Paolo Fresu & Uri Caine - 2 Minuettos

Tuk Music Juin 2017 - Jazz contemporain

Ce n’est pas leur première rencontre, soit, mais flotte quand même un parfum d’improbable sur l’association de deux artistes au style aussi résolument hétérogène.

Et pourtant, aucune réserve sur leur série de concerts sur une scène de Milan

Je confesse que je suis peu emballé par les albums dont Fresu est le leader, c’est souvent beau mais ennuyeux.

Quant à Uri Caine, j’adore particulièrement ses pochades démontrant une culture anthologique quand il parodie, sans jamais trahir l’esprit, Mahler ou Bach.

Dans cet accord parfait d’un live inoubliable, il n’y a pas de leader mais des échanges intenses, bienveillants, détendus entre deux grands artistes (car attention, que nous soyons bien d’accord, je considère que Fresu est un immense musicien notamment par son galbe de timbres unique et son phrasé si délicat…) sur des mignardises volées à Bach, Mahler et Gershwin, Joni Mitchell, John Lennon ou Lucio Dalla, c’est dire que ça ratisse large…

Le résultat est emballant, on se laisse happer par la connivence des deux artistes qui papotent complaisamment, refont le monde sans désavouer le passé, un tourbillon d’idées et d’attentions, des changements de tonalité stupéfiants et virtuoses, jamais de rivalité, jamais d’esbrouffe, une totale liberté respectueuse où le lyrisme chaud et élégant de Fresu tourne autour des fantaisies inventives et toujours teintées d’humour de Uri Caine qui ose sans forcer, qui plaisante sans en rajouter, qui honore la suavité harmonieuse, aristocratique de son complice et l’enrobe d’amitié.

Du jazz simple en apparence, qui ne soucie pas de style, qui illumine par ce qui en fait la beauté : le lien humain, la compréhension, le sourire prodigué qui n’est possible qu’à condition de vivre l’instrument et la musique jusqu’au bout de sa sensibilité…

Clairement, c’est le cas, clairement ces deux hommes aiment écouter l’autre, sans malice, sans crainte, sans expectative…

La prise de son est accomplie quoiqu’un peu inconstante, à croire que l’enregistrement a été effectué sur plusieurs soirées, le piano parfois se resserre un peu, moins libre et touffu, mais rien ne vient entacher la verve des deux compères…