à l’oreille





Atlantis Lab AT21 Pro
Concentré de vitalité, résolvance et sérénité

Par LeBeauSon - Juin 2022


Perception d’ensemble

Le fabricant français Atlantis Lab a toutes les raisons d’être fier de son AT21, enceinte compacte, facile à vivre et cochant une longue liste de vertus musicales.

Parmi lesquelles l’agilité et la précision liées à une louable douceur certes pas émolliente et une panoplie de timbres d’une altitude dépassant largement le prix de l’enceinte.

Un concentré presque paradoxal entre vitalité et sérénité, universalité et personnalité.

A condition de la mettre en œuvre à sa juste valeur.

DIAMs 6 Bleu

NB : Code couleur pour ce banc d’essai : Bleu (de 1 600 à 3 200 €) et Orange (de 3 200 à 6 500 €). Pourquoi cette hésitation ? à 3 200 € la paire, les AT21 Pro sont sur la frontière, mais puisqu’il faudra dans la plupart des cas leur adjoindre des supports, on basculera dans la suivante. Pas d’inquiétude, elles le supportent très bien.

 AtlantisLab AT21 6

Puisque nous avons déjà préalablement testé des produits de la gamme Atlantis Lab, on ne va pas vous refaire l’historique.

Non patron, n’insiste pas ! Oh, eh, ça va hein…

L’AT21 est un modèle dont le fabricant est particulièrement fier, probablement parce qu’il est à l’origine de son renouveau et aussi parce qu’il crée une idéale passerelle entre le monde pro (où elle connait un grand succès) et le monde des particuliers où elle réjouit des mélomanes peu inquiets de technologie apparente.

Alors que, de la technologie, il y en a dans une AT21. Simplement, elle ne saute pas à la figure.

Et ce d’autant plus que l’AT21 testée est en quelque sorte une version 2, puisqu’équipée par un Pack Esprit (étudié pour Atlantis).

AT21 est une enceinte compacte. On ne peut pas vraiment dire « bibliothèque » parce que quand même : 565 (H) x 260 (L) x 365 (P) n’en font pas une naine. Cependant, elle nécessite un pied pour les amener à hauteur d’écoute.

En ce qui me concerne, l’esthétique japonisante par les crêtes des flancs façon pagode ou courbe de Tori-i, en chêne rainuré, enserrant une âme tendue de cuir, me satisfait davantage que les pyramides tronquées des colonnes.

Reste que la façade ose une succession géométrique rare : carré, rond, triangle, rectangle. Manque pas grand-chose.

AT21 reprend le principe cher au concepteur : un haut-parleur grave médium de diamètre déjà conséquent (21 cm issu du monde pro dans son aspect noble : Eighteen Sound) léger, rapide et au rendement élevé, assisté d’un petit haut-parleur de grave de 13 cm résonnant plus bas, placé sur le même axe à l’arrière et à une distance calculée pile pour accorder les fréquences de résonance et annihiler les ondes stationnaires.

Rassure-moi, chef : c’est pas trop technique, ça, n’est-ce pas ?

Cet ensemble est relayé assez bas (2000 zerts) par une chambre de compression placée derrière son pavillon (toujours Eighteen Sound), gage de rapidité et énergie « physique ».

Les composants de filtre sont sélectionnés en visant une neutralité sonore obtenue par couplage de diverses origines plutôt qu’axée sur l’idée d’une marque unique.

Bon. Voilà qui redistribue les cartes, n’est-ce pas ?

Les borniers, propriétaires, sont conçus pour relayer une centrale nucléaire, mais pas vraiment pour recevoir des fourches sans devoir vouer le fabricant à tous les anathèmes.

Le rendement est élevé semble-t-il, de l’ordre de 96 dB avec une impédance de 4 ohms.

On peut sans problème alimenter cette enceinte via des amplis de faible puissance, du moment qu’ils ne sont pas timides.

Personnellement, tout ça ne m’émeut guère.

Le point qui m’interpelle (expression passée de mode ?) est la nécessité de trouver un pied adapté à l’objet. Dans le cas présent, il nous a quand même fallu quelques tâtonnements pour sortir le meilleur de ces enceintes, nous en parlerons en cours de test.

Il est vrai que ma pièce d’écoute n’est pas favorable aux enceintes sur pieds. La principale raison est que je n’ai d’autres choix que de les placer assez loin du mur arrière, près de trois mètres.

Mais, d’une manière générale, trouver le bon support pour des enceintes bibliothèques ou compactes est toujours délicat, sauf s’il est fourni avec les enceintes, c’est-à-dire conçu pour elles.

Et encore. Je suis gentil. Ou naïf. Ou hypocrite.

Pour ses AT21, Atlantis recommande un pied lourd. Comme celui d’un pilote de Formule 1. Zut, que des trucs de mec… Celui d’un pseudo-Don Juan lourdingue dans une soirée qui s’éternise ?

Le pied (support) que j’ai d’abord essayé n’a pas donné un résultat satisfaisant (or, plus lourd, c’est difficile à trouver) se traduisant par un déséquilibre tonal vite fatiguant ; deuxième essai, pied mi-lourd, toujours 70 cm. Mieux soit, toutefois une minauderie tonale persistait. Rien de grave mais la sensation qu’on pouvait faire mieux nous a incités à nous obstiner jusqu’à placer les enceintes assez bas (50 cm), sur un support pas très lourd et même résonant (c’est tout ce dont je disposais de cette taille) m’obligeant à en isoler l’influence néfaste par des supports Franc Audio.

Et là, nous avons assisté à une métamorphose, car non seulement nous avons corrigé la taquinerie tonale, mais en plus nous avons découvert une enceinte plutôt somptueuse au point d’en oublier son prix ! Même en ajoutant les Franc dans l’addition.

Personnellement, cette nécessité de ne pas pouvoir espérer un plug & play sur des enceintes (à condition d’un minimum de précautions bien entendu) m’irrite au plus haut point. Ce n’est pas pour accepter ce genre de constat que j’ai signé pour Lebeauson.

Mais bon, pour la même raison vous devrez vous adresser à un magasin compétent qui prendra en mains toute la gaudriole « technique ».

Comprenez-moi bien : on peut élever l’AT21 à une altitude rarement atteinte par des transducteurs de ce prix ou au-delà, et par conséquent elle mérite qu’on la bichonne. Autrement dit : ne passez pas à côté de petites merveilles sous de faux-prétextes.

AtlantisLab AT21 4

Ah, j’y songe : je ne suis absolument pas acquis à la cause de la marque Atlantis Lab. Voire, il y a des « légèretés » de comportement (la finition des objets) qui peuvent m’exaspérer. Mais quand un objet fonctionne, on est bien obligés de ravaler un certain nombre d’exigences, objectivement moins fondamentales que le plaisir de la musique.

Matériel de test : Metronome Technologie « le Player 3+ », Atoll ST300 Sig, Gato CDD-1, amplis Tsakiridis Aeolos Ultima, Accuphase E380, Serblin Frankie, Pré+amp Alef (excusez du peu), câbles Wing, Alef, Legato, Nodal, Mudra.

 

RICHESSE DES TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL :

Commençons par un passage de romantisme échevelé. Euh…

J’attire votre attention sur l’évidence que l’ordre des titres dans la rédaction ne correspond pas forcément à celui de l’écoute.

Pour ce premier titre, si ! Nous avons réellement commencé par celui-là : Ravel, Gaspard de la Nuit par Jan Lisiecki paru chez Deutsche Grammophon.

Mais comme nous trouvions le résultat extrêmement bizarre, on a procédé à des essais divers (les pieds !) pour optimiser comme expliqué plus haut. Puis, une fois rassurés, on est revenus à Gaspard

Un moment de séduction rendu facile à écouter aussi bien par l’AT21 que par le jeu huilé, feutré du Canadien.

Lisiecki : un nom typiquement canadien, n’est-ce pas ? En ce qui concerne Gaspard de la Nuit et particulièrement Scarbo, son interprétation vient-elle se hisser au niveau de quelques-unes de mes références ? Non, mais si l’approche tout en suspension détord la complexité formelle de Scarbo, en gomme la potentialité mystérieuse et mystique et en enjolive la part diabolique, elle déploie des couleurs fruitées dans un flux apaisé de vénusté et pourra sans doute rassurer ceux qui n’apprécient pas le Ravel maléfique de cette œuvre.

On est surpris de constater que l’enceinte aime beaucoup l’exercice. Si le piano « sonne » un peu creux, je gage que je paye là le tribut de ma pièce ; cependant que les harmoniques supérieures manifestent un chromatisme rayonnant, fuyant toute coalescence. Oui, l’instrument manque d’un rien de corpulence, mais la fluidité des intentions, des nuances d’un jeu de main droite plus perlé que ciselé, très aériennes, nous portent dans une nuée de grâce tandis que, indubitablement, quelques notes de la main gauche sont faiblement estompées, notamment en force d’appui ; on n’y attache guère d’importance tant on est comblés de beauté.

On note d’ores et déjà ce qui sera un paradoxe constant de cette enceinte : alors que les attaques ne sont pas les plus « mordantes » que l’on connaisse, on perçoit clairement jusqu’au gras du doigt effleurant « l’ivoire ».

Et si le piano manque de poids, sa dynamique ose une dimension quasi-réaliste, dans un équilibre tonal tenu, même en se laissant aller à monter passablement le niveau, ce qui n’engendre pas de fatigue. A condition de ne pas excessivement forcer, quand même !

A propos de l’équilibre tonal : il peut sembler clair ou montant, mais en fait non, c’est plutôt le fugace déficit de corps qui engendre ce ressenti. Ce n’est pas frustrant car « déficit de corps » ne se traduit pas ici par désincarnation, mais par une colonne vertébrale manquant d’ancrage.

La Violetta (Traviata, Acte III) de Nadine Sierra, dans les extraits de sa compilation Made for Opera dont le programme s’appuie sur des motivations personnelles, cultive en dissemblances l’aspect théâtral au point que l’on puisse se méprendre sur les premiers passages pour évoluer dramatiquement vers le renoncement, l‘acceptation des souffrances infligées, cumulées, mais aussi la force du pouvoir déchirant du destin, loin des provocations face à l’inéluctable qu’on a pu connaître parfois (l’Américaine est plus dans la ligne d’Ileana Cotrubas que celle d’Anna Netrebko, Anna Moffo, sans parler de La Callas)

Ensuite, mieux vaut connaître le texte des extraits de Roméo et Juliette de Gounod pour s’ébaubir de l’agilité dramaturgique, technique, lumineuse, de la soprano floridienne engluée dans son “yaourt” prosodique.

AT21, tout en exhalant une multitude de parfums et prenant un soin particulier à dégager l’épanouissement multicolore de la soprano, préserve une forme de douceur - qui n’est certainement pas simplificatrice – en repoussant les possibles duretés sur la voix ferme, au timbre un peu bas, souvent caressant à défaut d’être moelleux.

Je trouve l’orchestre parfois un peu pauvre, mais on sent que la Dame veut impliquer le cœur à chaque instant pour illustrer la beauté et la fragilité des héroïnes.

Est-ce totalement convaincant ? Non.

Est-ce beau ? Oui.

Brahms maintenant, le second sextuor à cordes, Op 36, œuvre élégiaque et intense dont certains supposent que, sous l’apparente gaieté, elle enfouit un des secrets, une blessure les plus intimes du compositeur, sorte d’adieu à l’amour, celui voué à Agathe Von Sibold, mais probablement aussi celui pour Clara Schumann.

La vivacité et engouement dont font preuve les interprètes de cette récente version – le Quatuor Belcea rejoint pour l’occasion par Tabea Zimmermann et Jean-Guihen Queyras – sont un régal d’autant plus flagrant pour moi que je ne suis pas toujours réceptif à ce cher Johannes. Mais à la ferveur du Quatuor formé à Londres et de leurs amis, s’ajoute une lisibilité qui fignole la richesse de la partition de chacun, que ce soit dans la délectable mélancolie du début du troisième mouvement ou son soudain basculement enjoué où les textures peuvent vite fusionner, particulièrement dans les modulations internes du contrepoint.

Toutes facettes suivies aisément par l’AT21, certes sur le prodigieux (disproportionné ? Pas sûr…) ensemble Alef. On note toutefois que la différentiation – nette - des matières se fait par le piqué des pigmentations plutôt que par le grain, d’autant que la captation ne brille pas non plus par son relief. Ajoutons dès maintenant que, tout en restant sur cette sensation d’un rendu « léger » (pas évaporé quand même, loin de là), on est bluffés par un dosage accompli entre minutie micrométrique des teintes et malléabilité !

Équilibre tonal : 

DIAMs 6 Bleu

 

 

DIAMs 3 ORANGEs

 


Traduction : note maximale si on s’en tient à la catégorie bleue, et une excellente note si on place l’enceinte dans la catégorie au-dessus.

 

Richesse des timbres :

DIAMs 6 Bleu

 

 

DIAMs 5 ORANGE copie

AtlantisLab AT21 5

RÉALISME DES DÉTAILS :

Ce qui conduit au besoin d’enchaîner sur la notion de transparence avec un lien tout trouvé par le début de Jagden und Formen (Wolfgang Rihm) qui, passé un coup de fouet, s’apparente à un quatuor à cordes dans la lecture du Symphonieorchester des Bayerischen Rundkunks dirigé par Franck Ollu.

Œuvre retravaillée, malaxée, resculptée sans cesse depuis sa première version (2001 ?) autour de matériaux non pas formels ou structurels mais matrices de variations ou réinventions. L’introduction est donc sillonnée d’éclats d’instruments à cordes vite rattrapés par un orchestre grand format et touffu, incluant une guitare électrique (accordée bas) ; le compositeur s’évertue à y dynamiter les codes, détourner diverses pistes déjà explorées par la musique contemporaine. Rihm explique travailler comme un peintre ou un sculpteur grattant, formant, ajoutant, pétrissant la matière et on entend, dans cette œuvre tout particulièrement, ce qu’il veut dire.

L’AT21 se rit des chausse-trappes tendues par ce type de musique qui ose tout en termes de complexité harmonique, déstructuration des matières, éclatements organiques.

Déjà en évitant les sècheresses qui pourraient vite surgir de l’acidité voulue par certaines prouesses harmoniques, par l’incision tendue des attaques de notes, et les jaillissements violents d’éruptions orchestrales se déchaînant à l’envi.

Le paradoxe déjà évoqué est ici flagrant : le pouvoir de résolution « optique » de l’AT21 est particulièrement élevé alors qu’on ne peut pas à proprement parler de piqué, et même regretter par moment la timidité des reliefs des textures. Les boisés arborent des couleurs et du modelé, soit, mais pas vraiment de fibres, de granulation …

Tout passe avec une grande agilité et compréhensibilité et en cela on sent clairement la vocation de monitoring de telles enceintes, outil avec lequel l’ingénieur du son doit pouvoir travailler des heures entières sans fatigue en ne passant pas à côté de la plus infime information « technique ».

Pourtant, on est loin des gags de nombreux moniteurs dont l’équilibre tonal est souvent aberrant ou encore qui ramènent les détails au niveau des informations principales dans le but d’éviter des étourderies techniques : l’AT21 réussit l’exploit de délivrer une quantité inouïe (surtout au regard du prix) de données sonores tout en respectant au mieux les perspectives naturelles spatiales et dynamiques. Comme quoi c’est possible.

Autre exercice très parlant, Dynamite de Stina Nordenstam, curieux titre pour un album mixé dans l’écosystème ennuagé de la fumée d’un feu de bois au cœur d’un chalet douillet enfoui dans la brume glaciale d’un Fjord en hiver. La voix élancée, pour ne pas dire fluette mais si groovy, de l’artiste suédoise est accompagnée de guitares distordues et granuleuses, parfois épaissies de l’intervention d’un batteur tempéré, d’une basse, d’une clarinette, de chœurs d’un autre âge, le tout au service d’une musique pop alternative, rock épuré et émotionnellement puissant bien que semblant plutôt captée de l’extérieur des murs du chalet dont parfois on entrouvrirait la porte…

Le résultat artistique est absolument sublime et montre la vanité et la vacuité de ces chanteuses clonées qui ont besoin de hurler pour faire comprendre qu’elles n’ont rien à dire.

La tendance au détourage des silhouettes de l’AT21 délinée une réjouissante lisibilité des articulations si touchantes de la voix, des habiles décrochements de poignet sur la guitare, des appuis à fond de tempo d’un batteur engagé dans le ton, l’ambiance poisseuse et pourtant si belle de cette production unique.

DIAMs 6 Bleu

 

 

DIAMs 3 ORANGEs

AtlantisLab AT21 1

SCÈNE SONORE :

Afin de passer d’un extrême à l’autre, je choisis la dernière production de BENEE : Lychees

Franchement, la demoiselle ne s’est pas foulée dans sa copie sommaire et à peine voilée (le refrain « Bad Bitch » dans le titre Make you Sick face à Bad Guy) d’une certaine Billie E.

Mais bon, c’est efficace, gros son bourré de peps et d’un certain sens du swing. La scène sonore déborde largement le cadre (les cadres) des enceintes amenant soudain à s’apercevoir de ce qu’on aurait pu dire depuis le début : les « petites » Atlantis disparaissent, comme quelques panneaux électro-statiques, sans toutefois les incongruités de dimensionnement relatif des musiciens.

Au contraire, la 3D est à la fois impressionnante et cohérente, même si l’énergie aisément délivrée devrait avoir une meilleure implantation dans le tréfonds, s’enraciner plus solidement. Les effets de placement au mixage sont incontestablement pointés, positionnés nonobstant une petite tendance à la dérive autour d’un point fixe, ballons reliés au sol par une courte ficelle oscillant d’un rien sous la caresse d’un vent léger, définissant en revanche admirablement les atmosphères. D’ailleurs, il y a de l’air entre les instruments, ce que tous les disques préalablement écoutés ont raconté unanimement.

L’entrain de la Néo-Zélandaise est communicatif et sa vigueur incontestablement transmise quand bien même les AT21 ne cognent pas vraiment, sauf à monter le niveau. Je veux dire qu’on n’est pas dans l’uppercut au bide, toujours surpris de ce paradoxe d’une vitalité et précision des enveloppes ne procurant pas exactement du punch.

On se doute, sur un tel disque, que l’extrême grave manque de profondeur alors que sans la moindre frustration tant le haut-grave est fourni, cognant proportionnellement avec un sens notable de l’articulation.

En ce qui concerne l’artiste, je conseille de retourner à son précédent album (2020, Hey You X) plus personnel, plus varié entre Pop / R&B et Hip-Hop avec même quelques vrais bons moments originaux (tout est relatif).

Dans lignée des « à la manière de », passons à la musique du film Life où quand même Jon Ekstrand a copieusement - mais intelligemment - pompé dans la bande-son de Sicario ou Arrival (feu l’inspiré Johann Johannsonn) et La Planète des Singes (Danny Elfman).

Captation artificielle et magistrale d’un vaste orchestre et divers trucages, la profondeur de la scène peut virer vers l’insondable si le positionnement des enceintes est approximatif.

Avec l’AT21, le respect d’une description figurative notamment sur les passages mélancoliques (Goodnight Earth) avant les déferlements de terreur constituant le final, est souverain, la poésie idéalisée, le délié des cordes et du piano impeccable.

Souplesse et élégance. Deux parfaites expressions du caractère surprenant de ces enceintes. Certes le placement des musiciens au sein des pupitres n’est pas complètement verrouillé et les débordements du grave (sur le fichier) pas tout à fait intégrés ; qu’importe : la majesté, la somptuosité y compris dans des déluges spectaculaires, magnifient la capacité à aposter les évènements sonores jamais perturbés par un déséquilibre de tonalité ou densité.

L’AT21, outrepassant ses petites faiblesses, est l’enceinte de tous les spectacles.

Scène sonore :

DIAMs 6 Bleu

 

 

DIAMs 3 ORANGEs

 

 

QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE :

Et pour continuer dans la catégorie grand spectacle, subtil cette fois, j’ai découvert une version que je ne connaissais pas de la 4e Symphonie de Shostakovitch par Bernard Haitink ; je ne parle évidemment pas de celle avec le London Philharmonic chez Decca en 1979, mais celle avec le CSO publiée en 2008, où le Maître néerlandais pousse plus loin encore l’art des transitions, des climats et de la haute couture si difficile à tisser pour arranger les petites vulgarités du compositeur. Combinaisons orchestrales disparates et roueries musicales qui s’entrechoquent dans une harmonie de plus en plus dense en chromatismes dans le long premier mouvement, diversité contrapuntique autour d’une fugue centrale faussement joyeuse dans le deuxième et final tout en alternances contrastées jusqu’à l’effilochement final mortifère désespéré, l’œuvre est une des plus intéressantes symphonies du grand angoissé.

Toutes formes de dynamique respectées avec soin et sérénité par la vaillante enceinte française, alors qu’elles sont passablement outrées dans cette lecture. Aucune perte d’homogénéité dans ce débordement de dissemblances, y compris sur les passages les plus ténus qui ne souffrent pas particulièrement de l’étoffe un poil éthérée de l’AT21 ; le seul regret concernera le retrait du grondement des contrebasses à l’approche de la coda.

Nous sommes emportés dans un festival de demi-teintes et de diaprures éblouissantes, faisant oublier que les textures pourraient être plus profondément imprimées. Quel grand moment, une fois de plus, et toujours ce moelleux qui – par opposition à la mollesse – procure une grande classe à la restitution et fait que, en aveugle, on se tromperait grandement sur le prix des enceintes. Bon certes, sur un ensemble Alef de compétition. N’empêche : l’AT21 est capable de rendre hommage à des électroniques aussi nobles et c’est loin d’être le cas de nombreuses rivales de la même catégorie vite saturées par leur potentiel colossal.

J’avoue que je suis un peu surpris parce que j’attendais de ce fabricant un côté plus « rentre-dedans » sur cette enceinte, plus méchant ; non : tout passe en subtilité, à défaut, soit, de foisonnement organique. Mais, franchement ? 3 200 € ?

Le swing n’a jamais été pris en défaut, et ça, ce n’est pas une surprise de la part d’Atlantis Lab, comme le démontre Left Alone extrait de The Idler Wheel Is Wiser Than the Driver of the Screw and Whipping Cords Will Serve You More Than Ropes Will Ever Do.

Album que j’ai favorisé pour ne pas vous imposer le titre un peu long de son deuxième opus : When the Pawn Hits the Conflicts He Thinks Like a King / What He Knows Throws the Blows When He Goes to the Fight / And He'll Win the Whole Thing 'Fore He Enters the Ring / There's No Body to Batter When Your Mind is Your Might / So When You Go Solo, You Hold Your Own Hand / And Remember That Depth is the Greatest of Heights / And if You Know Where You Stand, Then You Know Where to Land / And if You Fall It Won't Matter, Cuz You'll Know That You're Right 

Ah zut. Je l’ai fait !

Tout aussi génial, inventif ou, plus audacieusement encore : expérimental et totalement barré ! Sorti du cerveau (du cœur ?) torturé de la New Yorkaise. Ce que les titres ne laissent absolument pas deviner. Qu’elle est un peu barge ou exige des comptes. N’est-ce pas ?

Le début de Left Alone, composé avec un rare sens du rythme pour des percussions acharnées sera confirmé dans le développement foldingue du morceau : un sens du balancement déhanché de haut vol atteint sans pesanteur ni faussement de tempo par AT21 !

Soit, le grave - galbé - s’effaçant sur quelques notes et le grain estompé, ne parviennent pas à franchir le cap d’une idéale expressivité tout comme le côté frémissant du sourire cynique et accrocheur dans la voix jamais loin, certes.

Cependant que les ondulations du vibrato comme la perception des peaux excellent, racontant une histoire que peu d’enceintes tolèrent. Cette contradiction m’énerve fondamentalement pour ce qu’elle représente de difficulté à décrire.

DIAMs 6 ORANGEs

 

 

EXPRESSIVITÉ :

La pierre d’achoppement ? Comme souvent ?

Ah…

Là j’avoue que je suis un peu décontenancé, pas sûr de moi : notre plaisir à l’écoute de l’AT21 – après l’avoir apprivoisée, ou plus exactement magnifiée - atteignant un si rare niveau y compris face à un paquet d’enceintes nettement plus haut de gamme, on a multiplié les disques sans souci d’analyse tant il y a quelque chose de charmeur, d’envoûtant. **

Comme souvent, lorsque je doute, je reviens à quelques fondamentaux. A commencer (sans hiérarchie) par la compilation de Peter Gabriel parue en 1990.

Autant on est emportés par l’incroyable onirisme émis par une grande part des morceaux, ondulations de vagues maritimes sur Don’t Give Up, tonicité rythmique sur I Have the Touch, remix 83 avec une piste nouvelle de batterie par Simon Philips etc.

… Autant sur la vibrante ode à l’amitié « opératisée » par Kate Bush et Peter Gabriel ou l’offrande ultra poétique - prophétique ? - Fender/voix de Here Comes the Flood,

Lord, here comes the flood
We'll say goodbye to flesh and blood
If again the seas are silent
In any still alive
It'll be those who gave their island to survive
Drink up, dreamers, you're running dry

Lord, here comes the flood
We'll say goodbye to flesh and blood
If again the seas are silent
In any still alive
It'll be those who gave their island to survive
Drink up, dreamers, you're running dry…

 

… prière infiniment poignante d’humanité, on attend une incarnation plus vibrante, la voix grenue de l’Archange plus râpeuse et celle de Kate (Don’t Give Up) plus troublée, suppliante, les notes de Fender plus distendues entre toucher et vibrations surnaturelles.

L’album consacré à l’œuvre pour Orgue (parfois voix et chœur) Cycles de Nico Muhly par James McVinnie, ensorcelante de bout en bout exulte dans Fast Cycle dont la dynamique créative, pulsante, oscille en dégradés de murmures de suavité douce et férocité explosive, culminant dans une salve de clôture qui doit être jouée « aussi vite que possible ».

Par l’entremise de AT21, Fast Cycle, pièce hautement passionnante, illustre sans aucun doute la virtuosité de l’organiste mais élague aussi les foisonnements cachés qui en fondent la puissance mystique. AT21 nous accompagne avec bienveillance dans un pan de la proposition, tout en ne nous laissant pas tout à fait pénétrer dans l’autre.

Mais il ne faut pas oublier le prix.

Une note ?

6 BLEU

 

 

PLAISIR SUBJECTIF :

Aussi, face à l’incapacité à me prononcer sur le critère précédent, je vais objecter celui qui fait parfois fonction d’explication de texte.

Pour commencer, A Perfect Circle et le son super efficace de Eat the Elephant, morceau d’ouverture de l’album Eat the Elephant.

Efficacité intensément vécue par AT21 !

Et si on a envie de creuser, on ne peut qu’admirer l’aperception des intentions du mixage, les posologies et effets millimétrés, tout comme le jeu de Jeff Friedl (ou Matt Chamberlain ? J’ai un doute) incluant quelques petites incertitudes du poignet - souvent arrangées par la hifi -, l’élégance du chant, le lyrisme théâtral et la fragilité mélodique d’un homme avouant sa peur de se lancer dans une nouvelle voie. La présence physique est là !

Pas exactement charnelle soit, l’énergie transmise n’est pas ressentie directement, mais, honnêtement : avec combien d’enceintes de ce prix et cette taille trouve-t-on ce contact brut ? Probablement aucune ou alors au risque de combien de déformations ?

Le niveau général atteint par AT21 est tel qu’on finit par en attendre trop, par déformation personnelle, ce qui ne sera pas le cas d’un acquéreur sensé.

On apprécie sur cette musique la vocation de moniteur sans les aberrations, on entend tout sans que ce soit chirurgical. Douceur et énergie. On dirait que le disque a été (talentueusement) mixé là-dessus.

Grand moment sur Wish You Were Here (Fink Ployd) en HR. Pas mon album préféré du groupe. Or, sur AT21, la distinction, les interstices atmosphériques, les textures inoubliables et la bande passante étroite du disque procurent un accord parfait, chaque pointage de mise en place, d’idée, de chirurgie artistique est superbe, précis, on partage l’intelligence créative, la minutie qui m’ont bien plus intéressé que souvent, voire m’ont fait apprécier l’album sous un angle différent, incluant – curieusement - une soudaine bouffée de nostalgie.

Idem sur Sheik Yerbouti de Zappa dont il difficile de se décrocher, incluant de nombreuses surprises où la petite Atlantis Lab coche les envolées hallucinantes tout autant que fondatrices de la basse de Patrick O’Hearn, des minuscules arrières-notes ou accroches jamais entendues (soit je n’écoute pas souvent ce disque) poussant plus loin le curseur du talent de cet immense bassiste fretless.

En point d’orgue, son duo avec Terry Bozzio (Rubber Shirt), parmi ces quelques instants en apesanteur dans l’album fourre-tout où, entre pastiches et ironie grinçante, Zappa, fidèle à lui-même, réunit une palanquée de musiciens d’un tel niveau de sérieux qu’ils peuvent tout prendre à la plaisanterie dans cette infernale course à l’invention rythmique et virtuosité.

DIAMs 6 ORANGE

 

 

 

RAPPORT QUALITÉ/PRIX :

Pas de raison de s’éterniser :

DIAMs 6 Bleu

 

 

* que ceux qui s’offusquent de ce genre de déclaration me (nous ?) comprennent bien : des enceintes, en plusieurs décennies, j’en ai écouté beaucoup, de toutes dimensions, de tous prix.

Une fois éliminées celles dont l’équilibre tonal flatteur interdit toute élégance rythmique, celles où rien n’est vraisemblable, celles où deux ou trois critères musicaux sont vaguement réunis (pas si mal, notez), celles qui dissèquent le son en oubliant qu’on ne regarde pas l’être qu’on aime à travers une loupe ou un microscope, celles qui évitent le politiquement correct, celles qui cultivent l’ennui comme source de décontraction, et j’arrête là la longue liste, il n’en reste guère pour étancher ma dose minimale de musique ressentie, vécue de l’intérieur comme un junkie en manque sans la promesse de félicité.

On peut aimer les saveurs du trop gras, du trop maigre, du trop salé, du trop sucré, du douceâtre… Tant qu’on ne prétend pas, abusivement, la comparer la une vraie cuisine venue de (presque tous) les pays du monde (vous avez goûté la cuisine islandaise ?), orientée, contenue, intelligente, excitant tous les sens !

 

AtlantisLab AT21 2

Banc ecoute