à l’oreille





MAJESTUOSO - Eera
Il faudrait être de totale mauvaise foi pour ne pas apprécier 
l’extraordinaire authenticité musicale de cet appareil

Par LeBeauSon - novembre 2017


ÉCOUTE DU CONVERTISSEUR NUMÉRIQUE VERS ANALOGIQUE (DAC), DE LA MARQUE FRANÇAISE EERA, ENVIRON 7 000 € 

Eera, pour beaucoup, c’est une vieille connaissance.

Il faut dire que ça fait maintenant au moins (au moins) quinze ans que l’agitateur marseillais enchante (les mélomanes) ou agace (les grincheux voire certains concurrents) avec ses lecteurs CD atypiques.

On aura tout entendu sur Eera, le meilleur comme le pire. Ce qui est drôle, c’est que le pire ne repose que sur des rumeurs, des ragots infondés concernant notamment la limite artisanale des conceptions.

C’est ignorer totalement la réalité de l’inventivité permanente de cette petite structure appuyée sur des partenaires divers, puissants pour certains, qui contribuent au développement des produits Eera en mettant à disposition des moyens de calculs, de la matière grise, des ressources techniques et humaines à une petite entreprise considérée comme extrêmement performante et même référente sur certains aspects du traitement du flux numérique et sa gestion en tout point du transfert et de la transformation.

La gestation de la nouvelle gamme Eera a été patiente, même longue, éclipsant la marque pendant plus de trois ans, mais indispensable à Eera pour remettre totalement à plat tout ce que l’industrie croit savoir sur le numérique, les circuits, les alimentations, les flux, en testant patiemment des solutions des plus éprouvées jusqu’aux plus innovantes.

Cette nouvelle gamme est composée de convertisseurs « numérique => analogique » (DAC), dont le rôle, rappelons-le pour les néophytes, est de transformer le flux ou les paquets numériques (attention : il faut les lui faire parvenir via un drive CD, ordinateur, lecteur réseau etc…) qui composent l’essentiel des sources musicales (CD, fichiers musicaux stockés sur disque dur Flac, Wave, MP3, DSD etc… ou en « streaming » direct (Qobuz, Tidal, Deezer etc…)), et de transports CD qui sont donc des lecteurs CD sans convertisseur.

Autrement dit, sans le savoir parfois, vous avez tous déjà eu un DAC ne serait-ce que parce que vous avez tous (ou tous eu) un lecteur CD.

Le Majestuoso est un convertisseur ouvert, auquel on pourra envoyer un signal numérique par de nombreuses entrées de tout type que nous détaillerons dans la partie technique. Je précise dès maintenant qu’une des entrées (I2S) est dédiée à une liaison idéalisée avec les transports CD de la marque, et franchement, ça marche ! Nous en parlerons lors d’un autre compte-rendu d’écoute. Les sorties sont aussi complètes, symétriques et asymétriques.

Visuellement, les nouveaux Eera ne sont pas au standard de la hifi avec leurs 44,4 cm au lieu des 43 habituels, évidemment au profit d’une ligne basse réussie, aux lignes tendues et aux arêtes vives, uniquement proposée en finition anodisée naturelle ; Majestuoso est sobre et discret (à l’exception du logo qu’on ne peut pas rater), ne cherche pas à en imposer, au risque de passer à côté de certains aspects exceptionnels du développement, tels par exemple les 4 sortes d’aluminium utilisés dans le châssis pour repousser tout type de micro-vibrations et ça semble efficace car pour avoir voulu essayer des supports antivibratoires performants, nous n’avons constaté aucune amélioration voire une détérioration.

Proposé dans les 7 000 €, le Majestuoso entre déjà dans une catégorie haut-de-gamme, mais reste loin des sommets sur ce critère alors que nous verrons qu’il les atteint côté reproduction. Mais j’anticipe, j’anticipe…

EERA 1.2 710X467
Majestuoso1 710X467

Caractéristiques techniques

Entrée audio numérique HDMI DSD (type A)

Format d'entrée : PCM Stéréo, DSD Stéréo (natif) 
Fréquences d'échantillonnage PCM : 
44.1 kHz, 48 kHz, 88.2 kHz, 96 kHz, 176.4 kHz, 192 kHz
Résolutions PCM : 16-bit, 24-bit
Fréquences d'échantillonnage DSD : 
2.8224 MHz (DSD64)
Profil : HDMI 1.4a

Entrée audio numérique USB (type B)

Format d'entrée : PCM Stéréo, DSD Stéréo (natif)
Fréquences d'échantillonnage PCM : 
44.1 kHz, 48 kHz, 88.2 kHz, 96 kHz, 176.4 kHz, 192 kHz
Résolutions PCM : 16-bit, 24-bit, 32-bit
Fréquences d'échantillonnage DSD : 2.8224 MHz (DSD64), 5.6448 MHz (DSD128)
Profils : USB 2.0, USB Audio 2.0

Entrées audio numériques Coaxiale, Optique, AES/EBU

Format d'entrée : PCM Stéréo
Fréquences d'échantillonnage : 
44.1 kHz, 48 kHz, 88.2 kHz, 96 kHz, 176.4 kHz, 192 kHz
Résolutions : 16-bit, 24-bit

Sortie audio numérique HDMI I²S (type A)

Format d'entrée : PCM Stéréo
Fréquence d'échantillonnage : 44.1 kHz
Résolution : 16-bit

! A utiliser exclusivement avec un transport EERA (port propriétaire I²S symétrique). 
Ne pas brancher d’autres sources HDMI (lecteurs Blu-Ray etc.)

Sortie audio numérique Coaxiale

Format de sortie : PCM Stéréo
Fréquences d'échantillonnage : 44.1 kHz, 48 kHz, 88.2 kHz, 96 kHz, 176.4 kHz, 192 kHz
Résolutions : 16-bit, 24-bit

Sorties analogiques

Niveau de sortie RCA : 3 Vrms
Niveau de sortie XLR : 3 Vrms (1.5 Vrms par phase)

Caractéristiques audio

Frequency response (20 Hz to 20 kHz), dB : +-0.1
Noise level, dB (A) : -116
Dynamic range, dB (A) : 116
Stereo crosstalk, dB : -111

Dos Majestuoso 710X467

Impressionnant ! 

L’abondance des teintes éclatantes ou pastels émerveille d’emblée, sinuant dans une éclosion infinie de nuances, tonalités et lumières, des plus subtiles aux plus crûes selon les instants musicaux.

Telle plénitude est enivrante alors que l’exposition de l’éventail chromatique est proposée sans la moindre ostentation ou exagération, splendide mais juste, mirifique mais équilibrée.

Naturel, analogique, peu importe le vocable que vous choisirez, on est au cœur de la musique.

L’équilibre tonal revendique sa rectitude sur quelque variation dynamique que ce soit, aucun resserrement tonal, aucune projection sur les forte et aucune perte de précision sur les petits signaux qui préservent les dimensions et la matière des instruments.

La densité des matières ne pose pas de question, l’appareil ne s’impose pas en force et certains nobles collègues s’affirmeront par plus d’autorité, mais le Majestuoso promet des heures et des heures de découverte musicale avec une obsession de vérité sur les délicates transitions des couleurs et lumières.

En cela, la nouvelle gamme semble s’éloigner de l’ancienne qui était plus dans l’affirmation. L’évolution surprend au début, mais le déluge des pépites frémissantes, des élans impeccablement contrôlés font vite oublier le caractère emporté d’antan au profit de la nouvelle orientation plus en sensualité.

La liaison I2S depuis un transport Legato de la marque permet d’extraire des finesses qu’on n’attendait plus du bon vieux CD, mais évidemment l’exploitation de la haute-résolution via l’entrée USB (par exemple) procure un bonheur tel qu’on se demande ce qu’il reste à la lecture vinyle…. Façon de parler, bien sûr.

Mais quand même …

Un excellent fichier DSD natif (Ivan Fischer dirigeant le Budapest Festival Orchestra dans la 9ème de Mahler) mènera au-delà de frontières lointaines par une lisibilité de l’atmosphère, de l’air autour des musiciens, mais de natifs il y en a peu et on va si loin avec des fichiers PCM que franchement, s’inquiéter du DSD est secondaire.


SCÈNE SONORE

Ouverture et ampleur caractérisent un vaste espace sonore, plausible et structuré en largeur et profondeur.

Beaucoup d’air en effet, la compréhension des atmosphères et ambiances crée une vraisemblance des scènes musicales qui permet à l’esprit ou la curiosité de se balader à son gré dans les méandres sonores pour identifier, retrouver, isoler tel ou tel instrument, à sa place, dans son éther propre, sa dimension juste, sa nature concrète. C’est impressionnant sur une symphonie, c’est toujours vrai dans les artifices d’une musique « trop » produite, et si ça ne pardonne pas les approximations techniques ou fautes de goût, la musique reste le grand vainqueur.

A défaut de sculpter fondamentalement les objets dans l’espace, le Majestuoso les matérialise avec aisance, sureté des dimensions, stabilité et précision du positionnement.


RÉALISME DES DÉTAILS

Ben on a un peu tout dit dans la rubrique « timbres » car tout est intimement lié, n’est-ce pas ?
Majestuoso formule une profusion d’informations avec un ordonnancement parfait sans aucune approximation d’éclairage, excès ou simplification.

La transparence du Majestuoso se maintient même lorsque les informations se complexifient, jamais pris en défaut, il décrypte sereinement les pires chaos. Elans violents ou frémissements les plus faibles sont installés dans la même plénitude de densité et lisibilité.

Cette sensation de tout entendre dans l’agencement musical conduit à un moelleux bienvenu (je n’ai pas dit mollesse, aucun rapport), la précision procure aux « Attaque Chute Entretien Extinction » un liant onctueux d’une rare exactitude, et contribue à sublimer l’aspect émotionnel de la musique.

Le Majestuoso refuse les compromis arrangeants, ne vient pas soutenir un grave déficient par un ajout de corps ou lenteur, mais au contraire s’obstine à décrypter toutes les nuances des matières, de l’être humain, la sensualité charnelle, la vérité physique. Souples, changeantes, les courbes orographiques des paysages sont superbement délinées, bravo !

Là encore, on note une rapidité bienveillante, celle qui évite le systématisme des attaques et dévoile quantité de petites choses cachées sans jamais distordre la lumière, celle qui requiert l’ombre pour explorer un sfumato artistique, affinant au mieux le grain de la musique.


QUALITÉ DU SWING

Bien évidemment, cette résolution musicale supérieure établit une ligne temporelle sans faille, un lyrisme délicat, continu, swinguant ou groovant quand il le faut, comme il le faut, faisant fi de toute scansion mécanique, un point extrêmement important, voire fondamental, car beaucoup de ténors du numérique s’y cassent la figure énonçant une cadence prosaïque, dépourvue de ces balancements autour de la note qui est une signature fondatrice de la musique…
Il y a dans le déroulé de panoramas pleins et chantants, une suavité exemplaire, les évolutions de notes, les dégradés dynamiques fins ou éclatants s’articulant en éventail lyrique d’une minutie poignante, probablement là aussi grâce à la rapidité du Majestuoso, clef des fronts d’onde comme des déclinaisons de note et du lien constant.

Majestuoso accompagne les balancements rythmiques d’une agilité de danseur, heurts du hip-hop ou tangage du jazz, les corps bougent, oscillent, bondissent ou s’étirent au gré des plaisirs gourmands des musiques sans frontière.

Et j’aurais du mal à isoler tel ou tel instant musical tant on prend plaisir à enchaîner les opus, les titres, les genres, une ivresse qui en dit long sur le bien-être, le rapport émotionnel à la musique que procure ce bijou.


PERCEPTION D’ENSEMBLE

On l’aura compris, le Majestuoso nous a conquis, pour ne pas dire emballés. De ces appareils trop rares (heureusement ?) que nous, pauvres chroniqueurs, voyons partir à regret : des produits d’exception.
Une machine qui, l’air de rien, nous ramène à ce que devrait être la sensation primordiale à l’écoute de la musique reproduite : le naturel, l’évidence du vrai, la majesté et le panache du vivant.
On pensera ce qu’on voudra de l’esthétique du Majestuoso, mais il faudrait être de totale mauvaise foi pour ne pas apprécier l’authenticité musicale, faite de richesse chromatique et surtout de présence humaine d’une rare intensité qui lui permettrait de revendiquer un prix bien plus élevé dans l’absolu.

Dans la gamme de nos critères, celui primordial de l’expressivité est ici défendu avec verve et brio. Profitez-en !

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