Oleś Brother & Christopher Dell - Górecki Ahead
Parution chez Audio Cave le 6 avril 2018 - Genre : Jazz
En hommage à leur compatriote Henryk Mikołaj Górecki (1933-2010), les frères Oleś (Marcin à la contrebasse et Bart(łomiej) à la batterie), ont invité Christopher Dell (vibraphone) pour un disque d’une louable originalité et d’une profusion musicale qui relève du miracle.
Depuis longtemps, j’apprécie le travail des deux frangins Oleś, que ce soit au profit de leur invité d’un instant (un moment hallucinant en compagnie de Jean-Luc Cappozzo (Suite for trio+) entre autres) ou dans des ensembles atypiques (un des sommets reste Chamber Quintet), ou tout simplement en duo.
Mais la livrée Górecki Ahead relève de l’exception.
Jazz contemporain ou autre étiquette, on s’en contrefout ! La musique, l’inventivité, l’audace, l’humour, la dramaturgie s’enchaînent, se croisent dans des divagations ou des agencements sidérants de virtuosité qui à aucun moment n’est au service d’elle-même mais de l’art avec un très grand M ! Euh, A…
D’autant plus surprenant en ce qui me concerne que je ne suis pas un admirateur fervent de la musique de Górecki.
Christopher Dell éblouit : son élégance aux maillets transforme l’instrument en véritable clavier confié à un pianiste doté d’une exceptionnelle main droite, qui s’amuserait de mélodies enchevêtrées d’idées au cœur de chaque mesure.
Le toucher de batterie de Bart, toujours aussi varié, aussi délicat, parvient à ne jamais se répéter en dehors de séquences destinées à recadrer l’épopée au sortir de lyriques ou frénétiques envolées de ses comparses. Le son vraiment unique du frérot Marcin, notamment lors de prises d’archet qui gratifient sa contrebasse d’au moins autant de finesses de teintes et de textures qu’un violoncelle, déclame des évolutions rythmiques si loin des standards asphyxiant de la rythmique à l’américaine.
On pourrait craindre la répétition ou l’ennui dans un tel exercice, mais non, précisément jamais : variations, contrastes, réinventions permanentes (comparer Old Polish Music à Genesis III est un voyage en soi) transforment cette réunion de talents en parenthèse surnaturelle… La ferveur d’un instant s’oppose à la concentration de la délicatesse du suivant, le bruitisme coupe les pages harmonieuses, les chants de batterie vogue sur l’océan imaginaire de la contrebasse, et le vibraphone creuse des sillons fertiles ou s’enfuit au-dessus des nuages d’un coup de rein divin !
La musique, la musique, la musique…
Le tout servi par une prise de son très soignée, qui, si elle met en place une curieuse scénographie (impression que Dell nous tourne le dos (je parle des déclinaisons aigues vers graves)), placement un peu curieux aussi des fûts de batterie, n’empêche pas l’ensemble d’être à la fois cohérent et méticuleux, timbres, touchers, matières sont impeccables.
Petit regret : pas de HR.
Pas grave, un tel sommet musical domine la technique.