à l’oreille





Serblin & Son Frankie D et D1000

Les oncles de numérique

Par LeBEauSon - Novembre 2021


Un an après la découverte du premier né d’une nouvelle marque, le Serblin & Son Frankie « + », qui nous a incités à créer nos « Diamants sur Canapé », sortent en même temps deux versions plus puissantes sous le même nom (ou presque) et la même livrée.

Prouvant que le coup de maître de Serblin & Son n’était pas un coup de chance. Car les deux challengers sont largement à la hauteur du défi de la puissance et la disponibilité supérieures.

Bilan ?

Ce n’est pas un débat qui pose beaucoup de questions. L’avantage de la fratrie Serblin est que, sauf à être obtus, on trouvera son bonheur à un prix très serré.

La vraie difficulté sera de choisir :

Frankie « + » (ou version pas « + ») : charmeur, indulgent, accompagnant mais pas universel côté puissance.

Frankie D « + » (ou pas « + ») : inspiré et minutieux, moins « joli » mais plus juste que l’aîné, expressif et disponible, il est, des trois faux-jumeaux, possiblement le plus au service de l’art. Mais boudera encore quelques enceintes réfractaires du fait de sa nature physique plus musculeuse que musclée, athlète plus qu’haltérophile.

Frankie D1000 « + » (ou pas « + ») : il est le protecteur de la famille, ne redoute aucun conflit ; mais face à des partenaires moins coriaces que lui, il peut manquer - parfois - de discernement, cependant que, côté assistance, il est taillé pour sortir les comateux de leur impéritie corrélative.

A mon avis, ça vaut un nouveau « Diamant sur Canapé », au moins pour le modèle D.

Oh, et puis pour le D1000 Aussi. A ce prix-là, des objets aussi universels ne sont pas légion.

DIAMs 61 Bleu

 

NB : le code couleur de nos Diamants est toujours un peu problématique pour des objets qui se situent sur la frontière entre deux catégories à savoir Bleu (de 1600 € à 3200 €) et Orange (3200 à 6500 €). J’adopterai donc le même principe que pour le Frankie « + ».

Les prix :

Frankie D « + » : 3 000 €

Frankie D1000 « + » : 3 500 €

FRANKIE D Plus Diam

FRANKIE D 1000 Diam

Il y a maintenant un peu plus d’un an, nous découvrions avec un franc plaisir un appareil d’une marque dont nous n’avions jamais entendu parler, Serblin & Son : l’intégré tout en un Frankie « + » (ou pas « + »).

Franco Serblin n’étant en revanche pas un nom inconnu des audiophiles, faire le rapprochement avec le fondateur entre autres de Sonus Faber n’était pas bien difficile et le nom choisi pour l’appareil, Frankie, suffisait à amorcer le storytelling.

Cette boite à tout faire dans la version « + » (lecteur réseau / DAC / section phono MM/MC / amplificateur) nous avait même tant emballés – aussi bien par sa musicalité quand même rare à son prix et sa bonne bouille qui le destinait à un public large, pas nécessairement averti - que nous avions décidé de créer nos Diamants Sur Canapé pour lui attribuer le premier de notre collection.

Si nous avions une petite réserve à émettre, elle concernait sa puissance disponible qui le privait d’un petit confort d’utilisation et conséquemment réduisait son champ d’action. Par chance, au type d’enceintes que nous avons tendance à privilégier.

Mais alors que, afin d’étendre l’universalité d’emploi, était annoncé un ensemble composé d’un préamplificateur et un amplificateur de puissance, combinaison déjà plus audiophile par la multiplication des boîtes et câbles, apparaissent, sans aucune indication sur le site du fabricant, deux nouveautés exactement dans le même boitier que le Frankie, qui, de fait, s’appellent :

Frankie D, donné pour 2 x 250 W sous 4 ohms

Frankie D1000 pour 2 x 500 W sous 4 ohms, les deux évidemment proposés en version « + », c’est-à-dire avec lecteur réseau et DAC.

Détail curieux : les deux appareils sont annoncés pour 2 x 200 W en 8 ohms.

FRANKIE D Plus 4

FRANKIE D 1000 7

Pas des tonnes d’informations sur ces frangins dont nous apprécions toujours autant la ligne originale – également proposée en noir - qui trouvera sa place dans de nombreux intérieurs chics sans avoir envie de planquer l’abomination hifi.

Tout ce qu’on nous a indiqué, ce sont les prix, respectivement de 3000 € pour le modèle D « + » (soit le même que le Frankie « + » d’origine) et 3500 € pour le D1000 « + » !!!!

Prix toujours aussi difficile à comprendre quand on voit le degré de sophistication de la fabrication de ces engins, et plus encore quand on les écoute.

Traduction : en aveugle, on les aurait estimés plus coûteux.

Le descriptif générique et quelques particularités d’utilisation ayant été racontés dans le BE du Frankie « + », je vous suggère de vous y référer ici :

https://lebeauson.fr/a-l-oreille/183-serblin-son-frankie

La différence majeure entre les trois parents réside dans l’étage de puissance.

Classe A/B pour le Frankie base, ce sont des Classe D (je suppose) à étages de catégorie D (modulation de largeur d’impulsion) pour les D (oh ?) et D1000 qui n’utilisent cependant pas les mêmes modules de puissance, Hypex IcePower pour le D et Pascal Audio pour le D1000.

Certains se demanderont judicieusement pourquoi les mêmes modules « tout faits » utilisés par des marques concurrentes ne sonnent pas à l’identique ? Mmmmh ? Ben précisément parce que personne ne les utilise exactement de la même façon. Etages d’entrée, réglages divers, détails d’alimentations etc… Ah là là…

Après tout, moult appareils utilisent les mêmes transistors et les mêmes schémas, mais…

J’imagine immédiatement l’indignation des aliborons pétrifiés dans leur isolement solipsiste.

Qui vont aussi vitupérer sur les prix.

Mais je m’en fous.

 

FRANKIE D 1000 1

FRANKIE D Plus 1

Contrairement à l’avis du rédacteur en chef (le Boss), j’ai décidé de faire un banc d’essai unique pour les deux appareils, une confrontation directe incluant quelques retours au Frankie « + » d’origine.

Et, considérant tout le bien que nous pensons de la partie lecture réseau / DAC, nous nous sommes concentrés sur l’écoute de la partie amplification.

Ecoutes menées avec DAC Atoll DAC300 et MBL C31, enceintes Living Voice R25, Davis Courbet 8, Mulidine Harmonie « ++ », Dyptique D140, Avantgarde Zero TA XD, Wilson Benesch P1, câbles Legato, Nodal, Absolue Créations, Mudra, Way.

 

FRANKIE D 1000 8

Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

Pourquoi commence-t-on par cette rubrique ?

Parce que, pour ne pas avoir pris garde à un enchainement vertigineux dans la playlist qui défilait (il y a parfois de si violents écarts de niveau entre deux fichiers), j’ai cru que l’énergie déployée soudain par le D1000 sur un titre 6dB (au bas mot) plus haut que le précédent et dont la pression dans le grave est phénoménale, allait faire exploser les enceintes branchées.

Epreuve cardiaque dont je tire un enseignement : si les chevaux annoncés sur la fiche technique du D1000 sont bien présents, ils sont du genre sauvage, évoquant plutôt un troupeau de broncos ombrageux qu’un sage attelage de diligence, comparable à la conséquence d’une totale absence de contreréaction mais avec 500 W ! Je veux dire par là que les haut-parleurs ne sont pas parfaitement mécaniquement verrouillés sur des offensives dynamiques débridées. Attention donc.

Amis néophytes qui n’ont pas compris un mot du paragraphe précédent, la seule question intéressante est : est-ce un défaut à l’usage ?

Non ! Non car à niveau d’écoute commun voire passablement élevé, cet éventuel comportement ne se traduit assurément pas par un registre grave flou ou mou. Bien au contraire. En revanche, lors d’une fête un peu longue avec des copains nombreux et excités où l’on augmente sans cesse le niveau sonore, vous pouvez être sûrs de carboniser vos enceintes.

Le D1000, sur un titre aussi hardi que celui d’Atoms for Peace, Before your very Eyes (Amok), intime une si redoutable efficacité et patate si puissamment les impacts de percussions et stries de graves en tout genre qu’il pourrait déplacer les enceintes dans la pièce (les Living Voice à ce moment-là).

Mais tout cela avec une parfaite maîtrise sonore, aucun débordement, pas une once de gras ni de gonflement pectoral. C’est très étonnant sortant d’un petit machin comme ça, car si les amplis « numériques » que nous connaissons sont effectivement très à l’aise dans le bas du spectre, nous en connaissons peu, notamment le Devialet D220 que je rebranche parfois par dépit, qui soit parallèlement aussi rapide que cogneur.

La conséquence de ces uppercuts diaboliques - vérifiés sur des enceintes plus exigeantes électriquement (des Harmonie V3, dont le rendement est certes élevé mais l’impédance dans le bas plutôt exigeante), ou beaucoup plus gourmandes (les WB P1 que nous avons aussi failli déborder ou des Dyptique DP140) – est sans doute un détourage excessif des musiciens : la voix de Thom Yorke chantant joliment, assurément, est sensiblement surexposée, comme déracinée au sein du mixage ; idem pour la mise en avant de la guitare funky de Nigel Goldrich tandis que l’ensemble ne groove pas autant que ce que l’on connaît des déhanchés du chanteur de Radiohead.

La plus grande souplesse du modèle « D » intensifie moins voix ou guitare au bénéfice d’un balancement plus mobile, plus sinueux, mieux partagé, plus probable entre tous les participants à cette fête musicale.

FRANKIE D 1000 10

On comprend d’emblée la divergence de mission confiée aux deux frérots Frankie, ou trois devrais-je dire : le D1000 sera dédié aux enceintes voilées, lourdaudes, lentes ou simplement énergivores (nanties sans aucun doute d’autres qualités) pour entraîner les timides rougissants sur la piste de danse ou apprendre aux grassouillets à remuer leur popotin.

Le Frankie « base » choisit la voix de l’aimable sérénité, l’élégance et la bienveillance, restant insurpassé de ce point de vue.

Mais le « D » n’est-il pas le plus « juste » des trois ?

Retour au D1000 par un bon vieux Procol Harum : Exotic Birds and Fruits, 1974.

Procol Harum ? Ça ne vous dit rien ?

A Whiter Shade of Pale, méga tube dans les listes des top 100 de tous les temps ? Conquistador ? Ou l’absolument sublime A Salty Dog, y compris - si ce n’est plus encore - dans la version live avec l’Edmonton Symphony Orchestra, perle écrite pour la promotion de Kleenex ! Sublime poème de Keith Reid ramenant à l’Absurde, déchirant d’humanité, chanté avec une poignante conviction par Gary Brooker sur-accompagné par des cordes évoquant les flots mortels… quel moment de grâce…

Bon d’accord, Exotic Birds and Fruits n’est pas du même niveau ; toutefois, jalonnant une volonté du groupe de ne pas se laisser enfermer dans l’image « rock symphonique », l’album marque un retour aux racines du rock avec des chansons couplet/refrain/pont dont toutefois la profusion de digressions instrumentales et d’éclairages harmoniques éclatants dément la facilité. Au moins sur la « face A ».

Là encore, sur Nothing but the Truth, ïambe tordu de Keith Reid, les deux Frankie envoient ! Cette fois du bonheur paradoxal (compte tenu du texte), de la joie de vivre pêchue ; il faut dire que le message musical plutôt dépouillé et montueux au départ sert admirablement la précision « déracinante » du D1000, dont on discerne ici aussi qu’elle procède par mise en lumière profilée aux flashs au détriment d’un certain sens du soyeux et de l’unification définissant le modèle D (ce qui est pour le moins curieux : somme toute la technologie est assez proche), en apparence plus « globalisant » mais aussi plus modulant, plus délié, dans un patchwork d’articulations rythmiques des sous-couches plus éclaboussant de sourires.

Par souci de clarté : la notion du swing sur ce premier titre est ensorcelante parce qu’on sent des musiciens dont la personnalité livre des pensées rythmiques quasi-divergentes - toute en poids de B.J Wilson (batteur efficace de tout temps mais pas léger léger), très vitalisante et carrée de Gary Brooker, plus subtile de Mike Graham et Alan Cartwright -, distinctions que le modèle D saura plus prestement détecter et révéler avec délectation, au profit également d’une aperception fine de l’atmosphère.

Analyse qui ne disqualifie certes pas le D1000.

Soit, la livrée est moins énergisante (et encore) sur D que D1000, mais plus nourrie : la comparaison immédiate fait apparaître que les « matières » des instruments s’illustrent légèrement en creux sur le D1000, trait de caractère qui aide incontestablement sur des enceintes corpulentes ou dédaléennes.

Par exemple, côté motivation des Dyptique, clairement le D1000 prend la main, moins poétique mais plus efficace pour unifier ces transducteurs pas si facilement cohérents.

Côté expression dynamique au sens premier ?

Pas d’avis : nous ne parvenons pas à statuer lors de l’écoute du très « spectaculaire » Concerto pour Violon de Sofia Gubaïdulina, Dialog : Ich und Du, composition récente de l’immense et infatigable compositrice russe, jouée par Vadim Repin, Andris Nelsons et le Gewandhaus Leipzig. Œuvre d’une redoutable force expressive et dramatique où le dialogue du titre semble tourner au conflit tant les percussions et les mugissements menaçants de la maïolique des cuivres assaillent parfois le doux violon, laissant pantois et sous tension permanente dans des alternances dynamiques fulgurantes.

Contrastes en filigranes n’échappant à aucun des deux frères qui savent étager des transferts de masses dynamiques préservant l’équilibre tonal et nous épargnant de sauts de strate en strate ou, à contrario, de la moindre hésitation paresseuse.

 

Frankie D :

DIAMs 3 OR 3 bleu


 

D1000 :
DIAMs 2 OR 4 bleu

FRANKIE D 1000 5

 

Richesse des timbres et équilibre tonal :

Restons sur le Concerto (le 3e) de Gubaïdulina pour féliciter les Frankie de leur aptitude aux teintes variées sur la totalité d’un large spectre, accompagnées d’une densité constante et bienvenue, y compris sur d’importants écarts sonores.

On note toutefois, ce qui se confirme avec l’inclassable album R W who R W de R W who R W, à la fois déclamatoire, incantatoire et mélodieux sous des sonorités instrumentales et synthétiques crispantes, dissonantes pour ne pas dire urticantes - OSNI plutôt hypnotisant et envoûtant -, que si le corps ne fait jamais défaut au D1000, il manque de diversité à la longue, égrenant des matières identitaires et élimant les harmoniques supérieures pour déverser des nappes de saveurs pas idéalement circonscrites, pouvant même se traduire par des petites raideurs sur des enceintes rapides et définies.

Surtout en comparaison avec le « petit D Majuscule », quasiment duveteux (avec les bons câbles HP), capable d’une finesse à décrypter les harmoniques qui toutefois refuse une inutile luminescence cristalline, fondu (au sens « Beaux-Arts ») qui n’est pas sans évoquer quelques appareils à tubes - à l'exclusion de toute répétitivité, ambiguïté ou lenteur -, rendant un hommage plus attentif à l’aspect mystérieux et onirique du même disque bizarre (bon d’accord, pas dans la catégorie des rêves sucrés).

A l’avantage du D1000, on constate (peut-être… Parce que franchement le delta est infime) un équilibre tonal un soupçon plus tendu, se traduisant en contrepartie par des matières passées à la gouge sur des enceintes faciles, toutes considérations nettement relativisées sur des P1 ou des Harmonie base par exemple.

Dans le final du grandissime Octuor D803 de Schubert, les Wigmore Soloists illustrent la capacité à se valoriser mutuellement en jouant de relais de soliste avec aisance et raffinement, ne mettant jamais en péril la structure « symphonique » de l’édifice redoutable qui, par sa longueur et sa complexité, peut vite tourner ennuyeux.

Ce ne sera pas le cas grâce aux excellents musiciens et à la nervosité enjouée des Frankie, dont toutefois les écarts de comportement se discernent de plus en plus explicitement :

Quand l’équilibre tonal incomparablement droit du D1000 évite quelques petites errances ou débuts de rondeur sur quelques instants de la contrebasse ou du cor parfois perceptibles sur le D, celui-ci nous octroie des déploiements de lignes singulièrement veloutés, racés, dans des cheminements de matières un tantinet plus naturelles, plus concrètes.

Dénonce-t-on là une faille du D1000 ?

Non, on souligne tout simplement que le Frankie D est un excellent ampli dans l’absolu et plus encore rapporté à son prix !

Attention en revanche : en dépit d’une puissance annoncée élevée, le Frankie D révèlera sa plénitude expressive plus à fond sur des objets pas « prise de tête » : formidable association par exemple avec les Living Voice R 25 Anniversary.

Équilibre tonal D : 

DIAMs 4 OR 2 bleu

 

 

Équilibre tonal D1000 : 

DIAMs 5 OR 1 bleu

 

 

Richesse des timbres D :

DIAMs 4 OR 2 bleu

 

 

Richesse des timbres D1000 :

DIAMs 3 OR 3 bleu

 

 

Scène sonore :

Rubrique ô combien révélatrice puisque la comparaison des deux appareils fait apparaitre la limite des certitudes de principe.

En effet, alors qu’on a vraiment l’impression que la scène sonore est immuable sur le D1000, et d’une certaine manière, elle l’est : stabilité de piliers de bétons et justesse de fondations inamovible, révélant dans Before your very Eyes de Atoms for Peace une nette précision des placements dans toutes les dimensions, incluant la hauteur, des éclats percussifs ou rythmiques poinçonnant le théâtre de nos perceptions de flèches surprenantes d’acuité, on comprend, en passant au « D », que le petit plus en grain des matières, embelli d’une atmosphère propre aux items sonores, révèle une plus grisante justesse encore, en particulier sur la notion de climat général.

Nouveau passage nostalgique par Premiata Forneria Marconi, avec The Mountain extrait de The World Became The World en 1974 (eh oui encore !), en vinyle.

La scène sonore n’est pas exagérément large, sagement circonscrite dans le cadre des enceintes, proportionnée et plausible sur les deux appareils, moins aérée et avec des réverbérations légèrement écourtées (c’est net sur les chœurs d’introduction) sur D1000 que sur D.

On note à nouveau un aigu plus filé, plus haut et plus plein sur D.

Les modulations un tantinet raides sur le D1000, précisément parce que moins respirantes, n’entachent pas le suivi très facile de la ligne de basse, aussi lyrique qu’un violoncelle.

Toutes constatations qui, une fois encore, s’estompent en passant à nos gourmandes du jour (Dyptique et Wilson Benesch), plus animées et énergiques avec le D1000.

Puisqu’on est en vinyle restons-y avec l’historique Ein Heldenleben, Opus 40 de Richard Strauss par le CSO et Fritz Reiner où le constat est identique : une scène ample cependant toujours dans le cadre des enceintes. Belle distinction des pupitres, des cuivres notamment, luisants et matérialisés, où cette fois encore en passant au modèle D on a l’impression que l’orchestre a ingurgité une pastille pour dégager les bronches, plus spécialement dans le haut du spectre, où les violons deviennent plus moelleux, plus élégants.

Dans les deux cas, l’étagement en profondeur démarre plutôt loin derrière les enceintes dans une notable perspective, très stable qui plus est, des moments les plus tempêtueux (le Héros est parfois tourmenté, à la mode Strauss) aux plus langoureux où le violon susurre des mots d’amour.

Frankie D :

DIAMs 6Bleu

 

 

Frankie D1000 :

DIAMs 5 Bleu 1 gris

FRANKIE D 1000 1

Réalisme des détails :

On appréciera diversement le curieux exercice d’Alex Beaupain qui rejoue, plus qu’il ne reprend, Love on the Beat de Gainsbourg. C’est d’autant plus troublant que, ayant déclenché le disque en streaming sans faire plus attention, il m’a fallu plusieurs minutes pour comprendre de quoi il s’agissait. Je ne suis pas épaté par le résultat et m’interroge sur l’acte artistique que j’assimile, en moins impliquant, à la copie plan par plan de Psycho (Hitchcock) par Gus Van Sant inférant simplement quelques stimuli induits par le besoin inconscient de comparer, se souvenir, estimer la pertinence des disparités au travers du filtre imaginatif de la mémoire.

Mais l’audace a le mérite d’exister et le disque est troublant par ses nappes de cordes qui semblent happées de disques antérieurs du grand Serge…

Via le D1000, ça pousse vraiment côté rythmique, en délivrant des sensations de rapidité et résolution de très bon niveau, même si c’est possiblement obtenu par des fronts d’ondes et enveloppes réitérées, ce qui apparaît lors du face à face avec le modèle D, plus agile et naturel ; alors que ni l’un ni l’autre ne peuvent revendiquer une résolution de folie, la qualité de répartition et échelonnage des informations est telle qu’on n’est jamais frustrés.

J’en profite au passage pour noter un point particulièrement décisif : le D1000 se révèle aussi sur des enceintes pourtant de haut-rendement (même très haut !) : les Avantgarde Zero TA ; sans doute parce que, mieux que moult amplis pourtant plus ambitieux, le D1000 impose une rare unité de l’affirmation musculaire, intégrant beaucoup plus facilement que souvent un grave parfois baladeur et ne forçant pas l’aigu au-delà de ses ressources descriptives : un excellent moment !

La nouvelle production du Doric String Quartet, consacrée à Mendelssohn (Vol. 2), nous permet à nouveau de savourer la très belle unité de cet éternellement jeune et enthousiaste ensemble. Si le Frankie D laisse apparaître, çà et là, de minimes courbures désinvoltes sur le violoncelle, son acuité de haut vol sert la vivacité, les rebonds et l’allégresse, dans des variétés de jeux et d’idées qui subliment le Quatuor n° 2 Op 13 dont l’écriture commet quelques flottements créatifs. On vérifie au passage que la transparence apparemment supérieure du D1000 tient décidément à une intégration discriminée des couleurs, respiration, lyrisme, boisés ou foisonnement rythmique, là où le modèle D est aussi habile, si ce n’est plus, que le Frankie « base » pour définir les modelés ombrés du sfumato artistique. Toutefois, si on peut par comparaison estimer le D1000 plus sec, c’est au sens d’un huilé harmonique moindre, certainement pas de duretés, et D comme D1000 installent une image sonore pour le moins ciselée, correctement répartie et une relative douceur bienveillante.

Au risque de nous répéter, le D1000 saura animer des enceintes moins spontanées et libres que nos repères de cœur en éclairant uniformément les spectres souvent endormis.

Un peu de piano maintenant ; ça faisait longtemps :

La Chaconne de Busoni d’après la Chaconne de Bach extraite de la Partita en ré mineur pour violon, par Hélène Grimaud, où l’on constate sur le D1000 que si les attaques sont bonnes, les notes manquent de détourage et de relief organique, de contour propre. Ou, plus précisément, l’athlète du jour a une légère tendance à se répéter, vernissant sans doute les insistances expressives de l’Aixoise.

La densité est bonne nonobstant les substances plus courtes sur D1000 que sur D, caractérisée dans les deux cas par une totale absence de gras.

Précisons que les deux élèves dénonceront à égalité la différence de l’esprit de la prise de son (et sans doute l’harmonisation de l’instrument) sur un autre disque de piano, intégralement consacré à Busoni par Peter Donohe, avec la Toccata, Adagio et Fugue BV B29 d’après BWV564 de Bach où le Steinway D matérialise une profondeur interne, un poids, une structure mécanique plus combles et un dégagement harmonique supérieur mais un délié toujours un peu moyen sur le D1000, chiche en piqué sur les demi-teintes de l’aigu.

Frankie D

DIAMs 6 Bleu

 

 

Frankie D1000

DIAMs 5 Bleu 1 gris

FRANKIE D 1000 6

Expressivité :

Supposer à la lecture des rubriques ci-dessus que, de ce point de vue conclusif, nous aurons une petite préférence pour le modèle D n’est pas bien risqué.

Le piano d’Hélène Grimaud n’est pas aussi éminemment expressif sur le D1000 que sur le D, du fait d’articulations des lignes de jeu moins sinueuses ou cambrées, d’un moindre ressenti du phrasé et du toucher ; et si la vigueur corpulente est bonne, les résonnances des matériaux sont écourtées.

Et peut-être profite-t-on un peu moins de la manière facétieuse et souvent contestée dont la pianiste aux loups n’hésite pas à enchaîner des ricochets parfois jazzy, bondissants, joueurs, à une dramatisation brahmsienne, funèbre, impressionnante de poids psychique et physique. Surtout quand on connaît le gabarit de la dame.

Sur un fort beau fichier DSD des Quattro Pezzi Sacri de Verdi par Carlo-Maria Giulini en 1964 avec le Philharmonia Choir et Orchestra et Dame Janet Baker (Te Deum), le  Serblin Frankie D nue une grande douceur et onctuosité organique des chœurs, tout simplement humains, touchants, affinées par une excellente différentiation toujours ardue des sopranos et altos, et un remarquable détachement des syllabes et même des labiales : une si vigoureuse qualité d’expressivité pour un ampli « à transistors » (oui, oui, on sait) de ce prix, obtenue sans la tricherie du plus beau que nature laisse perplexe, et bien sûr rend la tâche un peu plus ardue au D1000 sans que pour autant il démérite le moins du monde.

Frankie D

DIAMs 5 OR 1 bleu

 

 

Frankie D1000

DIAMs 6 Bleu

 

 

Plaisir subjectif :

Ce n’est pas un débat qui pose beaucoup de questions. L’avantage de la fratrie est que, sauf à être obtus, on trouvera son bonheur à un prix très serré. La vraie difficulté sera de choisir :

Frankie « + » (ou pas « + ») : charmeur, indulgent, accompagnant mais pas universel côté puissance.

Frankie D « + » (ou pas « + ») : inspiré et minutieux, moins « joli » mais plus juste que l’aîné, expressif et disponible, il est, des trois faux-jumeaux, possiblement le plus au service de l’art. Mais boudera encore quelques enceintes réfractaires du fait d’une nature physique plus musculeuse que musclée.

Frankie D1000 « + » (ou pas « + ») : il est le protecteur de la famille, ne redoute aucun conflit ; mais face à des partenaires moins coriaces que lui, il peut manquer - parfois - de discernement, cependant que, côté assistance, il est taillé pour sortir les comateux de leur impéritie corrélative.

DIAMs 5 OR1bleu

 

 

 

Rapport Qualité/Prix :

Un reproche donc ? L’embarras du choix !

Pas toujours facile.

Certains préfèreront systématiquement la formule du jour au menu à la carte.

Aucun risque d’erreur néanmoins : à ce prix-là, les trois rejetons de Serblin & Son tiennent de l’aubaine

DIAMs 6 OR 1 bleu

FRANKIE D 1000 4

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