiquement correct (et donc généralement bêlant) : le Petit Nègre (pas besoin d’expliquer le politiquement incorrect), simplement un « cakewalk » qui, dans l’esprit du grand compositeur français, est un hommage rendu à une musique nouvelle, promesse d’avenir dans une époque où la réflexion face à l’égalité n’était pas la même. Aussi, afin d’enfoncer le clou, ai-je aussi écouté « Jeux » où le rapport des séductions est certainement équivoque et discutable. Pour autant, Debussy était-il raciste ou sexiste ? Peut-être, mais son œuvre n’en est pas la preuve. C’est la même simplification de pensée, la même paresse qui menacent la reproduction musicale « formatée » et qui extirpent quelques rares produits de la malédiction ovine. Dont la PMC Twenty5 24i.

Qu’importe alors que le développement du piano dans l’espace soit cette fois aussi « bigger than life », surtout rapporté à l’énergie déployée et la dynamique plutôt débridée…

On ressent de temps à autre une forme de prolongement outré des notes basses du clavier avec un léger retard, opposant à la nervosité du geste une sorte d’indolence…

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Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

… engendrant une dynamique pas toujours déliée, glissant d’une faible densité sur les murmures ténus à une tendance à la projection sur les forte. Telles les notes puissantes dans Petit Nègre

Là encore, on passe d’une forme de caricature avec des amplis peu adaptés à une bonne tenue et une bien meilleure homogénéité (densité, timbres et dynamique) avec un appareil qui les tient d’une main ferme à condition qu’il ne manque ni de swing ni d’humanité, pas les points forts de l’enceinte en elle-même. Donc autant ne pas l’en démunir d’emblée…

Nous avons évoqué, lors d’une autre rubrique, le guitariste David Chevallier dans son exercice consacré à Dowland ; pourquoi ne pas se faire plaisir avec sa musique de prédilection : le jazz ? Et particulièrement le très original Standards & Avatars accompagné de Sébastien Boisseau, contrebasse, et Christophe Lavergne à la batterie où les trois comparses enchaînent les reprises de standards (oh ?) à des improvisations soignées et contemporaines autour des mêmes thèmes. On regrette au passage par l’alchimie des PMC Twenty5 24i ce qu’on avait déjà discerné : un pied de grosse caisse un peu épais et certaines notes de contrebasses fureteuses plus ventrues que la moyenne, soulignant décidément la balance tonale un peu typée, qu’on maîtrisera plus ou moins en jouant sur le placement, mais mieux encore : qu’on aura le droit d’aimer.

Le swing en revanche est plus incertain, trop mécanique à mon goût, pas absent mais oubliant quand même les lacis flexueux des musiciens les uns autour des autres.

La Twenty5 24i étant plutôt nerveuse, le constat est surprenant mais imparable.

Si l’écoute de deux des récentes rééditions en HR d’albums de Zappa confirment qu’on est là dans le domaine d’aisance des enceintes anglaises (après un retour à l’Accuphase) où le grand Frank, notamment dans Apostrophe, extrait de Apostrophe, devient plus incisif, présent, malgré un manque de relief de sa guitare comme celle de Tony Duran, le génial « the torture nerver stops », dans la version extraite du Live in New-York, ne suit ni les languides abandons déhanchés de ce Blues Rock lent mais jamais mécanique, ni les montagnes russes soudaines de Terry Bozzio, amenant une tension dramatique ou lyrique inopinée…

Bref, j’ai la sensation d’avoir perdu un des aspects que j’aime dans ce disque. Est-ce que quelqu’un ne connaissant pas l’album en souffrirait ? Peut-être pas.

Idem sur le fort drôle disque de Doug Hammond (A Real Deal) où le batteur gambade avec humour au rythme discontinu de textes déclamés en utilisant le chant comme accompagnement de la batterie, elle-même essentiellement narrative, jouant d’effets rythmiques, saccades brutales ou martèlement de défilé militaire, glissements de frappes et touchers pour raconter des histoires plutôt joyeuses et plus probablement ironiques. A condition que le discours ne soit pas simplifié au risque de tourner à un systématisme un peu longuet.

Ici, je suis un peu resté sur ma faim.

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Expressivité :

Hélas, la relativisation concernant le swing créée - en ce qui me concerne - une frustration que d’aucuns ne ressentiront évidemment pas…

Elle préfigure l’orientation monitoring d’une lecture précise, d’une acuité permettant un parfait relevé de toutes les partitions, toutes les idées, toutes les astuces de production, ripant vers la rubrique des pertes collatérales le cœur des êtres derrière leur talent.

Sur une chanson aussi dépouillée (en apparence) que « qu’est-ce que t’as fait de mes idées noires ?»  d’Alain Chamfort, la voix un peu nasale, sifflant telle une lame effilée lancée vers sa cible, et les notes de graves épaissies, génèrent contradictoirement un charme indéniable par la présence, le pointage des vibrations intimes, cependant que les harmonies éthérées, le flottement entêtant d’un slow groovant, l’engagement coquin et les clins d’œil sensuels, ou encore l’auto-ironie pudique du chanteur évaporant les larmes inavouées d’un délicieux désarroi face à la troublante invasion de l’amour, sont estompés par l’opiniâtreté d’une inflexibilité inanimée.

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Plaisir subjectif :

N’empêche : rempaqueter ces PMC dans leur carton m’a laissé l’amer sentiment de passer à côté de quelque chose.

Et quand bien même j’en aurais fait le tour, hormis le grave un peu insistant qui trouvera son équilibre dans des configurations affinées (placement, pièce, électroniques), je me suis dit que la finesse de lecture, plus journalistique que scénique, le refus de flagornerie, n’étaient pas déplaisants du tout.

Certes le cœur palpitant de l’humanité m’a manqué, mais simplement parce que j’ai connu deux ou trois enceintes, sensiblement de même catégorie, qui en étaient pourvu. Deux ou trois au milieu de combien ? Par ailleurs souvent dépourvues de tout le reste ou, si pourvues, anarchiquement…

Curieusement, si nous en avions la possibilité, j’aurais bien aimé garder ces objets comme instrument de travail, pour disséquer les caractéristiques des éléments en amont.

Voici donc la conclusion d’un de ces essais qui nous laissent sur notre faim et nous conduisent à l’abnégation… Euh, personne ne me croira… disons une forme d’abnégation, afin de se mettre à la place de ceux – nombreux à n’en pas douter - qui aimeront un produit qui nous échappe peu ou prou.

Pas bien difficile avec la PMC Twenty5 24i : dans une jungle surpeuplée d’arbres entremêlés, elle ne rechigne pas à remettre de l’ordre, arranger les lignes sylvestres, déboiser pour régénérer la forêt…

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Rapport qualité/prix :

Là, franchement, je sèche. Pour avoir connu la Twenty 24 à 4500 €, le bond à 7000 peut surprendre. Mais on pourra m’opposer, et ce ne serait pas faux, que la Twenty5 24i est une autre enceinte.

Sur divers critères, c’est incontestable, notamment le pouvoir de résolution et la beauté et le soyeux général. Mais pas sur celui du plaisir immédiat, certainement pas en retrait mais pas en progrès non plus.

La qualité perçue, à commencer par l’emballage, plutôt haut-de-gamme, décale les objets vers le haut. Est-ce suffisant ?

La personnalité affirmée d’une telle enceinte la démarque si nettement de la morosité musicale ambiante qu’elle est du domaine de l’exception.

Est-ce suffisant ?

Etc.

Est-ce suffisant ?

En valeur absolue ? Non !

En valeur relative, face à la platitude moyenne des concurrentes du même niveau de gamme, ou en tout cas frappées de l’incapacité à résoudre la quadrature du cercle, oui, sans aucun doute, le prix est justifié.

Donc :

DIAMs 5 Rouges

 

PMC Twenty5i 24i BassDef 2

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