à l’oreille





T.A.D Compact Référence One TX - La Grande Reine

Catégorie « Prestige »

Par LeBeauSon - Juin 2021


Perception d’ensemble

Quel privilège de pouvoir prendre le temps d’écouter, sans contrainte, des enceintes telles que les TAD Compact Référence One TX, un des rares jalons fiables de la dignité du haut-de-gamme sérieux.

Le résultat est-il à la hauteur de l’ambition ?

Indubitablement, à condition bien sûr de savoir ce que l’on en attend.

Tel est précisément l’objet du long développement qui va suivre.

Mais sachez que la cohérence absolue d’un objet aussi abouti que celui-là m’impose un respect sans la moindre réserve et, connaissant tant de nos contemporains qui, à l’exposition intime des sentiments, préfèrent l’ivresse du grandiose, il n’y a rien d’étonnant que la rigueur dont le géant nippon fait preuve dans son idéologie musicale en fasse un maître-étalon dans l’esprit de beaucoup.

Car, dans cet « objectif » sonore souvent partagé dans le haut-de-gamme, la TAD Compact Référence One TX est incontestablement une des plus enthousiasmantes parce que, capable de pousser les murs de n’importe quel salon, elle préserve l’extrême bon goût de ne jamais en faire trop.

Raison(s) pour la(les)quelle(s) nous estimons que nous devons attribuer notre « Diamant sur Canapé » à une réalisation qui est une réussite objectivement incontestable – bien que, vous le lirez par la suite, elle ne corresponde pas exactement à notre quête.

DIAMs 6 OR

NB : l’objet du jour, par son prix et ses performances, entre dans la Catégorie « Prestige ». Par conséquent, à l’exception d’une appréciation globale, nous ne concluons pas les analyses par critères par les habituels « Diamants »

 

TAD CompactRefOneTX 8

T.A.D. n’est pas un nouveau venu dans nos colonnes pages. Nous avons déjà passé en revue tous les modèles de la première gamme, à savoir la gamme Evolution.

Cf :

https://lebeauson.fr/a-l-oreille/124-tad-me1

https://lebeauson.fr/a-l-oreille/123-tad-laboratories-e1

https://www.lebeauson.fr/a-l-oreille/212-tad-compact-evolution-one-petite-reine

La première marche TAD se situant aux alentours des 15 000 € (la paire) avec pieds-supports (la paire), je prends bien garde à ne pas mentionner une notion de « bas-de-gamme ».

En revanche, nous n’avions pas traité la gamme Référence. Qui commence à côtoyer le très (très ?) haut-de-gamme. C’est chose faite aujourd’hui avec le modèle d’introduction à cette ligne : la Compact Référence One TX

La Compact Reference One TX est une enceinte dite « bibliothèque », trois voies, bass-reflex.

Hum… bibliothèque ? 341 mm en largeur x 628 en hauteur x 446 en profondeur et 46 kgs… Les Japonais ont des très grandes bibliothèques. Avec des très gros livres.

TAD revendique avoir utilisé pour ce modèle toutes les technologies développées pour la Référence One TX, le flaguesheep comme on dit (approximativement… A Marseille) afin de peaufiner l’idée de la « source ponctuelle » visant à faire disparaître toute sensation d’une enceinte émettrice et immerger l’auditeur dans un spectacle vivant.

Simplement et modestement.

Pour ce faire, le géant japonais n’a, semble-t-il, pas lésiné sur les moyens.

Et puisque je ne vais pas réinventer l’eau tiède, je vais suivre la présentation du produit par la marque elle-même, fière d’annoncer :

- un haut-parleur principal utilisant bien sûr la technologie dite « Coherent Source Transducer », autrement dit un coaxial (deux haut-parleurs concentriques, l’un pourvu d’un cône de 16 cm, l’autre d’un dôme de 3,5 cm) pour couvrir une large partie du spectre (de 250 Hz à 100 KHz pour ceux que ça intéresse (personnellement, j’ai arrêté à 51 276, 2 Hz, au-delà je m’essouffle)) mais dans sa version la plus aboutie utilisant diverses avancées en comparaison de ceux de la gamme Evolution, telles que :

- l’utilisation pour les deux haut-parleurs concentriques (le médium et l’aigu donc) de membranes en Béryllium, prétendument le plus léger et rigide des métaux. Ah… bon…

Il est aussi très toxique. Mais il est vrai que j’évite par exemple de lécher mes clubs de golf. Allez, je blague : correctement traité et à condition de ne pas être à l’état de poussière, il n’y a rien à craindre. Il semble d’ailleurs que ce métal soit utilisé en odontologie. Mais je ne lèche toujours pas mes clubs de golf.

- la technique utilisée par TAD pour déposer ledit métal en phase vapeur a été affinée sur plusieurs décennies (comme un bon Whisky japonais ! Ah là là, un Hibiki de 21 ans. Oui, soit, c’est un Blend, mais une enceinte acoustique aussi, n’est-ce pas ?), permettant de donner une forme très spécifique à la membrane du tweeter optimisée par un procédé dit « Harmonized Synthetic Diaphragm Optimum Method » qui contrôle avec précision les écarts de vibrations pour fournir une réponse uniforme jusqu’à… jusqu’à ??? 100 KHz ! Bravo à ceux qui ne se sont pas perdus en route.

- la technologie dite « ISO » (pour isolation) vise à éradiquer les vibrations produites par la partie mobile vers la partie motrice et vice/versa, autrement dit une séparation structurelle entre le CST et le coffret.

- le bas du spectre (grave) est confié à un haut-parleur (ça va de soi) de 20 cm dans lequel tout est optimisé pour une forte tenue en puissance sans la moindre distorsion, grâce à un circuit magnétique dit « Optimized Field Geometry Magnet Structure » qui linéarise la densité du flux magnétique sur la longueur complète de l’entrefer (20 mm). La membrane est en Aramide (j’ai déjà fait au moins deux fois un jeu de mot discutable, je vais m’abstenir ; quand même, un peu de respect pour votre dépense pharamineuse…), plus précisément « Aramide Tri-Laminate Composite Cone », soit un triple laminage.

- la collaboration avec un fabricant majeur de meubles de luxe, Tendo Mokko, établi depuis 1940 (plus que majeur, il n’est plus tout jeune !), consistant à intégrer des techniques de l’artisanat noble dans la charge appelée « Silent ».

- « Silent » est l’acronyme de « Structural Inert Laminated Enclosure Technology » (c’est émouvant, non ?), soit une structure composée de différents matériaux (contreplaqué de bouleau et MDF en laminé (?)) et dessinée en goutte d’eau (ou étrave, regardez les jolies photos), le tout ayant pour vocation de disperser les vibrations parasites du coffret et d’éliminer les ondes dites stationnaires à l’intérieur.

- l’orifice d’accord (évent) du bass-reflex (d’où vous déduisez finement que la charge est de type bass-reflex) est évasé aérodynamiquement pour éviter les bruits d’écoulement d’air.

- le coffret repose sur une base (je ne parle pas des pieds) de 27 mm d’aluminium pour abaisser le centre de gravité et procurer une totale stabilité à l’enceinte.

- la partie tournante du coffret est en bois naturel de Sapele pommelé, utilisé en mobilier mais aussi en lutherie.

- l’enceinte est disponible en deux finitions : noir émeraude ou rouge béryl

Si je puis me permettre un commentaire à propos de ce dernier point, j’espère quand même que personne n’aura l’idée de proclamer que cette enceinte est belle.

Elle en jette, soit. On n’en a pour son argent, soit. Mais bon, les compliments s’arrêtent là.

En vérité, si : je suppose que certains le penseront. Qu’elle est belle.

J’ajoute, à titre personnel, que je trouve certains détails de finition, parmi lesquels le pied, pas tout à fait à la hauteur des performances et budget.

Allez, on clôt le descriptif technique par quelques informations sur le ou plutôt les filtres isolés pour les graves, les médiums et les aigus afin d’éliminer les interactions électriques et magnétiques :

- ils sont installés sur un panneau d’aluminium de 27 mm d'épaisseur servant de dissipateur thermique. Un filtre qui chauffe ? Faut écouter fort quand même, non ?

- les composants sont fabriqués sur mesure : bobines à noyau d’air, résistances non inductives et des condensateurs à film PP (Polypropylène ?).

- idem pour les double-borniers, de grande taille, usiné sur mesure et doté d'un épais placage or pour assurer des conductions fiables.

Un bref résumé des caractéristiques (boring…) ?

Réponse en fréquence : 32 Hz à 100 kHz

Fréquences de coupure : 250 Hz et 2 kHz

Sensibilité : 86 dB (2,83 V à 1 m)

Impédance nominale : 4 ohms

Amplification recommandée : jusqu’à 200 W

Dimensions (L x H x P) : 341 x 628 x 446 mm

Poids : 46 kg

Finitions : noir (?) émeraude (Emerald Black) ou rouge rubis (Beryl Red)

Stand ou support dédié : TAD ST1

Dimensions (L x H x P) : 407 x 532 x 525 mm

Poids : 16 kg

Comme ça a (presque) toujours été le cas pour des essais d’enceintes TAD, l’écoute a eu lieu dans une pièce qui n’est pas la mienne, mais dans un lieu dont je finis par intégrer les particularités.

Nous étions deux ce jour-là pour l’essai effectué sur un panel d’électroniques que nous connaissons pour certaines, pas du tout pour d’autres, ce qui est toujours un exercice intéressant :

Kalista + Rockna Wavedreamnet + WavedramDac Signature + convertisseur TAD Evolution DA1000 + préampli TAD Référence C600 + blocs mono Référence M700 + intégré Grandinote Supremo + intégré Tektron TK Two 211PSE, câbles TAD, Van den Hul, Alef.

Pas tout ensemble.

L’étalage de systèmes (qui, soit dit au passage représente quand même de quoi partir en vacances un ou deux jours ans) ne facilite pas la synthèse, mais on a pris le temps.

A ce propos, le prix des enceintes TAD Compact Référence One TX :

- 67 150 €

- 4 650 € (les pieds)

Oui, la paire. Mais ça pique quand même un peu. Va falloir que ça se justifie, n’est-ce pas ?

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Avant de rentrer dans le vif du sujet, je vais me fendre d’un avant-propos :

Indéniablement, quelles que soient les qualités objectives des modèles de la gamme TAD Evolution, on franchit un cap important avec la Compact Référence One TX. Elle est, sans aucun doute, ma préférée du catalogue du constructeur nippon.

Même face à la Référence One TX, qui de mon point de vue en fait un peu trop. Certes, je ne l’ai écoutée que brièvement, mais quand même.

Alors, qu’on aime ou pas la Compact Référence One TX, il faudrait être de totale mauvaise foi pour ne pas reconnaître qu’on est en présence d’une conception aboutie, élaborée jusque dans les moindres détails, et ce dans une philosophie sonore assumée.

Philosophie qu’on aura le droit, bien évidemment, de ne pas apprécier, mais certainement pas d’imputer l’inacceptation à telle ou telle négligence ou incohérence dans la conception.

Parallèlement, c’est notre rôle de « critique » de guider ceux qui sont en quête d’un produit qui leur correspondra, leur éviter de se tromper parce qu’ils auront été portés par l’enthousiasme d’un instant ou par le bêlement d’une bonne part de la presse internationale ô combien complaisante.

Il faut simplement admettre que la perfection absolue, revendiquée par tous les fabricants de la Haute-Fidélité, et plus particulièrement dans le très haut-de-gamme, n’existe pas : il y a toujours des limites à la reproduction musicale et par conséquent des choix à faire entre les points sur lesquels vous serez intraitable et ceux que vous considèrerez moins fondamentaux dans votre rapport à la musique.

Alors si parfois nos mots, nos réserves peuvent paraître sévères, il faut les relativiser, les rapporter à la gamme et au prix de l’objet traité et leur conférer la mesure qui correspond à son degré de noblesse ou prétention, certainement pas les engager dans une comparaison avec les mêmes tournures de phrases employées pour des objets coûtant le dixième du prix.

C’était un avant-propos.

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Richesse des timbres et équilibre tonal :

                                                 

Selon les électroniques que nous avons écoutées, nous sommes passés par des 180° sidérants, non pas du fait des enceintes - qui se contentaient de suivre - mais dans l’approche lyrique des ensembles en amont, avec deux extrêmes atteints par la combinaison délirante (par le prix) d’électroniques TAD - et son karma de chanter avec la poésie d’un laboratoire de mesures -, et le Tektron, qui entend procurer à tous la poignante beauté d’un final de Puccini, où les mouchoirs en papier épuisent en un quart d’heure la moitié du bois de l’Amazonie.

Mais ces croisements sont nécessaires pour comprendre et isoler ce qu’une TAD Compact Référence One TX est à même de réaliser.

Eh bien, dès les premières « notes parlées » de Laurie Anderson dans le mystérieux et très introspectif voyage au cœur des méandres de l’âme par Hector Zazou (Strong Currents), on est englouti par une prise de possession de l’atmosphère, immersion dans un monde pas exactement naturel mais résolument admirable.

Il devient très difficile, dès lors, d’interrompre la succession de perles ; et défilent alors les plages tourmentées en douceur de l’album magnifique - abstrus toutefois -, où les partis-pris de chants décalés, d’ondes paresseuses et mêmes distendues jusqu’à la rupture, d’éther solennel confiés à Stefano Bollani, Jane Birkin en apesanteur, Mélanie Gabriel (la fille de l’autre), ou Lisa Germano, nous transportent en plaisirs si différents d’un feuillet au suivant, mais bénéficiant tous de la présence affirmée des voix ô combien magiques aux saveurs si distinctes.

Les timbres, très divers dans ce disque, énoncent une vérité générale du comportement de la TAD, dans la veine de ce qu’on connaît de la marque : les matières sont plus caractérisées par le développement harmonique, le corps et le confort, que par le grain ou la vibration intrinsèque des substances.

Et ce, quelle que soit l’électronique, pouvant aller jusqu’à l’excès si on n’y prend garde, notamment par un épanchement flatteur du bas du spectre ou une matité accentuée dans le haut. Quitte à me répéter, ces enceintes, sans doute aussi du fait de leur relative gourmandise, se contentent de transmettre ce qui leur est confié par les éléments en amont…

Toutes vertus obtenues en prévenant minutieusement la moindre forme d’excès ou de complaisance, sauf, bien sûr, à la provoquer par un mariage avec des électroniques ciblées.

Ainsi entend-on parfaitement la vocation à la majesté, à l’onctuosité copieuse des enceintes japonaises en découvrant les lieder épars de Richard Strauss combinés dans une étreinte fusionnelle entre Matthias Goerne et le jeune pianiste coréen Seong-Jin Cho, précieuses pépites où le baryton - qu’on ne présente plus – peut même oser une approche quasi féminine (Morgen) et nous épargne de ses « manies » ou poses d’un autre temps qui parfois m’exaspèrent pour au contraire assurer une sobriété de prosodie absolument parfaite, retenue telle qu’on peut se demander de temps à autre qui, du pianiste ou du baryton, insuffle le lyrisme narratif…

La plénitude « voluptueuse » - non pas capiteuse – de l’enceinte TAD est d’autant plus appréciable qu’on subit sur cette captation, par ailleurs superbe, une curieuse (et un peu pénible) réverbération de salle.

Sensation organique vérifiée sur la flamboyante et paradoxale aperception par Lorin Maazel de la Symphonie n° 5 Opus 100 de Prokofiev avec Cleveland (Decca 1977), où la rutilance de l’orchestre, clairement exprimée par les TAD, en met plein, euh… la vue…

La maîtrise par l’Américain (de Neuilly) de « son » instrument relève de la pure maestria qui, pour autant, ne sombre pas dans la simple démonstration et ose a contrario d’audacieuses ruptures de climats, de tensions et de sentiments, attestant maturité et recul d’un chef trop souvent déconsidéré.

La qualité des silences est remarquable, où le substrat orchestral ne s’effondre pas dans un trou noir (un peu quand même avec les électroniques TAD).

Le sens du spectacle est total, orienté vers une douceur permanente qui, certes, contourne le relief intime des textures. On perçoit celles-ci par des saillies de couleurs subtiles qui - malencontreusement ? - ne viennent pas ciseler, triturer ou fourrager l’air ambiant.

Les cuivres sont étincelants par la lumière, les bois structurés par les effets de teintes, les violons jamais acides typés par les reflets vernis…

Par conséquent, si la pétulance manque fâcheusement de niaque, le cocon est douillet, et une forme de sensualité bienveillante préserve des griffures du réel.

L’énergie ne manque pas et l’auditeur qui le souhaite peut pousser la vapeur au-delà du raisonnable : jamais le train ne déraillera. Une résolution maitrisée donc, ne mettant jamais en péril un équilibre tonal capable de décourager un inclinomètre…

J’ai déjà deux rubriques d’avance. Il faut dire que, à ce stade de qualité, séparer l’analyse en rubriques ronge la patience…

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Scène sonore :

Dès lors qu’on a soigneusement placé les TAD, la profondeur ne connaît pas de limite.

A preuve la Symphonie Fantastique (celle d’Hector) que nous livrent François-Xavier Roth et Les Siècles, racée, nerveuse, millimétrée où la TAD respecte la méticulosité tout en déjouant la dissection chirurgicale par une idéale posture des instruments – pas tout à fait incarnée, oui, je me répète -, soulignant le sens intuitif des liaisons imprimées par le chef, le dosage des vibratos comme des pics de staccatos au sein d’articulations huilées, la capacité à outrer les climats sans perdre la légèreté poétique de la plume à l’encrier.

J’aurais pu ou dû sélectionner ce disque pour les alliages de sonorités, les nuances des contrepoints qui en font un édifice tanguant sur ses (nos ?) bases.

Je le cite pour la scène sonore qui participe de cette fête hallucinée, jouant de tous les registres, de timbres comme de sentiment, de la passion à l’effroi.

Pouvoir identifier quasiment à vue chacun des musiciens mis en scène par le passionné F-X (le solo de cor dans Rêverie - Passion) habite la scène d’une rare justesse aussi bien par les écarts et perspectives que dans la plausibilité du « redimensionnement » inévitable de la reproduction sonore.

Si, tel un poisson-globe, la TAD Compact Référence One sait doubler de volume à l’écoute, déployer un espace aussi vaste que le firmament, elle n’abuse pas de l’illusion puisque son surdimensionnement n’engendre pas la moindre perte d’ancrage ou d’échelle.

On pourrait penser que le constat sera radicalement différent avec une des adaptations par Cassandra Wilson de Strange Fruit (celle extraite de New Moon Daughter, disque archi-prétentieux d’une inattaquable star qui, avec les années, tourne à la trigauderie) alors que la conclusion est la même : la TAD Compact Référence One TX (…) assène rigoureusement la pitoyable vérité des productions les plus artificielles ; ici c’est la mise en avant outrée de la voix, de la contrebasse et d’une trompette gaguesque qui amusent ou agacent par une présence phénoménale de goitres musicaux dans une totale absence de vraisemblance spatiale. L’atmosphère du studio est parfaitement audible : son mat, propre, très lisible, où chaque intervention est extraite par de grossiers travelings compensés.

Oh, c’est spectaculaire, soit, mais le perfectionnisme de l’enceinte TAD, dont on discerne de plus en plus la vocation de « Moniteur de Studio », ne pardonne pas le mauvais goût spécial audiophile.

Toute la différence avec le travail fait sur la prise 370/902 de Black Trombone : on baigne au cœur de la personnalité du studio, mais le placement et la logique des dimensions, dans ce qui est pourtant un « rough » - comparés avec la piste choisie sur Gainsbourg n° 4 -, gardent le petit doigt sur la couture, où le détourage précis de chaque évènement musical est un univers en soi pourtant intégré dans une logique holistique, en quelque sorte.

De la stabilité immuable des placements des musiciens, la qualité de diction de Gainsbourg ressort magnifiée.

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Réalisme des détails :

 

La réticence face aux attaques trop vives, trop affutées, au profit de la tendreté, se confirme dans l’exercice redoutable de virtuosité (utile au discours) auquel se livrent les quatre dames du Quatuor Ardeo théâtralisant une version particulièrement expressionniste de Black Angels de George Crumb, puissante et engagée (jusque dans les cris qui assument d’être glaciaux).

Pour autant, la lecture transmise par les Compact Référence One xss xss est vive, animée de rebonds, de souples entrechats.

Les TAD semblent avoir pour ordre de surtout ne jamais retrancher une note, un coma, une reprise de souffle, une longueur de note, à condition toutefois de gommer les aspérités, « policer » l’âpreté ou le tranchant de la lame afin de faciliter l’accès à une œuvre aussi crue.

Sorte d’écoute au casque de grand luxe augmentée de la sensation physique d’être submergé par la vague sonore.

C’est un choix « certifié », totalement cohérent de bout en bout, y compris si l’envie vous prend de remplacer les doigts raclant le tableau noir d’un stress assuré par des sensations plus phénoménales ou stomacales en augmentant la puissance d’une énergie toujours molletonnée.

V8 onctueux de forte cylindrée d’une Berline de luxe de préférence au 6 cylindres bi-turbo rageur d’une Alfa-Romeo Giulia Quadrifoglio, la question se pose dès lors que la vérité inconfortable des réseaux routiers n’est plus prise en compte

La métaphore (du casque) n’est pas toujours vérifiée car on verra plus tard que les TAD préfèrent l’ampleur à une trop grande intimité. Autrement dit, amateurs d’écoutes en sourdine, achetez un casque, un vrai. Un bon casque. Parce que, côté timbres, richesse harmonique, jeu de nuances et de teintes, ou sensations ventrales, pour rivaliser avec les Compact Référence, il va falloir s’accrocher !

Intéressant exercice que d’écouter les époustouflants solos (li ?) de saxophone (soprano ou baryton) de Jean-Charles Richard dans Faces en 2005. Si aucune extravagance du musicien, dans sa volonté d’explorer toutes les possibilités de son instrument, ne nous est dissimulée - du zéphyr dans la colonne d’air aux claquements des clefs – jamais le pouvoir analytique ne nuit aux virevoltes coruscantes du virtuose habité ; et si les coups de fouets de quelques enveloppes éclatantes sont un rien lissés ici, profitons-en pour oser l’écoute à niveau « réel » d’un instrument dont la volubilité et la présence sont sidérantes de justesse.

NB : niveau réel ne signifiant pas : manifestation du vrai, illusion récurrente de la Hifi et seulement accessible par des gros systèmes à pavillons. Avec des dommages collatéraux fréquents.

Allons, une fois n’étant pas coutume, je reste dans le jazz, domaine de prédilection des Compact Référence, avec la nouvelle livrée, Papier Ciseau, de Roberto Negro et ses complices très en verve pour seconder (et parfois dépasser) un des pianistes les plus inventifs de sa génération. Les complices étant : Emile Parisien qui trouve parfaitement sa place (par opposition à ses contributions diverses dans le paysage jazz national où il vampirise la scène, interdisant qu’on échappe aux merveilles de phrasés et de couleurs de son génial saxophone), Michele Rabbia (percussions) et Valentin Ceccaldi (le frère de l’autre) au violoncelle…

L’homogénéité parfaite du niveau de transparence élevé de l’enceinte TAD (supérieure, à mon avis, à la grande sœur, Référence One pas compacte) est une des raisons pour laquelle elle est ma préférée de la gamme. Sur ce disque, on n’est pas loin d’une scrutation au microscope, cependant qu’on ne souffre pas du désagréable sentiment - qui pourrait en être le corollaire - d’une écoute froide épluchée au scalpel.

Au contraire, on reste un peu à distance (du microscope ? oui, comme si l’image en était projetée sur un grand écran), grâce à un louable équilibre de confort, un côté très bon élève (de fait pas totalement impliqué…), dans la folie des divagations de Negro (non ce n’est pas politiquement incorrect) et ses compères, ne serait-ce que parce que les appuis de piano roulent légèrement et les harangues de Parisien préfèrent éroder l’incision (le scalpel, voyez ?), au détriment du mordant ou grinçant…

Là encore, une telle inclination permettra aux amateurs de sensations fortes de se lâcher sur le volume pour jouir d’un massage intégral d’énergie veloutée sous les mains expertes d’une Geisha ensorceleuse.

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Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

 

La dynamique sur le fort sympathique album (pas très novateur, on est d’accord) for Jimmy, Wes and Oliver (tout est dans le titre) par le Christian McBride Big Band est sous contrôle, ne s’autorisant jamais des jaillissements intempestifs, au profit d’une énergie sereine, coupleuse et flexible, particulièrement révélatrice des possibilités de l’amplification dont le vainqueur n’est pas forcément celui qu’on croit.

Je veux dire par là que les meilleurs résultats ont été obtenus avec un amplificateur en classe A de 37 W ; comme quoi. Bien sûr avec des amplis franchement plus puissants on a pu monter davantage le niveau, mais au prix d’une dynamique moins épanouie, ce qui est bien dommage. Au risque d’être lourd, il s’agit ici de constater le comportement d’électroniques bêtement puissantes comme l’est un attelage de bœufs. Certainement pas d’impliquer les capacités de l’enceinte.

Ainsi pour revenir au Berlioz de François-Xavier Roth, l’expansion du final explore les raffinements dynamiques dans ses plus complexes sinuosités et figures, et ce dans un maintien aristocratique rejetant paliers ou aboiements inopportuns.

Toutefois, on pourra manquer des déhanchements canailles, de la goguenardise, que la bourgeoisie guindée jalouse secrètement.

Ainsi les musiciens du Big Band de Duke Ellington malaxant « the Moochie », certes très aisés à suivre dans leurs plus folles élucubrations sans surexposition malvenue, sont aussi privés des sourire de 64 dents qui éclaboussent leur musique, concluant la mission confiée à la Compact Référence One TX : décrire la note en prohibant pieusement la faute de goût, l’erreur d’interprétation et le faux pas, quitte à sacrifier le nécessaire engagement qu’on apprécie ou espère (sournoisement ou viscéralement ?) sur diverses musiques.

Le niveau qualitatif atteint est tel qu’on voudrait l’impossible… Le revers de la médaille.

Pour filer la métaphore automobile, quelle enceinte offre le confort fastueux d’une Rolls et les sensations traumatisantes mais si excitantes d’une bagnole de rallye ? Aucune à ce jour !

Deux disques de David Bowie en disent long sur le sujet : si Blackstar nous engonce dans un monde de rigueur installé devant nous, voire autour, où les lignes de chacun des musiciens d’exception, toutefois « codés », sont élucidées avec une irréprochable justesse, incluant la mélancolie de la Star épuisée, « Rock ‘n’ Roll Suicide » (The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars) n’expose que la majesté des arrangements mais accentue la grandiloquence du chant en négligeant la gouaille « à la Piaf » qui habite la verve de l’artiste dans ce monument du Rock.

L’articulation plus « rigoriste », moins joueuse de Kelly Lee Owens (Inner Song) est en revanche un moment de grâce, où l’univers onirique et mystique de la galloise chaudronne dans un bain de bien-être, par le pouvoir de résolution, la profondeur du grave, la sérénité des ictus de notre star du jour.

 

TAD CompactRefOneTX 1

 

Expressivité ou Plaisir subjectif :

 

Dans la coulée de la métonymie du firmament, les TAD savent, tel naguère l’apprenti diamantaire, dénombrer les étoiles, discriminer les volutes nuancées des flambeaux au sein des brumes de la Voie Lactée avec la précision de l’observatoire Alma, assis dans un fauteuil non plus de Première Classe mais de Palace ; soit un rien en retrait de Thomas Pesquet, singe savant du moment (malgré lui ou complice ?) et ses (réels) exploits nous avançant d’un milliardième d’espoir dans la connaissance du Grand Tout (ah zut, le milliardième de l’infini n’est pas un étalon immuable…).

Voyage-t-on dans les étoiles comme des héros des Hamilton, que ce soit Edmond le pionnier rêveur ou Peter F. (non, pas Frampton, un petit effort, s’il vous plaît), le scientifique las des limites de la science des étoiles ou des parenthèses mortelles de sa vie ?

Non.

La politique de TAD pour ses modèles dit Référence n’est en aucun cas destinée à la fantaisie mais au sérieux et à une forme adaptée de bien-être.

Or, la musique n’est pas que « sérieux ».

Un admirateur et même proche de Bernard Haitink - pour ceux qui l’auraient oublié : un des chefs d’orchestres les plus emblématiques du 20ème encore actif et capable de nous surprendre - s’est pris un moufflet en épanchant son émoi à l’issue d’un concert dirigé par son idole au Concertgebouw d’Amsterdam où avait été jouée la 3ème de Mahler : « cher Maître, merci pour le choc émotionnel que vous avez su procurer à cette œuvre, j’en frémis encore » *

* souvenir approximatif mais fidèle. Comme quoi, de l’haute fidélité de la mémoire, il y a beaucoup à dire…

Haitink répond froidement : « Monsieur, mon travail ne consiste en aucun cas à procurer de l’émotion, mais à transcrire le travail d’un compositeur, et je suis navré d’apprendre que vous avez été submergé par vos émotions avec pour conséquence de négliger la hauteur artistique de l’œuvre » *

* souvenir approximatif mais fidèle. Comme quoi, de l’haute fidélité de la mémoire, il y a beaucoup à dire…

Le même Bernard Haitink aurait aussi moqué Leonard Bernstein un jour où, placé au premier rang d’un concert du New York Philharmonic, il aurait entendu celui qui, incontestablement, a révolutionné la musique « classique », peut-être perdu ce soir-là dans sa battue, hurler à ses musiciens : « continuez sans moi, je ne sais plus du tout où j’en suis… »

Ne vous trompez pas : Bernard Haitink est un des chefs « middle of the road » les plus stupéfiants qui soient, son travail sur Mahler, Bruckner, et plus encore Chostakovitch sans aucun équivalent dans une vision eurocentrée, et combien d’autres oublié-je (Wagner !), parmi lesquelles une 9ème de Beethoven gravée à vie dans mon cœur lors d’un concert (en Autriche ?), étant sans aucun conteste un jalon incontournable de l’interprétation moderne.

Mon cœur ? Bernard ne va pas être content…

Moi si : ça me permet de temps à autre, de vérifier que j’en ai un.

Je me contente d’utiliser deux témoignages pour « imager » un rapport à la musique qui est plus celui du musicien cramponné à sa propre genèse que celui du mélomane, exception faite de l’encyclopédiste pour qui l’accumulation de savoir compte plus que la transmission viscérale ; tout en considérant que, malgré lui, l’horrible théoriste Pierre Boulez a parfois comblé les deux versants. Pour ne citer qu’un seul exemple. Politiquement incorrect : remettre en question sa majesté est inadmissible. *

Pourquoi ce long préambule ? Parce que je ne vois pas de meilleure figure de style pour expliquer à ma manière la « doctrine » de la marque TAD dont la Compact Référence One TX est sans conteste la figure de proue.

Objectivement, je penche plutôt vers l’admirateur refroidi par le chef (par ailleurs irréprochable) pour son épreuve émotionnelle à la soumission des tourments de Mahler.

Subjectivement, je n’en respecte pas moins la position de Bernard Haitink, et tant pis si lui-même oublie que sa première proposition d’une intégrale de Mahler avec le Concertgebouw d’Amsterdam chez Decca a connu un succès d’anthologie alors que sa vision murie d’une aperception plus cérébrale du juif autrichien n’a pas pu aller jusqu’au bout avec le Berliner Philharmoniker chez Philips dans les années 90. Faute de public ?

Oui, entre expressivité et plaisir subjectif, la comparaison des deux approches de Haitink avec 20 d’écart n’est la preuve de rien et notamment que l’évolution du marché est aussi responsable que celle de son évolution personnelle.

Ce qui contribue à poser mon « interprétation » des vertus et limites de l’enceinte de référence, selon moi, de TAD : la Compact Référence One TX.

La proposition « sonore » d’une telle réalisation, objectivement irréprochable dans la logique de la marque, n’est pas mon truc à l’arrivée. **

Pour autant, la cohérence absolue d’un objet parfaitement abouti m’impose un respect sans la moindre réserve et je connais tant de nos contemporains qui, à l’exposition intime au sentiment, préfèrent la sensation du grandiose…

Dans cette perspective, souvent partagée dans le haut-de-gamme, la TAD Compact Référence One TX est formellement une des plus enthousiasmantes parce qu’elle n’en fait jamais trop.

J’ai eu le privilège (mais en est-ce un ?) de piloter des Porsche ou Ferrari.

Mais ai-je autant pris mon pied qu’avec une Alfa Romeo Giulia évoquée en cours de texte ? Ou même d’une Subaru de Rallye, une Lotus, que sais-je encore ?

Non !

Si l’on doit continuer la comparaison très masculine de la bagnole, alors que je cherche opiniâtrement la sagesse d’une autre image pour sortir du sexisme typiquement hifiste, peut-être la combinaison des deux se concentre chez Pagani Automobili ?

https://www.pagani.com/

Vous aurez bien compris, mesdames, que je désespère de vous atteindre : une TAD Compact Référence One TX n’est pas pour vous, sauf si votre juste revendication à la différence passe par l’assimilation.

Mouais, l’article a dévié. Mais l’objet du jour relève du prix d’un somptueux bijou.

Or, honnêtement, pour certains, un sac Louis Vuitton est un parangon du mauvais goût.

Voilà : le débat (combat) entre l’objectivité et la subjectivité est posé.

Steven Spielberg ose s’attaquer à West Side Story !

La TAD relèvera-t-elle le défi d’un art voué à la pure émotion qui ne refuse pas l’intelligence sociale de Roméo et Juliette – mythe et réalité reliées par un écrivain du XVIIème siècle - par un retour à Leonard Bernstein évoqué ci-dessus, bousculé par un sommet de l’académisme, Bernard Haitink ?

Les premières images de la version Spielberg (absolument sublimes, telles les ombres projetées à la verticale entre les deux gangs, s’entrecroisant à l’aube du défi pour instaurer la territorialité à la dure !) de la refonte d’un chef d’œuvre multiple (la version scénique comme celle, incommensurable, de Robert Wise) flèche sans aucune hésitation la trajectoire dessinée par Spielberg le grand : il va allier ce qu’il y a de meilleur en son talent lorsqu’il atteint le génie, à savoir la perfection formelle au service des mouchoirs, de la symbolique, de la suggestion intime et de l’intimation à faire cogiter sur la différence entre la réflexion par le point de vue, la distance, et l’émotion brute, incluant la beauté et les dangers de leurs chimères.

Soit : une enceinte TAD ne rentre pas dans mes critères de cœur, de mélomane épris de romantisme digne, de métaphysique, d’hors de soi charnel ou de quasi-fusion entre la part corporelle et la part spirituelle de notre rapport à l’art par opposition à l’onanisme audiophile.

Pourtant, sans aucun doute, j’en mesure le pouvoir de séduction et ne me sens pas en mesure de me pourvoir en procureur ou donneur de leçon face à des objets indubitablement accomplis.

Je n’aurais donc qu’un mot : félicitations !

 

 

Rapport qualité/prix :

 

Dès lors qu’on entre dans la catégorie du Prestige, la liste des fondamentaux impliquant le choix d’un produit face à un autre, Hermès ou Vuitton, Porsche ou Ferrari, mais aussi Issey Myake ou Ermenegildo Zegna (or, dans ma paresse, je néglige les étoiles du moment (ma fiancée va m’en vouloir)) mobilise un rapport si personnel à la marque, son esthétique, sa philosophie, son passé ou son effervescence, qu’il devient indélicat de porter un jugement.

L’image de marque de TAD, la technologie, le haut niveau atteint sur de nombreux critères d’écoute, donc de résultat, face à la médiocrité fréquente mais pas immanente de la concurrence, nous amènent à placer la « Reine Nipponne » vers le sommet du podium… sachant qu’il n’est pas immuable.

DIAMs 6 OR

 

 

j’ai rencontré l’homme un jour, au crépuscule de sa vie, quasi aveugle : nous avons brièvement échangé et j’en suis ressorti profondément bouleversé. Pas de confusion donc : s’il a blessé des artistes sincères par ses prises de position sans appel, il n’en était pas moins un jalon de la relativisation de l’art, à l’instar de Marcel Duchamp dans un autre domaine, qualifié par André Breton « d’homme le plus intelligent du siècle ». Comme quoi, de l’objectivité et de la subjectivité…

** cela étant, mon truc, je le rêve encore, ne l’ayant à ce jour trouvé que de façon fragmentaire, ou alors au prix d’un yacht…


TAD CompactRefOneTX 3

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