à l’oreille





Platine vinyle EAT B-Sharp, onctueuse félicité

par LeBeauSon - Avril 2022


Perception d’ensemble :

Jazz, Rock, musique symphonique… vieux pressages ou derniers LP, le plaisir de déguster ses vinyles est constant par l’entremise de la B-Sharp.

Tout coule naturellement. On entre dans la matière des enregistrements pétrie en subtilités, sans caricature.

À aucun moment on ne ressent le sentiment d’une trahison de l’œuvre, délivrée avec des saveurs, une substance charnelle et un groove que l’on n’attend pas forcément d’une platine de ce prix. Corollaire, le son brut de certains disques destinés à une simplification de transcription s’en trouve bouleversé pour le meilleur. Ou le pire si les musiciens n’ont rien à dire.

On s’embourgeoise volontiers en écoutant la scène de l’orchestre, la richesse harmonique des pupitres, ou les volutes aériennes d’un vibraphone. Une acclimatation vécue comme une somme de bénéfices, dont celui de la vraisemblance, annonce que tout retour en arrière sera sans doute mal vécu.

DIAMs 6Bleu

 

NB : code couleur des diamants pour ce BE : Bleu (entre 1600 et 3200 €) la platine + bras + capot coûtant 2039 € et 2279 avec cellule Ortofon 2M Blue

B Sharp 1

Dans la hiérarchie EAT, la B-Sharp s’intercale entre la platine d’entrée de gamme déjà valeureuse Prélude (voir le test ici) ...

... et la C-Major presque 1 000 euros plus chère.

La présentation de la B-Sharp est à la fois « classique et de bon goût ».

Ouais, d’accord, les deux qualificatifs vont souvent de pair, mais c’est abusif. Le style Louis-Philippe, par exemple, c’est classique… Mais sans preuve de goût…

Ahem ? Combien d’entre vous ai-je perdus ?

Qu’importe, les deux termes se prêtent particulièrement bien à l’esthétique de ce « tourne-disque », ni ostentatoire, ni monstruosité audiophile. Sobre et élégant. C’est bien aussi.

 

Car, nous le savons tous (et pas seulement Dieu. Mais au fait, qui est-il ?), quand on parle de platines vinyles, il existe pléthore de monstruosités ostentatoires et vulgaires. Eh bien ce n’est pas le cas de la B-Sharp qui est donc « classique et de bon goût ».

Je l’ai déjà dit ? Vous voyez, on est déjà d’accord sur un point.

Je ne sais pas comment s’arbitre le partage de technologies entre Jozefina et Heinz (Lichtenegger patron de Pro-Ject, Monsieur Jozefina donc).

Mais les modèles de la marque EAT semblent profiter du meilleur de la base industrielle de Monsieur et des talents d’ingénieur ingénieuse de Madame.

En toute logique, nous encourageons les efforts lorsqu’ils vont dans le bon sens.

Osez, osez Jozefina.

Hop : le match du divorce commence, on compte les points :

Commençons notre descriptif par les pieds, le sol, l’ancrage :

La platine s’ajuste horizontalement à l’aide de trois pieds réglables en hauteur, grâce à un pas de vis interne…

Oui, comme pour beaucoup de Pro-Ject. 1 point pour Heinz.

 

Notons tout de même que les pieds sont assortis d’une couche de feutrine pour atténuer les vibrations. On le sait, la qualité est souvent une somme de toutes petites attentions, le Diable est dans les détails. 1 point pour… ? Sans doute Jozefina.

 

La platine se compose de deux parties en MDF à haute densité, insérée l’une dans l’autre (châssis flottant) pour opérer un découplage interne et gommer les effets de microphonie dus aux vibrations, option technique pas si fréquemment utilisée par les concurrents et pourtant remarquablement efficace. Encore 1 point pour Jozefina

 

La rotation du plateau est assurée par un contre-plateau interne mû par une courroie reliée au moteur.

Oui, comme sur des Pro-Ject. Le point revient à Heinz… non ?

 

Le plateau en aluminium est lourd. Tiens… Je vais le peser juste pour savoir : 1,8 kg : pas mal.

En le retournant, on constate une gomme moulée (sorbothane ?) dans une glissière à bord tournant du plateau, sans doute là encore pour limiter les vibrations.

À qui le point ?

J’arrête cette « comptabilité stérile ».

 

Le plateau est livré avec une feutrine noire et un palet presseur en aluminium « vissable » sur l’axe, plutôt joli.

On le rappelle : le principe est efficace.

Parlons du bras.

Le B-Note de 9 pouces ressemble de loin à beaucoup de bras Pro-Ject.

De près, il ne faut pas longtemps pour déceler des différences notables avec ses cousins. Le porte-cellule fixe en aluminium anodisé noir est monté sur un tube moulé dans un alliage à base de carbone commun aux deux marques, là où la majorité des bras Pro-Ject intègre le porte cellule au tube, faits d’une seule pièce moulée en carbone.

La « coque » en aluminium dissimulant l’axe de rotation renferme un système de pivot combinant les avantages d'un bras uni-pivot associé à une conception de cardan, à savoir un roulement moins chargé (avantage de l’uni-pivot) et stabilité et facilité d'utilisation ainsi qu’un très faible frottement (le roulement à cardan). À l’intérieur une graisse spéciale à base de silicone amortit les résonances du bras et de la cellule.

Sur le bras B-Note tous les réglages d’ajustement et d’alignement de la cellule sont possibles : VTA (angle de lecture vertical), SRA (angle de la pointe de lecture) et VTF (force d’appui), ainsi que ceux de l’azimut et du dépassement de la pointe.

B Sharp 7

Le réglage de l’antiskating est plutôt simple et efficace : en fonction de la force d’appui appliquée pour la cellule, on choisit sur lequel des trois crans d’une tige latérale positionner un collet de nylon supportant un petit poids. Comment ça, c’est pas clair ? Regardez les photos.

De quoi n’ai-je pas parlé ?

Ah oui … le bras est relié à des sorties RCA et une mise à la terre via un boîtier positionné sous le châssis, derrière le bras. Pas de broches DIN, ni de câbles captifs… Même si la paire de câbles fournie dans le carton n’est pas un repoussoir, on pourra à en changer utilement le moment venu.

Notons enfin que la très bonne cellule Ortofon 2M Blue peut-être (sur option) prémontée en usine (fixation au cordeau du VTA, du SRA).

Dans une logique Plug and Play, il ne reste plus qu’à :  dévisser les vis de verrouillage du plateau supérieur pour le libérer, installer le contre plateau, la courroie, le plateau, régler la force d’appui sur la cellule après positionnement du poids sur le bras, l’antiskating et après branchement vous avez de la musique et pouvez régler vous-même le FMC ((Fais-Moi un Café).

Pas besoin de se gratter la tête pour se faire plaisir. Sauf si vous prenez plaisir à vous gratter la tête.

Alors, on l’écoute maintenant ?

Non.



Car voici le moment passionnant des caractéristiques techniques :

Vitesses nominales : 33/45 tours/min à changement manuel

Précision : 33 tours/min : ± 0,11% ; 45 tours/min : ± 0,12%

Pleurage et scintillement : 33 tours/min : ± 0,08% ; 45 tours/min : ± 0,07%

Rapport signal/bruit : Mécanique – 40 dB

Électrique : – 68 dB

Force d’appui : 0 à 30 mN (0 à 3 g)

Contrepoids :

• 125 g (sans masse additionnelle) pour cellules de 5 à 9 g

• 142 g (avec masse additionnelle) pour cellules de 8,5 à 13 g

Masse effective du bras : 12,5 g

Longueur effective du bras : 230 mm

Dépassement : 18 mm

Généralités

Consommation : maximum 5 W / 0,5 W en veille

Dimensions (LxHxP) :

• 460 x 352 x 125 mm sans capot

• 460 x 352 x 142 mm avec capot fermé

• 460 x 380 x 435 mm avec capot ouvert

Poids : 8,5 kg (12 kg en emballage)

 

Conditions du test :

Cellules : MM Ortofon 2M blue, MC Hana SL, MM Sumiko Moonstone, 

Ampli : AVM 3.2, EAM Lab Studio DA201 & Studio 162, Atoll IN300

Préampli : Jolida JD9, Black Cube Lehmann, Aurorasound Vida Prima

Enceintes : Mulidine Cadence ++, VSA Endeavor E3, Davis Acoustics Krypton 6

Câbles : Legato Audio, Nodal, Absolue Créations

Allez, on écoute.

 

B Sharp 5

RÉALISME DES DÉTAILS :

Pour être honnête, on est un peu surpris en découvrant la B-Sharp, car pour avoir beaucoup aimé la petite Prélude, on détecte immédiatement une différence de caractère. Pas énorme, évidemment, mais, où la petite Prélude était pétillante, pétulante, la B-Sharp cherche plus la volupté, la sensualité. Elle plus posée. Et va évidemment plus loin sur tous les critères.

Goodbye de Milt Jackson, vibraphoniste, et Hubert Laws, flûtiste, sans oublier Ron Carter, Billy Cobham, Steve Gadd, Herbie Hancock, Freddie Hubbard, et Cedar Walton, édité par CTI Record en 1974.

La présence du vibraphone de Bags (surnom de Milt pour ses légendaires cernes de lendemains de fête) installe d’emblée la personnalité de la platine. L’instrument occupe un volume réaliste au milieu des autres et on distingue, sous les lames de métal, les résonnances particulières du vibrato qui occupe une place prédominante dans l’espace sonore : les notes restent suspendues de façon bien caractérisée.

Les autres musiciens ne sont pas négligés pour autant. On apprécie le swing et l’élégance discrète de Steve Gadd (à l’époque) dont quelques subtiles ghost notes. Ron Carter fait vivre sa contrebasse en arrière-plan. On peut aisément se focaliser sur le jeu d’un des protagonistes sans en perdre la moindre note. De fins détails s’échappent du jeu de flûte d’Hubert Laws : un léger sifflement s’étire d’un minuscule filet d’air en fin d’expiration.

La richesse de l’enregistrement déposée sur vinyle se déguste comme un véritable festin. On apprécie l’entièreté des instruments, le talent des musiciens.

Je n’ai pas résisté à l’envie de passer d’un Milt à l’autre. Je remplace la galette noire par Bags meets Wes réunissant Milt Jackson et Wes Montgomery épaulés par Wynton Kelly, Sam Jones de Philly Joe Jones, éditée par Riverside en 1962.

 

Dans un groove impeccable, chaque instrument est décrit en nuances : la contrebasse de Sam Jones revêt une nouvelle ampleur harmonique plaçant clairement la « modeste » platine EAT dans le haut-de-gamme. Au-delà du volume, on comprend la longueur des cordes, la « couleur » de l’Epicéa. Il en est de même pour chaque musicien : on perçoit le toucher du jeu de Wes arrondi par la peau du doigt sur la corde, ainsi que les sonorités chatoyantes du vibraphone de Milt. Le piano de Wynton Kelly paraît sciemment contenu par la prise de son, atténué en arrière-plan. Était-ce pour laisser la prépondérance au vibraphone ? Peut-être. A moins que, plus probablement, ça ne tienne aux limites des possibilités de captation d’alors.

Et alors ! Chaque instrument est ciselé en nuances douces à défaut d’une précision d’orfèvre (pas la vocation première de l’EAT B-Sharp) : un régal !

Sticky Fingers et l’introduction bluesy du riff à la guitare distordue de Keith Richards, la voix taquinant les limites hautes du félin Mick Jagger ou le long jam final sur Can’t You Ear Me Knocking où le petit nouveau Mick Taylor (oui, bon, presque) se fend d’un long solo improvisé sur une tournerie sensuellement entêtante, est un grand moment de musique, célébré par la platine autrichienne : dans le mixage quand même crade, on perçoit assez clairement grâce à la B-Sharp et la Hana SL à ce moment-là les personnalités fortes de chacun ; et la longue errance rythmique finale, où le saxo de Bobby Keys lance un délire franchement génial continué par le chorus pas virtuose pour deux ronds et pourtant si inspiré à la guitare si pleine, expose sans réserve la fulgurance géniale du hasard. On discerne plutôt bien l’élan basse / batterie / percussions cependant que le son du disque revêt sous la caresse de l’EAT une chaude plénitude bienveillante procurant un relief bienvenu à ce disque dont la production tient dans une faible dynamique.

La B-Sharp EAT montre une propension au douillet que l’on cherche souvent dans le vinyle, sans que cela tourne à une opulence rondouillarde que personnellement je n’apprécie guère.

Réalisme des détails :

DIAMs 5 Bleu 1 gris

B Sharp 2

SCÈNE SONORE :

Bags meets Wes, choix discutable… pour exprimer la scène sonore ? Absolument pas !

Le contrebassiste installé à la gauche, est un peu en retrait du vibraphoniste. À droite, la Gibson de Wes se présente légèrement devant les musiciens. On apprécie pleinement la vraisemblance de la batterie, centrée, présentée très en relief. Le piano de Wynton Kelly est installé à gauche, derrière Wes.

La stabilité des placements semble assurée du début à la fin du sillon, je ne sens pas de flânerie ni tonale ni de précision ni de dynamique.

Ce qui se confirme avec la Symphonie n°3 de Camille Saint-Saëns par l’Orchestre Symphonique de Chicago dirigé par Daniel Barenboïm, Gaston Litaize à l’orgue de la Cathédrale Notre-Dame de Chartres, un disque édité par Deutsche Grammophon en 1975.

Le « grand » spectacle est totalement accaparant. La scène est ample mais tenue. Les instruments se détachent naturellement à la fois par leur présence et leur incarnation dans l’espace, mais également par la qualité propre des timbres. La captation des grandes orgues dans la cathédrale de Chartres offre une perception de l’orchestre impeccablement proportionnée devant l’Instrument Roi et la B-Sharp rend un hommage intègre à la qualité d’un mixage pour le moins risqué : les placements en profondeur sont aisément perçus, la présence des cordes est remarquable. Les instruments s’animent à la fois dans la profondeur et la largeur de la scène inscrivant au fur et à mesure de leur apparition le gigantisme du moment. De ces fêtes sonores qui poinçonnent les grandes pages de la musique !

Pour être plus précis, les musiciens ne sont pas implantés en autorité, mais décrits en subtilité et délicatesse. Le positionnement dans l’espace n’en demeure pas moins réaliste et facilement compréhensible.

La très barrée mise en scène dans le mini-opéra L’Attentat à la Pudeur de Jacques Higelin (Champagne pour tout le Monde, 1979), vaudeville débridé, pose une estrade de théâtre dans votre salon avec une perception visuelle de la piécette hilarante, des chanteurs (Higelin, Elizabeth Wiener et Serge Derrien (dont on loue la hauteur d’auto-dérision)) et de l’accompagnement déluré ! Cocasserie aussi parfaitement scénographiée qu’interprétée par B-Sharp !

Toujours dans cette immersion douce et chaleureuse établie par la platine de Lady Jozefina qui crée une intimité particulièrement agréable.

Scène sonore :

DIAMs 6Bleu

 

 

ÉQUILIBRE TONAL - RICHESSE DES TIMBRES :

À nouveau la Symphonie n°3 de Camille Saint-Saëns.

On savoure sans se poser de question les enchevêtrements chamarrés des différents pupitres qui n’empêchent cependant jamais de distinguer les couleurs ou matières individuelles – un rien enrobées par la « beauté de l’analogique » - de chaque instrument. La profusion ne tourne jamais à la bouillie d’informations. Le spectacle est entier et (mais ?) gourmand.

L’équilibre ne fait pas débat quand bien même on ne saurait nier la caresse duveteuse dans une zone bas-médium qui n’affecte pas exagérément la courbe. On perçoit l’excellente neutralité tonale de la platine, sans qu’aucune frustration ne vienne entamer ce constat, laissant les cellules exprimer leur couleur.

La noblesse du médium est indéniable, profitant d’explorations en nuances et finesses des timbres. L’aigu est délicat, précis, sans crisper l’auditeur. Le grave ne manque pas, il offre à la transposition des musiciens une très bonne assise. Les coups de semonce des timbales et les assauts de l’orgue sont puissants.

Sont-ils exactement toniques ? Difficile à dire.

C’est le seul point d’interrogation : la platine revendique plus le moelleux que l’incision, ce que, soit dit en passant, cherchent le plus souvent les amateurs de vinyles, disposés à accepter dans cette quête indéfinie une épaisseur sirupeuse dans le bas-médium.

Il est possible qu’une consistance plantureuse oigne la qualité de description des instruments tout en déliés exerçant une forme embourgeoisée d’atténuation des impacts et des contours.

Toutefois, à l’encontre de la tendance à la simplification d’autres platines vinyle réduisant trompeusement les différenciations entre matières, instrumentistes, évènements, la B-Sharp s’évertue à privilégier affablement une forme d’onctuosité, nivelant imperceptiblement quelques écarts de contraste, assagissant diplomatiquement la fougue, favorisant l’idée que tous les disques sonnent plus beaux mais jamais à l’identique.

C’est d’ailleurs ce qui rend particulièrement prenante l’écoute de Sticky Fingers, une façon de donner un peu plus de relief que nature, sans nuire en quoi que ce soit à la lisibilité, et c’est un constat pour le moins réjouissant.

Délicatesse de timbres tout aussi remarquable sur la chanson de générique de Goldfinger (James Bond will never die !) pulsée avec grâce et puissance par Dame Shirley Bassey, accompagnée par un orchestre dégoulinant de cordes et jalonné de cuivres assurés, où l’on détecte la couleur des micros d’une époque marquante, totalement raccord avec la nonchalance animale de Sean Connery. La platine EAT B-Sharp cultive sa souplesse de « Petit Rat » * visant à limer les dents ou les griffes d’un enregistrement un rien à vif.

Équilibre tonal :

DIAMs 5 Bleu 1 gris

Richesse des timbres :

DIAMs 6Bleu

B Sharp 3

QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE :

Toujours en face de la Symphonie n°3 de Camille Saint-Saëns, l’énergie sur la face B du vinyle est conséquente, l’enchaînement des derniers mouvements vécu comme suspendu main au collet par l’intensité sonore de l’évènement musical. Le triomphalisme de l’orgue est monumental.

La Suite, Op. 10 de Sinding jouée par Jascha Heifetz, en mono, ne nous apprend rien sur la scène sonore, on s’en doute. En revanche la démonstration énergique du jeu du virtuose laisse bouche-bée. Faisant oublier un enregistrement daté, la sensation de légèreté du crin sur les cordes est magnifique de vérité. La B-Sharp accompagne volontiers le suivi rythmique et la vitalité de l’œuvre. On oublie vite les défauts de pressage, accaparé par le génie d’Heifetz. Gigantesque !

Et pour un swing plus prosaïque, mais impeccablement suivi par la platine, un petit nanar pour rire : Harry James et son Big Band en 1977, Comin’ from a Good Place, du jazz à papa, prise de son diabolique et quelques effets de styles sympas, qui, grâce à la B-Sharp, n’autorisent aucune confusion avec les chaloupements naturels d’un Duke Ellington. Mais bon, comment ne pas avoir un sourire ému en dégustant ce jazz blanc archi codé façon Benny Goodman ou Glenn Miller ?

Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

DIAMs 6Bleu

 

 B Sharp 4

EXPRESSIVITÉ :

Comme c’est souvent le cas en lecture vinyle de qualité, on est rarement déçu par la plupart des platines sur ce critère alors qu’on peut plus facilement l’être par cellule ou pré-phono.

La B-Sharp peut vous emporter dans un océan de frissons pour peu que vous ne la trahissiez pas. Et si, de son côté, elle enveloppe le tout d’un subtil halo de chaleur, il n’est jamais ni déformant ni un faux-ami artistique. Pas la peine de s’éterniser sur le chapitre.

Expressivité :

DIAMs 6Bleu

 

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PLAISIR SUBJECTIF :

Après bien plus de disques que cités, je confirme le bienheureux constat que la platine autrichienne du jour comble généreusement la promesse d’une plénitude sereine et d’un plaisir gourmet que l’on cherche généralement dans l’analogique.

L’album A Hero’s Death de Fontaines D.C., sorti en juillet 2020, deuxième disque du groupe rock indé irlandais, édité par Partisan Records, prend des allures d’hymne songeur. Les guitares saturées, la voix monocorde du chanteur Grian Chatten, teintent les mélodies du groupe d’une sorte de colère froide et mélancolique.

De leurs racines punk-rock semblent avoir éclos des fruits particulièrement intéressants. Leurs compositions s’affirment d’une maturité artistique improbable. Compte tenu de l’âge moyen des membres du groupe, les textes tiennent la route. On fouille les détails d’une prise de son pas si brute qu’il n’y parait, loin de là. Grâce à l’EAT, les titres des dublinois s’ingèrent sans rechigner. À la fin de la face A, on reprend volontiers une tournée ! Ça s’appelle une face B.

Tout est suave et délicieux entre les mailles de l’EAT. Le prisme de la B-Sharp, s’il y a, offre un mitonnage des musiques pour fins gastronomes.

Plaisir subjectif :

DIAMs 6Bleu

 

B Sharp 8

PERCEPTION D’ENSEMBLE & RAPPORT QUALITE/PRIX :

Jazz, Rock, musique symphonique… vieux pressages ou derniers LP, le plaisir de déguster ses vinyles est constant.

Tout coule naturellement. On entre dans la matière des enregistrements pétrie tout en subtilités, mais surtout sans caricature.

À aucun moment on ne ressent le sentiment d’une trahison de l’œuvre, délivrée avec des saveurs, une substance charnelle et un groove que l’on n’attend pas forcément d’une platine à ce prix. Corollaire, le son brut de certains disques destinés à une simplification de transcription s’en trouve bouleversé pour le meilleur. Ou le pire si les musiciens n’ont rien à dire.

On s’embourgeoise volontiers en écoutant la scène de l’orchestre, la richesse harmonique des pupitres, ou les volutes aériennes d’un vibraphone. Une acclimatation vécue comme une somme de bénéfices, dont celui de la vraisemblance, annonce que tout retour en arrière sera sans doute mal vécu.

La B-Sharp de Madame Jozefina impose une évidence : la musique, sous son égide bienveillante, devient gourmandise addictive. Le sens du rythme, de la scène sonore n’étant pas en reste pour évoquer ses qualités premières, il devient difficile de lui reprocher des défauts … un manque d’autorité, d’aplomb ? Peut-être.

 

Alors pour conclure, la B-Sharp d’EAT est jolie à regarder, elle propose une musique d’une élégance souveraine, enrichie d’un déploiement de timbres savoureux.

 

À ce prix, qui fait mieux ?

Perception d’ensemble :

DIAMs 6Bleu

 

* pour les lourdauds : Petit Rat de l’Opéra.

 

 

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