SÉLECTION DE DISQUES





Torres 

Three Futures

Paru chez 4AD en septembre 2017  - Genre : Rock alternatif et Indé


J’étais curieux de savoir ce que cette jeune femme (Mackenzie Scott) allait pouvoir faire après le très réussi et engagé « Sprinter ».

Alors que les textes évoquent, semble-t-il « l’utilisation du corps comme un engin austère où le plaisir, le désir et l’absolution sexuels sont abordés de front, sans aucune pudeur ! » (Stéphanie Des Lauriers) - quel programme !

La tonalité générale de album, obscure et ravageuse, est moins nerveuse, « agitée » voire passionnée (au sens d’une excitation contestataire) que le précédent, mais posée, presque calme, ce qui n’empêche pas quelques instants fusant d’énervement, ainsi Helen in the Woods ou Concrete Ganesha où la voix robuste martèle des évocations licencieuses sans équivoque.

Personnellement, j’y ressens une forme de maturité qui sait que la revendication n’est pas qu’un cri permanent.

La passion s’exprime alors en habitant une voix profonde, suave, d’une puissance contenue qui la fait groover et vibrer sombrement dans des douceurs mélodiques autoritaires, échafaudées, ensorcelantes sans hésiter parfois à cracher la rage, l’acidité, mais toujours sous contrôle.

L’univers sonore, très homogène, personnel, imaginatif sans chercher à révolutionner, s’épaule sur des boucles solides, simples, évoquant la gravité, jusqu’à la solennité, nettes et tranchées évitant toute surcharge contrairement à ma succession d’épithètes, mettant en valeur des mélodies absolument divines qui font de l’étrange dame blonde une songwriter de premier rang.

Aucune répétitivité, les rythmes s’affirment d’une chanson à l’autre, les arrangements progressent nerveusement ou subtilement au sein de chaque titre évoluant pourtant le plus souvent dans les profondeurs d’un océan huileux, oblong et mystérieux, guitares abrasives, percus boisées et obsessionnelles ornementent un univers totalement fabriqué, merveilleusement artificiel et si on peut sentir quelques influences (dont probablement Annie Clarke (écoutez Skim)) TORRES maîtrise sans aucun doute les limites de son domaine, envoutant, fascinant même, parfois nous tenant dans un étau angoissant par une répétitivité intelligente de coups et courbes obscures et opulentes.

Ainsi les superbes Skim, GreenerStretch, obsédant, l’onirique Marble Focus, et l’entêtant et engluant To Be Given a Body.

Il faut dire que l’album est produit par Rob Ellis, complice de PJ Harvey, pour comprendre sans doute l’aspect un peu ténébreux, mais sans pour autant qu’il y ait la moindre imitation ou redite dans cette superbe fusion de genres entre l’électro sophistiqué (et novateur) et le rock grunge.

La production est très très bien agencée, le son plein et physique, les timbres nets et granuleux à souhait, disponible en 24/44.

Banc ecoute