à l’oreille





Chord 2Go 2Yu : lecteur de réseau

David sans Goliath

Par LeBeauSon - Octobre 2021


Perception d’ensemble

Le plaisir simple et direct ressenti au fil des heures d’écoute a fait la démonstration que le minuscule couple lecteur de réseau (sans convertisseur) Chord 2Go2Yu ose - avec une louable réussite - le pari de la sensibilité, du coeur.

On pourra sans crainte oser un convertisseur situé plusieurs crans de gamme au-dessus, en ne négligeant pas une bonne interconnexion…

Bref, des exigences d’engins de salon de haut-de-gamme.

Car sans aucun doute ce drôle de petit ensemble préalablement voué au nomadisme (le 2Go en 2K) met à terre moult colosses aux petits-pieds !

Je ne suis pas loin de penser que, peut-être, un petit Diamant sur Canapé ? Mmhhh ?

Qu’est-ce qu’il en dit le patron ?
DIAMs 6Bleu

 

 

NB : Code couleur de nos Diamants pour ce banc d’essai : Bleu (de 1 600 € à 3 200 €), puisqu’en pratique, c’est le Bundle 2Go/2Yu que nous avons testé

 

Prix :
2Go : 1 250 €
2Yu : 790 €
Bundle 2Go/2Yu : 1 890 €
Hugo2 : 2 495 €
Bundle 2Go/Hugo2 : 3 190 €

 

CHORD 2Go2Yu 1.2

Le grand fabricant anglais Chord Electronics est aussi célèbre pour le haut niveau de technologie de ses créations (un des pionniers de l’alimentations à découpage et de circuits spécifiques de conversion numérique/analogique) que pour les châssis en aluminium parfois monumentaux aux audaces plastiques jamais surpassées par la science-fiction.

Or, depuis quelques années, l’entreprise a pris tout le monde de court en proposant, toujours dans la projection esthétique d’un James Bond du futur, une gamme de produits plus ou moins nomades, dont certains vraiment autonomes puisque fonctionnant sur batterie.

Nomade, autonomes, soit, mais l’excellente idée de Chord est d’avoir prévu que ces appareils tel le désormais célèbre Hugo (2 dorénavant) puissent aussi tenir une belle place dans votre installation de salon.

Ainsi, si le 2Go est un lecteur réseau dédié au Hugo2 dans sa vocation « mobile » auquel il sera raccordé par contact direct et solidarisé par un vissage aisé, le même 2Go peut être raccordé, là aussi par encliquetage et serrage, au 2Yu, dite interface numérique, qui va transformer le 2Go en lecteur de réseau utilisable sur le DAC de votre choix au sein de votre chaîne fixe, et ce via 4 sorties :

S/PDIF BNC, RCA et Optique et une USB A.

La gigue numérique est maintenue sous contrôle par un processeur, horloge et contrôleur de fréquences de haut vol.

Les flux PCM traités par le petit couple (c’est vraiment tout petit) couvrent jusqu’au 32 bits/768 KHz en PCM et DSD256. Ça donne de l’avance. On est loin du MP3.

Les sources pour nourrir le Bundle communiquent par Wifi, Bluetooth, liaison RJ et deux lecteurs de cartes micro SD qui procurent jusqu’à 4TO de stockage, voire plus si on permute les cartes avec d’autres.

Le mini-couple Chord suit les protocoles DLNA ou Airplay (moins recommandé en usage à la maison) mais est aussi Roon compatible. Pas mal !

On a donc de larges choix d’utilisation ! Franchement, qu’est-ce qui manque ?

On retrouve sur ces petits trucs la même qualité de châssis en aluminium (alu naturel ou noir) que sur le haut-de-gamme, ainsi que les boutons ronds multicolores - qui, honnêtement font un peu bonbon - pour la mise sous tension, la sélection des entrées/sorties et le réglage d’intensité de voyants.

Sujet souvent contesté que celui des valeurs qualitatives en lecture réseau, blablabla, ce n’est que transmettre des 1 et des 0, alors pourquoi devrait-il y avoir des différences de rendus sonores ?

On a déjà expliqué maintes fois, je ne vais pas répéter inlassablement, pour la bonne raison que je suis las ; fiez-vous à vos oreilles.

Si vous en avez.

On a écouté sur deux sorties (USB et S/PDIF RCA (ouh là, que de lettres !)) via deux applications, à savoir MConnect et Roon. Nous n’avons pas essayé Bubble ou RompR, mais bon.

Roon va un peu plus loin, pas une surprise, mais vous ne serez pas lésés avec MConnect.

Essais menés avec : Playback Designs Merlot, Accuphase DP430, Eera Majestuoso II, Accuphase E380, Grandinote Supremo, enceintes Davis Courbet 8 et ppfff AVA II, câbles Absolue Créations, Legato, Nodal, Mudra…

CHORD 2Go2Yu 6

 

Richesse des timbres et équilibre tonal :

Excellent début avec le Steinway D-274 de Cathy Krier s’évertuant à varier les nuances et mutations sur les Etudes de György Ligeti, pièces avant tout posées en réflexion stylistique du génial hongrois et qui, enchaînées de la sorte, ne s’écoutent certes pas comme une valse de Chopin. Ni même comme les études de ce dernier, si exigeantes soient-elles.

Pari pas facile que tente la pianiste luxembourgeoise, car, contrairement à de nombreuses œuvres de Ligeti, les études accumulent les obstacles et péripéties en laissant peu de place à l’humour ; je suppose que ça ne vient pas l’interprétation.

Avec le bundle Chord on se réjouit de belles harmoniques, fines et justes, modérément simplifiées.

Plaisir d’autant plus grand que l’expression est généreuse alors que livrée dans un cadre plus intime que parfois, intègre et proportionné, révélant tout au plus un manque de « poids » sur les notes jaillies du cerveau débordant d’un de mes compositeurs contemporains préférés.

Autrement dit, si nous connaissons, via un lecteur réseau plus ambitieux, un piano plus amplement « déployé », nous l’avons aussi déjà écouté plus clinquant, plus dur, la prise de son réverbérée « haut » ne facilitant pas la perception des timbres.

Constat identique avec le superbe « programme » consacré à Stravinsky proposé par Isabelle Faust (ben oui, on l’aime beaucoup, qu’y voulez-vous ? Pas inconditionnellement, mais beaucoup), à commencer par la très inspirée Elégie, quasi-mystique sous les doigts de la violoniste germaine qui, de disque en disque, réussit la performance de transformer l’humilité en prouesse musicale totalement au service des compositeurs.

Quand vient l’Histoire du Soldat, je dois avouer que, si le conteur Dominique Horwitz m’emmène dans sa narration, le même comédien interprétant le Soldat et le Diable n’est pas loin de m’insupporter ; seul bémol à un bijou absolument remarquable par ailleurs : incroyable fusion de la minutie, du sérieux et de la capacité à nous transposer dans une époque qui n’est - hélas ?... Bof… - plus la nôtre, un peu candide, mais si visuellement bouleversante, rappelant les rives de la Marne où Gabin, héros à la française, chantait un air de guinguette. Avec 20 ans d’écart.

L’ensemble de lecture réseau Chord développe aisément le nécessaire épanouissement des timbres, bon d’accord un peu maigrelets, mais pas dépourvus de matières et tellement plus satisfaisants que répandus par l’entremise de si nombreux lecteurs réseaux rondouillards et épais dont la musique sort meurtrie, bouffie, époumonée.

Le postulat d’Isabelle Faust d’utiliser des instruments de l’époque de la création de l’œuvre (ce n’est quand même pas si vieux) apporte peut-être moins à son interprétation que la volonté des musiciens de respecter une atmosphère, une image de vieux films, ou de salle de spectacle à l’ancienne, constat qui vaut pour la prosodie du narrateur. Ainsi trombone, cornet, clarinette ou encore basson, s’en donnent à cœur joie dans la pantomime avec une assiduité qui replace l’ouvrage dans un « salon », au sens de haut lieu de culture, comme ceux du 17ème et 18ème siècle, ou, plus vraisemblablement le cercle artistique d’un Cocteau où le poète célèbre Radiguet.

L’équilibre tonal n’appelle aucune critique, on le vérifiera tout au long de l’essai, couvrant un large spectre, comme le démontreront quelques excursions vers la pop opulente de Charli Xcx (encore un disque qui ne tient pas ses promesses, si lamentablement codé, passées quelques idées fallacieuses) ; conséquemment, si l’on excepte un très relatif manque de corps – sans atteinte à la perception des matières, je le répète - il n’y a rien à reprocher dans cette rubrique…

Équilibre tonal : 

DIAMs 5 Bleu 1 gris

 

 

Richesse des timbres :

DIAMs 6Bleu

 

 

CHORD 2Go2Yu 2

 

Scène sonore :

… Et pas plus dans la suivante : la scène sonore de la petite bande d’Isabelle Faust illustre une précision photographique nette des placements des solistes, ainsi qu’une plutôt belle capacité à détourer chaque musicien dans son air, ses mouvements, sa vie.

On distingue, à la longue, que ces qualités sont partiellement imputables à un enrobage velouté des fronts et suivis de notes, si méticuleusement cohérents toutefois qu’on ne le vérifiera que par comparaison avec un lecteur réseau méritoire et considérablement plus couteux !

Car, en soi, il faut beaucoup de concentration pour délimiter les éventuelles insuffisances de ces tous petits machins grand-bretons.

Parmi les chefs-d’œuvre dont le foisonnement d’écriture semble ouvrir sur une infinitude d’interprétations, la Symphonie n°6 Op 74 de Tchaïkovski est un des fleurons.

Sublimer la dramatisation, outrer la solennité, aiguiser les griffes pour des frappes au corps, à l’âme, au cœur engendrent quelques notables outrances de pathos ou romantisme ridicule…

Trouver un équilibre au sein des excès et favoriser par ailleurs des jeux de couleurs et de matières, telle est la voie choisie et tenue par Paavo Järvi exploitant des qualités qu’on n’a pas toujours entendues du Tonhalle-Orchester Zürich (chez Alpha), axe rendu impeccablement compréhensible grâce au bundle 2Go/2Yu nous restituant sur le fil les éclairages élaborés au sein des pupitres (les cordes magnifiques, les bois particulièrement harmonieux, les cuivres moins mis en avant que souvent dans les clusters puissants sans négliger pour autant la sensation d’un châtiment divin, l’impossibilité d’échapper au destin, au poids de l’âme).

Mais surtout, et à notre grande surprise, les bizarreries de la prise de son créant parfois des jeux de placement surprenants en profondeur, que l’on suppose volontaires puisque d’assez bon goût, ne nuisent en rien à la perception de la salle, sa réverbération contenue comme sa couleur, et ce grâce à une analyse homogène divulguée par les petits Chord qui, en outre, implantent une exemplaire stabilité des pupitres.

 

Scène sonore :

DIAMs 6Bleu

 

 

CHORD 2Go2Yu 3

 

Réalisme des détails :

Bullet Proof (This Is the Kit, Moonshine Freeze 2017) fait apparaître beaucoup de délicatesse sur les cordes de guitare et banjo, dans une admirable aération et si on perçoit que l’ensemble 2Go + 2Yu ne pourra pas revendiquer la première place sur le podium de la transparence, sa propreté ainsi que sa remarquable cohésion de résolution sur toute l’étendue du spectre - et ce sur les prolongements les plus alanguis de note -, balayent toute réserve sur ce type de formation.

On ne peut aussi que féliciter les deux machines pour l’élégance des modulations aussi bien sur les cordes que les mélodies slalomeuses portées par la voix angélique (mais grave) de la bristolienne Kate Stables.

Nous sommes bien conscients que la définition et la légèreté soyeuse idéales livrées par les petits joujoux sur une telle musique tiennent aussi à ce qui est une de leurs limites, à savoir le déficit de poids déjà décrit ; peu importe puisque ce trait de caractère ne tourne jamais à la dureté, ni ne change en fonction du volume ou de la dynamique, ni n’affecte un digne sens de la cadence.  

Je suis convaincu qu’une alimentation un peu plus musclée en lieu et place de celle toute faite fournie avec 2Yu corrigerait la petite anicroche. Chord étant un champion des alimentations, peut-être en verra-t-on une plus cossue apparaître sous peu.

Pendant le confinement, Trent Reznor a écrit la suite de sa série de bandes-son sans film Ghosts, l’épisode VI, Locusts.

Flot conceptuel pour le moins sombre, en apparence, envoûtant pour ne pas dire vertigineux sous le martèlement d’obsédantes tourneries rythmiques ou mélodiques plombantes, inquiétantes sous les descriptions ambivalentes de climats nous envoyant divaguer dans le noir cinéma de nos phobies. Pourtant, l’album, lorsqu’il est correctement reproduit, laisse entrevoir en permanence des fêlures luisantes ou brumes de lumière dans les ténèbres, et en aucun cas n’est pessimiste ou désespérant. Et s’il est aliénant, il n’en diffuse pas moins un message d’espoir.

Alors là, oui, on sent bien qu’on déambule sur la frontière d’exploration du petit ensemble 2Go + 2Yu, dont un début de myopie ne nous aventure pas trop loin sous la surface, restant un peu brillante par un détourage des détails ne parvenant pas à isoler les distorsions du piano de ses harmoniques, toujours dépourvues de vraie densité ; une telle limite d’acuité isole et renforce la présence des sonorités artificielles, soit… au prix toutefois de gommer les liens ténus entre strates atmosphériques et de ce fait schématiser le mystère.

Mais dès qu’on se souvient du coût (non, pas du coup !) du bundle Chord, on ne peut que s’incliner…

DIAMs 6Bleu

 

 

 

Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

… Et ce avec d’autant plus de décontraction que le swing est au rendez-vous des musiques, ce que révèlent deux approches radicalement différentes d’icelui dans un seul disque : Artificiel Sheep par Kuu!

Classé en rubrique Jazz, sans doute parce qu’il est édité par ACT et que les musiciens sont Christian Lillinger, Jelena Kuljić, Kalle Kalima et Franc Möbus.

Pourtant, que ce soit Crimes That Bring Me Joy ou Shepherd d’un côté et My Body Is a Cage (meilleur que l’original d’Arcade Fire ?) de l’autre, on est quand même plus dans le rock ou une sorte de blues/soul, culotté pour les deux premiers et drôlement balançant pour le deuxième…

Certes les accords de guitare sont jazz…

Qu’importe : les petits Chord suivent aussi bien les décharges d’élucubrations déjantées et musclées que le déhanchement élégant, envoyant les pulsions indispensables à notre bonheur de chroniqueurs blasés, que nous réclamons si souvent en vain !

Bien sûr, il y a mieux, mais à quel prix ?

Et puisque, grâce au Tchaïkovski de Järvi nous avions été rassurés sur l’excellente gestion de la dynamique en modulations flexibles, sans la moindre projection ou disgracieuse régression de l’équilibre tonal ou colorimétrique, pas besoin de s’éterniser sur ce chapitre : nous sommes comblés.

DIAMs 6Bleu

 

 

 

Expressivité :

Tous les ingrédients semblent réunis n’est-ce pas ?

Alors oui, on sait pouvoir espérer un peu plus de ce côté, mais les fondamentaux sont en place, la musique revêt une sensibilité suffisante pour attirer de nombreux délicieux frissons sur le disque pourtant pas idéalement capté de Karita Mattila accompagnée de Claudio Abbado et Berlin nous offrant une version de référence (parmi d’autres, évidemment, mais quand même) de lieder de Strauss ; en effet, une fois n’est pas coutume, je n’ai pas éprouvé le besoin de me ruer sur le vertigineux « Im Abendrot » pour devoir refouler avec un plaisir paradoxal des larmes d’extase qui, sur de nombreuses machines sont plus de l’ordre du diktat pavlovien que la conséquence directe de la pureté artistique injectée dans les veines.

Or cette version, où la Dame est tout en retenue, l’orchestre immergé dans une solennité crépusculaire (c’est dans le titre, je sais, mais il n’est pas rare que « crépusculaire » soit confondu avec « morbide » en oubliant que cet adieu à la vie est peint par un compositeur conscient que la sienne lui échappe, sublimant un texte empreint de contentement et sensualité, abandon poignant certes, mais pas anxiogène) a l’élégance de ne pas pousser à fond les manettes de l’emphase…

Le plaisir décrit au fil des diverses rubriques a, je l’espère, fait apparaître que 2Go2Yu osaient avec une louable réussite le pari de la sensibilité, de l’humanité.

Aussi, au risque d’insister, le prix suggère de donner la meilleure note :

DIAMs 6Bleu

 

 

 

Plaisir subjectif :

Je ne sais trop ce que nous pourrions ajouter dans cette case, si ce n’est préciser qu’il n’est pas du tout absurde d’envisager 2Go2Yu sans le Hugo2, censément son complément naturel (en réalité, c’est le contraire : c’est plutôt le 2Go le complément naturel de Hugo2) et adopter la combinaison pour nourrir un DAC de haut-vol.

Soyons clairs : pour connaître un bon nombre de lecteurs de réseau de salon plus ou moins classieux, la liste de ceux qui - pourtant beaucoup vaniteux et obligeant à casser sa grosse tirelire -, n’atteignent pas le début des vertus musicales réelles des petits Chord, en représente une majeure partie !

Fonctionnant sans surprise et en toute simplicité, à même de trouver une place dans un meuble déjà plein, tout au plus faudra-t-il veiller à placer le bundle Chord sur un support stable pour en tirer le meilleur.

Et donc : lui confier un convertisseur qu’on pourra oser plusieurs crans de gamme au-dessus, en ne négligeant pas une bonne interconnexion… Bref, des exigences d’engins de salon de haut-de-gamme.

DIAMs 6Bleu

 

 

Rapport Qualité/Prix :

On ne va pas s’éterniser, sauf à se demander si je ne collerais pas un petit Diamant sur Canapé à ces bidules.

La direction décidera !

DIAMs 61 Bleu

 

CHORD 2Go2Yu 4

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