B. Audio : B.Dpr EX + B.amp
L’air pur et les clairs-obscurs des forêts alsaciennes
par LeBeauSon - juin 2021
Perception d’ensemble
Que l’on considère séparément ou ensemble les deux appareils, issus de la collection B.audio et testés ci-dessous, la liste non exhaustive des mérites cumulés est telle - parfaite lisibilité associée à un foisonnement harmonique irréprochable, bande passante sidérante d’extension et de justesse, fougue d’une Porsche et grâce d’une ballerine, etc. -, qu’on voit mal ce que l’on pourrait objecter à des instruments aussi exceptionnels…
Ah si : ils ont de l’allure ! Mieux : ils sont élégants.
Suis-je sot : ce n’est pas une objection…
NB : code couleur pour cet ensemble, que ce soient les éléments séparés ou conjoints : Or (supérieur à 12 000 €)
B.audio est une entreprise familiale située près de Strasbourg créée en 2016 après 10 de recherche et développement dont les choix technologiques, principes, intransigeance et vision donnent immédiatement confiance. Et plus encore après avoir écouté les concepteurs qui, très posément, décrivent leur démarche, leur motivation et leur recul.
Ma découverte d’un convertisseur de la marque des Bermann père et fils(s) remonte en effet à quelques années ; à l’époque l’amplificateur était encore en étude ; la famille, particulièrement sympathique, d’une grande humilité nonobstant un bagage technique de haut vol, nous avait présenté un appareil de fort belle facture, dont l’écoute m’avait fait une grande impression.
C’est donc avec un immense bonheur que j’ai enfin pu tester deux joyaux de leur gamme pas forcément facile à comprendre (en fait si, mais les intitulés sont abscons).
La gamme se décompose en deux lignes :
Série One :
- B.Dac One : convertisseur numérique / analogique.
- B.Dac One EX : le même incorporant une carte de lecture réseau.
- B.Dpr One : Dac One pourvu d’une carte de pré-amplification analogique qui peut être étendue par l’ajout d’entrées analogiques XLR ou RCA.
- B.Dpr One EX : le précédent avec une carte réseau.
- B.Amp One : amplificateur de puissance en classe AB développant 120 W et utilisant la technologie dite IOD.
Et la Série Référence :
- B.Dac
- B.Dac EX
- B.Dpr
- B.Dpr EX
- B.Amp : amplificateur stéréophonique transformable en bloc mono (bridgé).
La ligne Référence suit la même déclinaison que la série One, mais avec des composants et des normes plus drastiques, ainsi que, sur la version DPR, une plus grande souplesse d’utilisation.
Avouez que, franchement, ce n’est pas simple simple d’éviter de s’emmêler les crayons, d’autant que le design des appareils est très proche ; et particulièrement soigné.
Les deux appareils que nous avons reçus pour essai sont :
- le B.Dpr EX
- le B.Amp
Soit le haut-de-gamme de la marque.
On pourrait facilement songer : « bon, formidable, un fabricant de plus qui tourne autour des mêmes idées que tout le monde, c’est sympa mais que peuvent-ils face aux lourdauds séculaires dont la logorrhée brevetée renvoie les nanotechnologies du côté de l’invention de la roue ? »
Que répondre ?
La fraîcheur peut-être ? Le talent ? L’imagination ? La liberté créative de la start-up lorsqu’elle dépasse une vaine mode publicitaire ?
La famille Bermann est une famille d’ingénieurs. Personnellement, ça me laisse froid ; mais lorsque la connaissance rejoint la passion par le biais de l’appétit et la sagesse, pourquoi pas ?
Je ne vais pas approfondir les détails. Après tout, la marque a un site - plutôt bien fait d’ailleurs - pour expliquer :
- le brevet SJR qui vise à éliminer toute forme de gigue (Jitter, si vous préférez (rendez-vous sur Wikipédia, ou autres)) dans la partie numérique, associé aux étages symétriques sur l’ensemble du signal…
- … dont l’ASP « Analog Symmetrical Preamplifiers » : tous les étages de pré-amplification fonctionnent selon un mode 100 % symétrique et se distinguent par une absence de condensateurs de couplage.
- le procédé IOD (« Intelligent Output Drive ») qui permet à l’amplification de bénéficier de l’absence de distorsion de croisement d’un Classe A alors que son fonctionnement en classe A/B (disons A vers B) offre le double avantage d’une puissance généreuse et d’une consommation maîtrisée.
Parallèlement aux performances technologiques, il y a « l’allure » de ces machines : d’une manière générale, je trouve les appareils hifis plutôt moches ; le travail effectué par le designer de B.Audio, en apparence simple et sobre, confère à leurs appareils une rare noblesse, entre classicisme et technologie, offrant un vrai bonheur aux yeux, au plaisir d’acquérir.
Le convertisseur / lecteur réseau / préamplificateur est particulièrement réussi avec deux rotateurs affleurants de grands diamètres dont l’éclairage accompagne les mouvements.
La télécommande en aluminium - fournie avec toutes les versions de convertisseurs – est, elle aussi, « stylisée » mais pas tout à fait aussi réussie. Un bémol mineur.
Les photos parlant d’elles-mêmes, je ne vais pas m’appesantir sur le look.
Tout au plus sur une amusante bizarrerie un peu déroutante : la rotation anti-horaire du volume.
Les fonctionnalités « réseau » sont les suivantes :
- compatibilité avec les protocoles UPnP, MPD, LMS, NAA, Roon (parfait !), Airplay, Spotify
- accès aux services de streaming (Qobuz, Tidal, Spotify…) via les applications iOS et
Android compatibles, style MConnect HD
- lecture des formats PCM jusqu’à 384kHz / DXD / DoP / DSD natif jusqu’au DSD 256
- cloud / serveur UPnP intégré (rend les données stockées sur media USB accessibles sur le réseau) *
Les entrées numériques sont nombreuses :
- 2 x SPDIF RCA
- 2 x Toslink
- 1 x AES/EBU
- 1 x USB (type B)
Ainsi qu’une USB dite « Data »
Entrées analogiques : le B.Dpr EX est équipé de deux entrées analogiques asymétriques (RCA) et une entrée symétrique (XLR).
Grâce à l’étage de contrôle de volume analogique, les signaux provenant de ces entrées sont entièrement traités dans le domaine analogique.
NB : nous essayons de compléter les données techniques pour répondre aux râleurs paresseux qui ne savent pas aller les chercher où il convient, mais franchement, quel ennui…
Ah, un point important que nous n’avons pas pris le temps d’analyser : le DSP embarqué offre des fonctionnalités de correction acoustique paramétriques permettant de tirer le meilleur parti de l’environnement d’écoute (pièce et haut-parleurs). Développée en interne, cette fonctionnalité est basée sur une architecture à 64 bits. Le gain global est déterminé automatiquement sans intervention de l’utilisateur, ce qui garantit l’absence de saturation quels que soient les paramètres utilisés. Ces spécificités contribuent à préserver la qualité du signal, assurant ainsi un résultat optimal. **
2 x sorties analogiques : une paire asymétrique RCA, une paire symétrique XLR.
La description de l’ampli est plus succincte :
- un allumage général par l’arrière, mais une mise en veille à l’avant, confirmée par un discret voyant lumineux
- 1 entrée asymétrique et une entrée symétrique (celle que nous avons utilisée)
- 1 commutation pour choisir l’entrée utilisée
- 1 autre dont j’ai oublié la fonction. C’est d’autant plus bête que j’en ai eu besoin !!!!
- 1 troisième pour bridger l’appareil afin de le transformer en bloc mono
Les prix :
B.Dpr EX : 16 900 €
B.Amp : 14 900 €
Eh oui, on est quand même dans le lourd.
B.Audio entre dans le club très étroit des marques de l’audio domestique en France - pays du luxe et du savoir-vivre - à oser le haut-de-gamme et en le justifiant par autre chose que des mensonges, du maquillage, de la forfanterie où le plus gros du budget passe dans la capacité à raconter des bobards.
Au risque de manquer de l’ambition nécessaire face à des rivaux internationaux moins méritants mais ayant bien compris que qualités musicales et prix n’ont que peu de rapport avec une éthique que nos chers compatriotes, face à l’audace de rivaux plus malins (au sens premier), s’entêtent à respecter.
Constat qui m’amène à me demander si je ne devrais pas intégrer les appareils de la famille Bermann dans la catégorie Prestige récemment créée.
The Big Boss en décidera…
Point suivant (en présentant mes excuses pour une introduction aussi longue) : nous avons beaucoup hésité sur la manière de réaliser un tel banc d’essai. Était-ce un banc d’essai du couple de machines ou un pour chacune ?
Considérant que l’amplificateur B.Amp prend tout son sens en complément naturel du B.Dpr et que rares seront ceux qui décideront (peut-être à tort) de le séparer de sa souche, nous avons quasi-systématiquement testé les mêmes disques sur la combinaison complète (reliée en symétrique), puis isolé le convertisseur / lecteur réseau / préampli en passant par d’autres combinaisons.
J’ai aussi voulu essayer sur quelques plages le convertisseur sans sa carte réseau pour en mesurer les vertus ou limites.
Ainsi avons-nous écouté le tout via :
Antipodes K50, Lumin U1 boosté, Accuphase E380 et E800, Grandinote Supremo, enceintes Mulidine Cadence « ++ », Harmonie, Harmonie « ++ » (merci Alexis), ppfff AVA 2, TAD Evolution One TX. Câbles Wing, Absolue Créations, Nodal, Mudra.
NOTE IMPORTANTE : nous avons constaté d’assez notables variations de comportement de l’amplificateur B.Amp selon les enceintes. Le phénomène n’est pas unique, mais plus rarement aussi marqué.
Ainsi, le B.Amp peut-il passer d’un bon amplificateur, droit, tenu mais un peu « sage », à un appareil fougueux ! Et quasiment changer de gamme.
Nous ne l’avons pas relié à toutes les enceintes de la planète, évidemment, mais nos modestes statistiques nous conduisent à l’impression que le B.Amp aime bien être sollicité ; autrement dit, il apprécie les enceintes un peu gourmandes sur lesquelles il révèle des instants rares. Une des plus belles écoutes que j’ai pu faire sur les TAD Evolution One TX par exemple, alors que, à niveau raisonnable, je m’ennuyais un peu sur les Cadence « ++ ». Moins en augmentant le volume ; c’est dire.
Les commentaires prennent évidemment ce balisage de comportement en compte.
Richesse des timbres et équilibre tonal :
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
Début tout en muscles et flamboyance sur la Symphonie n° 4 de Vaughan-Williams par Sir Antonio Pappano dirigeant le LSO en live…
Contrastant avec le style habituel du compositeur britannique, la 4ème symphonie est pour le moins rude, surtout le premier mouvement, rugissant et dissonant à en devenir digne d’un film d’horreur, ce que Pappano illustre à merveille, insufflant une vivacité émotionnelle à la hauteur du risque encouru, cuivres en montagnes russes aux crêtes acérées, cordes à la limite de l’astringence ; or, le chef va maintenir cette vision sombre tout au long de l’œuvre, dans un climat tourmenté à la Chostakovitch, y compris dans le deuxième mouvement, théoriquement plus apaisé, ici obstinément austère, notamment par un phrasé tendu, tout en sublimant les merveilleuses couleurs d’un orchestre particulièrement en forme.
L’ensemble B.Audio apprécie particulièrement ce genre d’œuvres copieusement garnies, ne perd jamais son calme et « image » parfaitement l’abondante sève de couleurs enchevêtrées depuis leurs racines profondément enfouies dans le terreau de nos origines jusqu’aux feuilles s’évaporant des branches les plus hautes vers un ciel azuré, qu’il soit bleu céruléen, bleu de France ou bleu électrique, dans la tempête harmonique de la Symphonie…
Quel bonheur de vibrer à des chamarrures si vives et paradoxales !
On sent immédiatement trois particularités du tandem B.audio (qui sont intimement liées, of course) :
- d’une part un équilibre tonal aussi plaisantin qu’une règle à tracer.
- d’autre part une tenue qui ne laisse pas la moindre initiative à l’enceinte, au risque sur des enceintes plutôt faciles (Cadence « ++ » et étonnamment ppfff Ava 2 lors de nos essais), de les empêcher de s’exprimer pleinement.
- et enfin une excellente proportion de corps dépourvu de toute emphase ampoulée ou sècheresse étique.
Aucune aridité ne vient entacher le plaisir, aucune variation des pigments même sur les instants déchaînés.
La contrepartie est qu’on aimerait un peu plus d’incarnation des êtres ou matérialisation des instruments, le grain et les substances étant plus « Photographies » - prises à la chambre et en argentique, certes - que « Contextures ».
- B.Dpr EX seul :
La partie lecture réseau gagne à être utilisée avec Roon, auquel cas elle rivalise avec des solutions extérieures qui rajouteraient une dépense qu’on pourra utilement consacrer aux câbles.
Si la prééminence du B.Dpr EX seul n’est pas significative sur les vertus coloristes, la palette vaste et éblouissante de fraîcheur et limpidité est vivifiée par une luminance et chrominance plus guillerettes encore, plus printanières.
D’autant que le rayonnant pouvoir synesthésique du B.Dpr EX est accompagné d’un surcroît de respiration, d’air autour des instruments, une élégance plus soyeuse des demi-teintes sur l’enveloppe des timbres - qui pourraient, là aussi dans l’absolu, être plus « concrets », matérialisés - et déroule un velouté magnifique, une texture gouleyante des nuances iridescentes d’autant plus appréciables qu’ils ne sont pas obtenus par flatterie façon « tubes », ni un éclairage tendancieux ou ajout factice d’harmoniques murmurant des éloges à l’oreille, mais par un sens immanent de la justesse, toutes vertus qui installent le B.Dpr vers le sommet de la pyramide.
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
La beauté et l’articulation des registres grave et extrême grave sont impressionnants de suivi des méandres, de minutie et même d’analyse des ondes dans le remix un peu surnaturel par 16-bit de Hollow (Björk), copieuse pâtisserie qui le plus souvent tourne à une indigestion de rahat-loukoums.
Bien sûr, nous pourrions citer une liste d’enceintes aussi concise qu’un discours de Fidel Castro pour lesquelles il faudrait un miracle dépassant le super-héroïsme des meilleures électroniques pour absorber cette friandise… Alors contentons-nous simplement de celles qui, parfois, s’égarent malencontreusement.
Le B.Amp les tient d’une main de velours !
Ah, ce n’est pas l’expression appropriée ?
Peu importe : la rigueur et la robustesse de forteresse dont fait preuve cet ampli outrepassent largement ses 20 kgs sur la balance et les 120 W revendiqués. Tout est en ordre avec un sens de la mobilité, de l’ampleur, jamais dénaturé, qui, par exemple, unifie nos TAD Evolution One TX à la manière d’un excellent ampli numérique, mais avec une saveur en bouche bien plus moelleuse.
Un must…
Inutile d’ajouter (ben alors pourquoi est-ce que je le fais ?) que la maturité de l’ensemble B.Audio ne s’arrête pas au registre grave puisque j’ai précédemment décrit l’unification en courbes harmonieuses, équilibrées, aromatisées, de l’ensemble du spectre sur une enceinte possiblement exigeante.
- B.Dpr EX seul :
La poigne moins serrée d’un autre amplificateur conforte la sensation d’un souffle et d’une souplesse que le convertisseur / lecteur réseau sait inoculer aux mêmes disques…
Mais le B.Amp ne trahissant pas l’esprit du B.Dpr, on ne va pas en faire un plat.
Traduction en Français.
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
- B.Dpr EX seul :
Scène sonore :
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
Sur ce critère et quelle que soit l’enceinte, on ne peut guère formuler que des éloges en termes de précision du placement des péripéties sonores, sans le moindre cafouillage ou hésitation, même à des niveaux dynamiques élevés où l’on sent bien que l’absence totale de distorsion impose une sérénité de Maître yogi.
Puisqu’il semble - est-ce par cynisme ? - que j’aie décidé de soumettre les B.audio aux pires tortures, continuons par le Hrvatski Glagoljaški Rekvijem d'Igor Kuljeric, les Chor des Bayerischen Rundkunks et Münchner Rundfunkorchester dirigés par Ivan Repušić. Euh, je vais prendre le temps de recompter toutes les lettres.
Œuvre puissante s’égarant entre Les Noces et Stravinsky et, hélas parfois, la complaisance paresseuse et amphigourique du trou du cul vulgaire Hans Zimmer qui lui-même copie le pire de James Horner (lequel a le mérite d’avoir fait de bonnes BO !), le Requiem Glagolitique du compositeur croate - curieux de tout - recèle de nombreux moments d’une douloureuse intensité et doit représenter un cauchemar aussi bien pour les solistes que pour les ingénieurs du son…
Aucun problème pour les Bermann Brothers qui structurent une scène épanouie et multiaxe rigoureuse, où les nombreux intervenants sont parfaitement identifiables aussi bien par leur identité sonore que leur emplacement et dimensionnements dans la masse, y compris dans les moments nombreux où les poussées magistrales sont saisissantes d’ampleur !
Une occasion supplémentaire d’être ébahis par la sereine énergie développée par l’amplificateur qui, non seulement ne semble pas fournir le moindre effort, mais apporte une poussée organique impressionnante qu’on constate d’habitude sur des machins qui font deux fois sa taille. En moins bien généralement.
C’est à se demander, sur certaines enceintes, si, dans ce cas précis, le petit déficit de présence physique sculptant l’espace, le détourage pas ultra défini mais d’une totale cohérence sur la totalité du spectre, ne rend pas service : le cinéma 3 D n’est certainement pas du théâtre mais permet des audaces scénographiques plus complexes.
Je devrais immédiatement relier l’écoute d’une telle œuvre à la rubrique concernant le pouvoir de résolution car clairement les deux aspects sont liés ; de fait, la tenue irréprochable de l’ensemble B.audio face à une scène complexe s’appuie sur sa capacité à percer les ombres et observer scrupuleusement les silences.
- B.Dpr EX seul :
La souplesse des délicates tombées de mouvements, extensions des bras, développés d’un grand-plié ou d’un sissone, les ondulations des entrechats, tout ce qui distingue un excellent danseur d’un grand danseur au service du même chorégraphe, sont peut-être la marque de ce qui différencie les deux appareils, le B.Amp étant sans doute un peu moins poète, un peu moins sensible que le B.Dpr.
Mais, comme évoqués précédemment, la légère simplification de certaines réverbérations par l’amplificateur, le lustrage d’enveloppes compliquées, rendent l’écoute d’une œuvre aussi exigeante que le Requiem glagolitique croate plus confortable. Pourquoi pas, dès lors ?
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
Allez soyons sympas, et facilitons un peu la tâche à cet extraordinaire ensemble avec la série de « sets » réalisés par Michael Wollny (parfois coupable d’être profondément ennuyeux mais là pas une seconde), le saxophoniste Emile Parisien (il est partout ! Quand je pense que je l’ai connu à ses tout débuts !) le bassiste Tim Lefebvre (il vient de chez Red Hot Chili Peppers ou bien il postule ?) et le batteur Christian Lillinger. Ça s’appelle XXXX !
Euh, quand je parle de faciliter, c’est une blague. Il faudrait une boussole, un compas et l’estomac d’un Malouin pour suivre les manœuvres de pirate des courses créatives qui fuient tout port d’attache ou code musical, préférant l’ivresse des flots sous tous les climats et par tous les temps.
L’ensemble B.Audio ne se laisse pas démonter et, dans une production pourtant pas super nette, définit clairement le terrain de chacun des illuminés en chute libre, notamment le batteur surdoué et Emile Parisien qui creuse son repaire dans des intervalles d’impro parmi les plus improbables.
Emplacement et plausibilité des carrures sont incrustés dans le grand fou. Flou.
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
- B.Dpr EX seul :
Réalisme des détails :
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
On met les pieds dans le plat avec l’infatigable et indomptable Aki Takase et le projet collectif Auge, cette fois accompagnée du contrebassiste suisse Christian Weber et du batteur allemand Michael Griener, tous deux implantés dans la scène européenne de l’improvisation.Traduction en Français.
La pianiste japonaise ô combien libre clame qu’il n’y a pas de leader sur le projet et on veut bien la croire à l’écoute de cette permanente interaction, visiblement axée sur la réactivité de chacun dans un jeu de poursuites sauvages ou fusions sensuelles, où la rythmique peut passer de l’un à l’autre des protagonistes au sein d’une constante réinvention ou redistribution des rôles.
Mais bon sang que l’exercice - pour ne pas être trahi ou simplifié ou caricaturé - est exigeant pour la chaîne de reproduction, tant l’entrecroisement est épuisant en l’absence d’assistance respiratoire.
Aucun souci pour l’ensemble B.audio qui scrute le travail de chaque « individualité » en soulignant son oriflamme, son rôle dans le rubato, sa manière de créer l’excitation ou au contraire l’onirisme, en n’ayant aucun besoin d’un piqué de surface, d’une extravagante mise en lumière, ni d’une exploration de géographe obsédé au point d’en oublier d’admirer la nature environnante.
On note toutefois, en lien avec ce qui a été expliqué plus haut, le lifting, obéré par nos amis du jour, des reliefs internes, celui des matériau et armature des instruments en tant qu’entité physique.
Quitte à donner dans le contemporain bariolé mais en creusant un autre genre de foisonnement grouillant, j’ai osé une plongée dans l’univers de John Zorn par le Quatuor Molinari avec le patchwork foutraque Cat O’Nine Tails dont peut-être le plus proche inspirateur est George Crumb (celui de Black Angels).
Ou Iannis Xenakis.
Ou Jango Edwards nanti d’un violon et d’une ponceuse à ruban.
Ou un affidé débile du Joker devant une tonne de dynamite à qui on vient de tendre une boîte d’allumettes.
Enfin… quand je dis l’univers de John Zorn : quel est-il en vérité, pour quelqu’un qui fait de l’Avant-Garde un placard à chaussures et se comporte en n’ayant pas la moindre revendication par bravade face à toute idée d’académisme…
Reste que le défi est de taille pour la Hifi.
L’extrême sérieux de l’ensemble B.audio et sa capacité à modeler au sein des inflexions lui permettent de le relever, en réussissant à refuser l’analyse froide tout en décryptant consciencieusement les arcanes de chaque instrument, les moindres frissonnements au milieu des crissements, au point de nous déstabiliser quand soudain la musique s’abandonne à quelques mesures de pure mélodie…
- B.Dpr EX seul :
Le lecteur réseau / convertisseur, isolément, ose davantage les petites aspérités ou âpretés ; non pas qu’il les scrute avec plus d’attention, mais il butine plus impeccablement, plus à cœur, les infimes décalages de notes, les liens fortuits, les frêles entremêlements harmoniques au détour d’une figure complexe, l’imprévisibilité de l’humain.
Il sait aussi mieux épaissir la chair autour du squelette, ou les matières au sein des contours ; même si on connait mieux dans le domaine, son degré d’implication est très gourmand.
C’est d’autant plus intéressant qu’on connait des DAC plus transparents, plus observateurs, mais peu qui atteignent un si parfait équilibre entre la nécessaire dextérité et la distance du cœur. Après tout, on n’analyse pas la peau de la femme ou l’homme qu’on aime à la loupe, et pourtant on saurait en décrire le velouté comme personne, n’est-ce pas ?
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
King Crimson avec la longue et aussi éprouvante qu’absolument géniale suite Lark’s Tongue In Aspic, Pt IV, extraite de l’album The ConstruKction of Light, est une véritable prise de tête si le système n’est pas à même de désentortiller toutes les particularités des frappadingues débridés, à savoir Robert Fripp, Adrian Belew, Trey Gunn et Pat Mastelotto, un salmigondis cafouilleux (redondance bien en dessous de l’ardente intrication du morceau) et c’est pour avoir vécu une expérience désastreuse avec un ensemble assez coûteux sur les TAD que j’ai voulu tenter l’expérience.
Or, la combinaison de rigueur, énergie, la précision immuable maîtrisée par l’ensemble B.audio élucide idéalement la cartographie de l’œuvre où les isoplèthes sont particulièrement serrées…
Pas moyen de s’égarer ici faute de GPS : Belew et Fripp sont imposés chacun dans son style et son univers, tout comme les ruades insolites de Trey Gunn ou les mitraillages pugnaces de Mastelotto, et on peut profiter « presque » à fond de ce formidable moment de trip musical ! …
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
- B.Dpr EX seul :
Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :
… Pourquoi « presque » dans la rubrique précédente ?
Peut-être parce que manquent malgré tout certaines poésies de phrasés des musiciens surnaturels qui les extrairaient de la prouesse pure pour honorer une créativité où le shimmy prend une part non négligeable de la transgression.
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
Bon, on ne va quand même pas s’éterniser sur des disques tous plus abstrus ou audacieux les uns que les autres.
Relâchons la pression.
Enfin si j’ose dire avec le nouvel album des Anglais de Royal Blood, ce duo atypique composé de Mike Kerr, à la basse et au chant, et Ben Thatcher à la batterie !
En outre, franchement, je doute que quiconque puisse deviner à l’aveugle que les frappes rythmiques de cordes assénées sans vergogne viennent d’une basse, marque de fabrique du groupe : clairement on entend une guitare. Et pas tendre.
Après un deuxième album qui ressemblait un peu trop à des faces B du premier, voici Typhoon, où sans doute pour essayer de se renouveler sans déstabiliser, les athlètes rockers ont ajouté des claviers et nappes, une production plus léchée sur les voix, incluant des choristes. S’éloignant du rock punk (déjà un peu propre sur lui quand même) des précédents titres, au point d’attaquer la première piste par une ligne de synthé digne de nos (ex) champions nationaux de l’électro-dance, le duo se balade entre rock (heureusement), électro, et pop, regard discrètement tourné vers les pistes de danse…
Mais bon, ça envoie encore du lourd ; ce n’est pas non plus devenu de la britpop.
Or, avec le couple B., ce n’est pas l’énergie qui manque : l’engagement des rebelles dopés et connotés entre dans la zone rouge sans aucun souci si on se laisse aller sur le volume pour envoyer directement des uppercuts dans l’estomac – comme un moteur qui, un peu creux à bas régime, devient à la fois puissant et coupleux en montant dans les tours -, au point de pouvoir déborder certaines enceintes dans le bas du spectre engendrant alors un grave proéminent -
… Uppercuts amortis, car jamais l’ensemble B.B. (Bermann Bross) ne se départit de sa capacité à pétrir les plus puissantes poussées ; le défaut de niaque inhérent évite le désagrément d’arracher les oreilles, et tant pis si on ne détesterait pas que les cordes de la basse (guitare) raclent un peu plus et les frappes du batteur soient plus steak tartare que passées au grill.
Je suis resté un peu plus à l’écart sur le swing plus direct de Jon Batiste et Stay Human nous proposant Social Music, dépaysement joyeux, inspiré, sans fard, virtuose et sans filet où le tuba joue incongrument le rôle d’une contrebasse ; jeux d’atypies rythmiques sur quelques standards ou rigolades pétaradantes, nous éclaboussent du soleil d’une Louisiane où, dans les embruns, la frange côtière se pare d’émeraudes à fendre le cœur, des poissons volants trouent la surface des bosquets dont la mousse semble figée par leur grâce, fissurant une ligne imaginaire entre l’eau et l’air telles des créatures ailées, roses et dorées, se riant de toutes les probabilités de l’évolution.
La joie de vivre des quatre musiciens osant tout, ressort ici nette, précise, sans erreur, mais ne jubile pas vraiment, trop sage, rentrée dans le rang de la note pour la note plutôt que les enroulements de tempos iconoclastes, cadrant dans le sérieux d’une carte postale les évasions oniriques d’un groupe éphémère.
Pas mal mais…
- B.Dpr EX seul :
… on a la certitude en écoutant le B.Dpr qu’il n’est pas en cause… Sans être un ultime champion du swing - car celui-ci, s’il est délicat, voire délicieux, pourrait être un peu plus varié ; pour autant ce qu’il relâche de longueur de laisse suffit à animer plus joyeusement une musique de fête et de relations humaines bienveillantes et à hisser l’ambitieux alsacien, une fois encore, du côté des premiers de la classe.
La classe impétueuse…
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
- B.Dpr EX seul :
Expressivité :
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
On devine facilement à la lecture de ce qui précède, que l’ensemble B.audio préfère les langueurs figuratives et romantiques de la Seejungfrau de Zemlisnky sous la patte de Vasily Petrenko avec le Royal Liverpool Philharmonic Orchestra que les jets d’acide de Xenakis (puisque je l’ai évoqué en amont) dans Jonchaies sous la férule d’Arturo Tamayo (Timpani), qu’il reproduira cependant en limitant les dégâts causés aux oreilles par les scies de violons qui semblent précisément vouloir laminer la Joncheraie. Philosophie sonore qu’on pourra adorer !
Chef d’œuvre orchestral écrit en 1977, Jonchaies est une nouvelle épreuve pour les nerfs et les dents (mais qu’est-ce que j’ai en ce moment ?) par le fracas harmonique et rythmique projeté par 109 musiciens dont on se demande la quantité de Benzédrine consommée avant la performance et l’état des instruments après, chaos quasi permanent alternant séquences mesurées et bizarreries aléatoires d’où se dégagent deux oppositions clairement définies : des assauts belliqueux et puissants le plus souvent dévolus au vents et percussions, et des vagues érémitiques, guère plus humaines, confiées aux cordes (semble-t-il disposées en arc de cercle autour du chef)
L’avantage d’écouter ce carnage (un chef d’œuvre de mon point de vue) par les B.audio est que, en le civilisant, ils vous éviteront les saignements d’oreilles, la combinaison Bermann préférant le liant à une implication plus mordante, plus rentre-dedans, au risque, soit, de gommer l’incision cherchée dans une telle œuvre, en évitant toutefois le politiquement correct d’un plus beau que nature ou la paresse d’une simplification léthargique.
La belge Naima Joris (fille de Chris) propose un fort bel EP éponyme d’un jazz calme, dépouillé mais extrêmement léché ; jazz n’est d’ailleurs pas forcément l’idée qu’on se fera d’une musique alternative dont la rythmique onctueuse et détendue pourrait aussi s’apparenter à la Soul.
L’enregistrement, par l’ensemble B.audio, révèle une présence quasi-indécente de la chanteuse, compositrice, auteure, multi-instrumentistes, détoure méticuleusement les arrangements sophistiqués et d’une grande lisibilité. La voix grave, pleine, affirmée dans le murmure et la mesure est troublante quand bien même, en première écoute, on pourrait croire avoir affaire à sa compatriote Mélanie de Biasio ; or, peut-être l’ensemble B.audio n’est-il pas tout à fait assez frémissant pour bien exprimer la différence d’approche dans les vibratos impeccablement contrôlés, élégants, de Naima, ses montées en tessiture dont elle maitrise les fins de notes dans une harmonisation étourdissante de souffle et vigueur…
- B.Dpr EX seul :
… ce que le B.Dpr seul exprimera dans un altruisme plus concerné, plus fragile, tout simplement plus émouvant.
Sans être une référence en la matière - car me manquent encore les crépitements de l’âme -, les subtilités des réverbérations sur la guitare évanescente, les sinuosités d’articulation du lyrisme dans la gravité sans la pesanteur nous bichonnent un grand moment d’éloquence artistique.
Le niveau de qualité des deux appareils est tel qu’on les voudrait parfaits. Sur le point de l’inspiration, de la vocalité sensible, l’humanité incarnée, ils marquent légèrement le pas, sachant que c’est un point qui nous laisse le plus souvent sur notre faim…
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
- B.Dpr EX seul :
Plaisir subjectif :
En prenant en compte les mérites cumulés d’une parfaite lisibilité associée à un foisonnement harmonique véridique, une bande passante sidérante d’extension et de justesse, la fougue d’une Porsche et la grâce d’une ballerine, on voit mal ce que l’on pourrait objecter à des appareils aussi exceptionnels…
… A condition d’être bien attentif à ne pas associer l’amplificateur à des enceintes trop libres, sa discipline de Maître d’Ecole ou de de Kung-fu ayant tendance à brimer les élèves surdoués.
- Ensemble B.Dpr EX + B.Amp :
- B.Dpr EX seul :
Rapport qualité/prix :
En considérant qu’avec seulement deux appareils dont le design est un des plus aboutis de la planète hifi (pas dans le « m’as-tu-vu », par conséquent), on peut couvrir un panel de possibilités très étendu, même extensible si on a besoin de plus de puissance par un second ampli bridgé, et ce, incorporant un faisceau de vertus musicales qui vient chatouiller ce qu’on a écouté de meilleur à ce jour et depuis des années, la justification du prix n’est absolument pas un problème.
* Pour info : cette dernière donnée est de celles qui, sans plus d’explication, m’irritent passablement. Elles peuvent donner à tous ceux pour qui l’informatique n’est pas de l’ordre de l’utilisation d’une « Fermeture éclair » l’impression d’être des sots égarés par l’accélération du temps, parmi lesquels nombreux érudits ou simplement êtres humains qui refusent la domination d’un vulgaire outil que l’on devrait déifier. Soyez gentils, Frères Bermann, éclairez les âmes égarées si vous ne voulez pas les faire fuir.
** : en ce qui concerne ce point, je ne l’ai découvert qu’un peu tard et par conséquent, je me permets, à nouveau, de grogner contre ce qui, exprimé de la sorte, relève d’une abstraction déconcertante.
Alors que c’est probablement simple in fine.
Mon agacement ne concerne pas spécialement les merveilleux produits de B.audio, mais une attitude fréquence des fabricants et distributeurs à ne s’adresser qu’à un public averti alors que nous sommes dans un monde de faussaires de l’art plus ou moins doués !