In Love With - Coïtus Interruptus – 2016 Atypeek Music
Par leBeauSon dans le BE Kondo G70 + Melius - Mars 2023
In Love With, c’est le nom de la formation de jazz contemporain qui réunit le fantasque Sylvain Darrifourq et les non moins géniaux lurons frères Ceccaldi : Théo au violon et Valentin au violoncelle, et c’est exactement ce que je ressens à chaque seconde de transe assénée par le difficilement cernable Coïtus Interruptus…
Pépite musicale picaresque qui pourrait exiger du système de reproduction un tamis particulièrement affinant tant le terreau est dense.
Revendiquant l’inspiration littéraire (Darrifourq cite William Faulkner, Samuel Beckett ou « l'évitement du point d'arrivée »), cette page hautement expérimentale en une seule piste (certes chapitrée) est aussi biscornue pour les musiciens que pour les auditeurs, où la concentration est requise en permanence, agitant nos neurones aussi caricaturalement que des marionnettes prises dans une tempête d’« élucubrations sérieuses » sans laisser le temps de respirer ni surtout d’anticiper l’œil du cyclone où on reprendra son souffle : le démarrage par un ostinato de violon (passerelles jalonnant le trajet de l’œuvre) déboule fissa via des rafales de batterie sur des jaillissements vigoureusement imaginatifs, ininterrompus, faits de fractionnements rythmiques vertigineux, syncopes abrasives, salves éparpillées, glissantes ou concentrées des trois musiciens exaltés, usant de toutes les ficelles possibles de leurs instruments, timbres, matières, déformations et distorsions agressant jusqu’aux mâchoires, où des ruptures brutales côtoient quelques leitmotivs ou des boucles étourdissantes dont une nerveuse et très longue, au trois/quart de l’œuvre, qui, d’abord réjouissante, dure, dure (moins qu’au concert !) jusqu’à la nausée et dure encore jusqu’à l’obnubilation au point que l’on perd l’équilibre lorsque, soudain, elle s’interrompt…
Le génie excentrique (subversif) de Darrifourq parvient à tenir l’ensemble fragmenté dans une parfaite cohésion musicale, décapante, certes, sans frontière, certes, mais dont les plus inimaginables divagations sont fignolées sous la concentration d’un maître-horloger…
Il y a mille manières d’admirer ce bijou de création ; nous l’avons redécouvert via un ensemble ne facilitant pas les choses en les ouvrant toutes à notre moi émotionnel ou psychologique ou névrotique, imprimant en outre une pression corporelle impensable où les frappes de batterie claquent sur la peau plus outrageusement que des fouets alors que certaines attaques des cordes laminent les sens. Ce qui n'était pas gagné car la captation manque hélas de relief interne.
Ce qui est sûr aussi, c’est que la révélation d’une telle musique par le même ensemble égale, ou peut-être surpasse celle du concert (il se trouve que j’ai assisté à une représentation, placé à quelques mètres des musiciens) par la possibilité rarissime donnée à l’esprit de se balader partout et à son gré dans les méandres d’humour et de délire jamais frivoles et au contraire d’une rigueur absolue des trois complices plus que survoltés.