Harmonie V3 - Mulidine

Par LeBeauSon - novembre 2017

Nous avons eu le privilège, la joie, d’une écoute à demeure des enceintes de Mulidine récemment primées d’un Diapason d’Or, les Harmonie V3 – (autour de 9 000 €)

Mulidine fait partie de ce cercle très réduit des artisans de la Haute-Fidélité française qui conçoivent patiemment, avec un niveau d’exigence et une constance infiniment louables. Ainsi, les réalisations de la marque souffrent peu de la comparaison avec leurs concurrentes. Elles ne cèdent jamais aux modes et servent avec brio les sens de leurs acheteurs mélomanes.

Fait d’arme, ou trait de caractère du dirigeant/concepteur de Mulidine, Marc Fontaine, les enceintes de la marque ne sombrent jamais dans l’excès, ou la caricature.

Certains regretteront l'effacement apparemment gourmé, probablement perceptible comme un manque de confort. Nous, au contraire, aimons cette rigueur, cette intransigeance permettant d’apprécier l’œuvre sans fard, les musiciens dans l’intimité de la prise de son originelle, et non une réinterprétation fantasmée, surdimensionnée ou joliment colorée.

Mais qu’en est-il de ce modèle roi, cette Harmonie dans sa troisième évolution ?

Première impression et première qualité : ces colonnes donnent envie de battre la mesure, tant elles soulignent le swing.
Le suivi rythmique n’impose aucune concentration particulière, bien au contraire. Le tempo imprègne la pièce. Il est même impossible d’y résister, de ne pas battre du pied, de ne pas bouger la tête ou de n’avoir envie de danser de tout ou partie du corps.
Et cette sensation d’être attrapé par la musique, comme piqué par un étrange sortilège, cette qualité si particulière, loin d’être fréquente, frappe spontanément ici. Un très bon point, puisqu’il se dégage déjà l’essentiel : un indéniable plaisir d’écoute.

Que vous écoutiez du classique ou du jazz, un chanteur à textes ou des œuvres plus contemporaines, vous êtes gagné par le battement, ce cœur vivant, envouté par une irrépressible envie de bouger, de flotter sur les notes.

Deuxième impression : tout est là, richesse harmonique, relief en hauteur, largeur et profondeur, définition, matières, densité, impacts et délicatesse, sans qu’une de ces qualités ne prenne le pas sur les autres. 
Car tout semble juste, à sa place, sans empiéter ni trahir. D’une acuité délicate, les Harmonie ne sombrent pas dans la facilité d’impressionner, de sur-jouer. Une chanteuse n’ouvre pas une bouche de 2 m pour vous dévorer l’oreille : elle sussure ou s'exclame, mais à sa juste mesure ; le piano ne s'étend pas sur 15 m de large, la scène sonore est riche et crédible. Pourtant, cette sensation pleine, ce sentiment de finitude ne se présentent pas immédiatement. Comme nos yeux plongés soudainement dans l’obscurité après une forte lumière ont besoin d’un temps d’acclimatation pour appréhender la profondeur ou les contours ; apprécier ce qui se joue entre ces enceintes demande un petit temps de mise au point, 10 minutes (peut-être).

Troisième impression : ces objets sont d’une telle discipline qu’aucun mauvais enregistrement ne sera épargné, enjolivé.
Une prise de son bâclée sera immédiatement perceptible… trop de rondeur, un manque de définition, tout s’entend. Pour autant, aucune forme de frustration, bien au contraire, voici l’agréable sensation de profiter du meilleur de la retranscription, sa vérité, car si les musiciens ont une histoire à raconter, on l'entendra et tant pis pour la technique. Et lorsqu’on accède aux meilleurs enregistrements, c’est un véritable festin, une gourmandise.

Des manques ? 

Là commence notre analyse en véritable coupeur de cheveux en quatre. Où, comment trouver encore de subtiles critiques face à des colonnes si abouties, si maîtrisées.

Petite remarque liminaire, nous parlons d’enceintes en vente autours de 9 000 €, concurrentes d’objets valant parfois le double de leur prix, voire au-delà. Impossible de les comparer à d’autres produits valant moins de 8 000 €.
Ou alors l’exercice n’a de sens qu’à comparer une paire de Cadence ++, (petites sœurs de la marque) à ces Harmonie, dans une logique de montée de gamme. Et même là, ces deux aboutissements traduisent l’un et l’autre deux volontés différentes, les Cadence ++ étant sciemment extraverties, joueuses, là où les Harmonie se veulent rigoureuses, jansénistes.


Mais alors, qu’allons-nous bien pouvoir reprocher à ces Harmonies V3 ?

Oui, voilà, … à bien y réfléchir, c’est une légère retenue au niveau du haut médium et/ou de l’aigu, sur certaines de nos écoutes qui nous a semblé comme "contenues". Une pointe d’allant, de chatoiement ne nous aurait pas déplu.

Poutant, voilà bien la limite de l’exercice !
Est-ce à mettre au détriment de l’enceinte semblant maîtrisée, ou d’une mauvaise association avec notre amplificateur ? Nos câbles haut-parleur sont-ils à la hauteur des jumelles ? … pas sûr !  

Nous avons bien senti ici combien l’enceinte exprime un fort potentiel et justifie une mise en œuvre soignée, patiente. Vous voilà prévenu : demandez à votre vendeur de révéler les talents de cette belle enceinte, de vous accompagner chez vous pour leurs placements, de vous conseiller les meilleurs choix de câbles… À la fin de ce chemin, vous serez conquis pour longtemps.

Rentrons dans le détail ci-dessous :

SCÈNE SONORE

Comme nous l’exprimions plus haut, n’attendez pas des Harmonie qu’elles sur-jouent. La scène sonore est parfaitement crédible en 3 dimensions.
Chaque musicien retrouve son espace naturel au milieu de ses voisins pour percevoir les différentes parties de l’orchestre sans difficulté ; à noter que cette image ne bouge pas. Les musiciens sont campés à leur place facilitant la restrancription de l'image stéréo en relief.

Sur le Sheherazade de Rimsky Korsakov, dirigé par Yuri Temirkanov, la masse orchestrale est parfaitement positionnée et impressionne par sa puissance sur les passages tonitruants, sans qu’une quelconque confusion fasse perdre la lisibilité des pupitres. Cet ensemble jouie d’une représentation foisonnante et incarnée.

ÉQUILIBRE TONAL & RICHESSE DES TIMBRES

Les Harmonie révèlent de réelles qualités sur ce critère important. Elles retranscrivent l’œuvre idéalement. Mais au-delà de ces qualités premières essentielles, elles réussissent à dessiner les contours dans l’ombre, à habiller les instruments. Nous n’entendons plus un piano, mais un Steinway, pas seulement une guitare, mais la demi-caisse et les larges micros d’une 3.35 Gibson.

Et de fait, s'offre à nous un éclairage nouveau sur nos artistes, permettant d’en comprendre les intentions, la fragilité, l’intimité. Sur le titre Romulus de Sufjan Stevens, toutes les finesses de la voix de l’artiste, ce chuintement de l’air qui passe par les lèvres, jusqu’au claquement de langue permettent de percevoir toute la délicatesse du chant parfois chuchoté. Les guitares, et le Yukule retrouvent toutes leurs harmoniques, de l'éclat jusqu’à la matière des cordes. Magnifique, captivant.

Si ces enceintes privilégient un équilibre spectral retenu, légèrement mat, faisant des écoutes d'infatigables instants de bonheurs, on pourra peut-être regretter une pointe de ciselé, de piquant, sur l’aigu ou le haut médium. Mais elles n’en sont sans doute pas dénuées: la question de l’association et de la mise en œuvre, cet art de l’installation, se pose évidente ici. Une formule 1 réclame quelques ajustements experts pour donner le meilleur d'elle-même.

RÉALISME DES DÉTAILS

Aucun défaut sur ce plan. Les violons, les cuivres, si difficiles à retranscrire, sans agressivité, ni vulgarité, retrouvent leur naturel, leur élégance. L’enceinte ne sombrant jamais dans la facilité de la moindre coloration arrangeante, il se peut que l’on soit décontenancé par cette volonté d'exigence et rigueur. Mais c’est bien une qualité. Ces enceintes ne travestissent pas. Les frappes cognent aux tripes, retrouvent cet impact physique, charnel, indissociable du vivant.
Les instruments plus délicats, comme les cymbales par exemple, chantent magnifiquement, laissant filer une fin de note dense et interminable, signe d’une très haute résolution.

QUALITÉ DU SWING

Comme nous l’évoquions en première impression, ces Harmonie ont appris à chanter en rythme, à traduire l’essentiel, une superbe musicalité au point de réveiller certains désirs irréfrénables.

Aucune afféterie, aucun petit arrangement pour étayer artificiellement des musiciens sans inspiration, soit, mais la révélation du balancement émouvant des meilleurs d'entre eux font rentrer les Harmonie dans la cour peu habitée des enceintes qui honorent la réalité artistique. Pas toujours facile à admettre, mais elles ont raison.

PERCEPTION D’ENSEMBLE

Vous cherchez de fidèles narratrices ?

Attention vous risquez de passer à côté de cette enceinte au profit d’une plus clinquante, d’une plus démonstrative.

Prenez le temps de savourer ces Harmonie V3. Vous pourrez mesurer qu’il ne leur manque rien car, choix de leur concepteur Marc Fontaine, elles s’effacent justement pour mettre la musique au cœur des débats. Tous les instruments retrouvent leurs dimensions, hauteurs, timbres, matières et nous placent dans un tout cohérent … Harmonieux.

Signe particulier à titre anecdotique, nous avons laissé nos morceaux tests jusqu’à la fin de chacun d’eux. Impossible de couper, nous n’en avions pas envie. Impossible de bouder notre plaisir de redécouvrir ce que nous pensions connaitre par cœur.

La magie addictive de ces enceintes opère sans limite.

C’est un fait, Harmonie : un patronyme justifié.